Il n'avait fallu qu'un message, qu'un mot.

Les rayons du soleil passaient par la fenêtre, l'air chaud s'engouffrait dans son ouverture. Un léger courant d'air souleva un morceau de couette qui réveilla Lucas. Ce dernier plissa le front, le visage déformé dans une grimace. Son esprit lui semblait flou, lourd et embourbé.

Impossible de mettre de l'ordre dans ces sensations. Une odeur de sueur, de renfermé et de ville se mélangeaient dans la pièce tandis qu'il ouvrait lentement les yeux. Après s'être frotté les paupières du bout des doigts, il se tourna vers sa table de chevet et put y lire la fatidique heure de midi.

Un soupir lui échappa ; depuis quand s'était-il mis aussi mal ?

L'alcool lui avait retiré tout souvenir clair pour les remplacer par d'immondes flashs. Tout était mélangé, mixé dans un amas de sensations et de couleurs.

Soudain, la migraine arriva. Lancinante. Tenace. Lucas geignit un instant avant de remarquer un verre juste à côté de son réveil. Ses sourcils se soulevèrent et il saisit la pilule posée à ses côtés.

Apparemment la personne avec qui il avait passé la soirée était bien attentionnée. Lucas chercha un peu plus loin dans sa mémoire mais rien ne lui revenait. Pas un visage, ni même un nom ne sortait de là.

Constatant que rien n'irait mieux pour l'instant, le youtubeur se contenta d'avaler le médicament et entreprit d'aller prendre une douche. Une fois la gueule de bois calmée il pourrait sûrement se souvenir de quelque chose.

C'était sans compter sur la très mauvaise mémoire dont il faisait preuve ce matin. Même propre, séché, coiffé et réveillé, Lucas ne saisissait toujours pas la raison d'une telle soirée. Il se dirigea alors vers sa cuisine et sortit une tasse pour se faire un café. Même si sa migraine s'était apaisée, un étrange sentiment lui prouvait que la journée allait être longue.

Une fois la tasse bouillante en main, Lucas alla donc s'asseoir à sa table et finit de se masser les tempes. Se souvenir, se souvenir, se souvenir… Pourquoi cela ne venait-il pas ? D'habitude, même après une soirée éméchée il n'avait pas tant de difficultés pour mettre un nom sur ses compagnons. Etait-il avec Raphaël et David ?

Lucas secoua la tête, mouvement qui raviva la douleur. Non, il était convaincu de les avoir vus rentrer retrouver leurs enfants. Cyprien alors ?

Après une goulée de café le jeune homme leva les yeux au plafond, sceptique. Ces derniers temps il était très occupé, il n'aurait jamais été capable de venir boire avec lui.

Mais alors que ses pupilles redescendaient sur la tasse fumante, leur trajectoire rencontra un étrange indice. Lucas tendit le bras et alla saisir le post-it coloré laissé là. Un sourire amusé se dessina sur son visage quand il le lit.

J'ai du boulot ce matin,

J'ai préféré te laisser dormir,

Maxence

Cette fois, le châtain se détendit et reprit son café. Comment avait-il pu ne pas y penser ? Maxence, évidemment. Maxence était passé. Maxence l'avait aidé. Maxence…

Soudain, ses lèvres s'arrêtèrent au bord de la tasse. Ses pupilles se mirent à trembler. Un souvenir flou, bouillant, puissant, remontait avec douceur à la surface. Il traversait lentement l'épais brouillard, poussant vers le haut le reste de la soirée. Celle-ci lui revint, émergea petit à petit, plus claire que jamais.

Merde.

Viens s'te plait

C'était tout ce qu'il avait envoyé.

Lucas se laissa tomber sur son sofa, le teint livide, les yeux secs. Devant lui la bouteille de tequila était déjà à moitié vide. A côté, son téléphone affichait un éternel écran noir. De toute façon il n'y croyait pas. Il n'y croyait plus.

Il était déjà une heure du matin, Maxence avait bien d'autres choses à faire.

Une grimace déforma les traits du jeune homme qui se brisa en deux, les mains sur le visage. Qu'était-il en train de faire ? A quel point était-il tombé bas pour en arriver là ?

Les larmes vinrent lui piquer les yeux mais Lucas les ravala d'un nouveau verre. La gorge lui brûlait, sensation maigrement soulageante qui tirait à chaque fois un peu plus sur ses traits.

Soudain, alors qu'il comatait sur son sofa, la sonnerie de son portable retentit. Lucas se releva en sursaut, la tête dans un état pitoyable.

-Ouais ? bredouilla-t-il d'une voix enrouée.

-J'suis devant.

Les yeux bleus s'écarquillèrent. Il reconnaissait cette voix.

-Ah, euh, ouais, ok, je t'ouvre attends.

Retrouver le bouton fut plus dur qu'il ne l'aurait cru mais enfin, le bip sonore retentit et Lucas rejeta son portable sur le sofa. La panique venait de surgir, assiégeant son estomac d'un typhon de flèches. Il ne s'était sûrement pas attendu à ce que Maxence réponde aussi vite à son appel. Non. Plutôt à ce qu'il réponde tout court en fait.

Que faire maintenant ? Tenter de paraitre sobre ? La bouteille sur sa table basse prouvait l'inverse et son haleine devait être infâme.

Ses yeux se fixèrent une seconde sur l'horloge au-dessus de sa porte. Il n'avait que quelques rares minutes pour construire une histoire potable à raconter.

Il pouvait ranger la bouteille et prétexter une soirée dont il revenait. Il pouvait parler d'une fille qui lui avait encore fait du mal. Il pouvait revenir sur un incident douloureux ou saisir l'excuse de la pression d'internet. De la célébrité. De l'image. Il y avait tant d'histoires possibles !

Pourtant, au moment où la porte s'ouvrit, à l'instant précis où ses yeux tombèrent sur son visage, la paralysie triompha. Lucas ne remarqua ni les étranges mèches bleues, ni le rouge de ses joues, ni la rudesse de son souffle. Il était là. Simplement là. Et c'était tout ce qui lui importait.

Maxence s'avança d'un pas, légèrement surpris. Lucas en recula d'un, tétanisé de peur.

Sa bouche s'ouvrit, essaya d'extirper une phrase, un mot mais rien n'y faisait. Sa gorge s'était serrée d'un coup pour ne plus rien laisser passer. Tout s'était enfermé en lui, enroulé sur lui-même, étouffé par la douleur.

Maxence le remarqua bien et, d'une main qui se voulait rassurante, vint saisir son épaule. Il planta son regard dans le sien et commença, d'une voix douce. Cette voix.

-Lucas, qu'est-ce qui ne va pas ?

L'interpelé sembla se détendre, passant au-dessus du choc. Il leva la tête vers l'ainé et sa bouche s'ouvrit enfin.

-Je… J'en sais rien.

Après cet instant coupé d'oxygène, Lucas était parvenu à se calmer, trainé par un jeune homme bien motivé à lui redonner le sourire. Ils avaient alors passé la soirée à jouer, discuter et le youtubeur but cette fois avec goût et modération. Les traits de ce dernier s'étaient progressivement apaisés pour passer à ceux de la fatigue.

-Tu peux rester dormir si tu veux, il est tard, avait alors proposé Lucas.

Maxence n'avait pas hésité très longtemps, constatant la nuit bien avancée à travers la fenêtre. Une fois les jeans jetés dans un coin de la chambre, les deux jeunes hommes entreprirent alors d'aller dormir. Mission qui se solda par un échec car trente minutes plus tard ils discutaient encore de tout et rien.

L'ainé, allongé sur un matelas juste à côté, les mains sous la tête, hésita un instant. La raison de sa présence ici restait encore étrangère et bien qu'il sache que poser la question n'était sûrement pas une bonne idée, il voulait la poser.

-Eh, Lucas, se lança-t-il alors après une minute de réflexion. T'es sûr tu veux pas me dire ?

Son interlocuteur, qu'il ne pouvait voir, se figea dans son lit, les muscles tendus. Celui-ci bredouilla un instant, soudain mal à l'aise, et la température fit un pique vers le vide.

-On… on devrait dormir, se contenta-t-il de lâcher d'un ton subitement sec.

Maxence n'eut pas le temps de dire quoi que ce soit que sa main s'était jetée sur l'interrupteur de la lampe de chevet.

-Eh, mais…

Trop tard, le noir se fit, profond, impénétrable comme ses secrets.

-Lucas, s'il te plait, insista-t-il malgré tout en se relevant.

Il tâtonna de la main sur le matelas du lit et se hissa à demi dessus. Il n'y avait rien jusqu'à ce que ses doigts rencontrent une chair glacée de peur. Maxence fut surpris par sa température mais l'attrapa malgré tout et tira sur le bras de son ami.

-Eh, tu pleures ? souffla-t-il, étonné, alors que le second se débattait pour qu'il le lâche.

-Mais non, grogna-t-il dans un reniflement évident.

Ses mains voulurent aller sécher ses joues mais Maxence les en empêcha, attirant la grande silhouette jusqu'à lui. Il le saisit dans ses bras, ferme et décidé, les doigts tendrement enroulé autour de sa nuque. Ce qui n'était qu'une courte seconde sembla durer une éternité. Lucas, silencieux, restait piégé dans sa bulle, le souffle court. Il n'osait qu'à peine respirer, de peur d'éclater en pleurs ou en pièces. Seul Maxence le retenait encore en un morceau, de ses bras protecteurs, de ses gestes doux.

-Tout va bien, t'as pas besoin de me dire, murmura-t-il d'un ton doucereux.

Lucas n'y résistait jamais. Il avait toujours les mots, toujours le ton et la tournure de phrase qu'il fallait pour le rassurer. Et en cet instant, il le tenait de toute sa beauté, de sa voix, de sa présence. Il le tenait tout entier.

Lentement, alors que le plus jeune semblait s'être apaisé, Maxence commença à desserrer son étreinte.

-Ça va mieux ? demanda-t-il tout bas tandis que Lucas refusait encore de s'éloigner.

Il n'avait pas envie de partir, pas envie de quitter cette bulle. Bulle de chaleur et de douceur qui semblait lui promettre tout le réconfort dont il avait besoin. Malgré tout, la réalité était là et n'avait aucune pitié, le frappant d'une gifle glaciale. Lucas se redressa alors soudainement, une main dans les cheveux, embarrassé.

-Ouais, ouais, pard-ah.

Les deux garçons se figèrent, au moins autant surpris l'un que l'autre. Dans un geste malencontreux, là, dans cette étreinte si étroite, leurs lèvres s'étaient rencontrées. Ce n'était qu'un frôlement, pas plus épais qu'une feuille et pourtant cela avait suffi pour les clouer sur place. Quelque chose, comme un courant électrique, venait de les saisir.

Les yeux bleus se levèrent, rencontrant la douce obscurité. Une main se leva, timide, hésitante. Elle saisit le menton de Lucas qui cessa de respirer. L'oxygène s'était de nouveau enfui. Maxence s'avança, saisissant alors de lui-même l'instant. Les lèvres se rencontrèrent de nouveau, dures mais sincères.

Le silence menait l'atmosphère, se glissant dans la douceur d'un baiser innocent. Lucas se laissa couler dans une sensation de chaleur qui vint d'abord saisir ses mains, son visage puis son estomac qui se retourna dans une valse.

Le baiser n'avait duré qu'une seconde, pourtant celle-ci s'était allongée encore et encore. Le souffle coupé, Maxence se recula et observa Lucas comme pour jauger sa réaction. C'était sans compter sur le volcan qui venait de naitre dans son ventre.

Le plus jeune s'avança à son tour et déployant toute la longueur de sa colonne vertébrale, vint agripper ses cheveux et l'embrassa. Ses lèvres étaient cette fois brûlantes et Maxence balança la tête en arrière pour ne rien en manquer. Maintenant, il ne voulait plus le lâcher. Il n'allait plus le lâcher.

Ses mains vinrent se glisser sous ses cuisses et le tirèrent à lui jusqu'à l'asseoir sur ses genoux. La sensation était intense, les émotions en pack, tout se balançait dans sa tête à une telle vitesse qu'il ne saisissait plus de quel côté ses pensées allaient.

Leurs barbes frottaient l'une contre l'autre. Lucas empestait l'alcool, Maxence le parfum. Etait-ce le sien ? Ou celui d'une fille qu'il avait aimé plus tôt ? Tout cela ne comptait plus. Là, maintenant, il n'était plus qu'à lui.

Ce dernier tira un peu plus sur ses cheveux emmêlés et une grimace lui fit mordre ses lèvres. Lucas répondit d'un lourd soupir avant d'agripper son t-shirt du bout des doigts. Le bout de tissu enfin envoyé au hasard dans la pièce, Maxence revint vers le plus jeune pour se saisir à son tour de son haut.

La température de la chambre grimpait en pic, rythmée par les râles qui commençaient à s'y soulever. Leurs peaux en contact produisaient une chaleur intense que Lucas refusait de quitter. Au contraire, il en fallait plus, toujours plus alors que sa bouche s'emparait de la sienne.

Le chanteur émit un geignement frustré et alors qu'il faisait enfin glisser sa langue vers la sienne, ses mains s'attaquèrent cette fois au boxer ennemi. Lucas eut un sursaut, se décollant de son visage pour baisser la tête vers l'élastique qui venait d'être soulevé. Mais Maxence, lui, n'hésitait plus, pris dans une tornade d'émotions et de sensations toutes plus intenses les unes que les autres. Il ne savait pas ce qu'il lui prenait et en cet instant, il n'en avait strictement rien à faire. Et étrangement, le cerveau embrumé de Lucas en venait lui aussi à la même conclusion.

C'est sur cet accord commun silencieux que les deux jeunes hommes commencèrent à s'aimer. Les râles se faisaient geignements alors que leurs bouches ne se rencontraient plus qu'à peine. L'air venait à manquer et l'espace semblait se refermer sur eux jusqu'à coller à leurs peaux déjà embrasées. Lucas étouffait, de désir, de plaisir alors qu'il tentait d'être le plus proche possible. Lorsque leurs sexes se rencontrèrent, Maxence redressa brusquement la tête, surpris. La chaleur de bois rencontra celle d'un océan de vagues en furie. Le battement de leurs cœurs retentissait dans la pièce entière. Dance erratique, tel un flamenco qu'ils valsaient à la vitesse d'un baiser.

Lucas déglutit, la tête soudain basse, les joues brûlantes de honte. Il avait bien compris que son entrain l'avait peut-être poussé un peu trop loin. Pourtant, alors qu'il s'apprêtait à reculer, une main le saisit par les reins et amplifia le contact. La deuxième se leva jusqu'au visage de son propriétaire qui cracha dessus, non sans élégance, avant de saisir leurs deux érections.

Un courant électrique puissant passa dans le dos de Lucas qui s'électrisa dans la seconde, excité comme jamais. Laissant quelques gémissements passer la barrière de ses lèvres, il entreprit donc de faire comme Maxence. Malheureusement contrairement à lui, le plus jeune était loin d'avoir sa classe et alors qu'il essayait de cracher, une partie de sa bave lui coula des lèvres.

Les deux garçons frôlèrent l'hilarité, stoppés dans leur action.

-Je sais pas cracher, ricana Lucas tandis que le chanteur lui essuyait le menton.

Enfin, le youtubeur vint joindre sa main à la sienne et le visage en face de lui repris de son sérieux. Celui-ci plongea alors sur ses lèvres humides et Lucas manqua de perdre l'équilibre. L'ainé se mit à les sucer, les mordiller, les maltraiter au rythme de l'étreinte de leurs mains. Leurs doigts s'enlacèrent, synchronisant à la perfection leurs mouvements alors que Lucas se sentait couler toujours plus profond.

La vague chaude qui l'avait pris depuis un moment se mit à le noyer, passant au-dessus de son nez, l'empêchant de respirer. Sa bouche s'ouvrit plus grand, sa voix sortait plus forte, son souffle se faisait bruyant. Il était sur le point d'exploser, de se laisser aller dans cet océan aux teintes sombres. Cet océan que faisait son regard, ses iris foncés, ses traits charmeurs. Là, maintenant, il le trouvait beau. Même sublime.

C'était peut-être ça. Il avait peut-être enfin trouvé son réel éclat. La splendeur de son être.

Soudain, Lucas balança la tête en arrière dans un gémissement plus osé que les autres. Il se sentait venir, se sentait partir, la vague faisant des ressacs de plus en plus loin. Seules les mains de Maxence lui assuraient qu'il était toujours là, qu'il respirait encore dans cette dimension. Et elles ne comptaient pas le laisser partir.

-Je vais… bégaya-t-il en baissant de nouveau la tête vers son ami.

Celui-ci enfouit son visage dans le creux de son cou, les lèvres collées contre sa peau.

-Attends, attends-moi…

La main libre de Lucas se crispa dans les cheveux emmêlés de Maxence alors que ce dernier accélérait les pas de leur danse. Leurs souffles s'élevaient comme un nouveau chant et tandis que le cœur du plus jeune semblait sur le point de céder, la valse atteint son summum.

Les muscles se crispèrent, les dents se serrèrent et les respirations se figèrent dans un instant de perdition. La vague venait de passer, violente, puissante, attrapant, arrachant tout sur son chemin. Les mâchoires de Maxence, qui s'étaient resserrées autour de la peau de Lucas, se détendirent lentement dans un souffle chaud. Un dernier gémissement, un dernier mouvement et il vint saisir sa nuque pour l'embrasser.

Un baiser honnête, doux et sensuel à la fois. Leurs langues se caressèrent une dernière fois et l'instant se brisa.

Lucas retomba en arrière sur le matelas, la respiration erratique, la main sur le cœur. Etait-il réellement capable de battre à une telle vitesse ? Il n'eut pas le temps de répondre à cette question que son estomac se retourna. Un appel urgent qui le fit se lever en trombe et courir jusqu'aux toilettes. La seconde d'après, Maxence pouvait l'entendre vomir.

Celui-ci se saisit des mouchoirs dans la table de chevet et alla s'enquérir de l'état du plus jeune. Ce dernier venait juste de finir et s'était assis par terre quand il lui tendit une bouteille d'eau fraiche.

-Bois, lui conseilla futilement Maxence car Lucas s'en était déjà emparé.

L'ainé lui jeta après quelques mouchoirs qu'il utilisa pour s'essuyer les mains et le visage. Celui-ci se leva vers lui, les traits tirés, et il ne put s'empêcher de rire.

-T'as vraiment besoin de repos, murmura-t-il en saisissant Lucas par le bras, aller viens.

Il l'aida à se relever et le traina vers le lit où tous deux s'écroulèrent dans l'instant, assommés par la fatigue, l'alcool et la tornade. La température dans la pièce s'était elle aussi calmée et la seconde qui suivit, seules leurs respirations apaisées se faisaient encore entendre.

La tasse. La tasse. Elle avait failli s'éclater. Au sol, comme lui, et toutes ces petites pièces qui le composaient. Tout, tout venait de rencontrer la violente réalité. Réalité ? Vraiment ? Etait-il au moins sûr de ne pas avoir halluciné tout ça ?

Lucas lâcha son café, incapable d'avaler ne serait-ce que sa propre salive. Son visage était devenu blafard et maintenant qu'il se souvenait de tout, il aurait préféré couler tout seul dans sa soirée alcoolisée. Pourquoi l'avait-il appelé de toute manière ? Et pourquoi cet abruti avait-il rappliqué ? N'avait-il pas de vie ?!

Le youtubeur se passa une main sur le visage, stupéfait. Non, non. Ce n'était pas ça le problème. Le problème c'était… c'était… Merde.

Il se releva d'un bond, les membres tout tendus, les dents enfoncées dans la lèvre. Il commença à marcher, à tourner en rond, les mains dans les cheveux, incapable de former une pensée correcte.

Comment en étaient-ils arrivés là ? Il était bourré certes mais… mais… est-ce que cela justifiait-il toujours tout ? Cela voulait-il dire qu'il l'aurait fait avec quiconque aurait été là au bon moment ? Il n'y croyait pas et pourtant, si cela était faux, il fallait trouver une raison. Quelque chose qui expliquerait comment cela avait-t-il pu se passer. Comment il avait pu accepter, si rapidement, sans soucis, sans même se poser une seule maigre question. Non, non, au contraire il avait…

Son visage prit une couleur agressive alors qu'il se figeait à cette pensée. Tout s'était arrêté, le flot s'était interrompu à cette violente réalisation. Un barrage, épais, solide, se dressa au même instant et il secoua la tête.

Non, non, ce n'était pas ça. C'était différent. C'était l'ambiance, c'était sa déprime, beaucoup d'alcool et un ami comme Maxence, trop doux dans ses contacts, trop attentionné et sentimental. Lui aussi avait dû s'être laissé entrainer dans le moment. Il avait eu pitié de lui ou s'était lancé dedans sans vraiment s'en rendre compte, embrouillé par l'atmosphère.

C'était ça. Ce n'était qu'un accident. Quelque chose qui pouvait arriver. Et ils allaient passer au-dessus, c'était sûr. Ils étaient amis, proches, ils se connaissaient bien. Ils pouvaient bien se pardonner cette petite incartade. Incartade qui évidemment ne se reproduirait jamais.

Lucas se laissa retomber sur sa chaise et se saisit du café qu'il finit d'une traite. Oui, allez, c'était ça. C'était un moment et cela n'allait en rien affecter leurs vies ou leur amitié. Ils étaient assez matures pour se dire que ce n'était qu'une connerie d'un soir.

Il serait con que cela change quoi que ce soit.

Il n'avait fallu qu'un message, qu'un mot.

Les rayons du soleil passaient par la fenêtre, l'air chaud s'engouffrait dans son ouverture. Un léger courant d'air souleva un morceau de couette qui réveilla Lucas. Ce dernier plissa le front, le visage déformé dans une grimace. Son esprit lui semblait flou, lourd et embourbé.

Impossible de mettre de l'ordre dans ces sensations. Une odeur de sueur, de renfermé et de ville se mélangeaient dans la pièce tandis qu'il ouvrait lentement les yeux. Après s'être frotté les paupières du bout des doigts, il se tourna vers sa table de chevet et put y lire la fatidique heure de midi.

Un soupir lui échappa ; depuis quand s'était-il mis aussi mal ?

L'alcool lui avait retiré tout souvenir clair pour les remplacer par d'immondes flashs. Tout était mélangé, mixé dans un amas de sensations et de couleurs.

Soudain, la migraine arriva. Lancinante. Tenace. Lucas geignit un instant avant de remarquer un verre juste à côté de son réveil. Ses sourcils se soulevèrent et il saisit la pilule posée à ses côtés.

Apparemment la personne avec qui il avait passé la soirée était bien attentionnée. Lucas chercha un peu plus loin dans sa mémoire mais rien ne lui revenait. Pas un visage, ni même un nom ne sortait de là.

Constatant que rien n'irait mieux pour l'instant, le youtubeur se contenta d'avaler le médicament et entreprit d'aller prendre une douche. Une fois la gueule de bois calmée il pourrait sûrement se souvenir de quelque chose.

C'était sans compter sur la très mauvaise mémoire dont il faisait preuve ce matin. Même propre, séché, coiffé et réveillé, Lucas ne saisissait toujours pas la raison d'une telle soirée. Il se dirigea alors vers sa cuisine et sortit une tasse pour se faire un café. Même si sa migraine s'était apaisée, un étrange sentiment lui prouvait que la journée allait être longue.

Une fois la tasse bouillante en main, Lucas alla donc s'asseoir à sa table et finit de se masser les tempes. Se souvenir, se souvenir, se souvenir… Pourquoi cela ne venait-il pas ? D'habitude, même après une soirée éméchée il n'avait pas tant de difficultés pour mettre un nom sur ses compagnons. Etait-il avec Raphaël et David ?

Lucas secoua la tête, mouvement qui raviva la douleur. Non, il était convaincu de les avoir vus rentrer retrouver leurs enfants. Cyprien alors ?

Après une goulée de café le jeune homme leva les yeux au plafond, sceptique. Ces derniers temps il était très occupé, il n'aurait jamais été capable de venir boire avec lui.

Mais alors que ses pupilles redescendaient sur la tasse fumante, leur trajectoire rencontra un étrange indice. Lucas tendit le bras et alla saisir le post-it coloré laissé là. Un sourire amusé se dessina sur son visage quand il le lit.

J'ai du boulot ce matin,

J'ai préféré te laisser dormir,

Maxence

Cette fois, le châtain se détendit et reprit son café. Comment avait-il pu ne pas y penser ? Maxence, évidemment. Maxence était passé. Maxence l'avait aidé. Maxence…

Soudain, ses lèvres s'arrêtèrent au bord de la tasse. Ses pupilles se mirent à trembler. Un souvenir flou, bouillant, puissant, remontait avec douceur à la surface. Il traversait lentement l'épais brouillard, poussant vers le haut le reste de la soirée. Celle-ci lui revint, émergea petit à petit, plus claire que jamais.

Merde.

Viens s'te plait

C'était tout ce qu'il avait envoyé.

Lucas se laissa tomber sur son sofa, le teint livide, les yeux secs. Devant lui la bouteille de tequila était déjà à moitié vide. A côté, son téléphone affichait un éternel écran noir. De toute façon il n'y croyait pas. Il n'y croyait plus.

Il était déjà une heure du matin, Maxence avait bien d'autres choses à faire.

Une grimace déforma les traits du jeune homme qui se brisa en deux, les mains sur le visage. Qu'était-il en train de faire ? A quel point était-il tombé bas pour en arriver là ?

Les larmes vinrent lui piquer les yeux mais Lucas les ravala d'un nouveau verre. La gorge lui brûlait, sensation maigrement soulageante qui tirait à chaque fois un peu plus sur ses traits.

Soudain, alors qu'il comatait sur son sofa, la sonnerie de son portable retentit. Lucas se releva en sursaut, la tête dans un état pitoyable.

-Ouais ? bredouilla-t-il d'une voix enrouée.

-J'suis devant.

Les yeux bleus s'écarquillèrent. Il reconnaissait cette voix.

-Ah, euh, ouais, ok, je t'ouvre attends.

Retrouver le bouton fut plus dur qu'il ne l'aurait cru mais enfin, le bip sonore retentit et Lucas rejeta son portable sur le sofa. La panique venait de surgir, assiégeant son estomac d'un typhon de flèches. Il ne s'était sûrement pas attendu à ce que Maxence réponde aussi vite à son appel. Non. Plutôt à ce qu'il réponde tout court en fait.

Que faire maintenant ? Tenter de paraitre sobre ? La bouteille sur sa table basse prouvait l'inverse et son haleine devait être infâme.

Ses yeux se fixèrent une seconde sur l'horloge au-dessus de sa porte. Il n'avait que quelques rares minutes pour construire une histoire potable à raconter.

Il pouvait ranger la bouteille et prétexter une soirée dont il revenait. Il pouvait parler d'une fille qui lui avait encore fait du mal. Il pouvait revenir sur un incident douloureux ou saisir l'excuse de la pression d'internet. De la célébrité. De l'image. Il y avait tant d'histoires possibles !

Pourtant, au moment où la porte s'ouvrit, à l'instant précis où ses yeux tombèrent sur son visage, la paralysie triompha. Lucas ne remarqua ni les étranges mèches bleues, ni le rouge de ses joues, ni la rudesse de son souffle. Il était là. Simplement là. Et c'était tout ce qui lui importait.

Maxence s'avança d'un pas, légèrement surpris. Lucas en recula d'un, tétanisé de peur.

Sa bouche s'ouvrit, essaya d'extirper une phrase, un mot mais rien n'y faisait. Sa gorge s'était serrée d'un coup pour ne plus rien laisser passer. Tout s'était enfermé en lui, enroulé sur lui-même, étouffé par la douleur.

Maxence le remarqua bien et, d'une main qui se voulait rassurante, vint saisir son épaule. Il planta son regard dans le sien et commença, d'une voix douce. Cette voix.

-Lucas, qu'est-ce qui ne va pas ?

L'interpelé sembla se détendre, passant au-dessus du choc. Il leva la tête vers l'ainé et sa bouche s'ouvrit enfin.

-Je… J'en sais rien.

Après cet instant coupé d'oxygène, Lucas était parvenu à se calmer, trainé par un jeune homme bien motivé à lui redonner le sourire. Ils avaient alors passé la soirée à jouer, discuter et le youtubeur but cette fois avec goût et modération. Les traits de ce dernier s'étaient progressivement apaisés pour passer à ceux de la fatigue.

-Tu peux rester dormir si tu veux, il est tard, avait alors proposé Lucas.

Maxence n'avait pas hésité très longtemps, constatant la nuit bien avancée à travers la fenêtre. Une fois les jeans jetés dans un coin de la chambre, les deux jeunes hommes entreprirent alors d'aller dormir. Mission qui se solda par un échec car trente minutes plus tard ils discutaient encore de tout et rien.

L'ainé, allongé sur un matelas juste à côté, les mains sous la tête, hésita un instant. La raison de sa présence ici restait encore étrangère et bien qu'il sache que poser la question n'était sûrement pas une bonne idée, il voulait la poser.

-Eh, Lucas, se lança-t-il alors après une minute de réflexion. T'es sûr tu veux pas me dire ?

Son interlocuteur, qu'il ne pouvait voir, se figea dans son lit, les muscles tendus. Celui-ci bredouilla un instant, soudain mal à l'aise, et la température fit un pique vers le vide.

-On… on devrait dormir, se contenta-t-il de lâcher d'un ton subitement sec.

Maxence n'eut pas le temps de dire quoi que ce soit que sa main s'était jetée sur l'interrupteur de la lampe de chevet.

-Eh, mais…

Trop tard, le noir se fit, profond, impénétrable comme ses secrets.

-Lucas, s'il te plait, insista-t-il malgré tout en se relevant.

Il tâtonna de la main sur le matelas du lit et se hissa à demi dessus. Il n'y avait rien jusqu'à ce que ses doigts rencontrent une chair glacée de peur. Maxence fut surpris par sa température mais l'attrapa malgré tout et tira sur le bras de son ami.

-Eh, tu pleures ? souffla-t-il, étonné, alors que le second se débattait pour qu'il le lâche.

-Mais non, grogna-t-il dans un reniflement évident.

Ses mains voulurent aller sécher ses joues mais Maxence les en empêcha, attirant la grande silhouette jusqu'à lui. Il le saisit dans ses bras, ferme et décidé, les doigts tendrement enroulé autour de sa nuque. Ce qui n'était qu'une courte seconde sembla durer une éternité. Lucas, silencieux, restait piégé dans sa bulle, le souffle court. Il n'osait qu'à peine respirer, de peur d'éclater en pleurs ou en pièces. Seul Maxence le retenait encore en un morceau, de ses bras protecteurs, de ses gestes doux.

-Tout va bien, t'as pas besoin de me dire, murmura-t-il d'un ton doucereux.

Lucas n'y résistait jamais. Il avait toujours les mots, toujours le ton et la tournure de phrase qu'il fallait pour le rassurer. Et en cet instant, il le tenait de toute sa beauté, de sa voix, de sa présence. Il le tenait tout entier.

Lentement, alors que le plus jeune semblait s'être apaisé, Maxence commença à desserrer son étreinte.

-Ça va mieux ? demanda-t-il tout bas tandis que Lucas refusait encore de s'éloigner.

Il n'avait pas envie de partir, pas envie de quitter cette bulle. Bulle de chaleur et de douceur qui semblait lui promettre tout le réconfort dont il avait besoin. Malgré tout, la réalité était là et n'avait aucune pitié, le frappant d'une gifle glaciale. Lucas se redressa alors soudainement, une main dans les cheveux, embarrassé.

-Ouais, ouais, pard-ah.

Les deux garçons se figèrent, au moins autant surpris l'un que l'autre. Dans un geste malencontreux, là, dans cette étreinte si étroite, leurs lèvres s'étaient rencontrées. Ce n'était qu'un frôlement, pas plus épais qu'une feuille et pourtant cela avait suffi pour les clouer sur place. Quelque chose, comme un courant électrique, venait de les saisir.

Les yeux bleus se levèrent, rencontrant la douce obscurité. Une main se leva, timide, hésitante. Elle saisit le menton de Lucas qui cessa de respirer. L'oxygène s'était de nouveau enfui. Maxence s'avança, saisissant alors de lui-même l'instant. Les lèvres se rencontrèrent de nouveau, dures mais sincères.

Le silence menait l'atmosphère, se glissant dans la douceur d'un baiser innocent. Lucas se laissa couler dans une sensation de chaleur qui vint d'abord saisir ses mains, son visage puis son estomac qui se retourna dans une valse.

Le baiser n'avait duré qu'une seconde, pourtant celle-ci s'était allongée encore et encore. Le souffle coupé, Maxence se recula et observa Lucas comme pour jauger sa réaction. C'était sans compter sur le volcan qui venait de naitre dans son ventre.

Le plus jeune s'avança à son tour et déployant toute la longueur de sa colonne vertébrale, vint agripper ses cheveux et l'embrassa. Ses lèvres étaient cette fois brûlantes et Maxence balança la tête en arrière pour ne rien en manquer. Maintenant, il ne voulait plus le lâcher. Il n'allait plus le lâcher.

Ses mains vinrent se glisser sous ses cuisses et le tirèrent à lui jusqu'à l'asseoir sur ses genoux. La sensation était intense, les émotions en pack, tout se balançait dans sa tête à une telle vitesse qu'il ne saisissait plus de quel côté ses pensées allaient.

Leurs barbes frottaient l'une contre l'autre. Lucas empestait l'alcool, Maxence le parfum. Etait-ce le sien ? Ou celui d'une fille qu'il avait aimé plus tôt ? Tout cela ne comptait plus. Là, maintenant, il n'était plus qu'à lui.

Ce dernier tira un peu plus sur ses cheveux emmêlés et une grimace lui fit mordre ses lèvres. Lucas répondit d'un lourd soupir avant d'agripper son t-shirt du bout des doigts. Le bout de tissu enfin envoyé au hasard dans la pièce, Maxence revint vers le plus jeune pour se saisir à son tour de son haut.

La température de la chambre grimpait en pic, rythmée par les râles qui commençaient à s'y soulever. Leurs peaux en contact produisaient une chaleur intense que Lucas refusait de quitter. Au contraire, il en fallait plus, toujours plus alors que sa bouche s'emparait de la sienne.

Le chanteur émit un geignement frustré et alors qu'il faisait enfin glisser sa langue vers la sienne, ses mains s'attaquèrent cette fois au boxer ennemi. Lucas eut un sursaut, se décollant de son visage pour baisser la tête vers l'élastique qui venait d'être soulevé. Mais Maxence, lui, n'hésitait plus, pris dans une tornade d'émotions et de sensations toutes plus intenses les unes que les autres. Il ne savait pas ce qu'il lui prenait et en cet instant, il n'en avait strictement rien à faire. Et étrangement, le cerveau embrumé de Lucas en venait lui aussi à la même conclusion.

C'est sur cet accord commun silencieux que les deux jeunes hommes commencèrent à s'aimer. Les râles se faisaient geignements alors que leurs bouches ne se rencontraient plus qu'à peine. L'air venait à manquer et l'espace semblait se refermer sur eux jusqu'à coller à leurs peaux déjà embrasées. Lucas étouffait, de désir, de plaisir alors qu'il tentait d'être le plus proche possible. Lorsque leurs sexes se rencontrèrent, Maxence redressa brusquement la tête, surpris. La chaleur de bois rencontra celle d'un océan de vagues en furie. Le battement de leurs cœurs retentissait dans la pièce entière. Dance erratique, tel un flamenco qu'ils valsaient à la vitesse d'un baiser.

Lucas déglutit, la tête soudain basse, les joues brûlantes de honte. Il avait bien compris que son entrain l'avait peut-être poussé un peu trop loin. Pourtant, alors qu'il s'apprêtait à reculer, une main le saisit par les reins et amplifia le contact. La deuxième se leva jusqu'au visage de son propriétaire qui cracha dessus, non sans élégance, avant de saisir leurs deux érections.

Un courant électrique puissant passa dans le dos de Lucas qui s'électrisa dans la seconde, excité comme jamais. Laissant quelques gémissements passer la barrière de ses lèvres, il entreprit donc de faire comme Maxence. Malheureusement contrairement à lui, le plus jeune était loin d'avoir sa classe et alors qu'il essayait de cracher, une partie de sa bave lui coula des lèvres.

Les deux garçons frôlèrent l'hilarité, stoppés dans leur action.

-Je sais pas cracher, ricana Lucas tandis que le chanteur lui essuyait le menton.

Enfin, le youtubeur vint joindre sa main à la sienne et le visage en face de lui repris de son sérieux. Celui-ci plongea alors sur ses lèvres humides et Lucas manqua de perdre l'équilibre. L'ainé se mit à les sucer, les mordiller, les maltraiter au rythme de l'étreinte de leurs mains. Leurs doigts s'enlacèrent, synchronisant à la perfection leurs mouvements alors que Lucas se sentait couler toujours plus profond.

La vague chaude qui l'avait pris depuis un moment se mit à le noyer, passant au-dessus de son nez, l'empêchant de respirer. Sa bouche s'ouvrit plus grand, sa voix sortait plus forte, son souffle se faisait bruyant. Il était sur le point d'exploser, de se laisser aller dans cet océan aux teintes sombres. Cet océan que faisait son regard, ses iris foncés, ses traits charmeurs. Là, maintenant, il le trouvait beau. Même sublime.

C'était peut-être ça. Il avait peut-être enfin trouvé son réel éclat. La splendeur de son être.

Soudain, Lucas balança la tête en arrière dans un gémissement plus osé que les autres. Il se sentait venir, se sentait partir, la vague faisant des ressacs de plus en plus loin. Seules les mains de Maxence lui assuraient qu'il était toujours là, qu'il respirait encore dans cette dimension. Et elles ne comptaient pas le laisser partir.

-Je vais… bégaya-t-il en baissant de nouveau la tête vers son ami.

Celui-ci enfouit son visage dans le creux de son cou, les lèvres collées contre sa peau.

-Attends, attends-moi…

La main libre de Lucas se crispa dans les cheveux emmêlés de Maxence alors que ce dernier accélérait les pas de leur danse. Leurs souffles s'élevaient comme un nouveau chant et tandis que le cœur du plus jeune semblait sur le point de céder, la valse atteint son summum.

Les muscles se crispèrent, les dents se serrèrent et les respirations se figèrent dans un instant de perdition. La vague venait de passer, violente, puissante, attrapant, arrachant tout sur son chemin. Les mâchoires de Maxence, qui s'étaient resserrées autour de la peau de Lucas, se détendirent lentement dans un souffle chaud. Un dernier gémissement, un dernier mouvement et il vint saisir sa nuque pour l'embrasser.

Un baiser honnête, doux et sensuel à la fois. Leurs langues se caressèrent une dernière fois et l'instant se brisa.

Lucas retomba en arrière sur le matelas, la respiration erratique, la main sur le cœur. Etait-il réellement capable de battre à une telle vitesse ? Il n'eut pas le temps de répondre à cette question que son estomac se retourna. Un appel urgent qui le fit se lever en trombe et courir jusqu'aux toilettes. La seconde d'après, Maxence pouvait l'entendre vomir.

Celui-ci se saisit des mouchoirs dans la table de chevet et alla s'enquérir de l'état du plus jeune. Ce dernier venait juste de finir et s'était assis par terre quand il lui tendit une bouteille d'eau fraiche.

-Bois, lui conseilla futilement Maxence car Lucas s'en était déjà emparé.

L'ainé lui jeta après quelques mouchoirs qu'il utilisa pour s'essuyer les mains et le visage. Celui-ci se leva vers lui, les traits tirés, et il ne put s'empêcher de rire.

-T'as vraiment besoin de repos, murmura-t-il en saisissant Lucas par le bras, aller viens.

Il l'aida à se relever et le traina vers le lit où tous deux s'écroulèrent dans l'instant, assommés par la fatigue, l'alcool et la tornade. La température dans la pièce s'était elle aussi calmée et la seconde qui suivit, seules leurs respirations apaisées se faisaient encore entendre.

La tasse. La tasse. Elle avait failli s'éclater. Au sol, comme lui, et toutes ces petites pièces qui le composaient. Tout, tout venait de rencontrer la violente réalité. Réalité ? Vraiment ? Etait-il au moins sûr de ne pas avoir halluciné tout ça ?

Lucas lâcha son café, incapable d'avaler ne serait-ce que sa propre salive. Son visage était devenu blafard et maintenant qu'il se souvenait de tout, il aurait préféré couler tout seul dans sa soirée alcoolisée. Pourquoi l'avait-il appelé de toute manière ? Et pourquoi cet abruti avait-il rappliqué ? N'avait-il pas de vie ?!

Le youtubeur se passa une main sur le visage, stupéfait. Non, non. Ce n'était pas ça le problème. Le problème c'était… c'était… Merde.

Il se releva d'un bond, les membres tout tendus, les dents enfoncées dans la lèvre. Il commença à marcher, à tourner en rond, les mains dans les cheveux, incapable de former une pensée correcte.

Comment en étaient-ils arrivés là ? Il était bourré certes mais… mais… est-ce que cela justifiait-il toujours tout ? Cela voulait-il dire qu'il l'aurait fait avec quiconque aurait été là au bon moment ? Il n'y croyait pas et pourtant, si cela était faux, il fallait trouver une raison. Quelque chose qui expliquerait comment cela avait-t-il pu se passer. Comment il avait pu accepter, si rapidement, sans soucis, sans même se poser une seule maigre question. Non, non, au contraire il avait…

Son visage prit une couleur agressive alors qu'il se figeait à cette pensée. Tout s'était arrêté, le flot s'était interrompu à cette violente réalisation. Un barrage, épais, solide, se dressa au même instant et il secoua la tête.

Non, non, ce n'était pas ça. C'était différent. C'était l'ambiance, c'était sa déprime, beaucoup d'alcool et un ami comme Maxence, trop doux dans ses contacts, trop attentionné et sentimental. Lui aussi avait dû s'être laissé entrainer dans le moment. Il avait eu pitié de lui ou s'était lancé dedans sans vraiment s'en rendre compte, embrouillé par l'atmosphère.

C'était ça. Ce n'était qu'un accident. Quelque chose qui pouvait arriver. Et ils allaient passer au-dessus, c'était sûr. Ils étaient amis, proches, ils se connaissaient bien. Ils pouvaient bien se pardonner cette petite incartade. Incartade qui évidemment ne se reproduirait jamais.

Lucas se laissa retomber sur sa chaise et se saisit du café qu'il finit d'une traite. Oui, allez, c'était ça. C'était un moment et cela n'allait en rien affecter leurs vies ou leur amitié. Ils étaient assez matures pour se dire que ce n'était qu'une connerie d'un soir.

Il serait con que cela change quoi que ce soit.

Il n'avait fallu qu'un message, qu'un mot.

Les rayons du soleil passaient par la fenêtre, l'air chaud s'engouffrait dans son ouverture. Un léger courant d'air souleva un morceau de couette qui réveilla Lucas. Ce dernier plissa le front, le visage déformé dans une grimace. Son esprit lui semblait flou, lourd et embourbé.

Impossible de mettre de l'ordre dans ces sensations. Une odeur de sueur, de renfermé et de ville se mélangeaient dans la pièce tandis qu'il ouvrait lentement les yeux. Après s'être frotté les paupières du bout des doigts, il se tourna vers sa table de chevet et put y lire la fatidique heure de midi.

Un soupir lui échappa ; depuis quand s'était-il mis aussi mal ?

L'alcool lui avait retiré tout souvenir clair pour les remplacer par d'immondes flashs. Tout était mélangé, mixé dans un amas de sensations et de couleurs.

Soudain, la migraine arriva. Lancinante. Tenace. Lucas geignit un instant avant de remarquer un verre juste à côté de son réveil. Ses sourcils se soulevèrent et il saisit la pilule posée à ses côtés.

Apparemment la personne avec qui il avait passé la soirée était bien attentionnée. Lucas chercha un peu plus loin dans sa mémoire mais rien ne lui revenait. Pas un visage, ni même un nom ne sortait de là.

Constatant que rien n'irait mieux pour l'instant, le youtubeur se contenta d'avaler le médicament et entreprit d'aller prendre une douche. Une fois la gueule de bois calmée il pourrait sûrement se souvenir de quelque chose.

C'était sans compter sur la très mauvaise mémoire dont il faisait preuve ce matin. Même propre, séché, coiffé et réveillé, Lucas ne saisissait toujours pas la raison d'une telle soirée. Il se dirigea alors vers sa cuisine et sortit une tasse pour se faire un café. Même si sa migraine s'était apaisée, un étrange sentiment lui prouvait que la journée allait être longue.

Une fois la tasse bouillante en main, Lucas alla donc s'asseoir à sa table et finit de se masser les tempes. Se souvenir, se souvenir, se souvenir… Pourquoi cela ne venait-il pas ? D'habitude, même après une soirée éméchée il n'avait pas tant de difficultés pour mettre un nom sur ses compagnons. Etait-il avec Raphaël et David ?

Lucas secoua la tête, mouvement qui raviva la douleur. Non, il était convaincu de les avoir vus rentrer retrouver leurs enfants. Cyprien alors ?

Après une goulée de café le jeune homme leva les yeux au plafond, sceptique. Ces derniers temps il était très occupé, il n'aurait jamais été capable de venir boire avec lui.

Mais alors que ses pupilles redescendaient sur la tasse fumante, leur trajectoire rencontra un étrange indice. Lucas tendit le bras et alla saisir le post-it coloré laissé là. Un sourire amusé se dessina sur son visage quand il le lit.

J'ai du boulot ce matin,

J'ai préféré te laisser dormir,

Maxence

Cette fois, le châtain se détendit et reprit son café. Comment avait-il pu ne pas y penser ? Maxence, évidemment. Maxence était passé. Maxence l'avait aidé. Maxence…

Soudain, ses lèvres s'arrêtèrent au bord de la tasse. Ses pupilles se mirent à trembler. Un souvenir flou, bouillant, puissant, remontait avec douceur à la surface. Il traversait lentement l'épais brouillard, poussant vers le haut le reste de la soirée. Celle-ci lui revint, émergea petit à petit, plus claire que jamais.

Merde.

Viens s'te plait

C'était tout ce qu'il avait envoyé.

Lucas se laissa tomber sur son sofa, le teint livide, les yeux secs. Devant lui la bouteille de tequila était déjà à moitié vide. A côté, son téléphone affichait un éternel écran noir. De toute façon il n'y croyait pas. Il n'y croyait plus.

Il était déjà une heure du matin, Maxence avait bien d'autres choses à faire.

Une grimace déforma les traits du jeune homme qui se brisa en deux, les mains sur le visage. Qu'était-il en train de faire ? A quel point était-il tombé bas pour en arriver là ?

Les larmes vinrent lui piquer les yeux mais Lucas les ravala d'un nouveau verre. La gorge lui brûlait, sensation maigrement soulageante qui tirait à chaque fois un peu plus sur ses traits.

Soudain, alors qu'il comatait sur son sofa, la sonnerie de son portable retentit. Lucas se releva en sursaut, la tête dans un état pitoyable.

-Ouais ? bredouilla-t-il d'une voix enrouée.

-J'suis devant.

Les yeux bleus s'écarquillèrent. Il reconnaissait cette voix.

-Ah, euh, ouais, ok, je t'ouvre attends.

Retrouver le bouton fut plus dur qu'il ne l'aurait cru mais enfin, le bip sonore retentit et Lucas rejeta son portable sur le sofa. La panique venait de surgir, assiégeant son estomac d'un typhon de flèches. Il ne s'était sûrement pas attendu à ce que Maxence réponde aussi vite à son appel. Non. Plutôt à ce qu'il réponde tout court en fait.

Que faire maintenant ? Tenter de paraitre sobre ? La bouteille sur sa table basse prouvait l'inverse et son haleine devait être infâme.

Ses yeux se fixèrent une seconde sur l'horloge au-dessus de sa porte. Il n'avait que quelques rares minutes pour construire une histoire potable à raconter.

Il pouvait ranger la bouteille et prétexter une soirée dont il revenait. Il pouvait parler d'une fille qui lui avait encore fait du mal. Il pouvait revenir sur un incident douloureux ou saisir l'excuse de la pression d'internet. De la célébrité. De l'image. Il y avait tant d'histoires possibles !

Pourtant, au moment où la porte s'ouvrit, à l'instant précis où ses yeux tombèrent sur son visage, la paralysie triompha. Lucas ne remarqua ni les étranges mèches bleues, ni le rouge de ses joues, ni la rudesse de son souffle. Il était là. Simplement là. Et c'était tout ce qui lui importait.

Maxence s'avança d'un pas, légèrement surpris. Lucas en recula d'un, tétanisé de peur.

Sa bouche s'ouvrit, essaya d'extirper une phrase, un mot mais rien n'y faisait. Sa gorge s'était serrée d'un coup pour ne plus rien laisser passer. Tout s'était enfermé en lui, enroulé sur lui-même, étouffé par la douleur.

Maxence le remarqua bien et, d'une main qui se voulait rassurante, vint saisir son épaule. Il planta son regard dans le sien et commença, d'une voix douce. Cette voix.

-Lucas, qu'est-ce qui ne va pas ?

L'interpelé sembla se détendre, passant au-dessus du choc. Il leva la tête vers l'ainé et sa bouche s'ouvrit enfin.

-Je… J'en sais rien.

Après cet instant coupé d'oxygène, Lucas était parvenu à se calmer, trainé par un jeune homme bien motivé à lui redonner le sourire. Ils avaient alors passé la soirée à jouer, discuter et le youtubeur but cette fois avec goût et modération. Les traits de ce dernier s'étaient progressivement apaisés pour passer à ceux de la fatigue.

-Tu peux rester dormir si tu veux, il est tard, avait alors proposé Lucas.

Maxence n'avait pas hésité très longtemps, constatant la nuit bien avancée à travers la fenêtre. Une fois les jeans jetés dans un coin de la chambre, les deux jeunes hommes entreprirent alors d'aller dormir. Mission qui se solda par un échec car trente minutes plus tard ils discutaient encore de tout et rien.

L'ainé, allongé sur un matelas juste à côté, les mains sous la tête, hésita un instant. La raison de sa présence ici restait encore étrangère et bien qu'il sache que poser la question n'était sûrement pas une bonne idée, il voulait la poser.

-Eh, Lucas, se lança-t-il alors après une minute de réflexion. T'es sûr tu veux pas me dire ?

Son interlocuteur, qu'il ne pouvait voir, se figea dans son lit, les muscles tendus. Celui-ci bredouilla un instant, soudain mal à l'aise, et la température fit un pique vers le vide.

-On… on devrait dormir, se contenta-t-il de lâcher d'un ton subitement sec.

Maxence n'eut pas le temps de dire quoi que ce soit que sa main s'était jetée sur l'interrupteur de la lampe de chevet.

-Eh, mais…

Trop tard, le noir se fit, profond, impénétrable comme ses secrets.

-Lucas, s'il te plait, insista-t-il malgré tout en se relevant.

Il tâtonna de la main sur le matelas du lit et se hissa à demi dessus. Il n'y avait rien jusqu'à ce que ses doigts rencontrent une chair glacée de peur. Maxence fut surpris par sa température mais l'attrapa malgré tout et tira sur le bras de son ami.

-Eh, tu pleures ? souffla-t-il, étonné, alors que le second se débattait pour qu'il le lâche.

-Mais non, grogna-t-il dans un reniflement évident.

Ses mains voulurent aller sécher ses joues mais Maxence les en empêcha, attirant la grande silhouette jusqu'à lui. Il le saisit dans ses bras, ferme et décidé, les doigts tendrement enroulé autour de sa nuque. Ce qui n'était qu'une courte seconde sembla durer une éternité. Lucas, silencieux, restait piégé dans sa bulle, le souffle court. Il n'osait qu'à peine respirer, de peur d'éclater en pleurs ou en pièces. Seul Maxence le retenait encore en un morceau, de ses bras protecteurs, de ses gestes doux.

-Tout va bien, t'as pas besoin de me dire, murmura-t-il d'un ton doucereux.

Lucas n'y résistait jamais. Il avait toujours les mots, toujours le ton et la tournure de phrase qu'il fallait pour le rassurer. Et en cet instant, il le tenait de toute sa beauté, de sa voix, de sa présence. Il le tenait tout entier.

Lentement, alors que le plus jeune semblait s'être apaisé, Maxence commença à desserrer son étreinte.

-Ça va mieux ? demanda-t-il tout bas tandis que Lucas refusait encore de s'éloigner.

Il n'avait pas envie de partir, pas envie de quitter cette bulle. Bulle de chaleur et de douceur qui semblait lui promettre tout le réconfort dont il avait besoin. Malgré tout, la réalité était là et n'avait aucune pitié, le frappant d'une gifle glaciale. Lucas se redressa alors soudainement, une main dans les cheveux, embarrassé.

-Ouais, ouais, pard-ah.

Les deux garçons se figèrent, au moins autant surpris l'un que l'autre. Dans un geste malencontreux, là, dans cette étreinte si étroite, leurs lèvres s'étaient rencontrées. Ce n'était qu'un frôlement, pas plus épais qu'une feuille et pourtant cela avait suffi pour les clouer sur place. Quelque chose, comme un courant électrique, venait de les saisir.

Les yeux bleus se levèrent, rencontrant la douce obscurité. Une main se leva, timide, hésitante. Elle saisit le menton de Lucas qui cessa de respirer. L'oxygène s'était de nouveau enfui. Maxence s'avança, saisissant alors de lui-même l'instant. Les lèvres se rencontrèrent de nouveau, dures mais sincères.

Le silence menait l'atmosphère, se glissant dans la douceur d'un baiser innocent. Lucas se laissa couler dans une sensation de chaleur qui vint d'abord saisir ses mains, son visage puis son estomac qui se retourna dans une valse.

Le baiser n'avait duré qu'une seconde, pourtant celle-ci s'était allongée encore et encore. Le souffle coupé, Maxence se recula et observa Lucas comme pour jauger sa réaction. C'était sans compter sur le volcan qui venait de naitre dans son ventre.

Le plus jeune s'avança à son tour et déployant toute la longueur de sa colonne vertébrale, vint agripper ses cheveux et l'embrassa. Ses lèvres étaient cette fois brûlantes et Maxence balança la tête en arrière pour ne rien en manquer. Maintenant, il ne voulait plus le lâcher. Il n'allait plus le lâcher.

Ses mains vinrent se glisser sous ses cuisses et le tirèrent à lui jusqu'à l'asseoir sur ses genoux. La sensation était intense, les émotions en pack, tout se balançait dans sa tête à une telle vitesse qu'il ne saisissait plus de quel côté ses pensées allaient.

Leurs barbes frottaient l'une contre l'autre. Lucas empestait l'alcool, Maxence le parfum. Etait-ce le sien ? Ou celui d'une fille qu'il avait aimé plus tôt ? Tout cela ne comptait plus. Là, maintenant, il n'était plus qu'à lui.

Ce dernier tira un peu plus sur ses cheveux emmêlés et une grimace lui fit mordre ses lèvres. Lucas répondit d'un lourd soupir avant d'agripper son t-shirt du bout des doigts. Le bout de tissu enfin envoyé au hasard dans la pièce, Maxence revint vers le plus jeune pour se saisir à son tour de son haut.

La température de la chambre grimpait en pic, rythmée par les râles qui commençaient à s'y soulever. Leurs peaux en contact produisaient une chaleur intense que Lucas refusait de quitter. Au contraire, il en fallait plus, toujours plus alors que sa bouche s'emparait de la sienne.

Le chanteur émit un geignement frustré et alors qu'il faisait enfin glisser sa langue vers la sienne, ses mains s'attaquèrent cette fois au boxer ennemi. Lucas eut un sursaut, se décollant de son visage pour baisser la tête vers l'élastique qui venait d'être soulevé. Mais Maxence, lui, n'hésitait plus, pris dans une tornade d'émotions et de sensations toutes plus intenses les unes que les autres. Il ne savait pas ce qu'il lui prenait et en cet instant, il n'en avait strictement rien à faire. Et étrangement, le cerveau embrumé de Lucas en venait lui aussi à la même conclusion.

C'est sur cet accord commun silencieux que les deux jeunes hommes commencèrent à s'aimer. Les râles se faisaient geignements alors que leurs bouches ne se rencontraient plus qu'à peine. L'air venait à manquer et l'espace semblait se refermer sur eux jusqu'à coller à leurs peaux déjà embrasées. Lucas étouffait, de désir, de plaisir alors qu'il tentait d'être le plus proche possible. Lorsque leurs sexes se rencontrèrent, Maxence redressa brusquement la tête, surpris. La chaleur de bois rencontra celle d'un océan de vagues en furie. Le battement de leurs cœurs retentissait dans la pièce entière. Dance erratique, tel un flamenco qu'ils valsaient à la vitesse d'un baiser.

Lucas déglutit, la tête soudain basse, les joues brûlantes de honte. Il avait bien compris que son entrain l'avait peut-être poussé un peu trop loin. Pourtant, alors qu'il s'apprêtait à reculer, une main le saisit par les reins et amplifia le contact. La deuxième se leva jusqu'au visage de son propriétaire qui cracha dessus, non sans élégance, avant de saisir leurs deux érections.

Un courant électrique puissant passa dans le dos de Lucas qui s'électrisa dans la seconde, excité comme jamais. Laissant quelques gémissements passer la barrière de ses lèvres, il entreprit donc de faire comme Maxence. Malheureusement contrairement à lui, le plus jeune était loin d'avoir sa classe et alors qu'il essayait de cracher, une partie de sa bave lui coula des lèvres.

Les deux garçons frôlèrent l'hilarité, stoppés dans leur action.

-Je sais pas cracher, ricana Lucas tandis que le chanteur lui essuyait le menton.

Enfin, le youtubeur vint joindre sa main à la sienne et le visage en face de lui repris de son sérieux. Celui-ci plongea alors sur ses lèvres humides et Lucas manqua de perdre l'équilibre. L'ainé se mit à les sucer, les mordiller, les maltraiter au rythme de l'étreinte de leurs mains. Leurs doigts s'enlacèrent, synchronisant à la perfection leurs mouvements alors que Lucas se sentait couler toujours plus profond.

La vague chaude qui l'avait pris depuis un moment se mit à le noyer, passant au-dessus de son nez, l'empêchant de respirer. Sa bouche s'ouvrit plus grand, sa voix sortait plus forte, son souffle se faisait bruyant. Il était sur le point d'exploser, de se laisser aller dans cet océan aux teintes sombres. Cet océan que faisait son regard, ses iris foncés, ses traits charmeurs. Là, maintenant, il le trouvait beau. Même sublime.

C'était peut-être ça. Il avait peut-être enfin trouvé son réel éclat. La splendeur de son être.

Soudain, Lucas balança la tête en arrière dans un gémissement plus osé que les autres. Il se sentait venir, se sentait partir, la vague faisant des ressacs de plus en plus loin. Seules les mains de Maxence lui assuraient qu'il était toujours là, qu'il respirait encore dans cette dimension. Et elles ne comptaient pas le laisser partir.

-Je vais… bégaya-t-il en baissant de nouveau la tête vers son ami.

Celui-ci enfouit son visage dans le creux de son cou, les lèvres collées contre sa peau.

-Attends, attends-moi…

La main libre de Lucas se crispa dans les cheveux emmêlés de Maxence alors que ce dernier accélérait les pas de leur danse. Leurs souffles s'élevaient comme un nouveau chant et tandis que le cœur du plus jeune semblait sur le point de céder, la valse atteint son summum.

Les muscles se crispèrent, les dents se serrèrent et les respirations se figèrent dans un instant de perdition. La vague venait de passer, violente, puissante, attrapant, arrachant tout sur son chemin. Les mâchoires de Maxence, qui s'étaient resserrées autour de la peau de Lucas, se détendirent lentement dans un souffle chaud. Un dernier gémissement, un dernier mouvement et il vint saisir sa nuque pour l'embrasser.

Un baiser honnête, doux et sensuel à la fois. Leurs langues se caressèrent une dernière fois et l'instant se brisa.

Lucas retomba en arrière sur le matelas, la respiration erratique, la main sur le cœur. Etait-il réellement capable de battre à une telle vitesse ? Il n'eut pas le temps de répondre à cette question que son estomac se retourna. Un appel urgent qui le fit se lever en trombe et courir jusqu'aux toilettes. La seconde d'après, Maxence pouvait l'entendre vomir.

Celui-ci se saisit des mouchoirs dans la table de chevet et alla s'enquérir de l'état du plus jeune. Ce dernier venait juste de finir et s'était assis par terre quand il lui tendit une bouteille d'eau fraiche.

-Bois, lui conseilla futilement Maxence car Lucas s'en était déjà emparé.

L'ainé lui jeta après quelques mouchoirs qu'il utilisa pour s'essuyer les mains et le visage. Celui-ci se leva vers lui, les traits tirés, et il ne put s'empêcher de rire.

-T'as vraiment besoin de repos, murmura-t-il en saisissant Lucas par le bras, aller viens.

Il l'aida à se relever et le traina vers le lit où tous deux s'écroulèrent dans l'instant, assommés par la fatigue, l'alcool et la tornade. La température dans la pièce s'était elle aussi calmée et la seconde qui suivit, seules leurs respirations apaisées se faisaient encore entendre.

La tasse. La tasse. Elle avait failli s'éclater. Au sol, comme lui, et toutes ces petites pièces qui le composaient. Tout, tout venait de rencontrer la violente réalité. Réalité ? Vraiment ? Etait-il au moins sûr de ne pas avoir halluciné tout ça ?

Lucas lâcha son café, incapable d'avaler ne serait-ce que sa propre salive. Son visage était devenu blafard et maintenant qu'il se souvenait de tout, il aurait préféré couler tout seul dans sa soirée alcoolisée. Pourquoi l'avait-il appelé de toute manière ? Et pourquoi cet abruti avait-il rappliqué ? N'avait-il pas de vie ?!

Le youtubeur se passa une main sur le visage, stupéfait. Non, non. Ce n'était pas ça le problème. Le problème c'était… c'était… Merde.

Il se releva d'un bond, les membres tout tendus, les dents enfoncées dans la lèvre. Il commença à marcher, à tourner en rond, les mains dans les cheveux, incapable de former une pensée correcte.

Comment en étaient-ils arrivés là ? Il était bourré certes mais… mais… est-ce que cela justifiait-il toujours tout ? Cela voulait-il dire qu'il l'aurait fait avec quiconque aurait été là au bon moment ? Il n'y croyait pas et pourtant, si cela était faux, il fallait trouver une raison. Quelque chose qui expliquerait comment cela avait-t-il pu se passer. Comment il avait pu accepter, si rapidement, sans soucis, sans même se poser une seule maigre question. Non, non, au contraire il avait…

Son visage prit une couleur agressive alors qu'il se figeait à cette pensée. Tout s'était arrêté, le flot s'était interrompu à cette violente réalisation. Un barrage, épais, solide, se dressa au même instant et il secoua la tête.

Non, non, ce n'était pas ça. C'était différent. C'était l'ambiance, c'était sa déprime, beaucoup d'alcool et un ami comme Maxence, trop doux dans ses contacts, trop attentionné et sentimental. Lui aussi avait dû s'être laissé entrainer dans le moment. Il avait eu pitié de lui ou s'était lancé dedans sans vraiment s'en rendre compte, embrouillé par l'atmosphère.

C'était ça. Ce n'était qu'un accident. Quelque chose qui pouvait arriver. Et ils allaient passer au-dessus, c'était sûr. Ils étaient amis, proches, ils se connaissaient bien. Ils pouvaient bien se pardonner cette petite incartade. Incartade qui évidemment ne se reproduirait jamais.

Lucas se laissa retomber sur sa chaise et se saisit du café qu'il finit d'une traite. Oui, allez, c'était ça. C'était un moment et cela n'allait en rien affecter leurs vies ou leur amitié. Ils étaient assez matures pour se dire que ce n'était qu'une connerie d'un soir.

Il serait con que cela change quoi que ce soit.

Bon voilà un premier chapitre qui pose les bases ! Pour qui ceux qui s'inquiètent de savoir si une fanfiction sera un jour finie - j'en fais bien sûr parti - vous pouvez vous rassurer j'ai déjà tout écrit je publierai le reste de manière régulière.

Beaucou d'amour et d'ouverture d'esprit ! - Nishi