Bonjour, bonjour

Oui, c'est encore moi. Je sais que j'ai déjà Wibbly Wobbly Timey Wimey et I have a dream comme fics en cours mais... je n'arrivais absolument pas à me concentrer sur les chapitres (alors que tout le brouillon est rédigé) avec ce one-shot en tête.

Enfin one-shot... two-shot à présent. D'après mes plans : il était prévu qu'il fasse entre dix et vingt pages. Je trouvais déjà que je visais "grand" à ce moment là mais passons... sauf que je suis déjà à dix-sept pages word et même pas à la moitié de ce que je voulais faire (c'est balaud). Je me suis posée la question jusqu'au dernier moment quant à savoir si, oui ou non, je coupais le one-shot pour le transformer en two-shot.

J'ai finalement décidé de le proposer en temps que TS, craignant que plus ça fasse trop.


Teen Wolf ne m'appartient pas. Ni les personnages, ni les lieux, ni les événements dans ce TS ne m'appartiennent.


Dans les flammes de l'enfer - Première partie


« On chasse ceux qui nous chassent. »

Christopher Argent n'avait jamais songé à remettre en cause le code que l'on cherchait à lui inculquer depuis sa plus tendre enfance. Il n'avait jamais non plus songé à se rebeller contre l'autorité dictatoriale qu'exerçait Gérard, son père, sur le reste de la famille ; il se contentait, tout au plus, de légèrement hausser le ton de temps à autre lorsque le vieil homme commençait un peu trop à parler de l'entraînement-t de la petite Allison.

Le code Argent, le code de sa famille depuis des générations, lui avait toujours semblé bon... et l'était, d'une certaine manière. L'adolescent, puis l'adulte, qu'était Chris s'était toujours assuré qu'un loup était bel et bien coupable des faits dont on l'accusait avant de se mettre en chasse. Si le moindre doute subsistait : alors il restait en arrière, continuait ses investigations et attendait le moment où il serait tout à fait sur de son coup avant de le prendre au piège puis l'éliminer.

Il avait eu des scrupules, au départ. Il avait hésité, au début. Sa main s'était souvent abaissée, incapable qu'il était d'appuyer sur la détente pour prendre la vie d'un autre être humain ( « Non Chris : ce sont des bêtes, des monstres... certainement pas des êtres humains. » s'exclamait alors un Gérard furax). Son bras avait régulièrement faibli, voire flanché dans les pires des cas, avant de se redresser pour finalement éliminer cette menace à laquelle il faisait présentement face. Chaque loup tué était un loup en moins susceptible de s'en prendre à sa fille, c'était ce qu'il se disait pour ne pas finir par se haïr.

L'homme se targuait d'être un homme bien, un homme bon, un homme juste. Quiconque ayant la chance de le connaître pourrait le confirmer : Christopher Argent était un homme que l'on gagnait à connaître. On pouvait lui faire confiance à tous les niveaux et les fois où il avait failli et manqué de perdre sa crédibilité pouvaient aisément se compter sur les doigts d'une main.

- Kate aurait apparemment raté son rendez-vous mensuel avec Gérard, annonça Victoria après avoir vérifié que la petite Allison se trouvait loin d'eux. Elle aurait aussi apparemment promis à son petit-ami d'assister à son match de basket et... ton père aurait apparemment donné sa bénédiction pour ça.

Kate. Sa chère Kate. Sa petite sœur chérie. Si Chris donnerait tout pour sa fille, il n'agirait pas bien autrement pour sa cadette. Il s'était promis de toujours la protéger mais peinait de plus en plus à tenir son engagement... excepté si la protéger d'elle-même entrait en ligne de compte. Plus le temps passait et plus la petite fille qu'il avait vu grandir, qu'il avait protégé et entraîné s'éloignait de celle qu'elle avait été... et de celle qu'elle aurait dû être si le monde était parfait.

Des frères et sœurs pouvaient parfois être bien différents : c'était malheureusement c'était le cas de Chris et Kate Argent. De commun, ils n'avaient que les parents, le nom et la profession. Le code de leur famille n'était certainement pas un des rares éléments qui permettrait à cette fratrie de se retrouver des similitudes. Tout au contraire.

- Derek, soupira Chris en remplissant le chargeur de ses armes avec de nouvelles balles qu'il venait de faire.

- Un membre de la meute Hale. Ils sont en train d'enquêter sur eux et...

- Ils ne trouveront rien, assura l'homme en se tournant vers Victoria et fixant son regard dans le sien. J'ai déjà fait des recherches, de fonds en comble. Ils sont irréprochables.

- Toi et moi savons très bien que personne ne l'est. Ils trouveront forcément quelque chose sur au moins un des membres de la famille... et s'ils ne trouvent rien...

La phrase avait beau rester en suspend : Christopher savait ce qu'était en train de penser son épouse, ce qu'elle se retenait de dire à voix haute de peur de rendre cette vérité plus réelle qu'elle ne l'était déjà. À ce sujet : il ne rencontrait pas le moindre doute. Il avait parfaitement conscience du fait qu'il soit, aujourd'hui, un des rares chasseurs à toujours scrupuleusement obéir à ce code.

Il n'était ni dupe, ni stupide. Il savait depuis bien longtemps que son père, l'homme qui lui avait appris tout ce qu'il savait à ce jour et qui lui avait inculqué certaines valeurs... il savait que cet homme n'était plus. Chris savait que seul le besoin, l'envie même, de tuer des lycanthropes permettait à Gérard de continuer à avancer et « faire son job ».

- Je ne le permettrais pas.

- Ils n'attendront pas d'avoir ton aval pour agir, claqua sèchement Victoria. Leur plan est en marche : j'en ai bien peur.

Les deux mains désormais posées à plat sur son bureau et les yeux rivés sur celles ci : l'époux de Victoria Argent faisait presque peine à voir. La respiration lente, il réfléchissait et tentait de faire la lumière sur toute cette affaire. Sa femme semblait avoir su tirer quelques conclusions des derniers événements mais il souhaitait éclaircir les nombreuses zones d'ombres par lui-même. Seul.

- Kate, murmura-t-il en redressant la tête aussitôt. Le gosse. Elle va se servir du gosse pour tous les atteindre.

- Elle aurait apparemment essayé d'approcher un loup plus âgé et plus puissant, le propre frère de l'Alpha si mes sources sont exactes, poursuivit la femme qui semblait bien moins horrifiée que ne pouvait l'être son mari. Je suis pratiquement certaine que Gérard est en train de faire pression sur elle. Il n'aurait autrement jamais permis qu'elle s'absente.

- Il lui enseigne un autre code. Un nouveau code.

« Nous chassons ceux qui doivent être chassés. »

Chris vivait très mal la seule idée d'avoir à se méfier des siens ; de son clan ; de sa propre famille ! C'était peut-être étrange de penser de la sorte compte tenu des singularités de leurs pratiques et mode de vie mais les Argent ressemblaient, à leur manière, à une meute de loup-garou. À force de les chasser : ils avaient fini par adopter leurs propres us et coutumes.

Il y avait Gérard, l'alpha. Sans conteste le chef de tout ce petit groupe, il était celui à qui tous devaient répondre de leurs actes, celui qui décidait de la ligne de conduite de la famille, qui choisissait quelles meutes allaient avoir du soucis à se faire ; Venaient ensuite les bêtas qui devaient obéissance au premier car moins puissants que celui-ci. Puis les omégas. Des chasseurs solitaires. Des chasseurs qui ne faisaient jamais long feu dans ce monde dangereux.

Aujourd'hui, Chris était en train de se méfier de son propre alpha, de son propre père. Il commençait à remettre en cause ses choix et, même si seuls Victoria et une paire d'hommes de confiance en avaient actuellement conscience, ce n'était probablement pas totalement insensé de sa part.

Il ignorait ce qui avait pu passer par la tête du vieil homme pour ainsi le faire changer. Le code Argent était ancestral et les ramenait plusieurs siècles en arrière certes... mais ses idées n'étaient pas désuètes pour autant. Les principes des hommes de l'époque correspondaient à ceux de Chris : ils ne devaient tuer que des coupables, jamais d'innocents. Ils étaient des chasseurs, non des tueurs.

« On chasse ceux qui nous chassent. »

- Chris ? Appela doucement une Victoria loin d'avoir toute sa superbe habituelle. Tu peux venir un instant, s'il-te-plaît ?

- Je reviens ma puce, sourit l'homme en passant une main dans les cheveux de la petite fille assise face à lui. Et n'en profite pas pour bouger mes pièces : je vous ais à l'œil, jeune fille.

Allison, neuf ans, offrit le plus grand sourire qu'elle avait en réserve à son père et hocha ensuite frénétiquement la tête. Pour une fois qu'il était à la maison et acceptait de faire un jeu de société avec elle : il était absolument hors de question d'abuser en modifiant le plateau et les jetons qui captaient leur attention depuis maintenant une bonne heure.

Bien que... une petite pièce de rien du tout... qui le verrait ?

- Repose ça, Alisson.

Elle regarda ce qu'elle avait entre les doigts, embêtée qu'on ai pu la prendre la main dans le sac, puis, penaude, reposa la pièce à l'endroit exact où celle-ci s'était trouvée un instant auparavant. Sans plus tarder, son regard fut ensuite happé par le téléviseur allumé. Une chaîne d'information locale passait en continue les dernières événements qui se sont passés en Californie. De l'accident de la circulation qui bloquait une bretelle de l'autoroute au procès d'elle ne savait quel homme pour corruption : ce n'était pas ça qui allait l'intéresser sur le long terme.

- Je viens d'avoir Dylan au téléphone. Il aurait entendu des bribes de conversation entre Kate et Gérard et... ce n'est pas bon, Chris. Vraiment pas bon.

- Qu'est-ce qu'ils se disaient ?

- Il n'a pas eu le temps de me le dire, se désolé Victoria. Tyler est arrivé à ce moment là, alarmé, en disant qu'un incendie de forêt venait de se déclarer aux abords de la ville.

Nul besoin de lire dans les pensées du couple pour être en mesure de savoir qu'ils pensaient exactement à la même chose. Inutile d'avoir un quelconque don pour se douter qu'ils craignaient la même chose. Les Argent ne savaient pas quelle pouvait précisément être la situation... mais craignaient déjà l'issue qu'aurait celle-ci.

- J'y vais, souffla finalement Chris après un court instant de réflexion.

Le chasseur, rapide dans ses mouvements, avait eu le temps d'atteindre la porte de la cuisine lorsqu'on l'empêcha de poursuivre sa route. Alors qu'il avait la ferme intention de gagner son bureau, à l'étage, afin de s'armer avant de prendre la route pour voir ce qui était exactement en train de se passer : Christopher perdit quelques précieuses secondes, retenu par celle qu'il aimait. Les secondes filaient à vive allure et pourraient très bien venir à manquer s'ils avaient raison et que leurs craintes se voyaient confirmées.

- Chéri, l'arrêta Victoria en s'emparant lestement du poignet du fuyard. Ce sont des loup-garou, ne l'oublie pas. Leur venir en aide pourrait se retourner contre toi si ça venait à se savoir.

- Pourquoi chassons-nous ceux qui nous chassent ? Interrogea-t-il en la regardant droit dans les yeux. Pour protéger ceux qui en ont besoin, Vic. Et ça ne se saura pas.

« Nous protégeons ceux qui ne peuvent se protéger eux-même. »

Rien ne saurait faire changer d'avis Chris et ce serait pure folie de la part de Victoria de songer en être capable. Son mari était bien trop remonté pour cela. Peu importait les remarques qu'elle pourrait faire ou les arguments qu'elle parviendrait à exposer : il était bien décidé à partir et partirait. Mais au moins avait-il encore la présence d'esprit de ne pas partir les mains vides... Même si Chris s'apprêtait à foncer tête baissée vers le danger sans songer aux conséquences sur l'avenir : au moins ne partirait-il pas les mains vides. Il s'agissait pourtant là d'une bien maigre consolation.

De la cuisine, elle pouvait aisément l'entendre fouiller dans ses affaires afin de récupérer une paire d'armes qu'il garderait dans sa poche ainsi que dans la boîte à gants de sa voiture. Elle savait qu'il n'hésiterait pas à faire feu s'il sentait le danger proche. Il avait l'entraînement, il avait la jeunesse, il lui reviendrait.

Aussi rapidement qu'il avait pu les gravir, il n'y avait pas cinq minutes de cela, Christopher dévalait à présent les escaliers, sa veste déjà à moitié sur le dos. Le tintamarre qu'il avait pu faire depuis l'étage associé au bruit de sa présente cavalcade avait alerté Allison. La fillette avait quitté le canapé, et la télévision qui était toujours en train de raconter quelque chose qui n'avait pour elle pas le moindre sens, afin d'aller voir ce qui se passait. Quand elle vit son père sur le point de partir, un sentiment de trahison s'insinua en elle. Il avait pourtant promis de rester à la maison et de jouer avec elle !

- Tu ne devais pas travailler du week-end, papa, murmura une Allison en train de se dandiner d'un pied sur l'autre et de fixer le sol. T'avais promis. Et quand on promet : on doit le faire, sinon ça sert à rien de promettre quelque chose.

- Je n'en ai que pour quelques heures. Si ça tombe : je serais même de retour d'ici une heure. Là je...je peux pas faire autrement.

- Mais t'avais promis que...

- Je resterais à la maison toute la semaine pour compenser ces quelques heures d'absence. Promis.

- Tu avais promis de ne pas partir ce week-end et tu pars... tu partiras peut-être aussi la semaine prochaine parce que tu ne pourras pas faire autrement... et tu seras aussi désolé.

Le chasseur fixa sa fille d'un air navré. Si la situation n'était pas ce qu'elle était, urgente et fort peu propice au rire, alors il aurait su apprécier à sa juste valeur l'intelligence dont savait faire montre sa fille et aurait fini par céder. Il aurait cédé suite à ses arguments ; cédé face à ces grands yeux de chiot ; cédé pour ne plus voir la déception se peindre sur les traits enfantin de son bébé... mais il ne pouvait pas. Si ce qu'il pensait s'avérait être correct : alors il n'avait pas le droit de se montrer faible et rester ici.

- Je t'aime, lui dit-il en se forçant à sourire. Je rentre vite. Je serais là pour te dire bonne nuit.

- Moi aussi je t'aime, murmura l'enfant même s'il était déjà trop tard.

Tout en conduisant vers ce qu'il savait être la maison de la famille Hale : le cerveau du jeune Argent fonctionnait à vive allure. Il souhaitait, si possible, trouver une réponse aux multiples interrogations qui le taraudaient encore... et si possible : avant d'être mit devant le fait accompli. Réfléchir lorsque l'on était au pied du mur et que chaque seconde de perdue pouvait se révéler fatale pour la personne coincée à l'intérieur : très peu pour lui. Que ferait-il si jamais ses doutes étaient bels et bien fondés ? Que ferait-il s'il était réellement amené à découvrir une maison dévorée par les flammes ? Et s'il y avait quelqu'un à l'intérieur ?

Chris avait foncé sans réfléchir, au fond. Il ne s'était pas demandé si ses projets n'étaient pas tout simplement l'œuvre du fou qu'il était. Il regretterait presque de ne pas avoir davantage tardé pour écouter Victoria. Elle aurait su, elle, ce qu'il fallait faire. Elle savait toujours comment agir et c'était une des nombreuses choses qu'il pouvait aimer chez cette dernière : son intelligence remarquable.

Le chasseur espérait tellement avoir tord. Sa famille ne pouvait pas avoir franchi de pareilles limites. Son père était un homme foncièrement bon ; sa sœur une femme de parole et d'honneur. Ils ne pouvaient avoir reniés de la sorte ce en quoi leur famille avait toujours cru.

- Allô ? Chris ? Demanda l'homme qui était en train de téléphoner au jeune père de famille. C'est confirmé. C'est bien la maison Hale qui brûle. Faut que j'appelle les pompiers ou tu veux que...

Chris jura entre ses dents et maudit de tout son saoul son interlocuteur. Appeler les pompiers auraient normalement dû être la première chose à laquelle aurait dû songer son ami. C'était là le comportement le plus logique à adopter, le premier réflexe de n'importe quel humain un minimum sensé.

- Laisse moi un peu d'avance, somma-t-il néanmoins. Ils pourraient perdre le contrôle et...

- Et pourquoi tu fais ça pour eux, Chris ?

- Ils n'entrent pas dans le code.

- Et t'es sur qu'ils valent la peine que tu fasses ça pour eux ? Que tu prennes autant de risques pour leur sauver la vie ? Interrogea l'autre homme. Dans un an : tu seras peut-être amené à essayer de les tuer... et à réussir. Pense à ta famille. Pense à Allison. Elle a encore besoin de son père... tu n'as pas à prendre autant de risques. Tu ne leurs dois rien.

Le conducteur passa une main nerveuse dans ses cheveux. Il n'aimait pas avoir à l'admettre mais Tyler avait raison. La question qu'il était en train de se poser deux minutes plus tôt n'avait en réalité pas lieu d'être. Il savait très bien de quelle manière il comptait agir si jamais il y avait effectivement quelqu'un coincé à l'intérieur... et autant dire que ça ne serait pas sa meilleure idée et que cela pouvait très mal se terminer.

Allison. Prendre d'aussi gros risques maintenant qu'on lui avait clairement et distinctement parlé de sa fille, et rappelé à son beau vouloir ce qu'il encourait si ça tournait au désastre, rendait la prise de décision bien plus difficile qu'elle l'était déjà de base. Pour autant, Chris ne se voyait pas agir autrement.

- Il y a un code, Tyler, rappela inutilement Argent. Et s'ils sont bels et bien responsables de l'incendie... alors ils ne l'auront pas respecté.

- Et sauver ces monstres ça entre dans ton code, peut-être ? Et t'es même pas certain que ta famille soit dans le coup.

C'était vrai. Il ne pouvait en aucun cas prouver que son géniteur ou sa cadette étaient, ou non, dans le coup. Christopher devait faire avec ses doutes et accepter la terrible idée qui consistait à ne peut-être jamais connaître le fin mot de cette histoire. Il savait qu'il y avait de très fortes probabilités pour que jamais il ne sache si les siens étaient innocents ou coupables de cette infamie.

- Si c'est pas eux, alors les Hale ont été attaqué en tant qu'êtres humains, trancha Chris. J'aimerais qu'un loup sauve ma famille si jamais elle se trouvait dans pareille situation... et je me plaît à penser que certains le feraient sans chercher à savoir si nous sommes ou non des chasseurs.

- Chris...

- Nom de dieu, souffla le chauffeur en se garant.

Chris, toujours dans son véhicule, abandonna son cellulaire sur le siège à son côté. Il ferma ensuite les yeux un court instant et soupira de désespoir tout en donnant un coup dans le volant. Que n'aurait-il pas donné pour ne pas avoir raison ? Pour que les flammes de la forêt ne soient pas en train de réduire en cendre cette maison peut-être encore remplie d'innocents, pour ce qu'il en savait.

Un immense brasier était d'ores et déjà en train de dévorer la bâtisse près de laquelle venait de se garer Christopher. Ce qu'elle devait avoir fière allure en temps normal ! Ce qu'elle devait être belle et resplendissante d'ordinaire ! Il était regrettable que le résultat soit présentement celui-ci.

Le jeune Argent n'arrivait toujours pas à faire taire ses doutes et à se dire que sa famille ne se trouvait peut-être pas derrière tout ça. Un incendie criminel qui touchait, comme par hasard, la maison de l'unique meute de lycanthrope de la ville, et ce au moment même où Gérard et Kate enquêtaient à son sujet : le hasard était trop gros pour être réel... et Chris n'était pas homme à croire au hasard, de toutes façons. Pas dans des cas pareils. Surtout pas dans des cas pareils.

Le chasseur ignorait combien de loup-garou ou d'humains se trouvaient encore à l'intérieur. Il ignorait s'il y avait encore quelqu'un à l'intérieur, d'ailleurs. Heureusement pour lui, et c'était un atout non négligeable, il connaissait approximativement la taille du pack pour avoir déjà enquêté sur elle par le passé. Il demeurait cependant possible, et souhaitable, qu'une partie de la famille soit absente ce soir.

Si ses souvenirs étaient corrects, en plus, l'équipe de basket-ball du jeune Derek disputait un nouveau match ce soir. Il lui fallait maintenant espérer que l'adolescent ait été sélectionné, au moins en tant que remplaçant, pour jouer ; ou que leur coach impose la présence de tous les membres de l'équipe à chaque match. Si tel s'avérait être le cas : alors le lycéen serait très certainement encore absent... ainsi que quelques autres membres de sa famille.

Au moment où il lui fallu franchir le seuil de la porte d'entrée : Chris s'arrêta quelques courtes secondes. Il hésitait. Maintenant qu'il y était, il hésitait réellement. L'intérieur était un véritable brasier ! Peut-être ferait-il mieux d'attendre l'arrivée des pompiers et du reste des secours ? Peut-être allait-il faire pire que mieux en tentant d'intervenir et d'aider des innocents.

- Peter !

Nul besoin d'être doté de la formidable ouïe de ceux qu'il traque pour entendre, à ce moment, les nombreux cris d'horreur qui provenaient tous de l'intérieur de la maison. Douleur, peur et colère. Jamais les loup-garou n'avaient su semblé plus humains aux yeux, et aux oreilles, de Christopher... mais au moins avait-il maintenant confirmation qu'il y avait bel et bien quelques personnes coincées à l'intérieur.

Ce cri, qui avait fait suite au bruit sourd d'une poutre qui s'effondre, acheva de convaincre l'indécis chasseur. Ce dernier plongea sa main dans la poche de sa veste afin d'en sortir l'écharpe qu'il avait mis avant de partir. Ce morceau de tissus serait sa seule protection une fois à l'intérieur afin de ne pas être aussitôt stoppé par la fumée. Chris pénétra ensuite dans la bâtisse enflammée sans plus longtemps demander son reste.

« Nous protégeons ceux qui ne peuvent se protéger eux-même. »

Le chasseur s'était engouffré dans la bâtisse et avançait avec une extrême prudence. Le moindre faux pas, le moindre geste de travers, la moindre erreur de calcul de trajectoire pourrait réduire à néant tous ses espoirs de sauvetage et ses projets à venir. Les hurlements, déjà déchirants à l'extérieur, devenaient tout bonnement insupportables une fois à l'intérieur. Il lui était désormais possible de distinguer moult prénoms. Pas un. Pas deux. Mais bien quatre, cinq, six prénoms... combien diables étaient-ils à être de la sorte bloqués dans la maison et où donc se trouvaient-ils ?

- C'était quoi ça ? Peter ? Cora ? Vous allez bien ? Est-ce que tout va bien ?

Des sanglots, étouffés par le bruit du brasier, parvenaient difficilement jusqu'aux oreilles de Chris. Même si ce dernier n'irait pas jusqu'à mettre sa main à couper s'il venait à avoir tord : l'homme jurerait être en train d'entendre les pleurs d'une enfant. Son cœur se serra aussitôt alors que le visage d'Allison s'imposait à son esprit.

Le jeune Argent avançait lentement. Il préférait jouer la carte de la prudence plutôt que celle de la rapidité. Il cherchait à y voir à l'intérieur de cette fournaise et de repérer une éventuelle forme humaine. Il tentait de distinguer et d'identifier les différentes pièces afin de trouver les multiples personnes prisonnières. Il cherchait à réparer les dégâts que sa famille avait causé. Après avoir rapidement fouillé le rez-de-chaussé, Chris regarda, inquiet, en direction des escaliers. Se pourrait-il qu'ils soient à l'étage ?

- Peter ! Hurla-t-on de nouveau. Cora !

Grâce aux cris de celle qui était sans doutes l'Alpha et au bruit fait par le reste de la meute prisonnière : Chris su où il lui fallait s'orienter. En un rien de temps, il se retrouva devant une porte close entourée d'une poudre noire qu'il connaissait que trop bien. Le chasseur ferma les yeux et serra les poings. Après plus de quinze ans à en utiliser : il savait ce qu'il avait là. Chris savait qu'il avait sous les yeux l'unique preuve dont il avait encore besoin pour ne plus être en mesure de douter de la culpabilité des siens. La preuve qu'il avait eu raison dès le départ.

« On chasse ceux qui nous chassent ».

Le fils Argent avait toujours trouvé cette règle plutôt juste. Sitôt avait-il été jugé apte à connaître les étranges pratiques de sa famille et, de ce fait, été mis au courant de la ligne de conduite à laquelle celle-ci obéissait : qu'il avait décidé de la suivre lui aussi, sans plus se poser de question, tant elle lui semblait légitime.

Si elle l'était dans un sens... alors elle l'était dans l'autre également. Non ? Si les Hale s'en sortaient : le clan Argent aurait alors tout intérêt à faire profil bas quelques temps, voire même à définitivement plier bagage et quitter Beacon Hills une bonne fois pour toute. Pire encore si seuls quelques Hale réchappaient de ce brasier. Ils avaient été chassé de leur propre territoire ; on avait essayé de les tuer d'une des plus affreuses manière qui soit... oui : Chris saurait comprendre la haine de ces derniers envers les siens.

- Cora, ma grande, tu vas tendre l'oreille et te concentrer sur Peter. Fais comme on a vu toutes les deux. Tu te souviens ?

- Man-man... j'ai peur, pleura l'enfant coincée dans les flammes. Peter, il... il respire mal.

- Tout va bien se passer, assura la première voix. On va trouver un moyen de sortir. D'accord ?

Le cœur serré, la gorge sèche et les yeux agressés par la fumée : Chris considéra qu'il avait déjà suffisamment perdu de temps comme cela. Du bout de sa chaussure, non sans une grimace de dégoût, il brisa l'arc de cercle d'aconit qui empêchait toute sortie de ce qui devait être la cave. Il se débrouilla ensuite pour ouvrir la porte afin de rejoindre la famille piégée plus bas... tout en maudissant la sienne.

Le chasseur s'avança, toujours avec prudence, vers les deux Hale qui avaient été séparés du reste de leur famille. La petite Cora, si ce qu'il avait cru entendre précédemment était correct, était actuellement à genoux près de celui qui ne pouvait qu'être le fameux Peter dont le prénom était crié depuis tantôt. De ses mains tremblantes, elle donnait de petites tapes sur les joues de son oncle afin de faire réagir le jeune homme. Son initiative, pourtant, ne rencontrait pas un franc succès.

- Maman... il répond toujours pas, gémit la petite. Et il bouge pas...

Chris se figea d'effroi. Il ne pouvait pas être arrivé trop tard. Il ne pouvait déjà y avoir une perte à déplorer. Oubliant l'espace d'un instant la carte Prudence qu'il jouait depuis le départ : il se hâta d'aller les retrouver tous les deux pour de voir, de ses propres yeux, ce qu'il en était réellement.

- Peter, c'est pas drôle. C'est pas drôle.

Chris prit doucement l'enfant par les épaules dans le but de l'éloigner de l'homme au sol. Sans surprise, pourtant, la petite tenta de se débattre. Elle voulait rester auprès de son oncle. Il avait besoin d'elle. Il allait mal. Les larmes coulaient en abondance sur les joues de la petite mais avaient tôt fait de disparaître dans le vêtement accroché autour de son visage. Le chasseur ne tint pas plus longtemps et la relâcha finalement. D'un signe de tête, associé à un petit sourire qu'elle ne saurait voir, il l'invita à se rapprocher de nouveau avant de lui montrer que son cher oncle Peter était encore à compter parmi les vivants.

La bouille de la fillette était presque intégralement dissimulée par une fine veste maladroitement nouée derrière sa tête et qui avait emprisonné quelques cheveux. Le nouvel arrivant eut tôt fait de comprendre d'où pouvait provenir le vêtement et regarda, désolé, l'inconscient. Le loup avait donné une protection supplémentaire à sa nièce, délaissant par la même occasion ses propres chances de survie.

- Que s'est-il passé ? Voulu savoir Chris, sa concentration désormais focalisée sur le jeune loup-garou allongé devant lui. Comment a-t-il été...

- Une poutre est tombée et il a pas eu le temps de bouger.

Tout en écoutant les explications hésitantes d'une gamine terrorisée et pas tout à fait certaine d'avoir raison de parler à un inconnu : le chasseur vit, avec soulagement, que le second lycanthrope était en train de revenir à lui et grimacer. C'était un bon début... mais ça avait été bien trop long à arriver au vu des capacités dont l'homme était sensé disposer.

- Cora ! À qui parles-tu ? Interrogea une voix perdue.

- Y a un monsieur qu'est là et y s'occupe de Peter.

- Les secours sont déjà...

- Non madame, souffla Chris à regret songeant qu'il en était peut-être partiellement responsable. Mais je... je pense qu'ils arrivent. Ils ne sauraient tarder, maintenant.

Il était malheureusement impossible pour Christopher, comme pour les deux Hale à ses côtés, de voir la femme à laquelle il s'adressait actuellement. La cave était déjà beaucoup trop endommagée, trop touchée par les flammes... et une partie de la pièce était à présent inaccessible. Pour lui, en tout cas.

- Cora, murmura Peter en se hissant sur son bras droit. Il faut qu'elle...

« Nous protégeons ceux qui ne peuvent se protéger eux-même. »

- Elle va sortir, assura le chasseur tout en cherchant à soulever le lycanthrope qui ne pourrait de toute évidence se déplacer seul. On va sortir tous les trois, d'accord ?

Chris savait qu'il ne pourrait rien faire pour aider les autres membres de la famille Hale actuellement coincés. S'ils pouvaient encore être sauvés : seuls les secours sauraient parvenir à ce résultat. Il ne pouvait, de son côté, guère faire mieux que sortir la petite et son oncle... et vite si possible. La fumée n'avait de cesse de devenir plus dense et plus gênante. Le jeune Argent lui-même commençait à réellement ressentir une gêne et savait qu'il ne tiendrait pas davantage.

S'il était déjà dans cet état alors qu'en était-il pour Peter ? Il ignorait si les autres avaient su, ou non, trouver de quoi se protéger un minimum des fumées... mais il savait de source on ne peut plus sure que tel n'était pas le cas pour le jeune loup qui avait préféré sa nièce. Sans quitter l'autre homme des yeux, Christopher chercha sur lui s'il n'avait pas quoi que ce soit à lui proposer afin d'éviter de laisser les choses encore s'aggraver.

- Peter ? Appela de nouveau l'alpha dont l'inquiétude transparaissait parfaitement dans la voix. Comment tu te sens ?

- Il est faible. Le processus de guérison sera long, même pour lui, mais il devrait s'en sortir, madame.

À ces mots, Peter écarquilla les yeux d'effroi puis, sans succès, chercha à s'éloigner de cet inconnu. Il comprenait parfaitement ce qu'était en train de dire l'individu présent à ses côtés ; il ne savait que trop ce que ces paroles pouvaient signifier pour lui, pour eux. C'est d'ailleurs ce pourquoi il souhaitait tant mettre de la distance, plus symbolique qu'autre chose, entre le probable chasseur et sa personne... sauf qu'il n'y parvint pas. Tout ce qu'il su faire fût un signe de tête peu discret à Cora afin de lui demander de s'écarter.

- Vous êtes... chuchota le thérianthrope de naissance, le visage protégé de manière toute relative.

- Chris.

- Comment ?

Le loup-garou savait pourtant déjà quelle allait bien pouvoir être la réponse. Il en avait la gorge nouée tant il craignait la connaître ; et, une fois n'est pas coutume, Peter souhaitait ignorer quelque chose, il crevait d'envie de faire fausse route, il priait pour que Chris soit amené à contredire ses pensées. Tout plutôt qu'entendre ses doutes être confirmés.

- Argent.

Des doutes : Chris en avait eu dès l'instant où Victoria lui avait parlé de l'incendie ; s'étaient accrus quand il avait quitté son domicile ; étaient devenus affreusement pesant pendant le trajet ; omniprésent au moment fatal où il lui fallu gagner la cave. La réaction de l'homme au sol à l'entente du nom qui était le sien ne fit que rendre le chasseur plus mal à l'aise qu'il ne l'était déjà. Il était plus qu'évident que les même pensées désagréables venaient de traverser l'esprit de son cadet... confortant le sien dans l'idée qu'il avait raison. Toujours raison. Beaucoup trop raison.

- Je savais que Derek devait se méfier. J'avais prévenu Talia que ça aller arriver, marmonna Peter entre ses dents et fermant les yeux. Pourquoi vous êtes là ? Votre conscience vous dérangeait déjà ?

L'homme ainsi incriminé serra les dents et prit sur lui pour ne pas perdre de temps à répondre à cette pique amplement méritée. Le moment n'était certainement pas propice à laisser parler un ego de chasseur blessé par la langue encore trop pendue d'un loup-garou blessé. Peter avait toutes les raisons du monde de se méfier de lui. C'était une réaction plus que légitime et ça tendait à montrer l'intelligence et la prudence de son vis-à-vis... même si ça faisait mal.

- Connaissez-vous la devise des chasseurs ?

- Tuer et pas de quartier ?

« On chasse ceux qui doivent être chassés. »

Un léger sourire étira les lèvres, toujours dissimulées, du jeune chasseur. Si la situation n'avait été aussi critique alors il ne faisait aucun doutes aux yeux de Chris qu'il aurait d'autant su apprécier la réponse murmurée par le lycanthrope. Si jamais il venait à avoir raison de croire que sa famille se trouvait belle et bien derrière tout ça : cette phrase conviendrait parfaitement à l'homme que serait devenu son géniteur. Un meurtrier, non un chasseur.

- Pas vraiment, non.

Peter fut, à ce moment précis, prit d'une violente quinte de toux qui eut le mérite de rappeler Christopher à l'ordre. Précautionneusement il redressa alors l'homme, qui n'avait même plus la force de chercher à se débattre pour se soustraire à lui, puis voulu le soulever afin de l'emmener dehors. On l'empêcha, pourtant, de poursuivre son plan ; mettant ainsi à mal, sans le moindre remords, ses folles ambitions. Les mots que Peter ne cessait de marmonner stoppa net le chasseur. Les quatre lettres du prénom de sa nièce quittaient inlassablement ses lèvres et l'humain fut bien obligé de constater que la petite paniquait de plus en plus.

De grosses larmes de crocodiles coulaient sur les joues de Cora pour rapidement disparaître dans le vêtement que son oncle lui avait noué autour du visage. Les autres Hale ne se faisaient, quant à eux, pratiquement plus entendre. Il était probablement trop tard pour eux, désormais... ou alors étaient-ils peut-être en train d'économiser le peu d'air et les quelques forces qu'ils avaient encore dans l'espoir de voir l'arrivée de potentiels secours.

- Elle panique, fit remarquer Peter à voix basse. Elle ne saura jamais vous suivre.

- Je peux pas vous laisser, chuchota Chris en retour. Vous ne saurez jamais nous suivre.

- Mais je saurais attendre un peu... si vous tenez tant à faire ça pour nous.

Ce fut alors comme si le destin avait cruellement décidé de ne surtout pas donner raison au loup-garou à terre. Une nouvelle quinte de toux, plus violente encore que les précédentes, venait de prendre Peter par surprise et confrontait Chris à la dure réalité qu'était celle du terrain. Le chasseur savait que jamais il n'aurait l'occasion de venir rechercher l'autre homme ; savait qu'il aurait déjà bien des misères à sortir maintenant tant il avait pu tarder ; savait aussi que son interlocuteur avait raison et que Cora ne saurait probablement jamais le suivre.

Il lui fallait faire un choix ; un choix qu'il n'était absolument pas certain d'être capable de faire ; un choix qui remettait ses convictions en question. Choisir qui porter pour l'aider à sortir de la maison revenait à choisir qui sauver et, de ce fait, qui ne pas sauver. Choisir revenait à tuer quelqu'un. À tuer un innocent. Voilà qui était contraire à ses principes.

Chris avait conscience que l'enfant n'était déjà que trop restée au milieu des flammes et que là n'était pas sa place. Là n'était la place de personne. Dans tous les cas : la petite devait sortir dès son premier voyage... et donc Peter devait rester ici.

- Vous n'avez pas le choix, trancha l'oncle. C'est une gosse.

Pourtant, si Christopher venait à laisser le thérianthrope dans cette cave, alors seule l'arrivée immédiate des secours permettrait sa survie. Aussi loup-garou puisse-t-il être : il n'était pas de taille à faire plus longtemps face au brasier qui continuait à brûler tout autour d'eux. Les flammes commençaient à être dangereusement proches d'eux et toucherait bientôt la chair du blessé. Peter, de son côté, en avait forcément conscience lui aussi. Il ne pouvait ignorer le fait que, si le chasseur sortait Cora dans un premier temps, le sortir ensuite ne serait plus qu'une folle chimère.

- Je reviens tout de suite, promis cependant Chris en soulevant l'enfant qui enroula immédiatement ses bras autour de son cou. Tâchez de tenir le coup jusque là.

- C'est ça, grinça Peter en roulant des yeux.

Le jeune Argent voyait bien qu'on ne le croyait pas mais ne s'en formalisa pas. Il ne pouvait blâmer le lycanthrope pour avoir comprit que sa fin était toute proche. Il n'avait pas tord de douter... malheureusement.

Aussi vite que possible, et tâchant de ne jamais regarder en arrière pour ne pas avoir à voir l'homme qu'il abandonnait : Chris se dirigea vers ce qui lui semblait être la sortie. Le visage de la petite Hale désormais enfoui dans son cou, le chasseur l'entendait tout doucement continuer à sangloter contre son épaule alors qu'il la portait à bout de bras. Il commença finalement à se demander ce qu'il allait bien pouvoir faire d'elle une fois qu'ils seraient à l'air libre. Si, à cet instant, il ne pouvait guère faire mieux pour elle que la sortir de là pour la mettre un minimum en sécurité : qu'adviendrait-il d'elle ensuite ?

Cora venait de tout perdre. Avant même d'avoir eu le temps d'y penser ou de comprendre ce qui se passait : toute sa vie était partie en fumée. Elle était seule, à présent... et encore en danger. Elle le serait toujours à compter d'aujourd'hui.

Si les responsables de l'incendie apprenaient qu'elle y avait survécu : elle sera traquée jusqu'à ce que mort s'en suive. S'il n'y avait que ça à craindre ! Il y avait, en plus, de fortes chances pour que l'orpheline atterrisse dans une famille n'ayant pas la moindre idée de la manière d'agir avec un loup-garou aussi jeune qu'elle ; dans une famille qui ignorerait probablement jusqu'à l'existence même de ces derniers. Que ferait-elle alors ? Comment saurait-elle apprendre à se maîtriser et à ne pas s'en prendre à des innocents si personne n'était là pour le lui apprendre ? Au vu de son âge elle ne devait guère déjà être capable de pleinement se contrôler à la pleine-lune et devait encore être à la recherche de son ancre.

« Alpha, bêta, oméga. »

- Je veux Derek, pleurait-elle. Il est où ? Pourquoi il est pas venu à la maison ?

Il y avait donc bel et bien des Hale absents ce soir ? La folle idée qu'il avait pu avoir consistant à aller mettre la petite en sécurité, loin de Beacon Hills, s'en trouvait d'un coup grandement perturbée et fortement amoindrie. Cora n'était plus aussi seule qu'un instant plus tôt ! Son frère aîné était encore en vie. Il n'était peut-être pas le seul, d'ailleurs. Qui était-il pour priver un enfant de sa famille ? De sa meute ? Des siens, tout simplement.

- Vous allez aller chercher Peter après, hein ? Demanda Cora à son sauveur qui peina à comprendre ses mots étouffés par le vêtement. Et il va aller bien ? On va tous les quatre aller bien ?

Quatre ? Le nombre d'absent augmentait encore.

- On verra ça.

Quand ils furent enfin de retour à l'air libre, Chris fut heureux d'avoir à veiller à ne pas se faire remarquer par les pompiers et force de l'ordre déjà présents sur place. Ils étaient là ! Ils étaient sur le point d'entrer dans la maison ! Tout n'était peut-être pas encore perdu, finalement. Le jeune Argent tenait pourtant à tout de même faire profil bas : si jamais on venait à le repérer, il savait qu'il aurait bien du mal à justifier sa présence sur les lieux du drame... et celle de l'enfant dans ses bras.

Il entra donc dans les bois, Cora toujours dans les bras, afin de se mettre à couvert au milieu des arbres. L'attention des secours étant focalisée sur la maison : personne ne songerait à s'intéresser à la forêt et ce qu'elle pouvait dissimuler. Rassuré, mais toujours sur ses gardes, le chasseur posa une Cora toujours en pleure et tenta de la réconforter. Tout en murmurant des paroles qu'il espérait un minimum réconfortante : il la débarrassa rapidement du linge sur son visage puis débarbouilla sommairement son visage noircie.

- Vous y retourner ? Interrogea-t-elle, pleine d'espoir et innocente.

- Les pompiers sont à l'intérieur. Ils doivent être en train de...

- Vous aviez promis.

La petite bouille angélique de la gamine donnerait presque envie à Christopher d'effectivement y retourner afin d'honorer la promesse faite à l'autre second loup-garou. D'autant plus que c'était déjà la seconde fois de la soirée qu'on lui faisait remarquer qu'il ne tenait pas ses promesses. C'était deux de trop. Retourner à l'intérieur de cet enfer était cependant la pire décision qu'il pourrait prendre et son geste ne servirait à rien.

- On en a un ! Cria un pompier. Prévenez les qu'on arrive avec un homme grièvement brûlé.

L'adjoint du shérif du comté, qui supervisait l'ensemble des opérations de ce soir et avait été chargé de recueillir les observations des soldats du feu, s'approcha afin de voir de quoi il en retournait. Les mots lui manquèrent, ou peut-être étaient-ils là mais refusaient de sortir, lorsqu'il découvrit l'état de l'homme qui venait d'être tiré des flammes. Les brûlures qu'il présentait semblaient si grave qu'il lui semblait incroyable que l'autre soit encore en vie. L'adjoint doutait que l'inconnu puisse un jour se remettre du drame qu'il venait de traverser et qu'il était encore en train de vivre. Ça lui semblait inconcevable que l'autre puisse s'en remettre.

- Peter Hale. C'est le seul survivant.

- Hale, répéta l'adjoint en écarquillant les yeux.

On lui avait déjà donné tous les renseignements nécessaires au moment où on avait téléphoné chez lui afin qu'il se rende sur les lieux de l'incendie. On lui avait donné l'adresse exacte ainsi que les raisons de cet appel et le nom Hale avait dû être donné une paire de fois. Ça venait cependant à peine de faire tilt dans son esprit ! Hale. Peter Hale. Cora Hale. La petite avait l'âge de son propre fils et était même amie avec ce dernier.

Combien de fois Stiles n'avait-il pas vanté l'intelligence de sa jeune amie, même si elle était loin de valoir celle de la petite Lydia ? Combien de fois n'avait-il pas demandé à son père si lui aussi pouvait avoir des super-pouvoirs, convaincu qu'il était que Cora n'était pas tout à fait humaine ? Combien de fois avait-il harcelé ses parents pour pouvoir inviter Cora et Scott, tous les deux en même temps, pour qu'ils rigolent mieux ? Combien de fois exactement... et combien d'autres auraient encore dû suivre ?

- Personne ? Bredouilla-t-il. Vous êtes absolument certains ?

- C'est une vraie fournaise là-dedans. Je comprend même pas comment il a pu s'en tirer.

L'ambulance, avec Peter à son bord, venait de démarrer en trombe. Sirène et gyrophare allumés : l'homme serait bientôt à l'hôpital à ce rythme là... mais peut-être serait-il trop tard pour lui ? Peut-être même était-ce préférable, au fond. Que pouvait on espérer pour un homme qui venait de tout perdre et traverser l'enfer ? Jamais il ne saurait se remettre de ses brûlures et du traumatisme qui allait de pair avec.

L'adjoint du shérif regardait les phares du véhicule disparaître au milieu des bois. C'était une chance que les flammes ne se soient pas propagées jusqu'aux arbres sinon les dangers auraient été bien pire qu'ils ne l'étaient déjà ! Les quelques souvenirs qu'il avait de Cora, jouant avec son démon de fils et le jeune McCall, tournaient encore et encore dans l'esprit du pauvre Stilinski. Ça ne pouvait être vrai. Il y avait forcément une erreur, une astuce... un espoir.

Il le trouva, cet espoir, dans les propos incohérents de son garnement personnel. Ça remontait à quelques semaines, déjà, mais il se souvenait parfaitement de Stiles en train de jalouser Cora pour avoir un grand frère ; un vrai grand frère, pas comme Scott qui avait juste quelques mois de plus que lui et qui n'était même pas tout à fait de sa famille. Lui aussi voulait un aîné, un super-cool comme le frère de Cora. Son frère à lui serait aussi dans l'équipe de basket-ball du lycée, il serait aussi gentil mais seulement avec lui et il botterait les fesses des méchants.

- Il y avait un match au lycée ce soir, souffla-t-il.

- Et ?

- Ils y étaient peut-être.

Lorsque Victoria entendit finalement la porte d'entrée claquer, des clés se poser sur le bahut et une fermeture éclair qu'on ouvrait : elle quitta de suite le salon pour aller retrouver son époux enfin de retour. Cela faisait des heures qu'il était parti voir ce qui se passait à la maison Hale ; des heures également que Dylan et Tyler lui avaient retéléphoné dans le but de lui signifier que leurs craintes étaient fondées. Des heures et pas un seul coup de fil ou message pour la rassurer.

Le temps avait été incroyablement long. La chasseuse qu'elle était n'avait eu de cesse de s'inquiéter et s'imaginer les pires scénarios qui soient. Elle l'avait vu se faire attaquer par des loup-garou incapables de reprendre le contrôle ; elle l'avait vu se faire dévorer par des flammes auxquelles il n'était pas destiné ; elle l'avait vu mourir auprès de ceux qu'il chassait... et le voilà finalement de retour, bien en vie. Couvert de suie, débraillé, éreinté : son mari avait bien triste mine mais au moins était-il toujours à compter parmi les vivants de ce monde.

- Alors ?

- Tous morts.

Chris n'était pourtant en état de duper personne et certainement pas sa femme. Il aurait beau essayé de donner le change et faire croire que tout ce qui s'était passé ce soir ne l'atteignait pas : il était évident que tel était bel et bien le cas. Toute la famille Hale était décédée ; toute une famille de lycanthrope venait de disparaître... mais le chasseur n'en ressentait aucun plaisir. Ils étaient innocents. Ils n'avaient rien fait pour mériter un sort pareil. Ils n'entraient pas dans le code. Pas encore.

- Elle dort ?

- Je l'ai envoyé se coucher en voyant que tu ne rentrais pas, confirma Victoria. Mais tu connais ta fille... elle doit t'attendre de pied ferme.

Le couple se tenait debout, face à face, dans le hall d'entrée. Ils se regardaient droit dans les yeux, se jaugeaient sans le moindre état d'âme et la parole n'avait guère sa place sur scène. C'était à celui qui, le premier, détournerait le regard. C'était un combat de force dans lequel ils venaient de s'engager... et Chris n'était absolument pas certain d'avoir la moindre chance de victoire.

Les épaules bien droite et la tête haute : Victoria avait les lèvres pincées tandis qu'elle fixait son mari sans ciller. Une petite voix lui murmurait à l'oreille que ce qu'on lui disait n'était pas l'exacte vérité ; lui susurrait insidieusement que Chris n'était pas totalement honnête vis-à-vis d'elle. Cette idée la contrariait. Quelles pourraient bien être ses raisons pour aussi soudainement se mettre à douter d'elle ? Qu'avait-il pu voir pour revenir avec ses certitudes plus chamboulées encore qu'avant son départ ?

- Que s'est-il passé, demanda-t-elle d'un ton qui ne laissait guère la place à un refus de réponse.

- Il n'y a aucun survivant, souffla Chris. Personne. À moins qu'une partie de la meute ait été absente ce soir : il n'y a pas un seul survivant. On a plus à se méfier des Hale. C'est fini. C'est...

- Fini.

Il hocha la tête. Le chasseur avait l'air plus dépité encore qu'à son arrivée. À le voir ainsi, fatigué et agité, en colère et résigné : Victoria ne pouvait douter de la sincérité des propos de son mari. La petite voix, pourtant, continuait à lui conseiller de ne pas prendre les mots de Christopher pour argent comptant.

Debout devant la porte de la chambre de sa fille : Chris hésitait. Peut-être était-elle tout de même endormie et non en train de guetter son retour comme pouvait le penser Victoria. Peut-être allait-il entrer, faire un peu trop de bruit et réveiller Allison. Il ne souhaitait absolument pas que ça arrive. Le sommeil de son petit ange n'avait pas à être perturbé par le chasseur qu'il était ; par l'homme qui avait failli et n'avait su sauver personne. Qui était-il pour la priver de son sommeil ? Il n'était que son père.

- Tu peux entrer, papa.

Chris sourit. En quatre mots, elle avait déjà réussi à le lui rendre ! S'il l'avait un instant cru endormie, il ne s'était cependant pas attendu à un comportement bien différent s'il devait être amené à avoir eu tord de douter. Quelle réaction, autre que celle-ci, aurait pu avoir Allison ? Allison était comme ça. Elle était une enfant parfaite et il n'aurait guère pu espérer avoir mieux. Son avis était peut-être faussé mais toujours était-il qu'il le pensait réellement... son ange en était bel et bien un.

Rassuré, il tourna la poignée de la porte et y entra finalement. L'amusement de Chris augmenta encore d'un cran lorsqu'il découvrit qu'Allison se trouvait assise sur son matelas, le second tome de la saga Harry Potter sur les genoux, l'air de l'attendre impatiemment. Quand elle vit son père dans l'encadrement de sa chambre, elle offrit un sourire éclatant à son père. De son geste se dégageaient l'innocence et la candeur propres à une fillette de son âge ; choses dont serait privée Cora suite au drame de ce soir. Ses dents blanches, son nez légèrement retroussé, ses yeux pétillants de malice : Allison était bien heureuse de finalement voir son père de retour.

- Tout va bien, petit monstre ?

- Et toi ? T'as l'air tout triste.

Triste ? Assurément qu'il l'était. Après la soirée qu'il venait de passer : il semblait insensé de penser et espérer qu'il ne le soit pas ! Cora était à peine plus jeune que sa fille et était, aujourd'hui, seule. Elle avait entendu sa famille mourir, avait vu un parfait inconnu abandonner son oncle derrière eux, avait été séparé de ceux des siens qui avaient su en réchapper par leur absence au domicile familial ce soir. Il l'avait séparé de ses aînés et ignorait s'ils seraient tous trois amenés à se retrouver un jour.

Qu'aurait-il fait si jamais il n'avait pas aussi rapidement pensé à une meute de lycanthropes qu'il avait pu croiser par le passé et qui n'avait pas été décimé ? S'il n'avait pas été en contact avec une famille surnaturelle susceptible d'accepter de rendre cet étrange service à un chasseur du clan Argent ? Que diable aurait-il fait de Cora ? Où l'aurait-il laissé ? À qui l'aurait-il laissé ? Aux autorités de Beacon Hills ? À son frère et sa sœur ? La première solution, pas plus que la seconde, ne lui semblait absolument pas envisageable.

Sa mère. Son père. Sa tante. Ses cousins. Son oncle. Voilà tout ceux qui avaient pu être présents dans la maison au moment du drame. Tout ceux qui avaient été coincés à ses côtés. Tout ceux qui n'avaient pas eu sa chance et n'avaient pu être sauvés à temps. Seuls Derek et Laura étaient encore de ce monde... mais ils étaient bien trop jeunes. Ils ne pouvaient se retrouver à la charge de la benjamine de la fratrie. Ils ne l'auraient pas été, de toutes manières. Elle aurait été placé, baladée de famille en famille, malheureuse.

- Pourquoi ça va pas ? Pourquoi t'es triste ?

- Tu ne devrais pas être couchée, toi ? En train de dormir ?

Chris s'était doucement accroupi auprès du lit de sa fille tandis qu'il tentait, fort peu discrètement, de faire dévier la conversation vers un sujet qu'il maîtriserait davantage. Tout en continuant à fixer Allison, qui le regardait toujours d'un air intéressée, il prit doucement le livre qu'elle avait pu poser sur ses genoux quand il était entré afin de le poser sur sa table de chevet. Les sourcils de l'homme se froncèrent quand, aux côtés du réveil et de la lampe de chevet allumée, il découvrit une petite bouteille d'eau.

- Maman t'avais pas dit que tu ne devais pas avoir ça dans ta chambre ?

- Non, sourit l'enfant. Je pense pas.

Le chasseur soupira bruyamment et secoua la tête. Il était exaspéré par cette réponse qu'il préféra ne pas commenter. Tout en prenant l'objet du délit afin de repartir avec : il tâchait de faire abstraction du regard perçant que lui lançait Allison. La petite essayait, tant bien que mal, de deviner ce qui n'allait pas chez son père. Autant dire que son entreprise ne rencontrait pas un franc succès.

- Et concernant le fait d'être couchée ? Rappela-t-il, moqueur.

- Maman m'a dit d'aller au lit et je suis au lit, répliqua malicieusement la fillette. Mais assise et pas couchée. C'est tout.

- Allison...

- T'avais dit que tu revenais vite... et t'es pas revenu vite... alors je t'ai attendu.

Chris regardait sa fille d'un air profondément désolé. Toujours à côté d'elle, baissé afin d'être à sa hauteur, il n'était pourtant plus avec elle. Ses pensées étaient de nouveau parties vagabonder ci et là sans qu'il puisse avoir le moindre contrôle sur ces dernières. Allison avait de nouveau raison, à son grand damne. Il n'avait absolument pas prévu que sa soirée se déroule de la sorte. Tout aurait dû, techniquement, être parfait... or rien ne l'avait été. D'un bout à l'autre ça avait été un désastre complet.

Sa soirée père-fille, bien qu'ils n'auraient guère dû quitter le domicile, avait été radicalement écourté. Tout ce en quoi il croyait et avait toujours cru était désormais remit en question. D'innombrables inconnus avaient perdu la vie ce soir. Il avait fait tellement de mal en voulant bien faire.

- Tu voudras qu'on aille au cinéma demain ? Il y avait un film qui te tentait il me semble, non ?

Si aujourd'hui n'avait pas été parfait il pouvait essayer de faire en sorte que demain le soit... au moins un peu.


Voilà la fin de la première partie. A (très) bientôt pour la seconde

N'hésitez pas à me faire part de votre avis, de vos remarques, de me dire si vous voyez des fautes/répétitions/maladresses... toute critique est bonne à prendre après tout. N'hésitez pas non plus à dire si la présentation laisse à désirer, ff est un site plutôt capricieux et ayant tendance à n'en faire qu'à sa tête.

Skayt