Cette fiction est la version complète de la mini-fic publiée dans J'ai serré la main de la mort. Sur ce, je vous souhaite une bonne lecture !


Le district Quatre était de taille moyenne. La majorité de sa surface était recouverte d'eau : on y trouvait de nombreux lacs artificiels, des flopées de bassins de pisciculture, ainsi qu'un important réseau de canaux. La mairie et l'hôtel de justice du district étaient regroupés dans l'agglomération principale, sur la grande place. C'était une place en demi-cercle, assez grande pour accueillir les sept huitièmes de la population. Le jour de la Moisson, les retardataires se pressaient dans les larges boulevards adjacents, où on installait d'immenses écrans. Le sol de la place était bétonné, lisse comme la surface de l'eau des bassins. La place était bordée de boutiques de luxe et des immeubles les plus coûteux du district : ceux qui vivaient là s'autoproclamaient l'élite du district Quatre. La mairie et l'hôtel de justice étaient regroupés en un seul bâtiment à deux entrées : face à la grande place se trouvait l'hôtel de justice, et de l'autre côté, la mairie, qui se dressait sur une place beaucoup plus petite, pentue et pavée. L'édifice était carré, imposant, très peu décoré. Le sceau du Capitole, gravé sur le fronton, et le symbole du District – un poisson – en plus petit étaient les seules décorations. Une estrade en métal occupait le devant de l'hôtel de justice, et ce toute l'année. Cependant elle n'était utilisée que pour la Moisson et pour les châtiments publics.

Anna, comme les quatre dernières années, arriva parmi les premiers. Elle n'avait aucun tessera : sa famille était plutôt aisée. Elle se laissa piquer le doigt sans tressaillir et prit sa place dans l'espace réservé aux jeunes gens de seize ans. Cette année ne serait pas son année, mais elle ressentait une légère excitation, que lui procurait toujours la Moisson. Dans ce district, ce jour-là n'était pas considéré comme une corvée, contrairement aux districts pauvres. Le Quatre était l'un des principaux formateurs de tributs de carrière, aussi tous les ans les deux tributs étaient volontaires et considéraient leur participation aux Jeux comme un honneur. Leur hôtesse, Britta Denver, apparut sur la scène. Sa peau blanche renvoyait des reflets aveuglants au soleil clair. Ses cheveux très lisses, bleu ciel avec des mèches plus foncées, lui arrivaient aux épaules et laissaient apparaître des oreilles en pointes, résultat d'une opération chirurgicale made in Capitole. Visiblement ravie, elle adressa un sourire éclatant à la population réunie à ses pieds.

« Bienvenue ! Il est à présent temps de tirer au sort les deux jeunes gens qui auront l'honneur de participer aux soixante-troisièmes Hunger Games, et puisse le sort vous être favorable ! »

Britta se dirigea vers la grande sphère de verre qui contenait les noms des milliers de jeunes filles qui vivaient dans le district. Sa main hésita un instant avant d'en piocher un, qu'elle lut au micro.

« Anna Smearwort !»

Elle sursauta. Non, c'était impossible, il devait y en avoir une autre. Ce n'était pas son nom que Britta venait de lire, ce n'était pas elle qui devait monter sur l'estrade. C'était impossible. Elle se porterait volontaire deux ans plus tard, elle ne devait pas être désignée ce jour-là !

Mais tous les regards étaient tournés vers elle. Ses yeux rencontrèrent l'un des écrans géants. C'était elle qui était filmée. C'était elle que des mains inconnues poussaient vers l'estrade. C'était elle qui devait y aller.

Un peu déroutée, Anna s'avança vers l'escalier de métal. Elle monta les marches et se retrouva aux côtés de Britta, qui lui indiqua son siège avec un de ses grands sourires.

Anna, en s'asseyant, retrouva subitement ses esprits. Elle reprit contenance et s'assit bien droite, fermant son visage, regardant la foule avec assurance, priant pour que sa surprise et son angoisse n'aient pas été trop visibles. Tout Panem la regardait, il ne fallait pas faillir.

Pendant ce temps, Britta tira un papier parmi ceux des garçons.

« Halister Galangal ! »

Anna connaissait ce garçon de vue. Il avait treize ans. Elle regarda l'écran géant face à elle. Il était petit et fluet. Ses cheveux noirs tombaient devant ses yeux et il portait une veste imperméable bleue deux fois trop grande pour lui. Il grimpa les marches, les jambes tremblantes.

Britta reprit la parole :

« Bien, y'a-t-il des volontaires féminins ? »

Plusieurs jeunes filles s'avancèrent. Elles furent emmenées par deux Pacificateurs dans un autre périmètre délimité par des cordes tendues sur des piquets. Anna réfléchissait à toute vitesse. Devait-elle accepter que l'une d'entre elles la remplace ? Il y avait fort à parier que les autres tributs s'en souviendraient, deux ans après, lorsqu'à son tour elle se porterait volontaire.

Britta se tourna vers elle lui demanda :

« Acceptes-tu que l'une d'entre elles te remplace ? »

C'était la règle. Le tribut désigné par le sort pouvait refuser que quelqu'un d'autre le remplace. Cela s'était déjà produit quelques fois, par le passé. Des tributs de carrière avaient été tirés au sort et avaient donc refusé les volontaires. La jeune fille inspira. Elle ne devait pas passer pour une faible.

« Non. Non, je refuse. »

L'hôtesse, tout sourire, se tourna vers les caméras.

« Quel courage ! Quelle audace ! Etendez-vous cela ? Cette jeune fille refuse d'être remplacée par les volontaires ! Je vous demande de l'applaudir bien fort ! »

Elle eut droit à une vague modérée d'applaudissements. Les volontaires laissaient paraître leur colère. Elles avaient presque toutes dix-huit ans, et Anna venait de leur gâcher des années d'entraînement intensif. Ces filles ne savaient rien faire d'autre que de se battre. Que deviendraient-elles ?

Chaque année, des jeunes qui s'étaient entraînés toute leur courte vie se voyaient refoulés par le sort. Cela entrainait de tragiques suicides chaque année. Parmi les autres, certains se laissaient aller au désespoir, à l'alcool, à la drogue. Seuls quelques-uns parvenaient à se reconstruire, à passer outre leur frustration. Au début, ils se sentaient inutiles, ils ne savaient rien faire d'autre. Bien sûr, ils étaient forts et faisaient des travailleurs robustes, mais il fallait alors dire adieu à tous leurs rêves de gloire. Quelques-uns s'expatriaient vers le district Deux et devenaient Pacificateurs. Très peu arrivaient à se reconvertir dans un domaine, que ce soit le commerce, l'administration, ou autre chose.

Quelques jeunes hommes se portèrent volontaires. Ils furent eux aussi placés à l'intérieur d'un périmètre de corde tendue.

Anna n'en connaissait qu'un. Il s'appelait Yssop et était son cousin. Elle le considérait comme son frère. Ils se croisaient souvent à l'entraînement car tous deux avaient la même entraîneuse, une ancienne mentor du nom d'Eléa Swallow. Elle dispensait ses cours dans un ancien entrepôt souterrain, officiellement désaffecté. Les Pacificateurs savaient ce qu'il s'y passait, mais ils fermaient l'œil. Il fallait bien fournir des tributs de carrière au Capitole.

Yssop dépassait les deux mètres de hauteur et pesait dans les cent kilos. Il n'était pas très beau, les cheveux châtain mi-longs et emmêlés, l'œil brun, le nez fort et les lèvres épaisses, cependant c'était un redoutable combattant et un garçon intelligent.

On apporta une boule de verre plus petite contenant le nom des cinq volontaires. Britta en choisit un et le lut haut et fort.

« Niels Alder ! »

Anna vit Yssop donner un grand coup de pied au piquet de métal face à lui et laisser échapper un petit cri de frustration. Les autres volontaires semblaient tout aussi énervés, sauf un. Il était blond, athlétique mais élancé, et semblait déterminé. Il s'avança vers l'estrade. Il s'assit sur le siège qui lui était réservé, accordant un bref regard à Anna, qui détourna le sien. Elle ne devait pas trop le regarder, ne rien laisser croire.

« Nos tributs sont donc Anna Smeartwort et Niels Alder ! »

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