La pluie tombait dehors. Elle s'écrasait à grosses gouttes sur les vagues déjà mouvementées de la mer…Celles-ci faisaient remuer le navire dans tous les sens, obligeant les plus faibles à rejeter leur dernier repas dans les flots allant nourrir les poissons. A l'intérieur de la cabine du commandant, on pouvait voir par le hublot légèrement couvert de buée, le dos d'un siège divinement sculpté tout enjolivé avec des dorures. Le trône en question,- on ne pouvait décemment pas l'appeler autrement- se tourna lentement avec un grincement abominable. L'homme assis dessus, car c'était un homme, ne ressemblait absolument pas à l'idée qu'on s'aurait fait d'un dirigeant. Il portait des habits déchirés, un sourire sadique et une barbe de trois jours. Quand tout à coup la porte s'ouvrit avec un fracas épouvantable laissant apparaître un de sbires du dirigeant tenant par la peau du cou, littéralement, un jeune homme qui avait dû être d'apparence soignée mais qui avait dû être maltraité. Sa peau blanche et pure laissait apparaître de grandes blessures rouges sanguinolantes entourées de marques à mi-chemin entre violettes et bleues. Sa chevelure bleue était désordonnée et ses yeux foncés étaient souligné par des cernes noires. L'homme sur le siège prit la parole :
- Alors Prince ? On fait moins le malin maintenant ? Je vous avais dit de me laisser le commandement sans faire d'histoire !
- Je ne m'abaisserais point à faire le malin comme vous dîtes, et jamais je ne vous laisserai le commandement de ce navire sans rechigner ! Je suis Prince ! Votre erreur vous semblera fatale dès que le Roi l'apprendra ! lança courageusement le prince déchu.
L'homme s'approcha et lui flanqua une gifle phénoménale qui laissa stupéfait le jeune prince. Néanmoins, il devait soit être stupide soit très courageux, il reprit la parole et s'adressa à lui comme à un public tout entier.
- Vous venez de frapper la Monarchie en me frappant ! Les foudres de Dieu tomberont sur vous et vous ne serez guère qu'un vil cafard écrasé sous la chaussure du ciel ! Libérez moi et vous ne souffrirez pas Ren.
Le dénommé Ren éclata d'un rire gargantuesque en rejetant la tête en arrière.
- Moi ? Moi je souffrirais ?! Mais je ne crois pas en votre Dieu à vous, un Dieu comme vous dîtes ne protégera jamais la Royauté ! Vous êtes en train de souffrir. Et cher Prince, si vous permettez, vous, allez mourir. Pas moi. Vous.
Il s'avanca et attrapa la tête du Prince entre ses mains, commençant à serrer de toute ses forces sa gorge tandis que le noble tentait désespérément de respirer. D'ailleurs son visage commençait à devenir bleu, ce qui ravit intérieurement Ren.
Quand soudain un éclair zébra le ciel lui faisant lâcher prise stupéfait. Le jeune noble lui se releva tant bien que mal en prenant une immense respiration et en lui grommelant tout de même quelques mots.
- Vous voyez ? Le ciel n'est pas d'accord.
Au moment où le traître allait acquiescer en permettant au Prince déchu de séjourner dans les cachots au lieu d'une mort certaine et douloureuse, les battants de la Porte se rouvrirent en laissant place à un homme affolé.
- Maitre Ren ! C'est les Pirates ! Ils sont là !
- Pardon ?! Ils sont là ? s'exclama le Maître, affolé. Ils sont près ? On a le temps pour les canons ?!
Ce fut au tour du Prince de rire d'un air démoniaque, d'un rire sans chaleur.
- Nous n'avons pas de canons sur ce navire. Lâcha-t-il d'un air moqueur.
Ren le saisit par le col et lui souffla une haleine fétide dans le visage.
- Vous savez que vous risquez d'y perdre la vie également ? Alors ne riez pas.
- Bien sûr que je le sais. Mais au moins vous n'aurez pas le contrôle du vaisseau. Répondit l'autre blasé.
Un tremblement parcourut le navire tout entier ce qui fit frémir l'équipage.
- Tous en avant vers la bataille ! Nous sommes plus forts qu'eux ! lança le pseudo-capitaine.
Ils se précipièrent tous vers le devant du bâteau. Un navire jonché d'une voile noire lugubre les attendait, canons ouverts et équipage sur la proue avec sabre à la main.
- A l'abordage ! hurla une voix masculine du côté des pirates. Allez-y !
C'est à ce moment -là que le Prince sût que tout était finit pour lui. Il sombra dans un état d'inconscience provoqué par la Peur, la faim et les blessures qui lui avaient été infligées. ..
Lorsqu'il se réveilla, il était une fois de plus dans une prison et se dit que malheureusement son équipage avait gagné. Enfin…après la mutinerie ce n' était plus exactement son équipage… Il leva une tête engourdie et remarqua que ses mains avaient été menottées et ligotées au-dessus de sa tête, ne lui laissant aucun mouvement possible. Il plissa les paupières et inspecta la cave autour de lui. Il ne devait pas être dans son navire…Celui-ci était sale et visiblement en mauvais état…Se pourrait-il…Que les pirates l'aient emmené ? Mais alors pourquoi ne pas l'avoir tué ? Quel avantage cela procurait-il aux pirates de l'avoir embarqué ? Peut-être…Peut-être voudraient-ils lui faire du chantage pour récupérer des terres ? Ou pis encore pour avoir sa couronne ? Oh décidemment il eut mieux fallu que son ancien équipage gagne…Quitte à y laisser la vie.. Il dressa l'oreille en entendant des pas grincer derrière la porte et jeta un rapide coup d'œil autour de lui cherchant à repérer un outil tranchant qu'il pourrait aisément attraper. Il n'y avait rien…Il aurait dû s'en douter…Les pas se rapprochèrent derrière la porte, et il se résigna à accepter son triste sort. Il n'était pas si courageux en fin de compte.
La porte s'ouvrit sans un bruit laissant entrer une silhouette vêtue d'une cape et d'un capuchon ne permettant à personne de connaître son identité. On ne pouvait malheureusement pas découvrir le sexe de la personne en observant sa démarche ou le contour de son corps car elle était trop couverte de couches de vêtements sous sa cape pour ça. La silhouette s'agenouilla devant le Prince, laissant apparaître un visage masqué par un foulard. « Mince…se dit le noble, cette personne avait vraiment tout prévu pour que son identité reste inconnue. »
- Je sais qui vous êtes. Lâcha la silhouette d'une voix féminine.
« Oh. C'était donc une femme...Il pouvait légèrement baisser sa garde…On ne sait jamais…Peut-être était-elle douée en piraterie ou en escrime. »
- Je n'en doute pas. Répliqua-t-il d'une voix froide en la fixant les yeux dans les yeux. Qui ne connait pas mon nom ?
- Vous n'avez pas l'air très modeste, Prince Jellal. Renchérit la femme, l'intonation amusée.
Jellal sourit et tenta du mieux qu'il pouvait de se redresser.
- Je suis obligé. Seriez-vous un Roi modeste ? Ou plutôt une Reine modeste devrais-je dire.
La femme parut sincèrement embêtée et se releva en faisant les cents pas dans la pièce. « Il avait déjà deviné…Mais en même temps comment ne pas parler ? Tout ce qui lui restait à faire était de ne pas dévoiler son visage. »
- Vous m'en voyez navrée mais je n'ai jamais eu l'occasion d'essayer la Royauté. De toute façon, ce n'est pas comme si c'était envisageable se moqua-t-elle.
- Encore heureux, murmura le jeune prince. Pourquoi suis-je ici ? reprit-il en haussant la voix.
- Vous allez nous être utile susurra la jeune femme à son oreille. Vous serez détaché dans peu de temps…Vous servirez…d'appât à chaque combat.
Jellal serra les dents et tenta de se ressaisir.
- Pouvez -vous au moins me dire votre nom ?
La réponse fut brève et catégorique.
- Non.
- Mais…Vous pouvez m'appeler Titania rajouta la jeune femme, amusée.
