Vouloir le mal c'est vouloir la mort. Une volonté perverse est un commencement de suicide.
— Eliphas Levi

AU (univers alternatif). PoV Heero — un miroir de cette histoire, "Clenchin'", existe, du point de vue de Duo.


HUDLIN' UP


I. STALINGRAD


Bientôt là, devant moi. Pour l'heure, encore dissimulé aux yeux du monde. Chacun de notre côté, mais l'heure tourne et nous rapproche, et l'échéance arrive plus vite que je n'aurais cru, en vérité. Je l'ai désirée avec tant de force et si longtemps… pourquoi la redouter maintenant, alors ? Assis sur le sol froid des vestiaires, j'attends les trois coups que Kushrenada ne manquera pas de frapper à la porte. Alors, je me lèverai, secouerai légèrement la tête, prendrai le temps de faire rouler mes muscles sous la peau héritée de la japonaise dont il s'est entiché, il y a un peu plus de vingt-deux ans de cela. Ces yeux bleu-glace qui me caractérisent perdront l'éclat qu'y fait briller ma toute nouvelle nervosité, et j'avancerai, lentement, dans les couloirs, puis dans la salle, à moitié assommé par les cris de la foule. Groggy galvanisé. Je te regarderai : Pour la troisième fois, je te verrai en chair et en os, couturé de cicatrices, tout en angles et longueur, étiré redoutable. Tu tomberas. Tu tomberas comme les autres avant toi. Si longtemps…

La lumière m'aveugle un bref instant. Tu arrives, en second. Est-ce que ça n'aurait pas dû être l'inverse ? Le challenger, l'outsider ensuite ?

Pourquoi tu ne te montres pas ? Pourquoi tu gardes ça sur toi ? Je veux te voir, je veux te voir. Je veux… te voir. Tu ne te comportais pas comme ça avec les autres. On dirait que tu ne sais pas où tu es, ni ce que tu fais. A la faveur d'un geste brusque, j'ai droit à un bref aperçu de ton visage. Les yeux cobalt, étranges. Un sourire, spécial. Tout ce que tu n'es pas. Je briserai le cercle, et ta vie. Tes genoux cèderont. Sans hésiter, je t'achèverai. Comme tu l'as fait avec Trowa, le frère de Catherine. Mon frère. J'étais là, tu sais. Et toi, ignorant du destin qui t'attend, tu bouges à peine, t'affales à moitié dans les cordes, jettes un œil à cette fille qui te regarde avec adoration, qui t'aime sans doute. Est-ce que tu te souviens de lui ? Je te le rappellerai si ce n'est pas le cas. Et tu avances, pour mieux reculer, vers le milieu du ring. Est-ce de la peur que je sens émaner de toi ? Non. Un animal comme toi ne connaît rien d'autre que les cris, la chaleur et la bestialité.


Trowa est tombé. Il a levé les yeux, levé les yeux sur toi. (Et moi, j'étais là.)


« J'étais là ! » – Ce qui ne devait être qu'un murmure sort de moi en un hurlement, presque animal.

Et tu avais ce sourire. — As a broken doll, c'est comme ça que tu dirais ? Tu savais, n'est-ce pas ? Mon cœur a battu pour toi, en toi. Je t'admirais, autrefois.

Il n'aurait pas dû te regarder.

C'est ce que je me suis dit. – Je crois que c'est ce qu'ils se sont tous dit, en silence, dans un coin de leur tête. As a broken doll. Il ne serait plus jamais le même. Il ne serait plus jamais là. Il t'a vu. Et il souriait, lui aussi, comme une trahison sur son visage. La résignation, et quelque chose d'indéfinissable. Ce que j'ai pu te haïr. (Ce que j'ai pu le haïr.) C'est fini, maintenant. Si près.

Rouge, le voile sur mes yeux quand tu daignes enfin apparaître. D'un geste, tu te débarrasses du peignoir, qui atterrit quelque part sur le sol, en dehors du ring, loin de nous et des cordes. Tu t'offres en pâture à qui veut bien prendre et voir. Putain.

Grand. —Plus que moi. Fin. —Plus que moi. Agile, et rapide, et dextre. Et de l'allonge. —Plus que moi. Et de la force. Suffisamment pour provoquer ce craquement immonde sur son visage. Brûlure de haine et de fascination. Corps comme un champ de bataille, cheveux châtain et yeux cobalt, sourire ambigu et yeux brillant d'un éclat moqueur. Quelle odeur as-tu ?, je me demande. La salle est suspendue à ce corps dévoilé, impudique. Ils se recueillent sur toi. —Comme s'ils savaient quel destin t'attend au détour de mes poings crispés à l'extrême.

Et je fais de même, je communie. Les choses vont trop lentement à mon goût. Qu'est-ce qu'on attend ? Je veux t'agripper, te saisir, t'écorcher, te toucher, violer cette peau de mes doigts soudainement gourds. Rien ne peut plus te sauver. Rien ne pouvait plus te sauver, ce soir-là déjà. Jétais là. Peu importe l'endroit, je serais allé t'y trouver, t'y chercher, te prendre et te faire payer. — PUTAIN ! Mais pourquoi, pourquoi tu ne m'écoutes pas ?

Tu tournes et te détournes, regardant d'un côté, de l'autre, sans jamais me voir vraiment, alors que je débite ces horreurs. Kushrenada a attiré ton attention, et moi ? Tu ne sens pas ma haine ? Tu ne l'entends pas ? Moi, je la vois s'infiltrer partout, jusque dans le souffle que je perds quand tes yeux accrochent les miens. Bleu. Pur. Quelque chose qui saisit ce cœur que je ne me savais pas posséder pour me donner envie de le vomir jusqu'à n'en plus pouvoir, en toi, sur toi. Pour te montrer. Toute l'étendue de cette rancœur.


Je te veux.


Je te veux mort comme Trowa, mort comme ce mec nommé Solo et l'aveugle Lena. Vois comme je suis dangereux. Vois, regarde-moi. Sens toute…

- « C'est toi, l'Ennemi ? Sans rire ? Ils t'ont juste choisi parce que t'as une belle gueule et qu'tu peux faire illusion, non ? »

L'étendue de ma haine. Ce sourire, je le veux sur mon visage. Exactement, exactement le même que cette fois-là. Comme l'étendue de ma haine.

Il était à genoux devant toi. Tu savais. Ce corps, là. Trop fort. Trop loin. Tu dévores ceux que tu regardes, et je ne fais pas exception. —Je te boufferai de l'intérieur, s'il le faut. J'irai jusque-là. Peu importe le reste, pour mon frère, pour Catherine, pour moi.

Pas vrai ? Pas vrai ? Colère. Les poings serrés à en saigner. Dos à moi, souriant tranquillement, indifférent à tout. Indifférent à moi, souriant tranquillement, me présentant ton dos. Tu sauras. Tu tomberas.

Je te mettrai… à genoux. Je volerai ton souffle et briserai ta vie. L'arbitre nous rassemble au milieu du ring, le salut rituel, poing sur poing.

C'est avec toute ma haine que je t'… emmène. Je t'enchaînerai à l'Enfer, Duilio « Deathscythe » Maxwell...