21h50. Il déambulait dans les rues, poussé par un doux zèle estival qui murmurait à l'oreille des passants plus pressés qu'un cheval. Et ça galopait, et ça galopait, par-ci, par-là. Que se passait-il, enfin ? En prêtant plus attention, il remarqua que ce n'était pas de lambda passants ; certains se pavanaient avec des appareils photos, d'autres avec de lourdes caméras, et d'autres encore dirigeaient leurs paroles vers un microphone câblé certainement pour que toute la TV puisse entendre. Diable, pourquoi ce raffut ? On n'entendait pas à vingt mètres, et pourtant, à vingt mètres, c'était bien là la fête de ces journalistes sans tête. Ses pieds le conduisirent vers ce qui semblait être l'épicentre de ce séisme médiatisé..
- M. Holmes, s'attaqua un desdits sans tête, la rumeur court que vous allez enseigner à Faredesi Highschool?
Plus de cris, juste des murmures. Tout le monde semblait attendre la réponse, comme si le Messie était enfin arrivé pour les juger. Holmes afficha un sourire indescriptible.
- Oui, j'enseignerai là-bas dès Septembre.
Stupeur dans l'assemblée.
- Mais, M. Holmes, avez-vous conscience de l'état de Faredesi Highschool? Un homme de votre importance ne peut..
Roulement d'yeux de l'homme d'importance.
- Qu'importe.
Et ainsi, il se redressa sur ses pieds, enfila son manteau dans une nonchalance déroutante, et plongea dans la marée redevenue capharnaüm incessant de bla-bla médiatiques.
- Pas facile, hein ? 'Sont brutes, ces journalistes. Et durs, à propos de Faredesi.
- C'est une question d'habitude.
Leurs regards se croisèrent un temps.
- John Watson, sourit-il. Je suis étudiant à FD.
- Sherlock Holmes. Détective consultant, réduit à, bientôt, la fonction de simple professeur de lycée. C'en est presque insultant.
John Watson l'observa, l'air amusé. Il connaissait évidemment le célèbre détective consultant, mais n'était pas un de ses fans. Non pas parce qu'il ne l'aimait pas, simplement parce qu'il ne s'intéressait pas vraiment aux enquêtes, aux crimes, et plus généralement à l'actualité.
- Je me doute. Mais vous allez enseigner.. Quoi ? La criminologie ? La matière n'existe pas, à FD.
Holmes ricana.
- Non, bien sûr que non, formula-t-il sur un ton semblant être plein de regrets ou d'amertume. J'enseignerai la musique.
Watson écarquilla les yeux. La musique, sa matière préférée. Cela voulait dire que son ancien professeur, madame Morstan, ne serait plus à Faredesi dès l'année prochaine ? Impossible, elle ne pouvait pas partir sans le lui dire. Si ? Une étrange sensation envahit John Watson. Serait-ce.. De la colère ?
- Vous n'avez pas le droit, déclara-t-il d'un courroux glacial.
Intrigué, son futur professeur arqua un sourcil.
- Vous ne pouvez pas prendre sa place. Madame Morstan est la meilleure professeure de musique.
La remarque fit rire Holmes.
- Au lycée, il n'y a pas de place pour l'attachement personnel. Nous ne sommes pas là pour nous aimer, John Watson.
Il avait pris soin de prononcer distinctement chaque syllabe de son prénom, ainsi que de son nom. Le susnommé serra les poings, et dans un accès de rage, le bouscula violemment, et courut, et courut, et courut..
8h50. John Watson éteignit son alarme. Les rayons vermeils du mois de Septembre venaient doucement mordre, à travers les rideaux épais, son visage à peine réveillé. Il ouvra lentement ses deux billes bleues, et, grâce à sa position qui lui offrait un angle parfait, il les dirigea vers la fenêtre, là où les rideaux ne couvraient plus rien. Dehors, le temps lui souriait. Le ciel et son manteau azur, le vent et son empressement inquiété qui caressaient les arbres flamboyants de vert.. Tout semblait si animé; et pourtant, rien n'était vraiment vivant..
Watson s'extirpa de son lit, et conquit la salle de bain ; en effet, il se battit avec le pommeau de douche, se débattit dans ses vêtements, et se batailla avec sa brosse-à-dent. Il se retira du Front, passa dans la cuisine –qui pourrait être considérée comme l'Arrière- et, enfin, s'équipa de son sac et de sa valise, et franchit la porte de son appartement. Il ne glissa un au revoir à personne, puisqu'il vivait seul. Son père était certainement quelque part sur le globe en train de baiser avec quelqu'un, et sa mère, elle.. En réalité, il ne savait pas qui était sa mère. Ah ! Quel tragique sort pour un adolescent. Ni père, ni mère..
Il monta donc sur son skateboard pour se rendre à Faredesi Highschool, qui se situait à dix minutes de sa résidence. Par un habile tour de passe-passe, il arrivait à également tirer sa valise d'interne. Il s'enterra dans ses pensées, pendant que son pied, machinalement, donnait de puissantes impulsions pour que la planche roule correctement. Durant l'été, il avait en quelques sortes, fait son "deuil", celui de sa professeure de musique, madame Morstan. Elle avait tant fait pour lui, il pensait qu'ils étaient comme.. Amis ? Elle n'aurait pas eu besoin de lui faire un monologue de deux heures sur son départ, ni de lui rédiger un paragraphe argumenté, mais une parole, un mot seulement.. Mais non, rien. Pas même un souffle. Et c'était le nouveau qui le lui avait annoncé, l'arrogant Holmes, l'insupportable je-suis-admiré-de-tout-le-monde-et-je-mérite-la-Terre. Mais John ne pouvait en aucun cas manquer des cours de musique. Que faire ? Trahir madame Morstan et arrêter la musique, ou surmonter ce dramatique changement et impressionner Holmes ? Dit comme ça, la réponse paraissait évidente. Avait-il parler d'impressionner Holmes ?
John Watson arriva devant son établissement. Il salua son groupe d'amis, Gregory Lestrade, Molly Hooper, et vit qu'un autre garçon qu'il ne connaissait pas s'était joint à eux.
- Andy, enchanté. Je suis le petit-ami de Molly.
- John, enchanté.
Il lui fit un bref sourire.
- Bon, on va voir la liste des classes ? Même s'il n'y aura pas vraiment de surprise, s'enquit Lestrade.
De fait, la filière ASL, pour Arts, Sciences et Littérature, ne comportait qu'une seule classe. Elle était en quelque sorte, l'élite du lycée.
Faredesi Highschool n'était pas un lycée très chic, très riche ou très pompeux. En réalité, il s'apparentait au cliché du lycée de banlieue, et beaucoup de mauvaises graines germaient ici. La filière ASL sauvait un peu l'établissement d'une décadence certaine, puisqu'a contrario, ceux que l'on pourrait nommer "bonnes graines", s'y inscrivaient afin de recevoir un enseignement artistique, qui était fort peu répandu dans le pays, voire quasi-pas.
Le groupe vérifia donc l'effectif de la classe, soit rien de nouveau sous le Soleil, et attendirent leurs futurs ordres, qui arrivèrent quelques minutes plus tard.
- Votre attention, s'il vous plaît.
Une femme âgée empoignait un microphone qui semblait marcher un mot sur deux.
- Pour ceux qui ne me connaissent pas, je suis madame Hudson, proviseure de cet établissement. Je vais procéder à l'appel des classes. Lorsque j'appellerai votre nom, vous irez vous ranger près de votre professeur référant.
Quelques classes passèrent, laissant trainer un parfum de débauche latent, et vint le tour de la ASL.
- Professeur référant, monsieur Holmes.
Stupeur dans la tête de Watson. Joli coup du sort, ironisa-t-il à voix basse. Un autre beau coup du sort était que son nom de famille commençait par W ; il était alors dernier de l'appel. Et lorsque l'on est dernier, les regards sont braqués sur vous. Ainsi était celui de Holmes, accompagné d'un rictus arrogant. John Watson lui rendit la pareille. Il ne se laisserait pas impressionner par ces délicieuses pommettes saillantes.
Le troupeau d'hormones galopa dans le bâtiment, jusqu'à une salle de cours, où il s'installa. Les fameuses présentations des jours de rentrée commencèrent..
John Watson replongea dans son esprit. Avait-il parler de délicieuses pommettes saillantes ?
