Titre : Close enough to kill.
Auteur : Sweet Inksanity.
Bêtas : TheInsaneJane pour le contenu & Dracula-Smile pour tout le soutien. Merci à elles, vraiment. Coeur sur vous les filles.
Rating : M.
Pairing : Aucun, ce n'en est pas vraiment un. Mais je fais mention de Victor (en Viktor), de François (le Fossoyeur) et d'un OC.
Note : Voilà. J'avais dit que j'écrirais quelque chose sur Panda. Je me suis battue pendant des heures entières pour arriver à ça. Des mois entiers, en fait. J'ai vraiment voulu que ce soit parfait. Encore meilleur que tout ce que j'ai pu produire avant. Je ne sais pas si j'ai réussi, je ne pense pas d'ailleurs, mais j'y ai mis tout mon cœur. J'ai passé des heures dessus, à galérer, à tourner et retourner des scènes dans ma tête pour en faire des moments clairs et bien montés. Je me suis battue avec ma propre tête pour sortir quelque chose qui dépasserait tout ce que j'avais pu faire avant. J'ai fait tout ce que je pouvais, vraiment. Et ça en valait la peine parce qu'après tous ces mois passés dessus, je suis fière de vous présenter la première partie de mon bébé, mon projet et mon attache qui verra naitre sa seconde et dernière partie plus tard, le temps que je sois certaine de moi et de mes choix. Sachant que comme toujours, ce n'est rien de joyeux, vous savez bien que ce n'est pas mon genre d'écrire des trucs joyeux. Même si cette fois ça va, ce n'est pas ce que j'ai fait de plus dark on va dire. J'espère que vous aimerez en tout cas, et n'oubliez pas de passer par la case review. J'vous aime. Enjoy, SI.
PS : Je tiens à remercier toutes les personnes qui m'ont aidé et soutenue dans ce projet, et plus particulièrement à Jane (TheInsaneJane si elle n'a pas changé de pseudo). Je vous aime. Jane, ma jolie Jane, je te dois tellement. Jamais je ne pourrais assez te remercier pour tout, pour avoir été là du début à la fin. T'avoir comme bêta a été un grand privilège et un grand honneur, vraiment. Merci, du fond du coeur. Je ne suis pas certaine que CETK aurait pu atteindre ce rendu si tu n'avais pas été là. Je ne suis même pas sûre qu'il aurait été publié un jour si tu n'avais pas crus en moi. Alors merci, énormément pour avoir partagé cette aventure avec moi, m'avoir supportée et m'avoir aidée à produire ce petit bout de moi. CETK, c'est notre bébé.
Note bis : Cette note est pour toi, Vic. Alors dans cette fiction, ça ne va pas être rose. Ok, ça va être beaucoup plus soft et léger que ce que j'avais prévu je l'avoue. Ca va peut-être te déranger, et si c'est le cas, je saurais trouver le bouton de suppression de cette fiction. Je me suis basée sur le Viktor des Unknown Movies, le serial killer, pas sur toi pour écrire cette histoire. En tout cas si elle te pose problème, dis-le moi, n'hésites pas. Je ferais le nécessaire. D'ailleurs je t'avais parlé de deux ou trois trucs mais pas mal d'éléments ont changés donc si tu ne retrouves pas certains trucs, c'est normal ! Du reste, j'espère que ça te plaira, comme je l'ai dit, j'y ai mis du temps et du cœur. Donc. Bonne lecture jeune Panda. J'ai hâte de voir ta réaction ! Et surtout merci. Merci de m'inspirer autant. Merci pour tout ce que tu m'apportes à travers tes Unknown Movies. Merci de me faire croire que tous les rêves se réalisent si on s'en donne la peine. Merci pour tout. Tu es un génie, Panda. Un génie sans doute barré, mais un génie quand même. Alors merci. (Et ps, si tu peux, vraiment, écoute la musique en même temps.)
Intro – The XX.
Six Octobre. Vingt-deux heures cinquante.
Poings serrés. Mâchoire contractée. Yeux fermés. Dos voûté.
Il est fini.
Il inspire profondément, relève la tête et passe une main tremblante dans ses cheveux devenus déjà trop longs. Son regard fouille frénétiquement chaque recoin de la rue sombre, faiblement éclairée par des réverbères devenus presque inutiles. Les ténèbres sont si fortes qu'elles avalent le peu de lumière qui l'entoure.
Rien. Pas un son. Pas un mouvement. Rien en dehors des battements furieux de son cœur emballé. Rien en dehors de sa respiration hachée, saccadée, irrégulière et paniquée.
« Gardes ton calme, Viktor. Gardes ton putain de calme sinon on va pas s'en sortir. »
Il inspire une nouvelle fois, passe ses deux mains sur son visage et recommence à marcher, tandis que sa main droite s'égare distraitement dans sa poche pour en sortir une cigarette et le briquet qui l'accompagne. Il porte l'objet à ses lèvres d'une main fébrile, l'allume avec difficulté –il tremble tellement que le briquet manque de lui échapper plusieurs fois d'affilée-, puis inspire profondément. La nicotine se répand dans tout son corps. Ca le détend. Et son palais porte désormais le goût âcre si divin et si familier de la mort. Il expire. Ses doigts viennent tenir le filtre du cylindre mortel pour l'éloigner des lèvres qui l'entourent avec indécence. Il se pince l'arête du nez alors que de sa clope tombent quelques cendres, chutant vers le vide.
« Bordel mais qu'est-ce que je vais faire?! Putain! Il va me retrouver, je le sais, je le sens. J'suis fini. Merde. Merde, merde, MERDE! »
Il recommence à paniquer, s'oblige à se calmer.
Méthodiquement. Il doit procéder méthodiquement.
Effacer ses traces. Et partir.
Il lève à nouveau sa clope, la glisse entre ses lèvres, inspire. Toujours le même geste, mécanique, rassurant. Ca l'apaise quand il est en pleine crise. Inspirer. Profiter. Se détendre. Recommencer. Il s'assied une minute. Termine sa cigarette. Ca lui fait du bien et peu à peu, le tremblement de ses mains s'apaise. Son cœur cesse d'essayer de fuir sa cage thoracique. Il retrouve un semblant de calme et ses idées s'éclaircissent un peu. Il doit faire le bilan.
Ce connard de flic l'avait retrouvé. Il s'était encore fait avoir, lui avait échappé de justesse. Et la course contre la montre, la course contre la mort avait repris son cours.
C'est pour ça qu'il court.
Sept Octobre. Dix heures quinze.
Il se cache. Au milieu des gens tous entassés dans le train.
Des Monsieur Tout le Monde qui vont travailler, leur corps débile posé sur des chaises bon marché, parqués comme des veaux dans des bureaux trop petits et trop impersonnels.
Des Madame Lambda qui déposent leurs gosses à l'école et partent occuper leur journée comme d'exemplaires femmes au foyer.
Des Adolescents, des Jeunes Etudiants, des Retraités au bout de leur vie et deux ou trois Bambins tout juste nés, qui ouvrent les yeux sur un monde trop noir et trop vicié pour leurs pauvres poumons fragilisés.
Les yeux sont fatigués, les visages sont fermés, les corps sont tendus et pressés.
Ca l'étouffe.
Il déteste ça. Cette atmosphère. Trop de gens. Trop d'informations. Trop de sentiments. Trop de parfums, trop de chaleur, trop de tout.
Il étouffe.
Mais il n'a pas le choix. Il doit fuir et son seul espoir, c'est ce train. Il retient sa respiration, garde la tête baissée, ignore le regard insistant d'une gamine sur son long manteau.
_ T'as du rouge, là.
Il relève à peine les yeux. Une mignonne petite frimousse, deux grands yeux chocolat adorables, un joli sourire et des boucles blondes. Un véritable ange. Il essaie de sourire, mais il n'y arrive pas. Il regarde ce qu'elle lui indique du bout de ses minuscules doigts.
Du sang. Ce nectar divin vermeil qui encense son corps et son esprit. Il frémit.
_ C'est rien. Retournes vers ta maman, petite.
Elle rit doucement. Un chant venu des cieux. Elle s'approche de lui, plus près.. Trop près. Si près qu'il entend son petit cœur d'enfant battre d'une mesure régulière, tranquille. Elle a confiance.
Elle effleure ses cheveux, il se crispe immédiatement. Elle le sent, retire sa main, mais garde le sourire.
_ J'aime bien tes cheveux, ils sont fous.
Il ricane un peu sauvagement. La petite fronce les sourcils, mais ne se sauve pas. Elle a confiance, c'est encore une enfant, elle ne se rend pas compte.. Il répond.
_ Y'a pas que mes cheveux qui sont fous. Files, je te dis.
La gamine sourit encore. Et elle part.
Il se détend légèrement, rebaisse la tête. Il ignore les regards qui pèsent sur lui. Il ignore le monde entier. Il se concentre juste sur sa prochaine destination.
Un peu plus loin, la fillette rejoint sa mère. Elle lui parle du monsieur fou. Sa mère le reconnait, c'est l'homme de l'avis de recherche. Son sang se glace, elle sort son téléphone, le photographie discrètement. Il ne voit rien. Elle tape quelques mots dans son moteur de recherche, trouve le numéro du capitaine en charge de l'affaire, lui envoie la photo en mms et l'endroit où ils se trouvent. Elle vient de le vendre. Elle vient de se vendre.
Dix heures quarante.
_ Veuillez stopper le train, que tous les passagers restent à bord. Nous cherchons quelqu'un.
Une voix dans un mégaphone. Il sort de ses pensées. Un froid glacial, insidieux vient geler ses veines. Quelqu'un l'a vendu. C'est certain. Il relève vivement la tête, scrute les visages. Croise celui de la mère de la petite de tout à l'heure. Elle le regarde un peu craintive, un peu soulagée. Elle sert la main de sa fille avec trop de force pour que ce soit naturel. Il la dévisage, une colère sourde frappant à ses tempes. Il détaille le moindre de ses traits. Elle est encore jeune. Encore belle. Encore frêle. Et elle fait un pas en arrière. Elle lâche la main de sa fille et trébuche. Il n'hésite pas, se précipite, la rattrape avant qu'elle ne touche le sol. Elle se sent soulagée une seconde puis se rend compte. Il ne l'a sauvée que pour mieux l'achever.
_ S'il vous plait..
Juste un murmure. Il tourne la tête. La petite le regarde avec curiosité. La mère veut sans doute être épargnée. Il sourit, malsain. Il relève la jeune femme, la plaque contre les portes du train. Il sort un couteau de sa poche, discrètement, et se place derrière elle. Il appuie la pointe contre son dos. Elle ne vivrait pas. Il appuie plus fort. Elle gémit de douleur. Et la gamine le regarde toujours. Avec ses grands yeux perçants, emplis de sa candeur d'enfant. Il allait tuer sa mère sous ses yeux. Il allait faire de cet ange une petite orpheline. Parce que la mère devait payer. Elle l'avait jeté dans les griffes du loup. Et il voulait, il devait se venger.
Dix heures cinquante-deux.
Il est dehors. Dans le train, tout le monde s'affole. Une femme blonde, d'une bonne vingtaine d'années, est allongée sur le sol, son sang encore chaud s'échappe d'une entaille vive et nette tracée sous sa gorge. A côté d'elle, une gamine pleure. Une gamine qui sait. Une gamine qui a gravé le visage de l'assassin au fond de sa mémoire.
Une gamine qui n'oublie pas.
Il est dehors. Il a chaud, il s'enfuit, il pose à peine les pieds au sol, il entend les hurlements de son ennemi se répercuter grâce à l'écho. Il s'enfonce dans les bois, se presse, se hâte, court, tombe, se relève et repart, inlassablement. Il veut le distancer. Il ne doit pas perdre son avance. Il ne sait même pas où il est mais putain, tout ça n'a pas d'importance.
Il doit juste fuir.
Fuir pour sauver sa peau. Fuir pour sauver sa liberté. Fuir pour sauver le peu de choses qu'il restait encore en lui à sauver. L'adrénaline embrase ses veines, il ne s'arrête pas. Jamais. Il trace droit, sans destination.
Neuf Octobre. Quinze heures.
Il ne sait pas où il est. Il a marché pendant trois jours entiers, sans presque jamais s'arrêter. Aucun hôtel, aucun taudis, aucune dépense, rien qui puisse permettre à l'autre salopard de retrouver sa trace.
Il devient fantôme parmi les fantômes, ombre parmi les ombres, présence silencieuse qui se fond dans la masse et dans l'obscurité pour mieux vous échapper et glisser entre vos doigts.
Tout est silencieux autour de lui, la journée est claire mais d'une froideur non négligeable, qui entraine chez lui un tremblement presque compulsif de ses mains abimées. Il erre dans les rues, sans véritable but, le regard fouillant comme toujours les alentours, scrutant chaque visage pour essayer de se convaincre qu'il est en sécurité, qu'il ne risque rien, que tout va bien et que la Mort ne se planque pas dans un coin, prête à ouvrir la portière d'une voiture ou la porte d'un magasin pour le choper et lui retirer la dernière chose qu'il s'efforce de garder.
Il s'arrête devant une petite épicerie. Il a vraiment besoin de manger, de boire, il doit tenir le choc mais ce n'est pas le ventre vide qu'il le pourra. Il sait qu'il risque gros mais il n'a pas le choix. Il ne peut pas utiliser autre chose que du liquide mais il n'en a pas, alors il se la joue ancienne méthode. Il avance derrière un jeune homme pendu à son téléphone, finit par le bousculer, glisse une main dans sa poche pour récupérer son portefeuille. Il s'excuse faussement et s'éloigne rapidement, le mec n'a rien compris. Il ouvre la pochette de cuir, il a assez d'argent pour se faire un bon repas et reprendre le train ensuite.
Il retourne vers l'épicerie, entre. Derrière le comptoir, un homme d'une soixantaine d'années au sourire bienveillant et au regard perçant. Il l'ignore totalement, slalome entre les rayons, attrape le stricte minimum. Une bouteille d'eau et un sandwich. Rien de plus, rien de moins. Il va vers le comptoir, garde la tête baissée, refuse de montrer son visage. Le vieillard l'encaisse, prend l'argent en échange de sa nourriture, et il ressort.
Deux minutes. C'est le temps qu'il a passé dans cette boutique.
Deux minutes de trop.
Le magasinier a beau être vieux, il suit les infos à la télévision. Il l'a reconnu à la seconde où il a passé la porte. Il a gardé son sang-froid, l'a servi comme n'importe quel client lambda. Il l'a regardé s'éloigner vers le Boulevard Botule. Et il a téléphoné au capitaine. Nouvel appel. Nouveau danger. Et celui-là, il ne l'a pas vu arriver.
Dix-sept heures.
Il devrait partir. Il le sait bien. Il devrait choper son sac et s'en aller par le premier train. Mais il est juste épuisé. Ca fait trop de temps qu'il marche, qu'il court, qu'il fuit sans jamais s'accorder une seule minute de repos. Alors il décide de s'arrêter, malgré le mauvais pressentiment qui lui taraude l'estomac. Il le sent, quelque chose cloche. Quelque chose va se passer. Mais il est tellement, tellement fatigué.. Il trouve une petite maison toute simple, sans rien, qui semble vide. Il entre, observe, il est seul, tant mieux. Il soupire, se dit que ce nœud à l'estomac finira par partir. Il prend ses repères, mange un bout, monte à l'étage. Il trouve la salle de bain, s'y déshabille, entre dans la douche. Il profite du jet d'eau brûlante pour laisser ses muscles se détendre. Il essaie de faire abstraction de l'étrange sensation qui le tiraille mais plus le temps passe, plus c'est douloureux.
Il soupire, abandonne, termine rapidement sa première douche depuis plusieurs jours. Il sort, se sèche, se rhabille rapidement. Redescend. Et cette sensation.. Ca va mal finir, ça va tellement mal finir ! Il passe une main tremblante dans ses cheveux encore humides, inspire profondément, prend son sac, hésite.. Et le repose. Il ne part pas. Il a beaucoup trop besoin de se reposer. Malgré ce pressentiment, malgré le cri que son instinct pousse et la voix de sa conscience qui gueule si fort qu'il en a mal au crâne. Il repose son sac. Il se couche sur le canapé, règle son téléphone. Juste deux heures. Deux heures de sommeil, pas une de plus. Avec un peu de chance, à son réveil, il irait mieux. Il n'aurait plus cet étrange sentiment et ce besoin impérieux de fuir qu'il étouffe par un bâillement et par cette capacité d'auto persuasion presque surhumaine. Il s'allonge, ferme les paupières. Il oublie le monde, il oublie la fuite, il oublie qu'il doit courir, il oublie qu'il peut mourir. Il s'endort pour trouver un peu de paix. Un peu de repos. Il baisse la garde.
Il est faible. Il enchaine les erreurs. Il se rapproche de sa propre perte.
Sail – Awolnation.
Vingt heures.
Il n'a pas entendu son réveil. Il dort encore, les traits relaxés, le visage aussi serein et innocent que celui d'un enfant. Des pas résonnent à peine dans la maison. Il ne les entend pas, il dort beaucoup trop profondément pour ça. Les pas résonnent encore et encore, fouillent chaque pièce, arrivent dans le salon. Un homme grand, barbu, au regard fou, avec un Smith & Wesson à la main s'arrête devant le sofa. Devant lui. Il le regarde dormir. Tranquille. Sa respiration est régulière, mesurée.. Il ne ressent rien. L'homme pourrait le tuer là, maintenant. De toute façon, il est bloqué. Dans l'état actuel des choses, aucune fuite possible. Tellement aucune que le commissaire est venu seul, parce que c'est son affaire, c'est à lui de la régler, aussi efficacement que possible.. D'où l'arme dans sa main gauche.
Gauche. Sinister. La main du mal. Et c'est cette main qu'il lève pour pointer son arme en direction de sa tête. Il pourrait tirer et en finir définitivement. Ce serait si simple.. Peut-être trop. Le commissaire se demande s'il ne méritait pas pire. Il devrait souffrir pour tout le mal qu'il a fait à des pauvres gens innocents. Il devrait souffrir et le tuer reviendrait à ce qu'il s'en tire à trop bon compte. Mais s'il ne le tue pas maintenant.. Il sait que Viktor est intelligent. Qu'il va trouver une brèche. Comme il l'a toujours fait. Il raffermit la prise de sa main sur son arme. Il est l'heure.
Mais il a trop tergiversé, et Viktor, lui, s'est éveillé. Le regard un peu paumé qui tombe dès le réveil sur un faciès ennemi. Comment? Comment il l'avait retrouvé? Il a l'air de ne pas le voir, trop perdu dans les méandres de sa propre tête. Putain, il est en train de rendre ce commissaire totalement timbré on dirait.
Il tente un geste lent pour se relever, mais il attire le regard du commissaire. Il tourne vivement la tête, leur regard se croisent. Leur haine s'exprime, la tension monte. Tout est à vif. C'est le moment décisif. Le silence est pesant, tout semble suspendu autour d'eux. Au premier qui va craquer.
Le regard de Viktor est dur, mais dans ses prunelles est gravée la peur d'être piégé.
Le regard du commissaire est froid, hésitant mais menaçant, gouffre sans fond d'une haine incommensurable.
Viktor se lève, le canon de l'arme suit son mouvement, toujours braqué sur son front. L'animal traqué sous le joug du chasseur. Le commissaire le fixe, sans un seul mot. Il réfléchit encore. Le tuer. Ne pas le tuer. S'abaisser à son niveau ou demeurer plus humain que lui. L'autre en profite, il doit tenter une voie de sortie. Un rictus vient se poser sur ses lèvres, il prend la parole, brise le silence, attire l'attention du commissaire. Il doit gagner du temps.
_ Tu vois, c'est ça le problème de la conscience. Si j'avais eu l'arme entre les mains, je t'aurais déjà buté dix fois. Le commissaire grogne.
_ Tu vois, c'est ça la différence entre nous. T'es qu'un putain d'animal. T'as rien d'un être humain, sale enfoiré. Je devrais te coller une balle entre les deux yeux maintenant. Mais ce serait trop simple.
_ Trop simple? Ma mort, trop simple? Laisse-moi rire. Viktor ricane, se déplace lentement, un pas sur le côté, assez lentement pour qu'il puisse ne pas se faire remarquer, occupant le commissaire avec leur discussion.
_ Tu mérites pire que ça, t'as fait souffrir trop de gens. Des innocents sont morts à cause de toi. Depuis quand tu te prends pour Dieu? Depuis quand tu décides de qui vit et qui meurt? C'est pas ta décision, t'as pas ton mot à dire là dessus. Le canon de son arme le suit, il pivote tout autant que sa Némésis mais ne s'en rend pas compte, la haine qui brûlait ses veines le rendant trop aveugle.
_ Des innocents? Tu crois que ces gens étaient innocents? Putain mais ouvres un peu les yeux! On planque tous des cadavres dans nos placards, mec. J'en planque juste un peu plus que la moyenne. C'étaient tous des pourritures, et de toute façon, ils auraient crevé un jour ou l'autre, j'ai juste accéléré les choses.
_ Tu t'trompes. Les gens bien ça existe, mais t'es tellement enterré dans ta logique de barge que t'es incapable de voir la différence. Tu les tuent au nom de quoi? Certains étaient juste des gosses, putain! Tu crois qu'ils cachaient des trucs, eux? Sa voix vibre de colère, sa main tremble, il est de plus en plus au bord du crack mental qui le menace depuis le début de cette affaire.
_ Je les tuent au nom de l'art. Au nom de MON art. Au nom du cinéma! Pour mes Unknown Movies. J'en ai besoin. Et ça vaut au moins ça. Cette émission, c'est tout ce que j'ai et rien ni personne ne me l'enlèvera jamais. Je ne laisserais aucun obstacle se dresser sur mon chemin. Toi ou les autres, c'est du pareil au même. Vous ne pourrez pas m'arrêter, jamais.
Les rôles sont échangés, désormais. Viktor se tient à la place du commissaire et le commissaire à celle de Viktor. L'arme n'a pas changé de main, mais les positions de force sont inversées. Viktor esquisse un rictus ironique, le commissaire a la main qui tremble, son canon n'est plus aussi assuré qu'avant. Il baisse de quelques millimètres. Faiblesse. Et Viktor le voit. Son rictus s'agrandit. Il pourrait s'enfuir, il savait que le commissaire ne tirerait pas. Ou qu'il ne le toucherait pas, ses mains tremblaient trop pour ça. Il pourrait s'enfuir, oui. Mais il ne le fait pas. Il baisse les mains, il ne s'inquiète plus. Il sait déjà qu'il a gagné. Il attrape sa veste, l'enfile. Il bouge, le commissaire suit ses mouvements de son canon mais toujours ne fait rien. La sueur perle sur son front. Il voudrait si fort appuyer sur la détente.. Il ne comprend plus ce qui le retient.
Viktor continue de ramasser ses affaires, tranquillement. Ses gestes sont exagérément lents, mesurés, calculés. Il approche du canapé. Il n'est pas fou, et ça, tout le monde semble l'oublier. Il avait un mauvais pressentiment, il a assuré ses arrières. Il s'accroupit lentement pour prendre son sac. Lentement, toujours aussi lentement. Il glisse une main sous la bretelle de son sac, l'autre sous le coussin du canapé.
Et tout s'enchaine.
Viktor attrape un long couteau, se relève d'un pas vif et retourne faire face au commissaire. Il doit agir vite, tant que l'autre est encore surprit. Il échappe un ricanement et avance, le commissaire hésite une seconde puis reprend ses esprits. Il tire. La lame brille sous le reflet de la lune lorsque Viktor se penche de justesse pour éviter la balle. Le commissaire le sait, il n'a qu'un chargeur plein. Il ne peut pas manquer sa cible. Pas cette fois.
Viktor grogne, se redresse, et fonce. Il réussit à désarmer le commissaire, le Smith & Wesson valse à l'autre bout de la pièce. Il essaie de le coincer, il se tord, attrape ses bras, essaie de l'empêcher de bouger, mais le commissaire se débat. Viktor se prend un coup, le couteau lui glisse des mains. Bien, ce sera un combat à mains nues. Parfait.
Les coups pleuvent à droite et à gauche. Ils s'acharnent, ils se battent, ils veulent se faire mal, faire souffrir l'autre comme jamais personne n'a souffert. Viktor écrase violemment son pied sur la jambe du commissaire, l'os craque, le commissaire gronde. Il attrape Viktor, le mord jusqu'au sang, l'agrippe. Il ne se laissera pas vaincre sans se battre. Bêtes enragées, les consciences humaines ont disparues pour ne laisser que l'instinct animal prendre le dessus.
Les corps chutent, se relèvent et chutent encore. Les voix grognent et hurlent, les yeux se ferment et les bouches tremblent. Ils ont mal, ils s'amochent encore et encore dans un balai horrifique et douloureux. L'obscurité de la nuit est entrecoupée par les rayons de lune, qui éclairent trop vivement le rouge de leur sang imbibant patiemment la moquette au sol. Tout n'est que chaos est violence. Tout n'est que rage et souffrance.
Le commissaire agrippe les cheveux de Viktor, tire, arrache, se délecte de la douleur de sa Némésis de toujours. Viktor se débat, atteint le commissaire à sa jambe cassée, frappe encore, le regarde chuter au sol. Il s'avance, se place au dessus de lui. La douleur l'a presque mit ko. Son regard ne reflète que haine, souffrance et résignation. Il sait que c'est fini.
Viktor esquisse un rictus victorieux. Le commissaire est à sa merci. Il ricane, puis rit plus franchement. Que le goût de la victoire est délectable. Et il sourit. Et il lève le poing. Et il frappe le commissaire au visage, une fois. Puis une autre. Puis une autre. En silence. Et son visage se tuméfie. Et Viktor sourit. Et il déverse toute sa haine dans ses coups. Il devient de plus en plus violent, il frappe, ne se rend même pas compte qu'il hurle chaque fois que son poing touche son visage. Toujours plus fort, toujours plus vite. Il se défoule. Plus rien ne l'arrête. Et le commissaire, impuissant, voit défiler devant ses yeux ses derniers instants. Il a perdu.
Pendant de longues minutes, Viktor frappe, sans se rendre compte que la vie a quitté le corps du commissaire depuis déjà longtemps. Il se vide, fond sa violence dans le corps mort de son plus grand ennemi. Puis l'adrénaline retombe. Il est fatigué, il cesse de frapper. Il tombe à genoux à côté du cadavre glacé de l'homme qu'il vient d'exécuter. Et il sourit. Il avait sa place en enfer, certes, mais dieu que c'était bon d'enfin sentir le doux grivoisement de la liberté consumer ses veines.
Le commissaire est mort. Et maintenant, Viktor peut cesser de courir.
