A chaque fois que je poste une fic, je me dis que ce sera la dernière mais j'ai été tellement enhardie par la joie d'avoir terminé "Corps et âme" que je me suis dit, allez soyons fou, écrivons-en une autre!
Voici donc une toute nouvelle fic, qui sera je pense assez courte, sur un thème de la vie des Maraudeurs qui me passionnent: la fameuse "blague" que Sirius joue à Rogue. Dans la saga de Rowling, cet épisode est décrit brièvement comme un jeu assez innocent mais si on y réfléchit, c'est quand même un acte horrible de la part de Sirius qui met le secret de son ami Remus en danger.
Je me suis souvent demandé comment tout cela avait pu se dérouler et je vous livre ici ma version. J'espère que ça vous plaira.
N.B: Je ne suis pas JK Rowling, je n'ai pas écrit Harry Potter (à mon grand regret), je ne fais que jouer avec ses personnages.
N.B bis: Ceci n'est pas la suite de "Corps et âme" mais si vous avez lu cette fic, vous reconnaîtrez peut-être quelques éléments que j'ai repris.
Merci d'avoir choisi cette fic et bonne lecture!
Chapitre 1 : Excès de curiosité (prologue)
Le professeur de Défense contre les Forces du Mal, Antonius Doherty, annonça la fin du cours et aussitôt ce fut un concerto de raclements de chaises, de froissements de papier et de cris enthousiasmés. L'enseignant regarda le troupeau juvénile s'agiter joyeusement et poussa un soupir à fendre l'âme. Quelque soit leur âge, les élèves ne changeraient jamais.
- Jeunes gens ! s'écria-t-il en élevant la voix pour couvrir le brouhaha. Je vous rappelle que vous avez un devoir à me rendre pour demain sur les Sortilèges Impardonnables.
Autant parler à l'épouvantard dans l'armoire ! Les élèves étaient presque tous déjà sortis. Tous sauf un.
- Professeur Doherty ?
L'enseignant, qui effaçait la craie sur le tableau, tressaillit en reconnaissant la voix de l'élève qu'il détestait le plus au monde.
- Qu'est-ce que vous voulez, Lupin ? grommela-t-il sans se retourner.
Il savait pertinemment ce que ce petit cancrelat allait lui réclamer. Tous les mois, à l'approche de la pleine lune, c'était la même rengaine. Il pivota sur ses talons, trop heureux de pouvoir contempler la mine embarrassée du jeune garçon. Comme à chaque fois qu'il se retrouvait face à Doherty, Remus avait le teint aussi rouge que s'il avait avalé une bouteille de Pimentine et ses genoux s'entrechoquaient si bien qu'on les voyaient jouer des castagnettes même sous sa robe de sorcier.
- Je… je ne serai pas là demain, annonça Remus en fixant le bout de ses chaussures usées comme s'il leur trouvait un intérêt majeur.
- Vraiment ? railla Doherty, incapable d'y résister. Vous me surprenez.
Ce soir-là, c'était la pleine lune. Remus savait d'ores et déjà qu'il serait trop fatigué le lendemain pour assister aux cours. Doherty aussi le savait bien. Ignorant le sarcasme dans la voix du professeur, Remus prit une profonde inspiration et leva la tête.
- Etant donné mon absence, poursuivit-il vaillamment, est-ce que je pourrais rendre le devoir un peu plus tard ? Lundi par exemple ? Je n'aurai pas le temps de le faire pour demain.
Ces paroles confirmaient bien ce à quoi Doherty s'était attendu. Un tel éventail de réponses s'offrit à l'enseignant que ce dernier s'octroya quelques secondes pour les passer en revue tout en toisant son élève honni avec mépris.
- Vous me demandez une faveur, Lupin ? lança-t-il en esquissant un rictus. Vous ne manquez pas d'audace.
- Je sais.
Remus ne le savait que trop en effet mais il n'avait pas le choix. Il cumulait déjà une bonne soixantaine d'heures de retenue à son compteur pour devoirs non rendus à temps. L'odieux Doherty prenait un malin plaisir à les programmer en période de pleine lune pour mettre des bâtons dans les roues à son souffre-douleur attitré. Conscient que l'enseignant profitait de la situation pour s'amuser à ses dépens, Remus s'efforça de rester impassible.
- Alors qu'est-ce que vous en dites ? demanda-t-il entre ses dents.
Doherty fit semblant de réfléchir pendant quelques secondes.
- J'en dis que vous pouvez courir, répondit l'enseignant en souriant de plus belle.
- Oh ! ce n'est pas juste, protesta Remus avec une moue contrariée. Vous connaissez ma situation.
- Justement, répliqua Doherty inflexible. Ce qui est vraiment injuste, c'est que vous soyez toujours favorisé par rapport à vos camarades depuis votre arrivée ici. Vous croyez que l'école est à votre disposition ? Si votre état ne vous permet plus de suivre le rythme scolaire, vous devriez songer à revoir vos exigences à la baisse.
- Vous me suggérez de retourner en première année ? fit Remus d'un ton badin.
- Ne soyez pas ridicule ! rétorqua Doherty en roulant des yeux. Ce serait une perte de temps. Vous devriez quitter l'école tout de suite.
Remus soupira. La malveillance de cet enseignant ne s'atténuerait donc jamais.
- Bon ça suffira pour aujourd'hui, marmonna l'adolescent en tournant les talons prêt à s'en aller.
Il eut à peine le temps de faire quelques pas que Doherty le rappela brusquement comme s'il était pris d'un remord soudain.
- Lupin attendez !
Remus fit aussitôt volte-face, stupéfait.
- Que les choses soient bien claires, dit Doherty avec le plus grand sérieux. Vous avez compris que pour votre demande de délai, la réponse était non ?
- J'avais parfaitement compris, merci, maugréa Remus qui commençait à avoir de plus en plus de mal à rester stoïque.
- Parfait, commenta le professeur avec satisfaction.
Au moment où il quitta la salle, profondément contrarié par l'attitude, pourtant nullement surprenante, de Doherty, Remus s'aperçut alors que quelqu'un avait espionné sa conversation avec l'enseignant. Rogue surgit presque comme un démon de sa boîte de l'armure derrière laquelle il était planqué et fila le train à Remus.
- Alors Lupin, tu as l'intention de nous fausser compagnie encore ? attaqua tout de go le Serpentard.
Après sa discussion houleuse avec Doherty, Remus n'était pas d'humeur à endurer les suspicions de l'éternel rival des Maraudeurs.
- Ma mère est malade, répondit-il prosaïquement. Le directeur m'a donné l'autorisation d'aller la voir à la maison.
Il avait si souvent employé cette excuse qu'elle jaillissait de ses lèvres avant qu'il n'eût pris la peine d'y penser, comme un automatisme. Malheureusement après quelques années à Poudlard, elle ne faisait plus le même effet sur ses condisciples un peu trop curieux.
- Ta mère ? répéta Rogue en fronçant les sourcils, peu convaincu. Je croyais que c'était toi qui étais malade.
- Des fois c'est moi mais là c'est ma mère.
- Alors pourquoi le professeur Doherty a parlé de « ton état » ? interrogea Rogue d'un ton inquisiteur.
Remus en avait déjà plus qu'assez de cette enquête de police. Pour qui se prenait cet enquiquineur de Severus Rogue ? Pour un Auror ?
- Qui t'a permis d'écouter aux portes ? lança Remus agacé.
- Je n'écoutais pas, se défendit Rogue en prenant une mine outrée. J'ai entendu sans le vouloir. D'ailleurs remercie tes copains Potter et Black !
Il montra son sac dont les coutures étaient déchirées.
- S'ils n'avaient pas fait craquer mon sac, je n'aurais pas été retenu dans la classe et je n'aurais pas entendu ta discussion avec Doherty.
Remus eut un soupir interne. James et Sirius aussi pouvaient être pénibles quand ils s'y mettaient. Quel besoin avaient-ils d'ennuyer Rogue à tout bout de champ ? Cela ne faisait que motiver l'affreux à vouloir leur chercher des noises et à fureter autour de leur groupe pour découvrir leurs secrets.
Si Rogue venait à percer le secret de sa lycanthropie, ce serait la fin de la belle vie à Poudlard. Hélas le Serpentard se faisait de plus en plus inquisiteur au fil des années. Las de converser avec son vieil ennemi, Remus pressa le pas pour se débarrasser de lui mais Rogue accéléra à son tour et tendit son bras comme une barrière pour le dissuader de fuir.
- Je sais que tu caches quelque chose Lupin, murmura-t-il de sa voix doucereuse, depuis la première année.
La bouche de Remus fut agitée de tics nerveux. Une part de lui eut envie d'envoyer paître Rogue à la manière de Sirius et James mais le reste de son être, plus raisonnable, se défendit de hausser le ton. A quelques heures de la pleine lune, il pouvait s'emporter comme un rien, dire des choses qui dépasseraient sa pensée et attiseraient davantage la curiosité malsaine de Rogue.
- Qu'est-ce que ça peut te faire ? conclut-il d'un ton se voulant dégagé. Tu as besoin d'un scoop ? Tu fais partie du journal de l'école ?
Pour toute réponse, Rogue esquissa un sourire au moins aussi hideux que celui du professeur Doherty.
- Je découvrirai de quoi il s'agit Lupin, chuchota-t-il à l'oreille du jeune loup-garou. Tu peux compter sur moi.
Et sur cette grandiose sortie, il abaissa son bras et s'en alla de sa démarche rapide et voûtée qui lui donnait l'allure d'une grosse chauve-souris grotesque. Remus le regarda s'éloigner et lui adressa une grimace dans le dos lorsqu'il fut certain que le Serpentard ne pouvait pas la remarquer.
- Je t'ai vu !
Remus sursauta et se tourna vers Peter, qui se frayait un chemin jusqu'à son ami, le teint rayonnant.
- Qu'est-ce que Rogue te voulait ? s'enquit Peter en se dressant sur la pointe des pieds pour essayer d'apercevoir le sommet du crâne graisseux de leur ennemi de toujours.
- La même chose que d'habitude, soupira Remus en rehaussant son sac qui menaçait de couler de son épaule. Et toi, que fais-tu là ?
- Je t'attendais, répondit Peter comme si c'était une évidence. Excuse James et Sirius, ils n'ont pas eu cette patience. En fait ils ont lancé un sort au sac de Rogue…
- Oui je suis au courant.
- … mais Lily Evans les a surpris et elle leur a couru après comme une furie pour leur filer une retenue, continua Peter comme si rien ne l'avait interrompu. Cette fille fait vraiment peur quand elle est en colère.
- Pas assez pour dissuader James et Sirius de faire des bêtises malheureusement, regretta Remus. Enfin, on ne peut pas lui reprocher d'essayer.
Le jeune loup-garou lui-même se démenait pour tenter d'obtenir un semblant d'autorité sur ses deux turbulents amis. C'était bien dans ce but que Dumbledore l'avait nommé préfet après tout.
Hélas, les efforts du jeune homme ne portaient guère leurs fruits. James et Sirius prenaient les démonstrations d'autorité de Remus pour des défis et se pourléchaient de les contester. Avec le temps, le pauvre Remus avait appris à mettre la barre un peu moins haut. Jamais il ne parviendrait à faire entrer les deux têtes brûlées de Poudlard dans le rang. Et Lily non plus d'ailleurs.
- James et Sirius sont allés dehors profiter du beau temps, reprit Peter, et accessoirement pour échapper à Lily. On va les rejoindre ?
Remus acquiesça. Quelques minutes plus tard, le quatuor était rassemblé sous un hêtre au bord du lac, non loin du Saule Cogneur. L'air était doux et pour une fois, le soleil avait eu la clémence de se montrer. Paresseusement allongés dans l'herbe, James et Sirius jouaient à la bataille explosive quand ils furent rejoints par leurs deux amis.
- Alors Moony, qu'est-ce que Doherty a dit ? questionna Sirius sitôt que son ami prit place à son tour sur la pelouse.
Remus résuma brièvement son entretien avec l'irascible professeur tout en sortant de son sac le matériel nécessaire pour commencer son devoir de DCFM. Bien entendu, les récriminations contre Doherty allèrent bon train.
- Quel sale type ! pesta Sirius en grimaçant comme s'il humait une odeur désagréable. Il ne perd rien pour attendre. On va lui faire une blague dont il ne risquera pas de se relever, pas vrai James ?
- Tout à fait d'accord, approuva celui-ci en faisant tourner une carte entre ses doigts avec une dextérité qui prouvait ses talents de joueur de quidditch.
- Laissez tomber, soupira Remus en fouillant dans son sac, sa plume entre les dents. J'ai l'habitude de Doherty. Je vais essayer de faire son devoir et si jamais, je n'ai pas le temps de le finir, tant pis. Ca ne me fera qu'une heure de retenue supplémentaire.
- Pff tu es beaucoup trop gentil avec lui, grommela Sirius désappointé.
Les deux compagnons reprirent leur partie comme si rien ne l'avait interrompue pendant que Remus et Peter commencèrent ensemble le devoir de DCFM. En réalité, Peter entendait bien profiter des lumières de son ami avant que l'absence de ce dernier pour cause de pleine lune ne le contraigne à se débrouiller seul.
Alors que les deux garçons avançaient plutôt bien dans leur travail, leur attention fut soudain attirée par des éclats de voix en provenance du Saule Cogneur. Un groupe de très jeunes élèves s'amusaient bêtement comme à chaque éclaircie. Remus jeta un œil dans leur direction et poussa un long soupir.
Depuis qu'un imbécile – Lucius Malefoy si sa mémoire ne faisait pas défaut – avait lancé le grand jeu consistant à défier le Saule Cogneur, tous les élèves tentaient au moins une fois au cours de leur scolarité de l'approcher suffisamment près pour toucher le tronc. C'était toujours de grands moments de stress pour Remus.
Il se sentait responsable de tous les accidents ayant un lien avec cet arbre démoniaque. C'était à cause de lui qu'il avait été planté, pour protéger l'école du danger qu'il représentait pendant la pleine lune. Par bonheur, on ne dénombrait pour l'instant aucune victime mais serait-ce toujours le cas ?
- Tu ne vas rien leur dire ? s'étonna Peter. Toi, le grand défenseur de l'ordre.
Remus, couché dans l'herbe sur le ventre, se gratta machinalement le menton avec l'extrémité de sa plume et haussa les épaules d'un air indifférent.
- Le meilleur moyen de pousser les gens à s'intéresser au Saule, c'est de leur interdire de l'approcher, expliqua-t-il très calmement. Si je ne dis rien et laisse faire, ils se lasseront tout seuls.
Devant le regard stupéfait de Peter, il esquissa un léger sourire et ajouta :
- C'est Dumbledore qui m'a donné ce conseil.
Mais à l'évidence, les conseils du grand Albus Dumbledore n'étaient pas toujours bons. Un cri retentit soudain et glaça le sang dans les veines de Remus.
- DAVE NON !
Un petit garçon, plus téméraire que ses camarades, avait réussi à franchir le périmètre de sécurité autour du Saule Cogneur et courait vers le tronc à vive allure lorsqu'une branche mince lui faucha les jambes au passage. L'enfant s'étala à plat ventre sur le sol et se retrouva à la merci du colosse végétal. Une seconde branche le gifla au visage, provoquant un concert de cris terrifiés. En un instant des dizaines d'élèves se massèrent aux abords du Saule, partagés entre l'excitation du spectacle et l'effroi. Les quatre maraudeurs ne firent ni une, ni deux et sautèrent également sur leurs pieds.
- Mince, dit James avec inquiétude, ça va mal tourner.
Il n'en fallut pas plus à Remus pour réagir au quart de tour. C'était un garçon calme et réservé mais quand il s'agissait de faire face à ses responsabilités, il était prêt à devenir plus intrépide que James et Sirius réunis. Avant même que ses amis n'eussent le temps de comprendre ce qui se passait, Remus s'était déjà élancé vers le Saule en hurlant.
- LAISSEZ-MOI PASSER ! JE SUIS PREFET !
- Il a vraiment dit ce que je crois avoir entendu ? questionna Sirius d'un ton blasé.
Pour toute réponse, James éclata de rire tandis que Peter observa la scène avec stupéfaction. Remus joua des coudes et se fraya un chemin jusqu'à l'arbre enchanté. Sans réfléchir aux conséquences qu'une telle folie aurait sur sa réputation à venir, le vaillant préfet se rua sous les branches sans craindre de prendre des coups. Grâce à sa nature de loup-garou, il disposait de capacités physiques extraordinaires, qui lui permettaient de se faufiler entre les branches avec une souplesse et une rapidité hors-pair.
En une fraction de seconde, il se retrouva auprès du petit garçon. Ce devait être un élève de première ou de deuxième année à en juger sa stature d'avorton. Remus apparut juste à temps pour s'interposer entre l'enfant et une énorme branche dont il dut parer l'assaut avec son bras. Au lieu de le balayer comme un grain de poussière, la branche se brisa contre Remus comme s'il était en acier. Cela n'empêcha pas le jeune lycan de sentir les os craquer et d'afficher une grimace. Misère, pensa-t-il. Je n'ai même plus besoin de la pleine lune pour malmener mon pauvre corps.
Il n'eut pas le temps de se plaindre mentalement de son sort plus longtemps car ni lui, ni son protégé n'étaient encore tirés d'affaire. Le Saule, furieux d'avoir cassé sa branche sur Remus, attaqua de plus belle. Deux branches croisées s'abattirent comme la foudre sur les deux garçons. Remus n'hésita pas et se jeta sur le dénommé Dave pour faire rempart avec son propre corps. Les deux branches lui martelèrent le dos comme des coups de fouet sans parvenir pour autant à lui casser la colonne vertébrale. Cela avait tout de même du bon d'avoir une ossature de loup-garou.
Conscient qu'un énième assaut était imminent, Remus ne perdit pas plus de temps et se redressa avant de saisir Dave par le col de sa robe pour l'attirer contre lui. Il le tira alors hors de portée du Saule, tout en veillant bien à ne pas recevoir une nouvelle volée de coups. Ce sauvetage déclencha une véritable ovation dans le public.
Sitôt que Remus sortit du fatras de branches et de feuillage avec son chargement dans les bras, la foule se confondit en applaudissements mais le jeune homme n'y prêta aucune attention. Il s'inquiétait plutôt du sort du petit Dave, qui avait la moitié du visage ensanglanté.
- Ca va bonhomme ? interrogea-t-il en le posant à terre.
- Lupin ! s'écrièrent plusieurs voix au même moment.
- Tout va bien, répondit celui-ci en prenant ces cris pour des marques d'admiration. Je n'ai fait que mon devoir…
- Non Lupin, fais attention !
- Attention à quoi ? s'étonna Remus en fronçant les sourcils, perplexe.
Ce fut à cet instant qu'il réalisa qu'une branche de Saule Cogneur s'était enroulée autour de sa cheville. Oh non ! pensa-t-il dépité. Avant qu'il n'eût pu faire le moindre geste, le Saule le tira en arrière et le ballota dans tous les sens comme une grosse maracasse.
James, Sirius et Peter, qui assistaient à tout cela un peu retrait, échangèrent des regards emplis de compréhension mutuelle.
- Dommage, commenta James sincèrement navré, Remus a failli avoir la classe.
- C'est dingue, bredouilla Peter encore éperdu d'admiration, comment a-t-il fait ça ?
- Il est préfet, répondit Sirius d'un ton plein de sous-entendus.
Lorsque le Saule eut secoué Remus tout à loisir, il consentit enfin à le lâcher et le calvaire du malheureux s'acheva par un plongeon spectaculaire dans le lac. Ce final grandiose mit un terme à la performance de Remus, qui regagna la rive, trempé jusqu'aux os, en se prenant les pieds dans sa robe de sorcier. Il était malade de honte en dépit des nombreux applaudissements qu'il récolta sur son passage. J'ai presque cru que je n'allais pas me couvrir de ridicule, songea-t-il désappointé en retournant vers le garçon qu'il avait sauvé.
- Comment t'appelles-tu ? demanda-t-il d'un ton professionnel, voire martial.
- Dave Goujon, répondit timidement le garçon. Je suis en deuxième année à Serdaigle.
- Rien de cassé, Dave Goujon ? interrogea Remus en examinant attentivement son visage.
Pendant qu'il se débattait contre le Saule, Dave avait épongé une bonne partie du sang, ce qui laissait découvrir une coupure assez superficielle à proximité de l'œil. Par bonheur, il ne semblait pas avoir été plus gravement endommagé. D'ailleurs il s'empressa d'assurer qu'il n'avait rien.
- Tant mieux, dit Remus soulagé, parce que tu viens de gagner deux heures de retenue pour ton imprudence, ajouta-t-il d'un ton plus sec.
Sa baignade forcée l'avait rendu légèrement hargneux. Le petit Dave s'en rendit bien compte et ne se sentit pas l'audace de protester après ce que cet incroyable garçon venait de faire pour lui.
- Tu devrais passer à l'infirmerie, conseilla tout de même Remus en retrouvant son habituelle voix douce.
Le jeune garçon, visiblement sonné, acquiesça docilement et se laissa conduire par ses camarades. Tout en usant d'un sortilège pour sécher ses habits trempés, Remus regarda l'enfant s'éloigner d'un pas mécanique comme celui d'un zombie pendant que James et Sirius dispersaient les quidams encore sous le choc de ce qui venait de se passer. Au bout de quelques minutes enfin, la paix revint sur le parc.
- Ben dis donc Remus, tu as fait fort ! lança Sirius tandis que les quatre garçons ramassaient leurs affaires pour s'en aller à leur tour.
- Je n'allais pas laisser le Saule Cogneur broyer ce malheureux, répliqua Remus en jetant pêle-mêle plumes, livres et parchemins dans son sac. J'ai une responsabilité vis-à-vis de cet arbre de malheur… et de tous ceux qui s'en approchent.
- Moony, tu ne peux pas veiller sur tout le monde.
- Mais si voyons James ! rétorqua Sirius sur le ton de la plaisanterie. Il est préfet.
- Ouais mais pas encore préfet-en-chef, nuança James d'une voix égale.
Pour Sirius et James, la nomination de leur ami au poste de préfet en début d'année suscitait diverses réactions. Elle était tantôt sujet de taquinerie, tantôt la cause de moqueries moins innocentes. Sirius et James – notamment ce dernier – avaient sérieusement souhaité recevoir la distinction de préfet de Gryffondor. D'ailleurs ils n'avaient pas douté un seul instant pendant les vacances d'été que le titre reviendrait à l'un d'eux. N'étaient-ils pas après tout les deux élèves les plus brillants de l'école ?
Quand ils avaient constaté que l'insigne était revenu à Remus, cette nouvelle avait agi sur le tandem de choc comme une douche froide. Certes Remus était beaucoup plus sage que ses deux camarades réunis et plus studieux mais il n'était pas plus brillant sans compter qu'il avait lui aussi son lot de malice et le goût du risque. Il n'était pas le dernier partant pour des petites escapades. A l'évidence, Dumbledore avait une image un peu erronée de son protégé. Finalement, Peter avait malgré lui apporté un point final à l'affaire.
- C'est sûrement parce que tu es un loup-garou que Dumbledore t'a donné l'insigne, avait-il dit le plus innocemment du monde. En te faisant cet honneur, il veut faire en sorte que tu ne te sentes pas trop rejeté.
Ce pauvre Peter n'avait pas réalisé la portée de ses paroles… jusqu'à ce que Remus balance l'insigne et quitte la pièce en claquant la porte sous les applaudissements combinés de James et Sirius. Depuis cette journée d'août chez les Potter, l'élection de Remus au poste de préfet faisait encore débat. Tourmenté par les paroles de Peter, Remus n'avait de cesse de se demander pour quels motifs Dumbledore l'avait réellement désigné tandis que James et Sirius n'osaient avouer combien la faveur du directeur pour leur camarade leur inspirait de la jalousie.
Tandis que les quatre compagnons quittaient leur coin sous le hêtre et reprenaient le chemin du château, une silhouette sombre se découpa dans l'ombre d'un taillis. Après sa brève conversation avec Remus, Severus Rogue l'avait suivi ainsi que Peter jusque dans le parc et s'était caché à l'ombre d'épais buissons pour les espionner.
Comme tout le monde, il avait été éberlué par la manière époustouflante dont Remus avait sauvé Dave Goujon du Saule Cogneur, puis écœuré par les honneurs que ce détestable Gryffondor en avait retiré, puis ravi par la tête qu'il avait piqué dans le lac et enfin intrigué par les dernières paroles qu'il avait prononcées : « J'ai une responsabilité vis-à-vis du Saule Cogneur et de tous ceux qui s'en approchent. ».
Qu'est-ce que cela voulait dire ? Severus eut tout à coup l'intuition d'avoir mis le doigt sur un nouvel indice de la plus haute importance concernant le secret de Remus Lupin.
Et voilà un prologue qui annonce la couleur! Alors qu'en dites-vous? Laissez-moi votre avis!
Merci d'avoir lu.
