C'était une course poursuite qui s'engageait, une course poursuite contre la mort et contre ses préjugés qui l'avaient longuement taraudée durant ces dures années. Des préjugés aux aires malsains, à l'aspect menaçants, des préjugés qui prenaient un nouveau tournant alors que la jeune femme poursuivie s'engouffrait dans un énième couloir de ce château qui avait trop longtemps été sa demeure de transition. Elle fuyait, le souffle court, le coeur battant, les poumons à l'agonie. Elle courait en épuisant ce que Merlin lui avait octroyé de ressources pour se sauver de l'instant fugitif qui se créait au sein de son esprit peut être trop embrumé. Des cris retentissaient derrière elle, des cris de rage et de fureur, des cris qu'on n'entendait que trop pousser ses derniers temps. Des cris qui résonnaient avec la nuit, avec les couloirs trop grands et les murs trop épais.
Elle se sentait cloitrée, emprisonnée dans son propre paradis, dans son dernier refuge. Par chance, mais cela tenait bien plus du miracle que du hasard, l'escalier qui menait au quatrième étage n'avait pas dévié sa trajectoire, où plutôt n'avait pas encore dévié car dès lors que la jeune femme posa un pied sur celui-ci, il bougea, la faisant vaciller et perdre son équilibre, et elle tomba. Son genou heurta une des premières marches, mais ses réflexes hasardeux lui permirent de se maintenir à la rambarde des escaliers. Escaliers qui ne cessaient de bouger, dans tous les sens, ajoutant à son périple une saveur dénaturée de désespoir. Mais elle garda le cape, malgré son genou, malgré la peur, malgré la fatalité. Elle se releva se remit à courir tandis que les escaliers lui offraient une légère trêve, une trêve assez délectable pour lui permettre de passer au quatrième étage sans nouvelles encombres. Elle courait, encore et toujours dans ses couloirs trop sombre jusqu'à arriver devant la porte de la bibliothèque. Et elle entra, poussant avec force les portes qui lui semblèrent si légères qu'elle eut l'impression de les traverser presque, telle un des fantômes du château. Sans relâche, elle courait, s'engouffrant entre les rayons, ne laissant bientôt plus que le silence entrecoupé par sa respiration saccadée.
Où es-tu misérable sang de bourbe ?! » S'écria une voix féminine et enragée que bien trop de gens craignaient dans ce bas monde.
« Elle ne peut pas s'enfuir, elle est prise au piège. » Retentit une voix doucereusement familière, une voix que la jeune femme aurait espéré ne plus jamais entendre.
Et elle comprit, bien trop vite, qu'il n'y aurait pas d'échappatoire cette fois-ci.
« Yaxley, Travers et le reste, trouvez la moi ! »
La course poursuite qui s'était engagée quelque instants plutôt était sur le point de se trouver un terme si peu prometteur pour la brune. Elle se sentit désarmée, démunie, tandis que les bruits de pas se rapprochaient ou s'éloignaient, suivant des pistes différentes mais un but commun. Ils la voulaient, elle, ce soir, c'était sa fin. Malheureusement, prise dans sa peur et ses sens étant brouillés, elle ne comprit que trop tard que sa cachette n'en était plus une maintenant qu'un des Mangermorts l'avait saisie violemment par le poignet pour la redresser. En une fraction de secondes, elle se retrouva projetée au centre de la pièce par un sort lancé à tour de baguette, la heurtant à quelques rangées de livres qui s'écroulèrent bientôt sous le poids de l'attaque. À présent au centre de l'attention, au point même où les regards et les ricanements mesquins et sadiques culminaient, elle se trouvait à terre, face à une orde dictée par un seul et unique ordre, celui de sa mort.
« Tu pensais pouvoir nous échapper encore une fois, sang de bourbe… » Lâcha Bellatrix avant de poursuivre sur un nouveau ricanement, encore plus sinistre qu'à son habitude.
« Finissons en. » Lâcha Lucius, en lançant un regard par dessus son épaule.
Toujours à terre, la Gryffondor n'avait pas trouvé la force de se relever et d'affronter ses adversaires. Plus que jamais, elle sentait la fin poindre mais elle tâchait de garder un semblant de dignité, dignité qui était bercée par les valeurs de sa maison. Mais qu'est-ce que pouvait bien représenter ses valeurs lorsque la mort n'était plus qu'à quelques tours de baguette? Elle entendit Bellatrix, mais ne lui accorda qu'une oreille peu attentive, étant bien trop altérée par la suite qu'avait narré Lucius Malfoy. Il faisait sombre, trop sombre pour distinguer tous les visages mais pas assez pour deviner l'air exalté des partisans, lorsque soudain elle vit une fumée noire arriver par dessus cette même épaule que semblait guetter Lucius. Cette fumée s'était immiscée avec une rapidité subjuguante et passa par chacun des Mangemorts ici présent, faisant rire certains et sourire d'autres qui semblaient pressés par la suite prédite. Néanmoins, lorsque la fumée s'évapora et que la personne en son sein se matérialisa, quel fut le chose pour Hermione de tomber nez à nez sur Drago Malfoy, baguette en main, aux côtés de son père. À cet instant, elle comprit que c'était la fin, jusqu'à ce que cette même lumière lancinante resurgisse pour l'extirper violemment de ce même cauchemar.
« Malefoy… » Chuchota-t-elle alors qu'elle venait de se redresser sur son lit, le souffle court et le corps recouvert de sueur..
Mais pourquoi lui, encore, alors qu'il ne faisait plus partie d'aucun camp maintenant que la mort l'avait emportée.
Juillet 1998.
Devenir une héroïne de guerre n'ajoutait en réalité que désagréments à la vie quotidienne. Certes, c'était facile se se pavaner avec de telles arguments lorsque tout semblait à porter de main, lorsque l'adulation semblait éternelle. Mais pas lorsqu'on s'appelait Hermione Granger.
Certains prenaient ça pour de l'humilité ou bien le syndrome même de la « grosse tête aiguë » mais Hermione Granger ne voyait pas d'un bon oeil les regards qu'on lui octroyait ces temps-ci, pour ne pas dire qu'elle y était complètement érémitique. Tout avait repris son cours, et la vie continuait. Du moins, c'était ce qu'on lisait dans les journaux, à croire que la gazette et les médias piochaient leurs intrigues dans les contes de fée moldus.
Le monde semblait heureux, bien trop enjoué, oubliant presque le mal qu'avait subi la terre sorcière lors de ses rafles et attaques. On ne gardait aujourd'hui que le souvenir du héros, celui de la bravoure et du sacrifice.
Et en même temps que la Guerre, la vie d'Hermione Granger avait pris une tournure étrange.
Était-ce normal, d'avoir l'impression que sa propre vie n'avait d'importance que pour autrui? De ne plus espérer grand chose, si ce n'est le fait d'être seule, cloitrée entre ses murs et ses démons.
Elle avait encore des souvenirs de cette guerre, des cauchemars qui la hantaient tandis qu'elle constatait avec effroi que le monde s'éveillait à nouveau sous un nouveau jour, tandis que chacun se pensait enfin libéré du mal et de l'horreur. Était-ce si simple pour eux d'oublier les pertes?
Et à cette simple pensée, elle se sentit égoïste, égoïste face à sa propre famille, face à ceux dont elle ne partageait pas le même sang mais la même douleur. Une pensée oppressante et torturée alla alors aux Weasley.
Voilà pourquoi elle ne pouvait plus affronter le monde extérieur, pourquoi elle ne voulait plus se fondre dans la masse. Car en ces temps de fête, on prétendait oublier les morts pour le bien des vivants, « Fred n'aurait pas voulu nous voir nous morfondre » lui avait-on répété.
Lors de ces instants fourbes et malhonnêtes, elle se sentait comme George, démunie de sa propre humanité. Une partie d'elle n'était plus.
À prime abord, elle avait voulu ressembler à Harry, être aussi démonstrative que Ron, avoir la force de George et le sourire de façade de Ginny pour espérer qu'avec le temps s'effacent les blessures du passé.
Mais on le savait tous, l'histoire Moldus en avait été un exemple pourtant si frappant et prémonitoire, la Guerre laissait des séquelles dont les plaies ne sont pas toujours bien refermées.
Et assise sur son fauteuil, elle entendit des bruits de tapotement contre la porte d'entrée. Bruits qui ne semblèrent pas l'alerter car elle ne bougea pas, gardant simplement le regard dans le vide tandis que les coups se faisaient un peu plus persistants.
« Hermione… On s'inquiète, tu ne réponds plus aux Hiboux… Harry ne comprend pas, et nous non plus… Tu nous manques Hermione, vraiment. Je ne pense plus savoir pourquoi tu nous évites, si c'est à cause de moi ou de… »
Son cerveau se déconnecta à partir de là, il venait de quitter la fenêtre et démarrer un arrêt forcé. Il ne comprenait vraiment rien, quel idiot. Elle serra entre ses doigts sa tasse de thé, il se faisait tard et ses vieilles manies british reprenaient le dessus, apportant avec elles leur lot de consolation et la délectait des différentes nuances de ce breuvage. Elle savait où il voulait en venir, mais il se trompait sur toute la ligne, ils se trompaient tous. Jusqu'alors, elle n'avait plus repris contact avec ses « amis » depuis trois semaines. Elle pensait qu'ils comprendraient, elle ne cherchait pas à les perdre, seulement à les préserver. Elle savait qu'elle les blessait par la même occasion, mais elle avait besoin de s'isoler pour réapprendre à vivre. Elle les avait tout de même prévenu. Ça n'avait rien avoir avec eux, les pleurs et les sourires faux de Molly ou les médias. C'était elle. C'était une affaire qui ne requerrait l'aide d'aucun Élu et d'aucun Trio.
Avec un peu de temps et le silence qui lui était dû, Ron finit par partir, enfin. Elle l'avait entendu glisser quelque chose sous la porte, encore une fois, et elle se dit qu'elle irait voir après. Pour le moment, il valait sans doute mieux qu'il parte, vite, avant qu'elle ne cède et qu'elle abandonne. Ce n'était pas facile, ni pour eux ni pour elle. Mais pourtant, sa petite personne égoïste se sentait le plus à plaindre. Silencieusement, elle ferma ses yeux qui étaient dirigé vers le fond de sa tasse, et une larme solitaire vint briser les dernières barrières qu'elle avait dressée.
Quelques jours étaient passé depuis la dernière visite inopportune de Ron et Hermione s'en était remise, et cela dû se faire avec ou sans son gré. Elle avait fini par s'endormir sur le canapé et quelques heures plus tard, perturbée par un de ses sommeils sans trêve, elle s'était réveillée en sursaut et avait cherché du réconfort dans des choses matérielles et futiles. Face à son esprit perfide lors des nuits comme celle-ci, il fallait bien se prendre au jeu.
Si quelque chose devait lui manquer à cet instant précis, c'était bien le sommeil. Un sommeil sans rêve, pour ne pas risquer de jouer avec les flammes. Elle ne demandait pas grand chose, seulement une pause, un moment.
Dans sa lettre, il lui parlait de cette vie qu'ils avaient. Du terrier, de Harry et Ginny, de Ginny et le Quidditch, d'Harry et la célébrité, la presse et Harry, de lui et de sa mère, de sa mère et le terrier, du terrier et du ministère de la magie, du ministère de la magie et d'Arthur. Et dans sa tête, la jeune femme sentit son esprit feindre un malaise convulsif. Cette répétition, cette redondance, c'était de cela dont elle voulait s'échapper. Elle était partie car elle était trop lâche pour affronter l'après avec eux, elle n'était déjà pas assez sur de le pouvoir elle même.
Plus que tout, Hermione s'en voulait de leur infliger une perte supplémentaire, mais elle avait besoin de sommeil.
Ce soir là, elle irait faire un tour à l'allée des embrumes une fois que la pénombre deviendrait son alliée.
