Disclaimer: L'univers dans lequel se déroule cette histoire et les personnages qui y évoluent sont issus de l'œuvre de JKR.

Remerciements: À Loufoca, ma beta si occupée et qui trouve tout de même le temps de me corriger correctement!

IMPORTANT: Ceci est la fiction miroir de L'Héritage de la Haine. Il vaut mieux lire cette dernière avant d'entamer celle-ci, car je tiens compte de la connaissance de certains évènements relatés dans l'autre sans les mentionner à nouveau. Vous êtes prévenus.


L'Héritage de l'Amour

Chapitre 1 – L'art du double jeu

« - Et voici votre nouveau Maître des Potions, je vous demande d'applaudir le professeur Severus Rogue. »

Celui-ci se leva comme il était coutume de le faire et toisa les élèves dans la Grande Salle. Il y eut quelques applaudissements, probablement par respect pour Dumbledore, et un tas de chuchotements, surtout venant de la table des Serpentard. Certains devaient l'avoir reconnu. Mais il s'en moquait, en tant que professeur, il ne tolérerait aucune remarque.

« - Le professeur Rogue remplacera également le professeur Slughorn, qui a décidé de ne plus enseigner, au poste de directeur de Serpentard, » ajouta Dumbledore.

Les réactions furent diverses à la table concernée, mais aucun visage ne reflétait de contentement. Peu lui importait, il avait bien l'intention de mettre fin à ce stupide culte de l'élitisme par les origines et la célébrité.

« - Et maintenant, bon appétit à tous, » conclut Dumbledore.

Severus se rassit alors que les plats apparaissaient sur toutes les tables. Il se servit raisonnablement et attendit que les autres professeurs se soient mis à manger pour lui-même entamer son assiette. Curieusement il se sentait observé. Il aurait dû trouver ça logique, puisque il était le nouveau professeur, mais c'était plus qu'une impression. Il lui semblait sentir une présence posée sur lui, et c'était fort désagréable. Il releva la tête de son assiette et son regard tomba immédiatement dans celui d'une Serpentard qui le détaillait à l'instant même. Elle sourit, avec une teinte d'ironie nettement marquée. Il fouilla sa mémoire pour tenter de retrouver son visage parmi la masse d'élèves qu'il avait vue défiler quand il en faisait encore partie, mais seule une image floue lui revint, renforçant le malaise qu'il ressentait. Pour couper court à ce sentiment, il la détailla, chacun son tour après tout. Elle était blonde, avait les yeux bleu gris, son visage était hâlé, et son allure était celle d'une noble. Il y avait fort à parier qu'elle avait son mot à dire dans tout ce qui passait au sein de Serpentard, et elle avait à coup sûr fait partie du club de Slughorn. Il fixa à nouveau ses yeux et sut aussitôt que c'était une futur Mangemort. Cela le dégoûta au plus haut point, et il ne put s'empêcher de lui transmettre tout le mépris qu'elle lui inspirait. Elle ne prétendit pas baisser les yeux, et il n'avait pas l'intention de lui laisser croire qu'il allait se laisser mener par une simple élève.

« - Severus ? » appela Dumbledore.

L'interpellé se retourna vers son directeur.

« - Alors, votre première impression en tant que professeur ? »

« - Pour le moment, rien de spécial. Mis à part cette jeune fille à la table des Serpentard, la blonde qui semble se croire au-dessus de tout, qui est-elle ? »

Il désigna la Serpentard de la tête et Dumbledore regarda dans la direction qu'il désignait. Severus vit qu'elle feignait l'étonnement du fait qu'elle faisait l'objet de leur attention.

« - Ah, vous parlez de Noemy McLane. Elle est en dernière année et suit le cours de Potions si mes souvenirs sont exacts. Je ne me souviens pas avoir eu de problèmes avec cette élève, et comme les autres semblent l'écouter, je l'ai nommée préfète. »

Severus acquiesça doucement. La parfaite petite élève brillante. Son premier cours avec les septième année promettait d'être intéressant. Il retourna à son assiette et la finit dans un temps raisonnable. Peu après, Dumbledore se leva à nouveau.

« - Je pense, » dit-il, « qu'il est l'heure pour nous tous de rejoindre notre lit. J'invite les première année à suivre leurs préfets qui leur montreront leurs dortoirs. Bonne nuit à tous ! »

Severus observa le comportement de ladite Noemy. D'après ce qu'il pouvait voir, son insigne de préfète ne faisait que garnir sa robe, car elle observa ses confrères, puis quitta la Grande Salle dans les premiers.

Le jeune professeur haussa les épaules et resta immobile jusqu'à ce que tous les élèves soient partis. Puis il se leva de sa place, salua les autres professeurs, et quitta à son tour la Grande Salle.

Il parcourut les couloirs de l'école pour rejoindre ses quartiers. Le mot « quartiers » n'était pas vraiment adéquat pour qualifier la large chambre que Dumbledore lui avait assignée, mais en comparaison du carrelage froid sur lequel reposait un maigre matelas non loin de plusieurs feux et de dizaines de chaudrons, c'était du grand luxe, et il savait l'apprécier à sa juste valeur.

Alors qu'il parvenait à un tournant, il se retrouva face à un choix qu'il n'avait pas prévu de devoir faire. Soit il prenait le chemin le plus court, soit il déviait et allait se perdre dans ses souvenirs d'école…

A son propre grand étonnement, il décida d'aller se perdre. Et plus il avançait, plus il se disait que ce n'était vraiment pas une bonne idée. Partout où il mettait les pieds, oui, il revoyait ses réussites scolaires, mais à chaque coin de couloir le guettait la bande à Potter pour lui faire un quelconque mauvais coup. Oh, il ne se faisait pas d'illusions, si ce n'avait pas été eux, il y en aurait eu d'autres pour s'occuper de lui. Mais le fait est que c'était eux, et qu'il donnerait cher pour les avoir comme élèves à présent. Ils avaient déjà ramassés beaucoup de retenues dans leur parcours scolaire, mais là, tous les cachots de l'école seraient nickel en permanence. Il sourit aux images qu'évoquaient les silhouettes rampantes de ces prétentieux.

Aussitôt, l'image de Lily vint s'interposer entre sa vision et lui. Toujours aussi resplendissante, la justice et le courage faits femme, ses yeux l'imploraient d'être indulgent. Mais à force de courber l'échine, on finissait par perdre. Lily était avec Potter. Et ils avaient un enfant. Le trésor convoité par le Seigneur des Ténèbres. Combien de temps le bébé lui échapperait-il encore, cela ne dépendait plus de lui. Tant que Lily survivait, le reste lui importait peu. Et si Potter mourait, Severus pourrait même retourner les choses à son avantage.

C'est avec un tout léger sourire flottant sur les lèvres que Severus atteignit sa chambre. Il allait refermer la porte quant on l'appela.

« - Severus ! Attendez ! »

Il se retourna pour voir qui le demandait. Minerva McGonagall. C'était de mauvais augure. Mais au moins pouvait-il garder la tête haute car ils étaient à présent sur un pied d'égalité.

« - Oui ? » fit-il, se demandant ce qu'elle allait bien pouvoir lui sortir.

« - Tous nos collègues ne seront pas présents car ils n'ont pas encore tous décidé de vous pardonner vos erreurs. Néanmoins, un verre est organisé en votre honneur dans la salle des professeurs. »

« - Ah ? » fut tout ce qu'il trouva à répondre.

Il n'était pas habitué à ce genre de mondanités. Il ne savait pas comment réagir exactement. Il n'avait pas spécialement envie d'y aller, mais décliner serait certainement très mal vu. En résumé, il n'avait plus qu'à s'y rendre en feignant d'apprécier.

« - Alors, vous venez ? »

McGonagall souriait presque, on aurait dit qu'elle était amusée par son hésitation.

« - Je vous suis, » répondit-il.

Et il lui emboîta le pas vers la fameuse salle des professeurs où il n'avait de sa vie d'étudiant que rarement mis les pieds.

« - Dites-moi, Severus ? » entama McGonagall sur le chemin.

« - Oui, Professeur ? » répondit-il par automatisme.

Elle sourit à nouveau. Record battu en une soirée. Durant ses sept années d'étude, il ne l'avait vu sourire qu'une seule fois, et certes pas aussi naturellement qu'à présent.

« - Vous pouvez m'appeler Minerva, » dit-elle.

Il secoua la tête. Elle haussa un sourcil.

« - Je ne préfère pas pour l'instant. Plus tard peut-être… » dit-il pour se justifier.

« - Très bien, Severus, comme vous voudrez. Je voulais vous demander, mais vous n'êtes pas obligé de répondre, si vous aviez un projet de carrière dans le cas où la guerre aurait été finie avant votre sortie de l'école ? »

Il se racla faiblement la gorge. Il s'était attendu à ce genre de question. Il valait probablement mieux que ce fut elle qui la lui pose.

« - Et bien, en fait, non. »

Et il n'ajouta rien. Parce qu'il n'y avait rien à ajouter, que les détails ne regardaient que lui seul.

« - C'est dommage, » dit-elle. « Je suis certaine que vous auriez fait un excellent scientimage. »

« - Merci. »

Ils finirent le reste du trajet en silence. L'instant d'après il était plongé dans un joyeux brouhaha, nettement moins bruyant que celui des élèves, mais néanmoins présent au sein de la salle des professeurs.

« - Ah, voici le principal intéressé, » déclara Dumbledore en le voyant entrer.

Severus inclina doucement la tête à l'endroit du directeur, tandis que McGonagall rejoignait ce dernier en prenant un verre.

« - Servez-vous, Severus, c'est une petite fête pour vous souhaitez la bienvenue dans notre corps professoral… »

C'était Filius Flitwick qui lui avait adressé la parole. Le jeune professeur inclina à nouveau la tête, et se servit comme on le lui avait proposé. Apparemment, c'était du champagne, mais il n'en était pas certain, il n'avait jamais eu l'occasion d'en goûter. Lorsqu'il eut son verre en main, Dumbledore leva le sien et dit :

« - Portons un toast à notre nouveau professeur. Que les années qu'il passera ici soient productives. À Severus Rogue. »

Et les autres professeurs présents de répéter :

« - À Severus Rogue. »

Il leva faiblement son verre en inclinant la tête une fois de plus. Ils burent tous une gorgée du liquide blond pétillant pour entériner le toast, et il les imita. Ce n'était vraiment pas mauvais le champagne…

La soirée continua à avancer doucement. Severus n'avait jamais été très bavard, ce n'était pas en une soirée qu'il allait changer ses habitudes. Il répondit donc poliment aux questions que lui posaient ses nouveaux collègues, sans plus. Il n'entretint aucune conversation, et coupait court quand on abordait sa période « noire ». Les autres professeurs quittèrent peu à peu la salle. Bientôt il ne resta plus que lui en compagnie de McGonagall et Dumbledore. Il s'excusa auprès d'eux, et partit à son tour.

Il fit le trajet entre la salle des professeurs et sa chambre en beaucoup moins de temps que la première fois. Une fois à l'intérieur, dans une relative intimité, il s'assit sur le lit encore fait, en travers, le dos contre le mur.

Quelle drôle de première journée il venait de passer. Surtout la soirée. Il se rendit alors compte d'une chose. Si c'était les enfants qui avaient le pouvoir et non les adultes, les rêves les plus fous du Seigneur des Ténèbres n'auraient même pas eu besoin d'être formulés pour être réels. Les enfants ne s'encombrent pas de l'hypocrisie des adultes, ni de leurs manières. Ils disent les choses, comme ils les pensent, et agissent tout simplement en conséquence. Maintenant qu'il avait définitivement quitté ce monde cruel de l'enfance et de l'adolescence dans lequel on ne lui avait fait aucun cadeau, Severus était enfin intégré socialement parlant. Ou tout du moins en façade. Mais c'était suffisant. Il n'avait besoin de la reconnaissance de personne. Tout ce qu'il voulait, c'était qu'on le laisse vivre en paix. Et apparemment, le corps professoral de Poudlard allait agir de la sorte. Restait à espérer que les élèves sauraient rester à leur place. Car, et c'était vraiment très heureux, ce n'était pas eux qui avaient le pouvoir.

§X§

Severus était satisfait. Il avait décidé que les rumeurs sur ses idées n'étaient pas pour lui déplaire. Son attitude refléterait donc uniquement ce qu'on voulait bien lui prêter comme attitude, sans jamais dévoiler réellement ce qu'il pensait. Et, semblait-il, les élèves aimaient à voir en lui un renégat de la magie noire. Il avait donc aisément enfilé le manteau du mage noir qui enseigne sans aucune pitié, et avait obtenu de très bons résultats auprès des élèves qu'il avait eus en cours jusqu'alors.

Mais ce cours à venir, il le sentait, ne serait pas aussi aisé. Il avait deux heures à donner aux septième année. Et les quelques jours précédents avaient suffi à lui confirmer que cette Noemy McLane allait poser un très gros problème. Il s'était renseigné sur ses antécédents. Si elle était la meilleure de sa promotion, elle excellait encore plus en Potions. Et cette impression qu'il avait constamment de la connaître depuis toujours tout en ne sachant rien d'elle n'était pas faite pour le rassurer.

Ce fut donc avec une légère appréhension qu'il claqua violemment la porte du cachot dans lequel il donnait son cours, empruntant à nouveau l'image du méchant professeur. Le silence se fit immédiatement dans la salle. Il avança entre les bancs, n'accordant aucun regard à qui que ce soit. Mais à peine eut-il dépassé la tête blonde de Noemy qu'il sentit un dédain couler en lui. Elle avait apparemment déjà fait son jugement sur lui. Il se retourna aussitôt et la vit qui le défiait du regard, souriante.

« - Miss McLane, vous allez m'effacer ce sourire de votre visage. Vous êtes dans un cours sérieux, pas au cirque. »

Il perçut nettement que tous les autres élèves retenaient leur souffle. Elle avait donc tant d'emprise sur eux… Quel dommage qu'ils ne sachent ce que valaient ces grands airs au-dehors… Mais ils ne tarderaient plus à être au courant.

À sa grande surprise, la Serpentard se contenta de hausser un sourcil et de le toiser sans un mot. Paradoxalement, elle semblait encore plus sûre d'elle. Il ne releva pas, et commença son cours par une révision générale, sachant pertinemment que la moitié des choses qu'il citait dans son résumé n'avait même pas été abordées les années précédentes. Il trouvait ce rôle de professeur sadique très plaisant, et certains regards horrifiés qu'il lisait sur les visages de ses élèves le confortaient dans son idée. Il remarqua cependant qu'un des visages n'était nullement horrifié. Bien au contraire, le regard de Noemy était perdu dans le vague.

« - Vous rêvassez, Miss McLane ? » demanda-t-il d'un ton sulfureux.

« - Non, Monsieur, » répondit-elle le plus sincèrement du monde après un court instant.

« - Alors, vous allez pouvoir me citer les ingrédients du Polynectar et leurs quantités que je viens de rappeler à l'instant. »

Il allait vite savoir si son excellence venait de Slughorn ou réellement d'elle. Elle récita la liste demandée sans ciller.

« - Ce n'est pas tout à fait correct, » conclut-il quand elle eut fini.

« - C'est mot pour mot ce qui se trouve dans le livre que vous utilisez comme base du cours, Monsieur, » répondit-elle de manière dédaigneuse.

Décidément, il allait être grand temps de lui apprendre le respect à cette petite garce. Il la remit donc cordialement à sa place.

« - Très justement, Miss McLane, c'est une base. C'est pourquoi, en ayant écouté mon exposé, vous devriez savoir qu'il y a une modification à apporter pour obtenir de meilleurs résultats. »

Il sourit intérieurement en la voyant froncer les sourcils. L'excellence ou une apparence. La nuance allait se jouer là.

« - Il faut commencer la préparation à la Nouvelle Lune, » dit-elle alors, « c'est la meilleure phase de départ pour la cuisson des chrysopes. »

Severus garda un instant le silence, puis déclara :

« - Dix points à Serpentard pour votre remarquable aplomb, Miss McLane. La prochaine fois que vous ne serez pas attentive, ce sera la retenue. »

Il détourna le regard et reprit où il s'était arrêté. On aurait pu entendre les mouches voler dans la salle de classe s'il n'avait pas été en train de parler. C'est pourquoi il entendit clairement ce que s'échangeaient Noemy et sa voisine, malgré leurs efforts pour ne pas se faire remarquer. Il continua de parler en même temps qu'elles pour savoir de quoi il retournait, jusqu'à ce que Samantha Anderson demande :

« - Comment connaissais-tu la réponse, alors ? »

Il se tut et attendit la réponse, ainsi que tous les autres élèves, qui surent rester discrets le temps qu'il fallait.

« - Préparer une potion implique la connaissance de toutes les propriétés des ingrédients utilisés, » répliqua Noemy. « Appliquer bêtement les instructions d'un livre donne toujours de mauvais résultats. »

« - Miss McLane, » claqua-t-il, surprenant les deux Serpentard, mais pas assez pour les faire sursauter.

L'interpellée le regarda, attendant la suite. Il ne se fit pas prier.

« - Je vais vous donner l'occasion de prouver vos dires, » déclara-t-il. « Vous préparerez votre potion sans le livre. Je vous donnerai simplement l'ordre dans lequel se succèdent les ingrédients. »

Elle regarda le tableau pour y lire ce qu'il avait fait apparaître. L'Amadocilis était une potion simple de contrôle, mais le contrôle n'était acquis que lorsqu'elle était parfaitement réussie. Destinée uniquement à l'usage des animaux, elle donnait des résultats catastrophiques sur les humains, et c'était d'ailleurs bien dommage.

L'air contrit que la Serpentard afficha ne suffit pas à le convaincre. Il la dirigea vers le fond de la classe et fit apparaître la liste des ingrédients sur un parchemin avant de le lui donner. Puis il feignit de se désintéresser de son cas afin de la surveiller discrètement à l'œuvre par après. Il donna les dernières instructions et laissa les élèves se débrouiller. Il circula entre eux de temps en temps, les observant sans leur donner l'occasion de s'en apercevoir, pour mieux appréhender leurs façons de procéder.

Merlin qu'ils étaient brouillons. Il n'y en avait pas un pour rattraper l'autre. Aucun ordre, aucune méthode, si ce n'était celle de suivre les instructions du livre. Qu'allait-il bien pouvoir tirer d'une telle bande d'incapables ? Malgré tout, certains faisaient montre d'un peu de bon sens et parvenaient à s'en sortir contre toute attente. Si on avait décidé de lui donner l'attitude d'un professeur sympa, il aurait pu être conciliant. Mais comme c'était loin d'être parfait, et qu'il avait le rôle du méchant, il n'aurait aucune pitié.

Il n'y en avait qu'une seule qu'il ne pourrait pas couvrir de honte. Et c'était Noemy McLane. Même sans instructions, elle agissait exactement comme il le fallait. Certes, il était flagrant qu'elle avait déjà préparé cette potion auparavant, mais la rigueur indispensable était présente, et elle procédait méthodiquement. Si ce n'était ce désir qu'il avait de conserver l'image qu'il avait commencé à donner, et l'irrépressible envie de ne pas du tout faire comme Slughorn, il aurait pu la prendre sous son aile.

Severus se secoua alors intérieurement. Comment avait-il pu en arriver aussi vite à de telles considérations ? Il n'avait jamais voulu partager son savoir à ce point, et n'était certainement pas prêt à rompre avec sa solitude si bien établie. Non, tous ces changements subtils qui ne lui étaient pas propres n'étaient pas anodins. C'était d'elle que cela venait, de la facilité qu'il avait à la percevoir. Il fallait qu'il mette un terme à cela, et ce le plus vite possible.

Il constata qu'elle ne travaillait plus depuis un certain temps. Elle était même plongée dans ses pensées. Elle avait beau être douée, elle était décidément beaucoup trop indisciplinée.

Il s'avança sans bruit jusqu'à son chaudron et, une fiole dans la main, tendit son bras pour prendre un échantillon immédiatement afin de satisfaire sa curiosité. Son bras fut instantanément bloqué. Il regarda aussitôt Noemy, étonné de la rapidité avec laquelle elle avait réagi. Plus aucun doute n'était possible. Elle l'avait « senti ». Sûrement inconsciemment, car il percevait qu'elle n'était pas particulièrement douée pour la Legilimencie, mais cela lui prouvait à coup sûr que l'impression permanente qu'il ressentait n'était pas à sens unique.

« - Que croyez-vous faire, Miss McLane ? » demanda-t-il d'une voix sourde et froide.

« - Et que croyez-vous faire au-dessus de mon chaudron, Professeur ? » répondit-elle sur le même ton.

Il la toisa, incrédule face à son ton impérieux. Mais c'était lui le professeur, et elle l'élève. Et il la materait, il y parviendrait.

« - Vous étiez à nouveau en train de rêvasser, » dit-il, cassant. « Je venais mettre fin à votre préparation. Lâchez-moi. »

« - J'avais fini, » répondit-elle sans se départir de son timbre glacial et en sortant sa baguette avec sa main libre pour la pointer sur lui. « Je vous lâche, et vous reculez. »

Elle tint parole en desserrant sa prise et en retirant son bras. Severus retira également son bras du dessus du chaudron, mais il ne recula pas d'un pouce.

« - Professeur, » reprit-elle, « dois-je vous rappeler la règle en ce qui concerne la préparation d'une potion, ou cela ira ? »

« - Je pensais, Miss McLane, que vous vous considériez au-dessus des règles… »

Il avait répondu du tac au tac, mais il savait qu'il était en tort. Et il la détesta pour ça, et pour tout ce qu'elle représentait qui l'avait mis à mal pendant tant d'années. La supériorité du sang, la suffisance de la noblesse, le mépris envers tous les autres, même les partisans s'ils étaient de « basse classe ». La haine qu'il pensait avoir réussi à évacuer revint au grand galop, et elle était pleinement dirigée vers cette Noemy McLane, insupportable peste. Il sentait également, tout faiblement, qu'elle dirigeait une certaine forme de haine envers lui. Mais c'était totalement insignifiant par rapport à ce qu'il éprouvait à son égard.

« - Reculez, Professeur, » susurra-t-elle, ses yeux glacés lançant des éclairs.

Severus ne put s'empêcher de lui adresser un sourire hautain. Il était parvenu à la déstabiliser, et il n'en était pas peu fier.

La Serpentard fit venir deux fioles d'échantillonnage depuis l'étagère où elles se trouvaient et les remplit de sa potion, le tout avec sa baguette. Puis elle jeta un sort sur une des fioles et tendit l'autre à son professeur. Ayant une vague idée de ce qu'elle voulait faire, à savoir s'assurer de l'impartialité de son jugement quant à ses résultats, il lui demanda néanmoins, toujours aussi cassant :

« - Peut-on savoir, Miss McLane, à quoi correspond toute cette mascarade ? »

« - Cela me paraissait clair, » répondit-elle, d'un ton ironique, « mais je vais prendre la peine de vous expliquer. La fiole que je vous tends contient l'échantillon que vous vouliez prendre. L'autre contient un autre échantillon que j'ai scellé et que je garderai avec moi, au cas où… »

« - Au cas où ? » répéta-t-il. « Précisez… »

Elle ne répondit pas, jetant un coup d'œil à la pendule de la classe. Severus savait pertinemment que le cours était fini. Mais il attendit de voir ce qu'elle allait faire avant de dire quoi que ce soit, et surtout, il lui avait posé une question qui demandait une réponse.

Intrigué, mais cette fois n'en laissant rien paraître, il la vit placer la fiole qu'elle lui tendait directement dans sa main. Puis elle vida son chaudron et ramena son sac près d'elle d'un coup de baguette. Enfin elle le regarda en souriant.

« - Aucune précision n'est nécessaire. Au revoir, Professeur. »

Et elle sortit sans même prendre la peine de se retourner. Severus se retourna vers le reste de la classe, qui ne semblait plus du tout intéressé par la préparation inachevée qu'ils avaient tous devant eux.

« - Trente points en moins pour Serpentard, » dit-il autoritaire. « Vous préviendrez votre collègue que je ne tolérerai plus un tel comportement, sous peine de la voir bannie définitivement du cours. »

Il n'y eut aucune réaction. Les élèves se contentaient de baisser les yeux quand il posait son regard sur eux.

« - Le cours est terminé, » ajouta-t-il. « Si je n'ai pas vos échantillons de préparation sur mon bureau dans les cinq minutes, vous aurez un T. »

Il retourna derrière son bureau et s'y assit, jetant un coup d'œil aux copies relativement brouillon des deuxième année. Son ouïe étant entraînée à entendre tous les murmures, il entendit clairement Samantha Anderson glisser à un autre Serpentard :

« - Noemy est complètement folle. Déjà qu'il n'a pas l'air commode, mais en plus elle le provoque. J'espère qu'elle remettra ses pendules à l'heure d'ici le prochain cours. »

Severus sourit. Ainsi donc, la soi-disant reine des Serpentard n'avait pas le total appui de ses condisciples. Par beaucoup de points, elle ressemblait au Seigneur des Ténèbres. Elle se servait des autres uniquement quand elle avait besoin d'eux, mais elle n'était proche d'aucun. Une tête seule est très facile à renverser. Qu'il ne lui prenne pas l'envie de recommencer son petit jeu, car il serait là pour la faire tomber, et de très haut, excellente élève ou pas.

La salle de classe se vida enfin. Severus se releva et se plaça debout au centre de la pièce. Et là, il eut comme un sombre pressentiment. Cet endroit verrait la fin de Noemy McLane. Il ne savait pas comment, il ne savait pas pourquoi, il le savait tout simplement. Et cela ne le réjouissait pas particulièrement.

Chassant ces idées noires et sans fondement, il rangea ses affaires d'un coup de baguette avant de sortir et de fermer la porte à clé. Puis il se dirigea vers la Grande Salle. Il ne put s'empêcher de se souvenir des innombrables fois où il était littéralement presque mort de faim durant les années qui avaient suivi sa sortie de Poudlard. Le Seigneur des Ténèbres n'avaient que faire de ses partisans. Pire, ceux dont il attendait un travail en particulier, il les menaçait de faim et de tortures, même si ces serviteurs faisaient leur maximum avec tout l'excès de zèle dont ils étaient capables.

Severus en était là de ces sombres considérations quand il entra dans la Grande Salle par la porte réservée aux professeurs. Au moment où il s'asseyait à sa place, il sentit nettement le regard de Noemy sur lui, et il releva les yeux vers elle. Leurs regards se croisèrent pendant un court moment avant que chacun ne le détourne. Severus n'avait pu s'empêcher de ressentir à nouveau une vive haine en voyant ces yeux pâles et pleins de suffisance le fixer. Il vit la Serpentard se lever vivement et quitter aussitôt la salle.

Il prit un toast dans le plat à portée et le tartina avec un peu de confiture. Il mordit une fois dedans, puis se servit un petit verre de jus d'orange tout en mâchant avec difficulté. Son estomac ne semblait pas vouloir de nourriture. Quand il fut enfin parvenu à avaler cette première bouchée, il but d'un seul trait son verre. Non, décidément, il n'avait pas faim. Il ne se sentait même pas bien du tout. Ses oreilles se mirent à siffler bruyamment, et la tête lui tourna. Faisant comme si de rien n'était, il inspira très lentement pendant quelques minutes, le temps que ses sens se remettent à fonctionner correctement, puis il se leva doucement et quitta la Grande Salle comme il y était entré.

Dans les couloirs, fort heureusement déserts, il avança en titubant quelque peu. La nausée le menaçait, n'ayant cependant rien pour être alimentée. Des gouttes de sueur perlaient à ses tempes, et sa vue était parfois trouble. Après des efforts considérables et, selon lui, interminables, il parvint à rejoindre sa chambre. Là, il s'affala sur son lit sans ménagement. Mais rien n'y fit, la position allongé n'était pas plus confortable qu'assis ou debout. Il ne bougea cependant plus.

Malgré la désagréable douleur qui tamponnait son crâne avec insistance, il se força à réfléchir. Quelle était la source de ces sensations pour le moins gênantes ? Il lui fallait la localiser et l'éliminer. Et puis, sans qu'il ait eu besoin de pousser plus loin sa réflexion, la vérité lui éclata au visage. Noemy McLane. Oui, mais pas de son plein gré. Non, il existait quelque chose qui pouvait lier inopinément deux sorciers sans qu'ils l'aient décidé, sans même qu'ils le sachent. Tout simplement parce que la magie était ainsi faite.

Severus se redressa vivement, ce qui n'était pas une bonne idée au vu de son état, mais il s'en fichait. Il alla dans sa petite bibliothèque personnelle et ouvrit deux ou trois livres, les refermant aussitôt avant de trouver celui qui l'intéressait. Magie d'hier, toujours présente, livre dans lequel il avait beaucoup écrit depuis qu'il l'avait en sa possession. Il tourna fébrilement les pages, sa vue se brouillant toujours aussi souvent, rendant sa progression difficile. Mais il le trouva. C'était écrit là, noir sur blanc. Il y avait même mis quelques annotations, mais il n'avait même pas besoin de les relire, car il se souvenait parfaitement de sa réaction le jour où il avait parcouru ces lignes. Le Lien Indestructible.

« - Merlin, pas moi…, » murmura-t-il dans un souffle rauque.

Mais il était trop tard. Et sans le vouloir, il l'avait activé à sa pleine puissance. Il en ferait les plus grands frais, étant extrêmement sensible à la magie de l'esprit. Il n'avait plus qu'à apprendre à se contrôler. Mais ce ne serait pas une simple tâche…