Alors, tout d'abord, bonjour.
Je sais que ça fait une éternité que je ne suis pas passée sur FF. En tant qu'auteur, j'entends. Il me fallait une grande, longue, belle pause et je l'ai eue.
» Pour ceux qui se le demanderaient : oui, UCDA reprendra sous peu. Je posterai sûrement le prochain chapitre après celui-ci, ou après le chapitre deux, tout dépend de mon inspiration : j'ai déjà la trame et le résumé entier du chapitre, le résumé entier de la fin mais quand l'inspiration n'est pas là…
» A la base, ceci devait être un OS qui a dépassé les 10 000 mots. Alors elle s'est muée en mini-fic #simplicitéquandtunoustiens.
» Il peut y avoir parfois du vocabulaire grossier (tout dépend du degré où vous situez la vulgarité). Petite particularité : Luffy a huit ans, Sabo et Ace sont majeurs.
» Il y aura peut-être six ou sept chapitres. Peut-être plus. Mais je pense que mon grand maximum sera de dix. Je suis bien avancée, et je pense que les chapitres feront environ 4000 mots chacun (je trouve que c'est une bonne moyenne, ni trop peu ni trop long).
Merci à tous ceux qui me laisseront un retour !
DISCLAIMER :OP appartient à Oda (always).
Bêta-Reading : petite00 est la merveilleuse bêta-reader de ma life. Sans elle, vous auriez le droit à un paquet d'intolérances et de coquilles de ma part. J'dis ça, j'dis rien.
Genre : UA. Définitivement.
Le rythme de parution risque d'être très, très irrégulier. Désolée d'avance.
Ribs –Lorde.
Clair de Lune – Claude Debussy.
« Aller faire un tour en vélo ? On pourrait aller jouer à la PlayStation chez ton pote, là, Marco. Dormir chez lui, même. Tu sais bien que papy ne dira rien ! Allez, quoi… Jouer avec Luffy, alors ? Aller au parc ? Au cinéma ? Je veux bien payer ta place ! Bon. Même pas faire un match de basket ? Je trouverai des gens pour jouer avec nous… T'es sérieux ?! Mais bouge-toi un peu ! Tu ne vas pas rester toute ta journée devant ton ordi ! Tu ne vas pas dormir toute la journée ! Viens faire un tour, rien qu'un ! S'il-te-plaît… »
« Allô ? Allô ? Je suis bien chez… »
« … Ace, Sabo et Luffy ! ASL, c'e… »
« … C'est bon, Luff', passe-moi le téléphone. Vas prendre une douche. Oui, une douche ! Il est neuf heures du soir, Luff', tu dois être couché et tu sais très bien que tu es sous ma responsabilité et que tu dois m'écouter quand je te parle, Garp l'a dit lui-même… Luff' ! »
« … »
« Allô ? Allô ? Est-ce que v… »
« Oui, oui ! Oui ! Allô ? Bonjour, je suis désolé pour la coupure… Vous êtes bien chez Monkey D. Garp, oui. Enfin, je suis Sabo mais… On s'en fiche. C'est pourquoi ? »
« Euh, pour… J'appelle pour Portgas D. Ace.»
« Ace ? Il n'est pas là pour le moment. Qu'est-ce que vous lui voulez ? »
« Oui, je suis au courant… Je sais, moi, où il est en ce moment. Pero... euh, une fille s'est plainte de… »
« … De ? »
« … de harcèlement. Il est au poste de police pour l'instant mais quelqu'un doit venir pour le récupérer. »
« Attendez, vous voulez-dire qu'Ace est sous les barreaux ? »
« Non ! Absolument pas. Les flics l'ont gardé parce qu'il courait encore après elle – la fille, vous voyez – alors qu'elle lui avait clairement fait savoir qu'elle ne voulait plus le voir mais il continuait parce que, vous savez comment est Ace, il est parfois un peu impulsif et… »
Sabo soupira. Se passa une main dans les cheveux. Il devait arrêter ça immédiatement. Faire comprendre à Ace qu'il devait se calmer.
« Oui, oui, je comprends. » le coupa-t-il en jetant un coup d'œil dans son dos lorsqu'il entendit des pas derrière lui. C'était Luffy, encore. « Ecoutez, pas de problème, je vais aller au poste. Merci de m'avoir prévenu et, euh… Pardon mais vous êtes qui, au juste ? »
Silence.
« Euh… Un pote à Ace ? »
« Un 'pote' à Ace ? Si vous en êtes vraiment un, pourquoi vous n'allez pas le récupérer vous-même ? Comment est-ce que vous êtes au courant de tout ça ? Est-ce que vous avez assisté à son arrestation ? Est-ce que vous avez seulement levé le petit doigt ? Est-ce q… »
Le son de la tonalité arriva aux oreilles de Sabo qui resta quelques secondes muet, abaissant le combiné inerte dans sa main pour le fixer plus longtemps qu'il n'était nécessaire, pensif.
Ace avait vraiment le chic pour attirer les mauvaises fréquentations. Les gens qui trouvaient un intérêt à s'approcher, faire connaissance, passer un peu de temps avec lui jusqu'à en être rassasiés et le jeter sans aucun remords. Quoi que celui-ci avait pris la peine d'appeler. Peut-être qu'il tenait vraiment à Ace, malgré tout.
Bullshit, songea Sabo en jetant le téléphone sur le petit meuble d'un brun clair à sa gauche. La situation avait encore tourné au vinaigre et, maintenant, il n'y avait que lui pour recoller les pots cassés avant que Garp ne s'aperçoive de quelque chose.
- Sabo ? C'est grave ? l'interrogea une petite voix, un peu plus loin.
Lorsqu'il se retourna, le blond aperçut son petit frère prostré au coin de la porte de la cuisine, en t-shirt et – semblait-il, du moins il l'espérait – sur le point d'aller se doucher. Ses grands yeux chocolats paraissaient encore plus inquisiteurs et pressants que d'ordinaire. On l'aurait dit au bord des larmes.
- Grave ? lança-t-il d'un ton qu'il voulait léger (mais qui n'apaisa en rien Luffy, à en juger par son expression perdue). Pas du tout. Ace est juste, hum… (Il ferma les yeux. Se creusa la cervelle pour trouver un mensonge passable)… il est juste à une soirée avec des amis et il a un peu trop bu pour rentrer seul, comme d'habitude. Je vais aller le récupérer là-bas pendant que tu resteras ici et iras te coucher comme un grand. Tu es capable de faire ça pour moi et Garp, n'est-ce-pas ?
Luffy fronça les sourcils.
- Il est ivre ?
Sabo acquiesça, refoulant le petit pincement au cœur qu'il éprouvait en réalisant que son petit frère ne savait déjà que trop bien se servir de ce genre de vocabulaire, habitué depuis tout petit aux frasques et abus d'Ace. Finalement, alors qu'il ne l'aurait jamais cru si on lui avait dit quelques années plus tôt, il se révélait être le plus « sage » de leur petit trio.
Incroyable.
- Il viendra me dire bonne nuit quand il rentrera quand même ?
- Promis. Je le ramène et je le traîne par la peau des fesses dans ta chambre pour qu'il te fasse ton bisou du soir.
- C'est pas un bisou du soir. Les bisous, c'est pour les filles, papy me l'a dit. Je suis pas une fille et un jour je deviendrai un officier de la marine comme lui et il sera très fier de moi. Et Ace aussi ! Et comme ça, quand on rentrera, papy sera trop fier de nous deux !
- Bien sûr… soupira Sabo.
Les aspirations dont Garp martelait la cervelle de Luffy faisait toujours grincer Sabo des dents. Il lui inventait une vie sur mesure comme il la souhaitait pour ses petits-fils, sans prendre en compte leurs propres rêves.
Sabo n'avait pas oublié quand, à peine trois mois plus tôt, Luffy avait sauté dans son lit en plein milieu de la nuit pour lui annoncer que, plus tard, il serait un fier pirate. Bon, évidemment, ce n'était ni un rêve convenable, ni un rêve accessible, mais ça restait mignon.
Aujourd'hui, Luffy ne rêvait que de bateaux armés, de sous-marins espions, d'uniformes impeccables et de médailles rutilantes. Un avenir que Sabo rejetait de toutes ses forces.
- Bon… Tu fais bien ce que je t'ai dit, hein ? s'enquit-il, se sentant coupable de laisser son petit frère seul et en pleine nuit, qui plus est.
Il n'avait que huit ans. Beaucoup trop jeune pour devoir se débrouiller sans l'aide d'un grand frère pour lui dire quoi faire et le protéger en permanence. Mais où étaient ceux qui auraient dû s'occuper de Luffy avant Sabo, qui n'était que son frère adoptif, après tout ?
Garp avait été appelé en mission à l'autre bout du monde, dans l'Océan Indien pour chasser les pirates (Luffy avait refusé de lui adresser la parole pendant deux semaines. Quinze jours. Chasser des pirates, et puis quoi encore ?!).
Ace se mettait dans des situations impossibles.
Le père de Luffy – Monkey D. Dragon, plus communément surnommé « Dragon » dans le métier – dirigeait une énorme entreprise, laquelle cumulait profit sur profit : même Sabo commençait à en entendre parler au vu de son succès croissant, alors qu'il ne s'intéressait absolument pas à l'actualité économique… ni au commerce, d'ailleurs.
Ace disait que c'était un bon business et que ça rapportait bien. Assez pour ne pas avoir envie de voir son rejeton traîner dans ses pattes et le refiler à son propre paternel mais ça, c'était une autre histoire et Sabo ne se serait jamais permis de l'aborder sous le toit des Monkey qui avaient daigné l'accueillir, lui.
N'empêche, il se sentait mal vis-à-vis de ce petit frère qu'il laissait derrière lui tout comme les autres, même s'il n'avait pas vraiment le choix…
- Je reviens vite, promis, lui jura-t-il en s'avançant vers lui pour s'emparer de sa main et la serrer affectueusement. Si tu préfères, tu peux laisser toutes les lumières de la maison allumées et, s'il y a le moindre problème, tu…
-… va sonner chez le voisin d'à côté pour lui demander de l'aide. Et j'oublie pas de prévenir Dadan. J'sais.
Sabo hocha la tête.
Même après avoir verrouillé la porte et démarrer l'antique voiture dont Garp lui avait prêté la clef (dans sa grande générosité) le temps de son absence, il sentit le nœud déjà formé dans son estomac lui resserrer les entrailles. Il faisait n'importe quoi. Ace faisait n'importe quoi.
Par un hasard malheureux, le poste de police de la petite île de Dawn se trouvait à seulement quatre pâtés de maison de leur chez-eux. Pour emmener Luffy à l'école, Ace et Sabo prenaient un raccourci qui leur faisait croiser la route d'agents chaque matin : parfois, certains reconnaissaient Ace et lui jetaient un regard noir avant de leur faire signe de circuler.
Evidemment, Sabo désapprouvait. Selon lui, Luffy ne pouvait pas comprendre que ce n'était pas une bonne chose d'être reconnu ainsi, d'avoir une mauvaise réputation à traîner en permanence derrière soi. Et après, il voulait devenir pirate…
Plongé dans ses pensées, le blond fit pivoter le volant sur la gauche pour prendre la bonne direction avec en fond sonore Ribs de Lorde que jouait la radio. Ce titre avait le bon côté d'apaiser ses nerfs…
Bon. Sans surprise, sa soirée allait se résumer à négocier avec le commissaire sur la remise en liberté de son frère, rentrer avec lui dans un silence de mort et avaler un plat de pâtes réchauffées devant un épisode de série qu'il avait téléchargé illégalement, une semaine auparavant. Un programme qui ne lui devenait que trop familier. Si Garp apprenait que son petit-fils passait deux jours sur sept au poste de police, ça allait barder pour leur matricule à tous. Peut-être pas à Luffy, trop petit et trop inconscient pour ne pas être épargné, mais Sabo n'y manquerait pas.
Garp avait un sens aigu de la justice, oui, mais il considérait aussi Sabo comme le plus sage et réfléchi de leur petite bande turbulente… selon lui, Sabo devait – était – capable de calmer Ace, de le ralentir assez pour qu'il ne multiplie pas les bêtises.
Parfois, Sabo voyait son frère comme une moto lancée à pleine vitesse dans une nuit d'encre, roulant au hasard sur une route où circulaient des véhicules qu'elle heurtait consciemment, comme pour embêter le monde. Son rôle à lui était de freiner la moto le plus possible avant qu'elle ne dérape dans le ravin : malheureusement, ça ne marchait pas à tous les coups…
Sauf qu'il en avait plus que marre de jouer les freins et d'encaisser les coups qu'Ace aurait dû prendre à sa place…
Soudain, Sabo donna un brusque coup de frein. Ses phares venaient de balayer une silhouette dans l'obscurité, une forme indistincte en plein milieu de la chaussée qui n'avait pas fait un geste en le voyant arriver et qui se tenait toujours là, immobile, un bras en travers du visage pour se protéger les yeux de la lumière des phares.
Le blond n'eut aucun mal à reconnaître la silhouette hésitante à cause de laquelle il avait dû piler.
Il sentit aussitôt la boule de son estomac se délier pour venir lui entraver la gorge et lui brouiller la vue. Le sang lui montait au cerveau. Ce n'était pas bon signe. Ça ne pouvait signifier qu'une chose : la colère. S'il ne se calmait pas, les choses allaient vraiment tourner au vinaigre.
Seulement voilà : en ce moment-même et au vu des circonstances atténuantes, Sabo n'avait pas non plus envie de se calmer.
Il interrompit la voix aérienne de Lorde en enfonçant la radio d'un coup de poing rageur puis se jeta sur la portière. Furieux. Si on lui avait demandé son état d'esprit actuel, il n'aurait pas pu répondre autre chose.
Ace semblait l'attendre, toujours aussi figé, un mélange de perplexité et d'incompréhension plissant ses traits.
A présent, Sabo n'avait qu'une seule envie : envoyer sa paume sur ce visage ahuri pour le voir enfin réagir et pour se soulager du même coup.
Trop, c'était trop.
Le visage d'Ace s'éclaira lorsqu'il le reconnut à la lumière des phares. Il garda une main contractée sur son visage alors qu'il s'écriait :
- Sab' ! T'es venu me chercher ! C'est vraiment sympa, surtout à cette heure, parce que je savais pas vraiment comment rentrer, surtout qu'il fait nuit noire maintenant que la mairie a décidé de couper l'électricité des lampadaires à partir de vingt heures. Et… Sab', qu'est-ce que… ?
Sabo ne lui laissa pas le temps de continuer : il le gifla de toutes ses forces.
Ace chancela, ébahis, avant de reprendre vivement ses esprits.
- MAIS QU'EST-CE QUE TU FOUS BORDEL ?!
- La ferme ! J'ai pas besoin que tu fasses encore plus de tapage ce soir, t'en as déjà bien assez fait comme ça ! Comment est-ce que tu es sorti du poste de police, hein ?! Ils t'ont laissé partir ou tu t'es enfui ?! Parce que je te le jure : si tu t'es enfui, si tu as osé poser ne serait-ce qu'un pied sans autorisation en dehors du commissariat, je te ramène directement là-bas et je leur demande de t'y laisser croupir tout le temps qu'il faudra pour que Garp puisse venir t'y chercher A MA PLACE !
Il inspira un bon coup, sans tenir compte de l'air crispé d'Ace qui se muait peu à peu en une incrédulité perplexe.
Sabo en profita pour enchaîner :
- J'en ai marre de tout ça ! Tu sais que Luffy est tout seul, à la maison ? A cette heure-là ?! Je devrais être en train de lui lire une putain d'histoire pour qu'il dorme et qu'il aille à l'école demain re-po-sé. A la place, je vais chercher son taré de frère au po…
- JE NE SUIS PAS TARÉ ! protesta Ace en l'agrippant par le col de sa chemise flambant neuve (mais déjà crasseuse) et en le secouant violemment. JE NE SUIS PAS TARÉ !
- Il va falloir que tu me le prouves alors ! Et vraiment ! Que tu le prouves à tout le monde, d'ailleurs ! Alors maintenant, tu vas m'écouter très attentivement : tu vas rentrer à l'avant de la voiture – sur le siège passager : je te vois sur le siège conducteur et je t'en remets une ! –, on va parler pendant le trajet de comment t'es sorti du poste à qu'est-ce que tu as bien pu faire à cette pauvre fille pour qu'elle se plaigne de harcèlement et ensuite tu iras dire au revoir à ton petit frère qui attend dans son lit. Ce n'est même pas discutable.
Ils restèrent quelques instants immobiles, se défiant mutuellement du regard. Ace, les mains crispées autour du tissu de sa chemise, arborait une expression mélangeant douleur, honte, colère et embarras. Ses mèches folles, d'un noir de corbeau, brillant et lisse, encadraient des yeux tout aussi sombres et torturés. Sabo lui avait toujours trouvé des cils, des grains de beauté et des lèvres incroyables : un physique explosif qui, cumulé à son caractère aussi changeant qu'une pluie d'été, donnait un résultat détonnant. Ajouté à sa chemise débraillée ouverte sur un torse musculeux piqueté de tâches lui-aussi, un collier rouge sang dont les perles semblaient narguer le monde et un ancien jean troué sur lequel s'entassaient d'innombrables chaînes, Ace avait un look d'enfer. Voilà ce qu'il était réellement. L'enfer tentateur.
Mais est-ce que c'était le moment de penser à ça ? Non, certainement pas. C'était le moment d'exécuter ce qu'il venait de jeter à la face de son frère et de rentrer à la maison.
Une fenêtre s'éclaira à l'étage du bâtiment le plus proche. Le bon moment pour déguerpir avant que les véritables ennuis ne leur tombent sur la tête.
Alors Sabo fit comme à son habitude – il suivit son instinct. Sa main vient rencontrer le poignet d'Ace qu'il desserra de sa prise sur son vêtement, se libérant du même coup. Toujours silencieux, il se servit ensuite de sa poigne pour guider le brun vers la voiture et l'y engouffrer de force.
Ace se laissa faire tout du long, sans résister. Il ne prononça pas un mot quand Sabo redémarra, ni quand Lorde revint chanter dans l'habitacle comme si de rien n'était.
Sabo commençait à se demander s'il n'avait pas un peu abusé en lui criant ses quatre vérités à la figure l'instant d'avant, quand Ace prit la parole.
- Luffy… Il est vraiment tout seul ?
Sabo acquiesça avant de se rappeler que non, Ace ne pouvait pas voir dans l'obscurité.
- Ouais.
- Merde. Je suis désolé. Je voulais pas… c'est pas de ma faute, pour la fille. Enfin si, un peu. Pas beaucoup.
- Déballe.
Il sentit plus qu'il ne vit les épaules d'Ace retomber. Vaincues.
- Je ne la harcelais pas, commença Ace en appuyant son coude contre sa vitre. C'est juste que… est-ce que je peux éteindre la radio ? (Sabo soupira) – Merci. Ouais, en fait, elle s'appelle Perona et elle est déjà bizarre d'ordinaire, tu vois. Je veux dire, c'est le genre de fille à décider d'adopter un look totalement gothique du jour au lendemain tout en gardant son caractère de petite fille flippante – on dirait une poupée, tu vois ? Peut-être que tu vois pas, mais... Si, elle est en cours avec nous cette année. Tu dois voir qui c'est. Enfin bref, on se connaît un peu, elle et moi. Je l'apprécie de loin, quoi. Seulement, je me baladais avec Hermep en début de soirée…
- Hermep ? Le type qui m'a appelé ? le coupa Sabo.
La voix d'Ace parut choquée.
- Appelé ? Appelé pourquoi ?
- Pour me prévenir que tu t'étais fait arrêter, banane. Aux dernières nouvelles, je ne suis toujours pas devin.
- Ah… Faudra que je pense à le remercier, alors.
- Un bon ami à toi ?
- On se connaît. Bref, on a croisé Perona par hasard et Hermep – qui l'aime beaucoup, je sais pas ce qu'il lui trouve, mais bon – lui a demandé si elle voulait venir manger un bout avec nous. Tu penses bien, elle a tout de suite accepté. En fait, je crois qu'elle craque totalement sur moi. En cours, il n'y a qu'elle pour me lancer des regards et des petits rires à l'autre bout de la classe… Drôlement gênant.
Sabo ne put s'empêcher de sourire mentalement à cette pensée, même s'il ne voyait toujours pas de qui il s'agissait. Il ne se déconcentra pas pour autant, prenant une attention toute particulière à bien conduire. Manquerait plus qu'ils se fassent arrêter.
-… elle a commandé un truc… immangeable, si tu veux mon av…
- Est-ce que tu pourrais abréger ?
- Bah… Tu me connais, j'en pouvais plus de ses regards alanguis et de ses faux airs pour me séduire. Alors j'ai été franc, quoi. Hermep m'avait dit d'essayer de la jouer avec du tact mais, tu me connais, parfois je peux juste pas… C'est pas possible. Les mots… Ça sort tout seul de ma bouche et je peux rien faire pour arrêter ça, c'est pas de ma faute.
Le manque de tact… Oui, ça, Sabo ne connaissait que trop bien. Malheureusement.
- Et ? lança Sabo en se garant du mieux qu'il put dans l'allée, constatant avec soulagement que la lumière de la chambre de Luffy était éteinte.
- … et je lui ai dit : « Laisse tomber Perona, tes petits airs marchent pas avec moi, je suis pas intéressé. Si tu veux savoir, je suis gay. »
Sabo en oublia de mettre le frein à main, la Peugeot glissant lentement vers le bas de la rue, bouche bée.
- P'tain Sab', on part en arrière ! Freine, freine !
Sabo reprit ses esprits et le remonta enfin.
- Pardon ? balbutia-t-il ensuite d'une voix blanche, son visage coupé en deux par la lumière de la maison qui n'en laissait voir qu'une moitié.
Ace haussa les sourcils, comme s'il ne comprenait pas sa réaction.
- Je suis gay. Voilà ce que je lui ai dit.
Allongé dans l'obscurité, Sabo comptait les étoiles en plastique fluorescent au-dessus de son lit.
Il y en a précisément cinquante-huit, lui souffla une voix en lui qu'il ne connaissait que trop bien. Tu le sais, arrête de recompter à chaque fois que tu as besoin d'une diversion. Arrête de te voiler la face.
Trente-huit, trente-neuf… Il avait beau savoir que la boîte contenant les étoiles annonçait que cinquante-huit étoiles précisément patientaient à l'intérieur, il ne tombait jamais sur le bon chiffre. Peut-être que cette nuit serait la bonne.
Il se souvenait encore de ce soir-là, lorsqu'il était rentré de cours. Ace avait trouvé la blague de très bon goût : lui un peu moins, quand il avait découvert le carnage effectué sur son plafond.
Ceci étant, le brun avait vu juste. Sabo n'aimait aucune partie de l'année comme les premiers jours d'Août, période précise à laquelle les étoiles filantes zébraient le ciel nocturne avec assiduité. Il passait alors son temps dehors, sur la pelouse sèche et jaune, le regard plongé dans l'immensité stellaire qui le narguait lui, sur sa planète insignifiante. En ces jours bénis, Ace venait se planter à la fenêtre de sa chambre pour lui gâcher le spectacle en lançant des traits d'humour mêlés de sarcasme dès qu'il en avait l'occasion.
Et puis, un jour, il avait eu « l'excellente idée » (selon lui) de passer au magasin de bricolage du coin et d'en revenir, tout content de lui, un carton sous le bras. Autant dire qu'Ace n'avait jamais autant rit que ce jour-là devant l'air ébahi de Sabo.
« Comme ça, t'auras ton ciel étoilé toute l'année grâce à moi ! »
Il n'en manquait jamais une.
Croisant les bras derrière son crâne, installé sur le dos, Sabo ferma les yeux. Il se sentait exténué mais ne parvenait pas à dormir. La douleur dans les muscles de ses avant-bras et de ses cuisses lui rappelait qu'il aurait dû y aller plus doucement à son dernier entraînement de volley, mais lui ne pensait qu'à intensifier encore plus ses efforts physiques. Il faudrait bien que son corps s'adapte.
A cet instant-même, c'était plutôt son esprit qui devait s'adapter aux paroles d'Ace.
« Je lui ai dit que j'étais gay »
Ben voyons. Le pire n'était pas la franchise et la candeur avec lesquelles il avait déclamé cette dernière phrase, comme si elle tombait sous le sens. Non, le pire, c'était que Sabo, s'il avait été choqué pendant quelque secondes, ne ressentait plus rien.
En fait, il devait se rendre à l'évidence : ça ne le surprenait pas du tout. Ace, gay ? Pourquoi pas, après tout ?
Lorsqu'il y repensait, Sabo n'avait jamais vu son frère flancher devant une fille. Pourtant, elles ne manquaient pas, celles qui le trouvaient à leur goût et venaient flirter avec lui sans la moindre once de subtilité. Elles lui faisaient clairement savoir ce qu'elles voulaient et, en retour, elles ne recevaient que des sourires magouilleurs et le regard indifférent de celui qui trouve la situation amusante sans y prêter une attention particulière.
Est-ce qu'il avait eu une relation sérieuse, ne serait-ce qu'une fois ? Non, pas à ce que Sabo s'en souvienne. Juste des sourires échangés par-dessus un pupitre, quand ils étaient en classe, ou au travers d'un feu de camp lorsqu'ils partaient en excursion avec une bande d'amis. Quoiqu'il s'agissait plutôt des amis d'Ace, jamais des siens puisqu'ils n'existaient pas… Ou disons qu'il en avait moins que son frère.
Sabo se retourna à fond et prit une grande inspiration, le nez dans les draps.
Comme un disque rayé, les paroles d'Ace ne cessaient de repasser en boucle dans son crâne, l'assourdissant. Il ne pouvait pas arrêter d'y penser. Il ne pouvait pas. Il avait presque l'impression d'avoir cette fichue phrase gravée dans la nuque, marquée sur son front, affichée en permanence sur ses paupières. Tourbillonnant dans sa tête.
Il tendit une main vers sa table de chevet où il tâtonna quelques secondes avant de sentir la coque en métal froide de son portable sous ses doigts. Lorsqu'il l'alluma, l'écran afficha trois heures et demie du matin.
Beaucoup trop tard pour se coucher, beaucoup trop tôt pour se lever, soupira-t-il intérieurement.
De nouveau, il tendit le bras, saisit ses écouteurs et les brancha sur son portable. Puis, il se redressa. Ses yeux suivirent avec rapidité la liste de morceaux compris dans son répertoire musical. S'il voulait vraiment dormir, mieux valait quelque chose de calme. Mais est-ce qu'il voulait vraiment dormir ?
Non. Au fond, il savait qu'Ace ne s'était pas couché. Il avait entendu les pas feutrés, pourtant bruyants à ses oreilles, suivre le couloir de l'étage jusqu'à l'escalier, la quatrième marche grinçant lorsqu'il y avait posé le pied.
Qu'est-ce qu'il pouvait bien faire en bas à cette heure ?!
Réponse : regarder la télévision. Ou mettre à jour le fil d'actualité de ses réseaux sociaux pour scruter pendant des heures des photos de tous les gens populaires du lycée dans des poses diverses et variées, de la mannequin alanguie ou mystérieuse aux langues tirées et sourires marqués d'un appareil dentaire.
Le choix de Sabo – qui hésitait toujours devant sa liste de musiques – se porta finalement vers Clair de Lune de Debussy. Un morceau de piano calme qui glissait vers ses oreilles comme du velours sous ses pas, déroulant des notes de piano absolument aériennes près de ses oreilles. En fermant les paupières, il pouvait presque apercevoir la lune pleine au-dessus de lui, se découpant sur le ciel obscur.
Sans faire de bruit, il se redressa et alla ouvrir sa porte.
Comme d'habitude, la quatrième marche grinça. Il n'y prêta pas attention, obnubilé par le flot de notes cristallines autour de lui.
- Sab' ? chuchota une voix dans la semi-obscurité du salon.
Sabo grimaça. Son moment venait de se briser. Il mit le morceau en pause pour en profiter plus tard, franchissant la distance qui lui restait vers le canapé où la silhouette d'Ace s'étalait.
Le blond avait mis dans le mille : Ace regardait la télévision tout en faisant défiler les dernières photos de ses « amis » sur Instagram. Son visage était éclairé de temps en temps par un cliché à la luminosité plus vive que les autres, et alors un sourire orné de fossettes creusait son visage.
Il tourna la tête lorsqu'il s'assit à ses côtés.
- T'arrives pas à dormir ?
- Non.
- Je te jure que je suis allé dire au revoir à Luffy.
- Je te crois. Suis pas là pour ça, si tu veux savoir. Je n'arrive vraiment pas à dormir.
Il y eut un silence. Le pouce d'Ace glissait silencieusement sur son écran.
- Tu ne regardes pas la télé ? demanda Sabo. Je peux étein…
- Non ! Je veux dire non, se reprit Ace quand il eut pris conscience d'avoir parlé trop fort à cette heure avancée de la nuit. Je regarde. C'est intéressant.
- Un docu sur la vie sous-marine ? Tu envisages de faire de la plongée l'été prochain ?
- Ouaip.
Sabo resta quelque secondes interdit.
- Tu plaisantes ? Tu sais à peine nager !
- Je sais, grinça Ace en quittant les yeux de son écran, pour une fois, une moue agacée au visage. Je compte bien apprendre à nager et ensuite faire de la plongée. C'est un nouveau projet. J'ai trop hâte de m'y mettre. Gâche pas mon enthousiasme. Tu sais depuis combien de temps j'y pense ? J'en ai parlé avec Hermep. Il dit que c'est une idée cool, que je devrais me lancer tout de suite. Mais je préfère attendre la fin des cours, pour le temps libre tu vois, c'est plus int…
- Ace, soupira Sabo pour stopper son flot continu de paroles. OK, OK, j'ai compris l'idée.
Il s'allongea près de son frère qui se tortilla, puis s'enfonça dans le canapé pour lui laisser de l'espace.
- Tu veux pas qu'on change de place ? s'enquit soudain la voix d'Ace, soufflant dans son cou. Je vois plus la télé. Et puis, là où je suis, c'est plus confortable pour dormir…
Sabo poussa un nouveau soupir puis roula sur le côté. Ils pivotèrent. Le blond ferma les yeux.
- Ace…
- Ouais ? murmura le brun, la voix étouffée par-dessus son épaule.
- Est-ce que tu es vraiment gay ?
- Ça te gêne ?
- Je ne sais pas. Je ne pense pas, répondit-il en toute franchise.
- Oui. C'est vrai. Maintenant, dors.
Curieusement, ses paupières se fermèrent toutes seules. Il avait la réponse à sa question.
Je viens d'y repenser (des années plus taaard) mais, un jour d'ennui profond, je me suis amusée à créer un Tumblr à cette fic. Vous pouvez le retrouver à l'adresse: dawnchronicles . tumblr . com (enlevez les espaces pour que le lien fonctionne). Le mot de passe: acesaboluffy (oui, je ne me suis pas foulée...)
Merci à ceux qui auront lu jusque là. Laissez un petit mot au passage, c'est toujours sympa!
WP.
