« with shortness of breath, i'll explain the infinite »
« prologue »
Dans un long soupir, elle s'extirpa des douches, frottant une serviette contre sa peau humide ; ses iris émeraude se heurtèrent silencieusement au reflet que ce miroir lui renvoyait. Et là, plus que jamais, elle se trouva laide. Ses mèches roses légèrement décoiffées, ses yeux verts, son corps frêle, sa peau pâle ; elle haïssait cette vision. Elle se détourna à la hâte de cette image et s'empressa de faire disparaître cette honte sous quelques couches de vêtements.
Le bruit de ces pas effrénés résonnait dans les couloirs de l'établissement, parfois elle croisait le regard d'un autre élève et lui accordait un petit sourire poli ; la majorité des jeunes se terraient dans les gradins du gymnase ou à la cafétéria, profitant de cette pause pour reprendre quelques forces. Elle jeta un coup d'œil à son téléphone et une petite grimace se glissa sur ses lèvres, lorsqu'elle remarqua les sept messages non lus venant de sa meilleure amie ; elle fourra l'appareil dans la poche arrière de son jean et doubla la cadence.
Puis, dans un ton bien trop harmonieux, une mélodie se mêla au son de sa respiration. Une inspiration ; une note. Une expiration ; une note. Les battements de son cœur reflétaient, à cet instant, le bordel dans son esprit ; les sourcils légèrement froncés, sans réellement savoir pourquoi ni comment, enveloppée par la mélodie, elle prit un chemin opposé à la cafétéria. Étrangère aux yeux des autres, elle s'engouffra dans l'auditorium.
Un son empreint de velours, de violence, de douceur, de désespoir ; plongée dans l'obscurité de la salle, à bout de souffle, ses iris émeraude se retrouvèrent happés par cet inconnu. Ses doigts dansaient sur les touches du piano, mêlant brutalité et sensibilité. Il jouait comme ci son cœur se retrouvait à nu, à cet instant, il jouait comme ci ce serait la dernière fois. Broyée dans l'ivresse du rythme, la rose s'accroupit derrière un siège, refusant de briser ce moment au ton presque majestueux.
Et la mélodie céda sa place au silence.
Il était là, le regard dans le vide, penché sur le piano ; le bruit de sa respiration saccadée flottait dans l'air et elle, elle tentait tant bien que mal de calmer les battements de son cœur, qui menaçait de prendre la fuite. Sans un mot, elle plissa les yeux, prenant appui sur la paume de sa main droite ; sûrement qu'elle espérait en apprendre un peu plus sur ce garçon. Dans un élan maladroit, il s'éloigna du piano, sa silhouette se dessinant clairement dans un léger halo de lumière et elle en oublia simplement de prendre une inspiration ; il était là, d'une beauté bien trop simpliste, ses cheveux bruns noués en un catogan. L'inconnu disparut au détour des coulisses et elle chercha maladroitement de l'air, se rendant soudainement compte qu'elle avait cessé de respirer, le temps d'un instant.
