A la base cette fic est inspirée par la fic "Quelqu'un dont tu dois te souvenir" de ChocolatePeanut, c'est de là qu'est parti cette idée d'un John qui se perd dans l'ennui et la banalité, le départ pourrait donc rappeler certaines choses à certains d'entres vous. Une fois ce point de départ, je me suis fait plaisir avec la suite, notamment en abordant mon couple décidément favori, même s'il a peu d'amateurs ;)
Rassurez-vous, Sherlock sera néanmoins présent, on aura même des petites enquêtes, mais vous me connaissez de ce côté-là c'est jamais rien de bien transcendant XD Je préfère comme toujours me concentrer surtout sur les sentiments des protagonistes.
J'ai commencé à bosser sur ceci au mois de septembre (oui, je suis une rapide^^ la raison pour laquelle je ne publie que des fics terminées, ça évite de vous faire attendre pendant une éternité) donc avant d'avoir vu la saison 3, ma Mary est donc bien différente de celle de la série. Néanmoins je n'avait pas envie de modifier quoi que ce soit la concernant ensuite, sinon c'est toute la fic qui aurait été remise en question. J'espère que vous apprécierez néanmoins ;)
Je devrai poster un fois par semaine, ce sera donc assez vite plié. Je vous souhaite une bonne lecture à vous qui serez prêt à me suivre dans cette nouvelle aventure :)
John Watson n'était pas heureux. En étant tout à fait honnête il devait admettre qu'il était même malheureux. La faute à personne, à part la sienne, aux mauvais choix qu'il avait fait. En couple depuis un peu plus de deux ans, fiancé depuis quelques mois, il avait quitté Baker Street voilà un moment pour vivre avec Mary. La douce et si amoureuse Mary. Dans son désir de prendre ses responsabilités avec elle, il ne voyait plus très souvent Sherlock et ne participait quasiment plus à aucune enquête. Il s'était plutôt consacré à son travail légitime. Chirurgien dans une clinique privée réputée, voilà qui en jetait. Mary était terriblement fier de lui, aimant s'exhiber à son bras lors de soirées de charité, de cocktails mondains. Lui se prêtait à ce jeu des hypocrites parce que c'était ce qu'on attendait de sa personne mais le cœur n'y était pas. Et souvent il se faisait la réflexion que sa compagne et lui, malgré l'amour qui les unissait, étaient sacrément différents. La jeune femme aimait leur petite vie simple, lui se mourait dans cette routine. Même leur vie sexuelle était monotone. Ils faisaient l'amour une fois par semaine, toujours le vendredi, dans la même position, lui sur elle au milieu de leur lit, la chambre plongée dans le noir. C'était chaque fois les mêmes gestes, aucune passion, une machine bien rôdée. Cela plaisait à Mary, lui y trouvait du moins en moins son compte, mais il ne disait rien.
Depuis peu il avait mis en place une autre habitude. Après avoir fait jouir sa fiancée – même durant cet instant ô combien intime elle demeurait discrète, se contentant de quelques gémissements maîtrisés – il quittait la pièce, s'enfermait dans la salle de bain et se masturbait. Et ce n'était jamais à Mary qu'il songeait en atteignant enfin l'orgasme, détail qu'il gardait pour lui bien sûr, l'acceptant lui-même bien difficilement. Ce n'était pas une façon de faire très conventionnelle mais Mary ne se plaignait pas, elle n'était jamais contrariante. Tout pour ne pas faire de vagues. Et John gardait tout pour lui, ce qui le rongeait de l'intérieur. Il voulait de la passion, de l'exubérance. Il voulait faire l'amour dans un lieu insolite, exprimer son plaisir sans restriction et provoquer des cris d'extase chez l'autre. Il voulait autre chose que ces soirées télé plan-plan et ces dimanches chez la belle-famille. Il voulait s'éclater dans son travail. Bon sang, même le simple fait de tenir son blog lui manquait ! Mais à quoi bon désormais. Pour y raconter quoi ? Sa vie était ennuyeuse, sans saveur. Et il ne pouvait s'en prendre qu'à lui-même.
Il avait connu la passion, l'imprévu, l'extase. Il avait eu une vie digne de ce nom avant de se mettre à faire les mauvais choix. Avant il partageait son quotidien avec un grand homme et passait ses nuits avait un homme non moins exceptionnel. Les affaires avec Sherlock Holmes étaient parfois dangereuses, souvent épuisantes, mais c'était toujours intéressant, passionnant. Sherlock était certes un homme bien souvent insupportable, mais il était fascinant. Le médecin aimait le suivre, l'aider, l'inspirer parfois. De cela il était fier, bien plus que sa position sociale actuelle. Ironiquement il ne se sentait jamais aussi vivant que lorsqu'il risquait sa vie, aux côté de son colocataire il était alors servi. Et c'était bon ! Cela effaçait tous les désagréments de partager un appartement avec un type égoïste et décidément pas comme les autres.
Et avant, dans cette même vie si lointaine et douloureusement proche en même temps, il y avait Lestrade. Entre eux cela avait commencé de façon totalement inattendue. Parce qu'au départ John en pinçait pour Sherlock, ce mec dangereux et tellement sexy, et le policier n'était alors à ses yeux qu'un homme banal gravitant dans l'entourage du génie. Puis John s'était peu à peu détaché de Holmes, sentimentalement à tout le moins, comprenant que celui-ci n'était pas du genre à être porté sur une relation quelle qu'elle soit. Ainsi inaccessible, il en demeurait cruellement sexy, mais John avait passé l'âge d'attendre en vain quelque chose qui n'arriverait jamais. D'autant qu'avec son caractère, Sherlock n'aurait pas été vivable en tant que petit-ami, il l'était à peine comme ami et colocataire. C'était aussi bien ainsi, une fois envolée cette pseudo attirance, leur amitié n'en avait été que renforcée. Dans le même temps John avait commencé à se rapprocher de Lestrade. Se découvrant avec lui nombre de points commun au hasard de leurs discutions sur des scènes de crime tandis qu'ils attendaient les conclusions du détective. De vague connaissance dénuée d'intérêt, l'inspecteur était devenu un ami, et finalement bien plus.
Watson se souvenait parfaitement du soir où tout avait changé entre eux. Il y repensait d'ailleurs bien souvent lorsqu'il se sentait frustré auprès de Mary. Ce soir-là le médecin avait accompagné Sherlock à St Barth pour quelques expériences sur une substance inconnue trouvée dans la chambre de leur dernier client en date. Dans ces moments-là l'excitation du petit génie était contagieuse et même s'il était plus insupportable que jamais John adorait le voir travailler.
Après plusieurs heures à le regarder aller d'échec en échec en soupirant de frustration, l'aîné était parti se chercher un café dans l'un des distributeurs un étage plus bas. Il avait échangé quelques mots avec un pathologiste qu'il croisait régulièrement puis était retourné au labo, qu'il avait eu la mauvaise surprise de retrouver plongé dans le noir et totalement désert. Du Sherlock tout craché ça ! Il avait dû trouver enfin ce pourquoi il était là et avait filé sans même remarquer qu'il oubliait quelqu'un en route. Le pire tenait probablement au fait que John n'était même pas étonné d'une telle conduite. Frustré oui, mais pas étonné. C'était Sherlock ! Dépité, le médecin décida de rentrer chez eux, quoi que sans se presser. Si Holmes l'avait oublié c'est qu'il était certainement bien occupé. Et la perspective de passer la soirée à parler seul n'intéressait pas vraiment le blond.
Sortant de l'ascenseur au rez-de-chaussée, il tomba nez à nez avec Lestrade, qui eut un sourire en le voyant. Echangeant quelques politesses d'usage et une ou deux blagues bien senties sur Sherlock une fois que John eut expliqué pourquoi il était seul ici, les deux hommes décidèrent d'aller manger ensemble. Ce genre de soirées n'était pas une première pour eux et plus tard John se demanda bien des fois ensuite comment les choses avaient pu prendre une tournure aussi inattendue. Mais c'était justement ce qui faisait le sel de la vie, cet imprévu que John aimait tant finalement. Après le restaurant, où ils avaient commencé à flirter ensemble suivant une même impulsion subtile, les deux hommes étaient montés dans la voiture de l'aîné, où ils n'avaient plus résisté à l'envie immodérée de s'embrasser, se caresser… Ils avaient fini la nuit chez Greg, à faire l'amour comme si c'était la chose la plus naturelle au monde
Et cela dura des mois ainsi. D'abord l'excitation de garder le secret sur cette nouvelle relation, quoi que cela n'avait pas duré bien longtemps ave la perspicacité de Sherlock. Par la suite pourtant, aucune routine. Pas la place pour cela avec un boulot prenant pour l'un et un colocataire imprévisible pour l'autre. C'était parfait ainsi.
Et puis John, comme il l'avait fait si souvent par le passé, avait tout fichu en l'air. Greg lui avait proposé qu'ils vivent ensemble, la suite logique après presque un an de relation. Mais John avait pris peur. Bien sûr il était amoureux, mais il n'avait jamais pensé à l'avenir. Parce qu'il se savait incapable d'assumer une telle relation. Il avait grandi dans l'intolérance, avait vu sa sœur rejetée par leurs parents lorsqu'elle avait fait son coming-out, avait ensuite été confronté bien souvent à l'homophobie aussi bien dans l'armée qu'au sein de la police qu'il côtoyait désormais si souvent. Alors oui, il aimait coucher avec des hommes, il y avait notamment eu quelques frères d'armes et l'un de ses patients avant Lestrade, mais il ne parvenait à se définir en tant que gay. Il l'avait expliqué au policier, il avait proposé qu'ils se laissent un peu de temps. Mais le temps avait passé et leur "pause" avait rapidement eut un goût de permanent. John en avait profité pour faire le point et lorsqu'après des mois, quand il s'était senti prêt à envisager faire amende honorable auprès de Greg, quelques chose c'était produit. Mary Morstan, une jeune nounou, était venue consulter Sherlock au sujet d'étranges cadeaux qu'elle recevait, qu'elle soupçonnait être liés d'une façon ou d'une autre à la disparition de son père, ancien militaire. Sherlock avait fait de l'excellent travail, démêlant l'affaire qui ne s'était pas avérée aussi complexe qu'elle le laissait présager au départ. Et John pendant ce temps avait sympathisé avec la jeune femme, jusqu'à tomber sous son charme. Quand il avait compris que cette attirance était réciproque, il y avait vu l'occasion de renouer avec une vie qui ne sortait pas des clous, reléguant du même coup et de manière définitive Lestrade au second plan. Sans s'en douter, il avait foncé droit dans un piège.
Mary n'était pas une mauvaise femme, bien au contraire, mais elle vivait une existence tellement étriquée, aseptisée, que John se sentait peu à peu étouffer à ses côtés. Pourtant il n'allait pas en rajeunissant. Il avait enfin trouvé une femme qui voulait bien de lui, qui semblait prête à lui offrir la famille qu'il pensait désirer si ardemment. Alors il avait mis ses attentes de côté, avait annihilé jusqu'à le nier son besoin de danger, d'imprévus, et s'était peu à peu construit une vie pépère, qu'il subissait aujourd'hui jusqu'à la nausée.
Installé avec la jeune femme dans un appartement décoré avec goût mais sans guère de personnalité, il ne voyait plus qu'occasionnellement Sherlock, qui avait reprit l'habitude de mener ses enquêtes seuls. Lestrade, lui, était totalement sorti de sa vie désormais qu'il n'avait plus aucune raison de fréquenter la police. Il gravissait rapidement les échelons dans un travail qui l'ennuyait au plus haut point et n'était même plus sûr d'aimer encore la femme qui partageait sa vie.
Depuis peu il ne parvenait même plus à donner le change. Par deux fois il avait refusé les dates proposées par Mary pour leur mariage, ne l'emmenait plus au restaurant, ne lui offrait plus de fleurs comme il le faisait si souvent avant. Il ne se donnait même plus la peine de sourire quand il était à ses côtés, ou à quelques autres moments de sa vie d'ailleurs, à part durant ses trop rares visites à Baker Street. Plus que sa vie elle-même, c'était cette compagne choisie pour de mauvaises raisons qui l'ennuyait au plus haut point. Seulement elle n'y était pour rien. Contrairement à lui, Mary ne s'était jamais montrée sous un faux jour, ne s'était jamais dissimulée. Elle s'était contentée de l'aimer sans la moindre restriction. Elle ne méritait pas de payer à présent parce que lui était incapable de faire les bons choix. Alors il ferait son devoir. Il l'épouserait, lui ferait un ou deux enfants et passerait son existence à ses côtés, même si le cœur n'y était pas. Cette perspective le terrifiait mais il était un homme d'honneur.
Installée tout contre lui, Mary ferma son livre et retira ses lunettes en se tournant vers lui, un sourire sur les lèvres. Sourire qu'à une autre époque John aurait trouvé adorable mais qui à présent ne lui faisait plus ni chaud ni froid.
« Il est bien ton match ? » s'enquit-elle d'une voix douce.
Watson hocha la tête en réalisant qu'il n'avait absolument pas suivi le déroulement de la rencontre, totalement plongé dans ses pensées qu'il était. C'était le problème quand il regardait du foot. Après tout c'était Lestrade qui lui avait donné goût à ce sport alors ne pas penser à lui, à sa vie d'avant, quand il regardait un match n'avait rien d'évident.
« Tant mieux, reprit la jeune femme. Je vais aller me coucher. Mais n'hésite pas à me réveiller quand tu me rejoindras. On est vendredi donc… »
Pour la spontanéité on pouvait repasser, songea John. En d'autres temps il aurait apprécié. Terminer son match avec la perspective de lui faire ensuite l'amour l'aurait pleinement émoustillé. A présent il voyait plutôt cela comme une corvée. Parce que parfois c'était le mardi ou au autre soir, voir en pleine journée, qu'il avait envie de faire l'amour, parce que ce soir il n'en avait pas le moins du monde envie. Mais il ne pouvait pas lui dire cela, elle n'aurait pas compris. Alors il se contenta une nouvelle fois d'acquiescer. Et répondre au baiser qu'elle déposa brièvement sur ses lèvres.
« Je viens vite », dit-il tandis qu'elle se levait.
Il savait pourtant qu'il n'était pas pressé, la connaissant elle dormirait dans quelques minutes. Il se força à la suivre du regard alors qu'elle quittait la pièce. Elle était sexy dans cette nuisette un peu trop courte, avec ses cheveux blonds qui lui tombaient en cascade dans le dos. Oh oui, elle était sexy et nombre d'hommes auraient apprécié posséder ce corps pâle, mais John n'éprouva pas la moindre étincelle de désir. Parce qu'à une époque pas si lointaine c'était un tout autre corps qui savait si bien l'exciter. Durant un bref instant, c'est Greg qu'il vit à la place de sa fiancée, ce fut le seul moment où son cœur s'accéléra, où l'envie apparue. Mais l'image disparue bien vite et il eut mal à en crever.
Désormais seul, il n'eut pas le moindre regard pour la télévision et se saisit plutôt de son portable, faisant défiler le contenu de son répertoire. Il n'avait jamais supprimé le numéro du policier et avait hésité plusieurs fois ces derniers temps à l'appeler. Pas sûr que son ex veuille lui parler mais il se sentait plus prêt que jamais à prendre le risque. Considérant un long moment le numéro s'affichant sur le petit écran, il hésita encore et encore avant de se décider. Avec un profond soupir il se jeta finalement à l'eau.
Comme il s'y était un peu attendu, son interlocuteur ne décrocha jamais. Rien d'étonnant là-dedans. Malgré l'heure tardive il était plus que probable que Lestrade soit encore au travail, ou alors il avait reconnu le numéro de l'appelant et préférait ne pas lui parler. Se refusant à penser à cette dernière option, John ferma les yeux en entendant l'annonce de la messagerie. Cette voix… c'était l'une des premières choses qui l'avait interpellé chez Greg quand ils s'étaient rencontrés. Cette voix dont il avait pu découvrir toutes les nuances avec le temps. De l'éclat sec quand il était énervé au murmure profond quand ils faisaient l'amour… Et toujours ce même frisson qu'elle provoquait chez le médecin. Il comprit alors que Greg lui manquait plus qu'il ne l'avait soupçonné jusque-là. C'est en tremblant qu'il mit fin à la conversation sans se donner la peine de laisser un message. Trop ému, il aurait été incapable de tenir des propos cohérents. Après réflexion il estima qu'un sms était le meilleur des compromis. Avec quelques mots par écrit aucun risque de s'embrouiller, bafouiller. Et puis aucune pression de l'autre côté, à Greg de choisir ensuite s'il voulait lui répondre, l'appeler ou l'ignorer. Le meilleur compromis donc, ce qui n'empêcha pas John de s'y reprendre un nombre incalculable de fois avant d'être à peu près satisfait.
Tu me manques. John.
C'était simple, cela allait droit au but et surtout ce n'était pas trop guimauve, sa principale crainte. Il faisait un premier pas vers son ex certes, mais il ne voulait pas avoir l'air trop éploré.
Alors qu'à la télé le match était fini et avait été remplacé par un téléfilm quelconque, John fixa bêtement son téléphone en espérant recevoir une réponse, mais il fallait se rendre à l'évidence, ce ne serait pas pour tout de suite.
Eteignant la télévision d'un geste rageur, il arpenta le salon de long en large en consultant son portable tous les trente secondes. Voilà donc à quoi il en était réduit alors qu'il aurait pourtant pu tout avoir. Il était pathétique !
Et puisque c'était décidément la soirée des retours en arrière, il décida tout à coup qu'il avait mieux à faire que se morfondre ici et choisi de rendre une petite visite à Sherlock. Mary lui en voudrait probablement le lendemain, mais il n'aurait pas de mal à s'inventer une excuse. Elle le croirait certainement, c'était ce qu'elle avait toujours fait les rares fois où il lui avait menti. Non pas qu'elle soit naïve, mais elle semblait estimer qu'il valait mieux parfois fermer les yeux pour préserver la paix.
ooOoo
Lorsqu'il arriva à hauteur du 221B, John sortit du taxi et lança un regard anxieux vers les fenêtres de son ancien appartement. Il fut soulagé de voir qu'il y avait encore de la lumière à l'étage. Pas étonnant quand on connaissait Sherlock, mais le médecin avait quand même eut des doutes. Il déverrouilla la porte d'entrée avec la clé que Mrs. Hudson n'avait jamais voulu récupérer et gravit rapidement les escaliers. Il s'arrêta pourtant devant la porte du salon, hésitant tout à coup en réalisant qu'il n'avait pas vu son ami depuis près d'un mois. Débarquer aussi tard sans prévenir dans ces conditions était peut-être maladroit. Même s'ils ne se voyaient plus que rarement, l'amitié entre les deux hommes était toujours aussi forte, exclusive même étant donné le peu d'amis que s'était fait John dans sa nouvelle vie, néanmoins le médecin était toujours gêné quand ils étaient ensemble, car après tout c'était lui qui avait mis un terme à leur vie commune. Pour ce que cela lui avait apporté…
Alors qu'il était à deux doigts de faire demi-tour, il entendit la voix de son ancien colocataire raisonner derrière la porte.
« Entre John ! »
L'interpellé sursauta avant d'obtempérer. Sherlock venait de régler la question pour lui.
« Bonsoir, dit-il en entrant dans la pièce plus encombrée quand dans son souvenir. Comment tu as su que j'étais là ? Même toi tu ne peux…
- Un taxi qui s'arrête devant la maison à cette-ci ? Tu penses que j'allais regarder qui en sortait. J'avoue avoir étonné en découvrant que c'était toi. Ta chère et tendre t'a donc donné la permission de minuit ? Ce qui ne nous laisse que dix minutes, ironisa-t-il en regardant sa montre.
- Elle ne sait pas que je suis ici. Pour ma part je ne sais pas pourquoi j'ai fais le déplacement.
- Avec la femme qui te sert de fiancée, il est normal que tu aies besoin de moi parfois. »
Le pire étant que c'était totalement vrai, songea John avec un soupir de frustration. Se sentant à bout de force, il se laisser tomber dans son fauteuil, qu'il n'était jamais parvenu à considérer autrement malgré son déménagement. Sherlock se saisit de son violon avant de l'imiter et de s'installer en face de lui.
« Tu es sur une enquête en ce moment ? interrogea l'aîné, un intérêt sincère perçant dans sa voix.
- Je viens de boucler quelque chose. Je dois livrer mes conclusions à ma cliente demain matin. Mais ce n'était rien d'exaltant, c'était même plutôt ennuyeux.
- Rien en cours avec Greg ? »
Le détective haussa un sourcil curieux à l'évocation du policier. Cela faisait des mois voir des années que John n'avait pas parlé de lui. Le brun préféra pourtant ne rien en dire. Non pas que le tact et lui soient subitement devenus bons amis, mais il avait appris à gérer John avec le temps, même s'il ne mettait cela en pratique que très rarement, quand c'était vraiment important.
« Pas en ce moment, dit-il donc nonchalamment. A croire qu'il devient compétent. »
Le médecin eut un sourire triste. Cette réflexion avait un goût de reviens-y qui lui avait cruellement manqué ces derniers temps.
« Quant à cette histoire de mails de menaces, je n'y prête plus guère d'attention puisqu'il n'en a pas reçu depuis un moment.
- Des mails de menaces ? s'enquit vivement Watson en sentant son sang se glacer. Tu parles de Greg ?
- Oui, j'oubliais que tu ne t'es pas joint à mes enquêtes depuis longtemps. Ces derniers mois Lestrade a effectivement reçu plusieurs mails aux propos menaçants, mais cela semble avoir cessé.
- Et tu ne sais pas de qui ils peuvent venir ?
- Je n'ai pas assez d'indices, je n'ai pu faire que des suppositions. Un instant je t'ai même soupçonné.
- Moi ?
- En tant que son ex qui semblait encore nourrir des sentiments à son égard c'était plausible. »
John baissa vivement les yeux, se demandant jusqu'où son ami avait pu percer ses secrets concernant ses sentiments.
« Et puis j'ai compris que c'était absurde, continuait le brun sans remarquer son trouble. Après tout c'est toi qui l'as quitté. Si l'un de vous devait se transformer en harceleur ce serait donc plutôt lui.
- Nous nous sommes quittés d'un commun accord, tenta l'aîné.
- Si ça te fait plaisir d'y croire…
- Et si tu me parlais plutôt de ces mails, reprit John en changeant volontairement de sujet.
- Il n'y a pas grand-chose à en dire. Pas la moindre trace exploitable. Adresse mail qui ne ramène à rien. La prose est tellement embrouillée que je ne suis même pas parvenu à déterminé le sexe de l'auteur. Quelqu'un qui n'aurait pas toute sa tête manifestement.
- Comment peux-tu prendre ça à la légère ? s'enquit vivement le médecin en se levant avant de faire les cent pas dans la pièce. C'est pourtant grave comme situation.
- Je te l'ai dit, après plusieurs mails l'auteur n'a plus donné signe de vie. Il est peut-être passé à autre chose. D'ailleurs dois-je te rappeler que tu as quitté Lestrade ? Que peux-tu avoir à faire de son sort ?
- Il reste mon ami ! Bien sûr que je m'inquiète de son sort.
- Ton ami ? Alors quand l'as-tu vu pour la dernière fois ? »
Ça c'était un coup bas, songea John en sentant son cœur cogner douloureusement dans sa poitrine. Le terme d'ami était effectivement peut-être un peu exagéré, pourtant au fond de lui il éprouvait toujours des… oui des sentiments pour le policier, même s'il ne parvenait pas vraiment à en identifier la teneur. Par crainte de découvrir qu'il avait fait une bêtise en se séparant de lui, commençait-il à admettre dans quelques rares moments de lucidité. Mais il ne voulait pas parler de cela, surtout avec Sherlock, alors il préféra ne rien répondre et alla plutôt se planter devant la fenêtre, comme au bon vieux temps lorsqu'il avait besoin de faire le point.
« Sherlock, je m'ennuie, lança-t-il tout à coup.
- Je ne sais pas quoi te dire, tu viens juste d'arriver, marmonna le cadet, étonné de ne pas être pour une fois celui qui prononçait ces mots.
- Non, ce n'est pas ça. Je ne parle pas de maintenant spécifiquement. Je veux dire en général. Ma vie… ne correspond pas vraiment à ce que j'en attendais.
- Je t'avais prévenu quand tu es parti avec… elle.
- Eh bien tu l'as dit assez souvent, soupira John. Je suis un idiot. Mais c'est comme ça. J'ai pris des engagements vis-à-vis de Mary, j'ai des responsabilités.
- Oh je t'en prie ! Vous n'êtes même pas mariés, vous n'avez pas d'enfants, elle a un travail, un salaire et s'en sortirait parfaitement sans toi. Tu ne lui dois rien.
- Je l'ai demandée en mariage !
- Et ? Tu vas l'épouser juste parce que sur un coup de tête tu lui as posé une question absurde ? Même toi ne peux être aussi stupide. »
John se massa l'arrête du nez, luttant contre la colère qui montait en lui devant les propos blessants de celui qui se prétendait son ami. Il ne pouvait pas dire qu'il n'y était pas habitué pourtant, mais cela demeurait douloureux.
« Tu ne comprends pas Sherlock. Tu n'as jamais compris. Elle m'aime et je ne veux pas la faire souffrir.
- Oh détrompe-toi, je comprends de quoi tu parles. Je côtoie Lestrade assez souvent pour reconnaître la souffrance et savoir que c'est loin d'être une partie de plaisir. Ce que je ne comprends pas en revanche c'est pourquoi lui tu n'as pas hésité à le blesser. Alors pourquoi pas elle ?
- Oh la ferme ! » cria Watson en recommençant à errer dans la pièce.
C'était petit comme attaque, pourtant il l'avait mérité. Et puis après tout il avait demandé des nouvelles de Greg, il les avait. Ce n'était pas celles qu'il avait espérées, mais ce n'était pas la faute de Sherlock après tout.
« Ecoute John, reprit le cadet, parfaitement calme, je ne fais que te donner mon avis. Quoi qu'il m'en coûte de l'admettre, tu étais mieux avec lui. »
Sur ces bonnes paroles, le détective se saisit de son archet et commença à jouer doucement. Il était tout à fait satisfait du déroulement de la conversation. John avait déjà des doutes, lui venait d'enfoncer le clou, c'était parfait ! Non pas qu'il se préoccupe un instant du sort de Lestrade, mais il devait reconnaître que le policier était plus enclin à faire appel à lui avant que John ne le quitte. Comme si lui y était pour quelque chose. Il n'avait été que le colocataire de ce maudit médecin qui semblait refuser l'évidence. Bien sûr John était malheureux avec Mary, après tout il était toujours amoureux de Lestrade. Même quelqu'un d'aussi peu concerné par les sentiments que Sherlock pouvait s'en rendre compte, d'autant plus que Mrs. Hudson ne s'était pas gênée pour le lui faire remarquer. Pour le bien de tous, le blond devait faire les bons choix. Quitter cette vie sans saveur, reprendre le DI et se réinstaller ici. Ainsi tout redeviendrait comme avant, la seule chose à laquelle aspirait le détective.
Mais pour l'instant John semblait décidé à n'en faire qu'à sa tête. Il se saisit effectivement de son blouson, une tristesse insondable déformant ses traits.
« Sherlock, au lieu de dire des bêtises, fais plutôt quelque chose pour moi s'il te plaît. Retrouve l'auteur de ses messages, qu'il n'arrive rien à Greg. Et… si le besoin s'en fait sentir fais moi signe pour quelques enquêtes à l'occasion. Je saurais faire comprendre à Mary que j'en ai besoin. A présent il faut que j'y aille. Elle risque de s'inquiéter si elle se réveille. »
Il eut un bref signe de tête pour son ami et quitta cet appartement, le seul dans lequel il se soit jamais senti chez lui.
Allongé dans le noir auprès de sa fiancée, John tentait de chasser toutes ses sombres pensées pour espérer s'endormir. Sa visite à Baker Street avait été une mauvaise idée. Maintenant non seulement il n'était pas plus sûr de ses sentiments pour Mary que pour Greg, mais voilà qu'il s'inquiétait également pour ce dernier. Ce qui n'aurait pas dû arriver s'il l'avait oublié comme il s'en était persuadé jusque-là.
Il voulait des aventures, il voulait percer ce mystère et pourtant il était couché auprès de cette femme qu'il ne désirait plus le moins du monde. Toute l'affection qu'il lui portait n'était plus suffisante, il le comprenait désormais. Malgré ce qu'il avait dit à Sherlock au sujet de ses responsabilités, il savait qu'il avait un choix à faire. Et le plus tôt serait le mieux.
Il se tourna sur le côté en grognant, maudissant sa fichue conscience qui le mettait à la torture. Mary bougea dans son sommeil jusqu'à venir l'enlacer et il n'éprouva rien d'autre qu'un énorme vide en retour de cette preuve d'attachement.
ooOoo
Mettant un point final à son rapport, un parmi tant d'autres pour son plus grand déplaisir, Greg eut un petit soupir de satisfaction. Pourtant il n'allait pas rentrer chez lui, même s'il était près de minuit. Depuis des mois il vivait pratiquement en permanence dans son petit bureau, investissant pour quelques heures, quand la fatigue se faisait trop insupportable, le petit canapé qu'il avait fait installer dans un coin de la pièce. Ce n'était pas un rythme de vie très sain, mais c'était ça ou sombrer définitivement dans l'alcool pour s'éviter de penser. Même les quelques mails pourtant inquiétants qu'il avait reçu voilà plusieurs semaines n'étaient parvenu à l'intéresser réellement. Il se sentait comme mort à l'intérieur. C'était ainsi depuis qu'il avait laissé partir John. Mais contrairement à ses précédentes ruptures, cela devenait pire avec le temps. Il ne parvenait tout simplement pas à oublier le médecin. Et le savoir désormais fiancé n'était pas pour l'aider. Dur de se dire que John refaisait sa vie, était heureux à n'en pas douter, alors que lui devait se noyer dans le travail pour ne pas sombrer définitivement.
Cette situation avait eu moins un avantage, il n'avait jamais été aussi efficace dans son boulot, résolvant quasiment tout ce qui se pressentait sans même faire appel à Sherlock la plupart du temps. Impressionnant ce que le manque de sommeil et la dépression pouvaient apporter.
Il leva la tête lorsque Donovan entra dans la pièce, gobelet de café à la main et sourire affable sur le visage.
« J'ai pensé que cela pourrait vous être utile étant donné l'heure », dit-elle en déposant le gobelet devant lui.
Il lui rendit son sourire en la remerciant.
« Vous devriez renter chez vous Sally.
- Vous n'êtes pas le mieux placé pour me dire ça, nota la jeune femme, qui semblait partagée entre l'amusement et l'inquiétude.
« Justement, je ne suis pas un exemple à suivre. »
Il trempa ses lèvres dans le breuvage chaud tandis que Donovan acquiesçait.
« Je vais y aller, dit-elle. Je sais que vous n'en tiendrez certainement pas compte, mais… essayez de dormir un peu.
- Bonne nuit Sally », souffla Lestrade avec un bref signe de la main.
Il la regarda partir avant de se plonger dans ses pensées. Peut-être qu'il aurait dû accepter de sortir avec elle lorsqu'elle lui avait fait des avances après tout. Bien sûr il ne ressentait rien à son égard, mais cela aurait pu venir. Et puis il se sentait si seul qu'une compagne, même si ce n'était pas la bonne, n'aurait pas fait de mal. Il eut un grognement à cette idée. Autant qu'il se trouve un coup d'un soir, et masculin tant qu'à faire, s'il était à ce point en manque, mais ruiner sa collaboration professionnelle avec sa subalterne était définitivement une mauvaise idée. Bien que ce ne soit pas l'envie qui lui manque, il se savait incapable pour l'instant de mener à bien une relation suivie. Pas avec qui que soit d'autre que John en tout cas.
Voilà qu'il en était toujours au même point, constata-t-il avec un pincement au cœur. Putain, qu'il était pathétique ! Se forçant à se reprendre, il avala le reste de son café d'une traite, accueillant avec bénédiction la sensation de brûlure sur sa langue et dans sa gorge, au moins la douleur physique avait l'avantage de lui confirmer qu'il était toujours en vie, bien qu'il en doute souvent. Il apposa sa signature au bas de la dernière page sortie de l'imprimante et entama la rédaction d'un autre rapport. Rien de bien intéressant mais en se concentrant un minimum sur ce qu'il écrivait il en était quitte pour éviter de penser.
S'étant endormi assis à son bureau comme cela lui arrivait de plus en plus souvent, Lestrade fut réveillé par son portable. Se redressant brusquement, il poussa un gémissement de douleur. Dormir dans son fauteuil, aussi confortable soit-il, n'était décidément plus de son âge, son dos et sa nuque malmenés le lui confirmaient présentement.
Un bref instant en récupérant son téléphone il espéra que soit à nouveau John qui tente de le joindre. Pourtant il n'était pas sûr qu'il aurait répondu, exactement comme la veille au soir, malgré l'envie qui l'avait rongé tandis qu'il regardé le portable vibrer près de lui. Le désir de revoir son ex était au moins aussi intense que celui de l'oublier définitivement. Comme il regrettait ses jeunes années, où les peines de cœur ne duraient pas plus de quelques jours. Peut-être qu'à l'époque il n'avait jamais été vraiment amoureux alors qu'avec John… Mais finalement ce n'était pas le médecin qui cherchait à le joindre. C'était aussi bien à la réflexion, il n'était pas sûr qu'il aurait été capable de lui répondre, pas davantage qu'il n'avait répondu à son sms.
Il décrocha finalement, essayant de se concentrer au mieux sur son interlocuteur tout en frottant son visage las de sa main libre. Un nouveau meurtre, tu parles d'un scoop, comme si on pouvait l'appeler pour autre chose aussi tôt le matin. Après avoir raccroché il s'accorda quelques minutes pour émerger totalement puis se leva en consultant sa montre. Il avait dû dormir à peine trois heures, mais c'était loin d'être une exception. Cela non plus n'était plus pour son âge, songea-t-il en soupirant. Même lui avait conscience que ce n'était pas une vie, mais c'était toujours mieux que ce torturer seul chez lui en rependant sans cesse à tout ce qu'il avait perdu. Le boulot avait toujours été un excellent exutoire et s'y raccrocher était désormais vital.
Récupérant son déodorant et une chemise propre, effets qu'il gardait dans le dernier tiroir de son bureau pour les réveils comme celui-ci, il se changea rapidement. Cela ne valait pas une douche et un bon rasage, mais cela lui permettrait de patienter quelques heures. Une douche et un repas décent, voilà tout ce à quoi il rêvait à cet instant, mais cela resterait du domaine du fantasme pour un petit moment encore.
Alors qu'il s'apprêtait à quitter la pièce, il songea un instant à la conversation qu'il avait eu la veille avec Sherlock. Le petit génie était passé le voir dans l'après-midi pour se plaindre du manque d'affaire ces dernières semaines. Et c'était vrai. Récemment le policier avait moins de facilité à faire appel à lui, peut-être parce que cela lui rappelait trop de souvenirs, peut-être parce qu'il se sentait le besoin de se débrouiller tout seul. Néanmoins c'était injuste pour le gamin, qui n'était pour rien dans sa rupture avec John, ni son désir actuel de se noyer dans le travail. Alors il se saisit de son téléphone et rédigea rapidement un sms à son intention, indiquant les quelques informations qu'il avait déjà et l'adresse où il s'apprêtait à se rendre. Il n'eut évidemment pas de réponse, mais il savait que Sherlock ne raterait pas cette occasion, d'autant qu'il était rare qu'on fasse appel à lui si tôt dans une enquête, généralement cela se faisait plutôt après que les professionnels aient bien piétinés, ce qu'il ne se gênait pas de critiquer.
A suivre…
