Alors… il faut partir du principe que vous avez vu la série 1 en entier, car il y a pas mal de spoilers et j'ai tendance à oublier quelle information vient de quel épisode et je les mélange joyeusement.
En fait, si vous avez vu la série 2 aussi, c'est mieux. Ce n'est pas pour tout de suite, mais j'aimerais faire intervenir quelques personnages de cette série aussi…
Prenez l'aventure après l'histoire de Pluton : l'histoire de Jack l'Eventreur a eu lieu, Pluton est bien intégré au manoir Phantomhive, Ciel et Sebastian connaissent et apprécient le prince Soma et Agni. C'est à ce moment-là que j'interviens, et que je réécris Black Butler tel que je pense qu'il aurait dû être. Je modifie le cours de l'histoire et certains background, tenez-vous-le pour dit.
Je remercie FoxyGirl pour sa participation, car elle est la meilleure testeuse d'idées qui a foulé cette terre.
En espérant que cette fiction vous fera plaisir,
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Il y avait eu tellement d'accidents, de glissades, de bousculades, que c'était un vrai miracle que ce ne soit pas produit auparavant.
Ce fut tout de même un choc.
C'est dans le silence le plus absolu que les lunettes de Maylene glissèrent de son visage. Les trois serviteurs la regardèrent avec horreur tandis que les lunettes volaient gracieusement dans les airs. Personne n'eut le réflexe de les saisir, et Sebastian n'était pas présent pour compenser la lenteur des autres domestiques. Les lunettes s'écrasèrent contre le sol dans un bruit affreux. Un des verres éclata complètement tandis que l'autre se fissurait.
Ils restèrent figés un instant, et ils purent voir les yeux de Maylene, de grands yeux bruns d'une grande beauté. Elle les ferma aussitôt, écrasant ses poings contre ses paupières. Elle resta debout dans cette position, vacillante, muette.
- Ca va ? marmonna Finny en s'avançant.
Elle ne répondit pas. Il se pencha pour ramasser chichement les lunettes. Elles étaient dans un état lamentable.
- On va les réparer, hein ? proposa-t-il avec espoir.
Bard ne répondit pas, mais son regard en disait long. D'un même mouvement, ils se tournèrent vers Tanaka. Il ne se transforma pas, et en conséquence, sa participation se résuma à :
- Ho, ho, ho…
Maylene tituba en arrière, ses yeux toujours fermés.
- Je sais que tu vois rien sans tes lunettes, mais tu verras toujours plus qu'avec les yeux fermés, commenta Bard.
Elle secoua la tête, une main toujours sur le visage, l'autre tâtonnant pour trouver le mur.
- Vous ne comprenez pas, balbutia-t-elle. Vous ne comprenez pas…
Ces lunettes lui avaient été données par le maître du manoir Phantomhive, bien sûr. Mais elles avaient un autre rôle. Elles étaient une laisse, un collier qui retenait la bête. Elles avaient fidèlement cloîtré Maylene dans son rôle de servante maladroite durant des années, refoulant toujours l'autre Maylene.
Et maintenant, la bête était libre.
Bard fit l'erreur de venir poser une main protectrice sur son épaule.
- Ca va aller, promit-il.
Elle le gifla, avec une violence qu'il ne pouvait comprendre. Tandis qu'il portait la main à son visage, incrédule, elle tourna les talons et s'enfuit dans le couloir. Cette-fois, ses yeux étaient ouverts. Grands ouverts. Mais ils ne voyaient que le reflet d'une ancienne haine.
Sebastian eut le temps de l'apercevoir débouler devant lui. Il ne chercha pas immédiatement à la retenir. Après tout, il n'avait reçut aucun ordre allant dans ce sens. Et la vision de la fragile Maylene lancée dans le couloir sans tituber une seule fois, sans un geste inutile, était assez pour l'arrêter.
Il pencha la tête sur l'observa tandis qu'elle ouvrait les portes du manoir et disparaissait dans la distance. Les lourdes portes se refermèrent dans un claquement sonore.
Après, lorsque les autres domestiques l'eurent rattrapé et lui eurent expliqué la situation, Sebastian comprit.
Ils avaient trouvé une nouvelle source d'ennuis.
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Ciel écouta le récit de Sebastian, la tête posée négligemment sur sa main.
- Maylene est loin d'être une femme ordinaire. J'oserais même dire, elle a quelque chose de très particulier…
- Un don pour casser les objets ?
Sebastian sourit.
- Non. Un don pour tirer, et viser. Elle était une tueur à gages durant de longues années.
Cette révélation était assez surprenant pour arracher à Ciel toute sa nonchalance. Il se redressa soudain, ses deux mains posées à plat sur le bureau. Ils étaient seuls, lui et son majordome, dans son bureau. Le jeune noble était donc certain que Sebastian ne mentait pas à l'adresse d'un tiers. Il disait la vérité, comme tous les démons.
- Pourquoi ne l'ai-je jamais su ?
Sebastian haussa mollement les épaules.
- Vous n'avez jamais cherché à savoir.
- Alors pourquoi ne me l'as-tu jamais dit ?
- Pardon, mon maître ? Quand m'avez-vous donné l'ordre de vous renseigner ?
Ciel jeta un regard à noir à Sebastian, qui arborait un sourire narquois.
- Continue, ordonna le maître de la maison Phantomhive.
- Elle était d'une violence rare. Son goût pour le sang en faisait une machine à tuer. Elle déchiquetait sans le moindre remord. Son bras n'a faibli qu'une fois… Et cette faiblesse, lorsqu'elle devait abattre un enfant, a signé le tournant de sa vie.
Sebastian croisa ses bras dans son dos et leva les yeux, comme s'il lisait sur le plafond le passé tortueux de la jeune bonne.
- J'ai jugé qu'elle serait une servante efficace. Je lui aie offert ses lunettes pour cacher ses yeux redoutables, ces yeux qui lui permettaient de viser et détruire. Sa vision en était détériorée, mais cela l'aidait à combattre le côté sanguinaire d'elle-même. Je pense que la destruction de ces précieuses lunettes l'a un tant soit peu perturbée.
Ciel eut un léger soupir.
- Je vais essayer de la retrouver, décida-t-il.
La réaction de Sebastian fut vive, dure sans être agressive :
- Pourquoi ?
- Un majordome ne questionne pas son maître, répliqua Ciel sans lui accorder regard.
- Un maître ne voue que peu d'affection à ses domestiques. Êtes-vous à ce point attaché à ces précieux inutiles ?
Le sourire de Sebastian flottait toujours sur ses lèvres, une aura de menace autour de lui. Ciel tourna son visage vers son majordome et répondit calmement, d'une voix grave :
- Ne sois pas ridicule. Ce n'est pas par attachement envers Maylene que j'agis. Mais si un serviteur de Phantomhive peut partir sans l'accord de son maître, alors ma maison est bien piètre. Je vais la retrouver au nom de mon honneur.
- Bien sûr, répondit docilement Sebastian en s'inclinant.
Nous savons tous que vous n'êtes pas gentil, maître. Vous vous êtes appliqués à nous le faire savoir. Le démon ne pouvait retenir son éternel sourire.
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Lau était étendu dans sa fumerie d'opium, les yeux mi-clos comme à son habitude. Un doigt pensif était posé sur ses lèvres, tandis que son autre main serrait la taille de Ranmao. Il n'avait, jusqu'à maintenant, pas su répondre à une seule des questions de Ciel. Le jeune noble commençait sérieusement à s'impatienter de la lenteur de son allié. Les pions n'étaient sûrement pas supposés parler de cette voix détachée, le cerveau embrumé par la drogue. Lau vivait dans un autre univers, et ses réponses se faisaient plus obscures d'instant en instant.
- Je vous demande si vous avez vu Maylene, ma servante.
- Comment pouvons-nous nous fier à nos yeux ? Ils nous mentent. Ils ne disent qu'une partie du monde, et notre esprit construit l'autre. Un autre fragile, maladroit, jamais réellement tangible.
Lau loucha sur Ciel pour appuyer ses dires.
- Je vous vois. Mais qui dit que derrière vous il existe un dos de chair et de sang ? Peut-être n'y a-t-il qu'un grand vide, un creux qui résonnerait si je tapais contre votre front.
Il s'approcha et toucha le crâne de Ciel du bout de son doigt.
- On dirait que vous n'êtes pas creux, mais qu'est-ce que j'en sais ?
- Vous ne l'avez pas vu, donc, soupira le maître de la maison Phantomhive. Pouvez-vous me prévenir si elle vient se réfugier chez vous ?
- Qui viendrait se réfugier dans l'opium ? N'est-ce pas la mort, après tout ? Seules les ombres viennent ici, rit Lau en indiquant d'un grand geste les formes étendues autour de lui.
- Je ne sais pas si vous comprenez ce que je dis.
- Entre ce que vous voulez dire, ce que vous pensez dire, ce que vous dites… entre ce que je veux comprendre, ce que je crois comprendre, ce que je comprends…
Lau recula et retourna se pelotonner contre Ranmao, qui observait Ciel de ses grands yeux sombres. Ciel jeta un coup d'œil vers Sebastian, qui attendait, stoïque. Il ne semblait pas proposer de solutions.
- Puisque vous êtes tellement occupé, Lau, je vais vous laisser, grinça le jeune noble.
Il commença à s'éloigner, un soupir sur les lèvres.
- Ne laissez pas vos pions seuls, mon roi, qui sait qui s'amusera à les changer de cases, marmonna Lau.
Ciel pivota brusquement. Lau avait rejeté la tête en arrière, yeux toujours fermés. Il porta son houka à la bouche et recracha lentement des volutes de fumée noire. Après un instant de silence, Ciel se détourna et repartit vers la sortie. Mais son cœur battait la chamade, et il sentit les effluves d'un doute s'insinuer en lui, aussi sournois et vif que la fumée de l'opium.
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- Comment ça, l'Undertaker n'est pas là ? s'agaça Ciel.
Ses recherches de Maylene n'avançaient pas. Bien sûr, il aurait pu simplement ordonner à Sebastian de la ramener, mais il tenait à parler avec sa servante pour essayer de la comprendre. Bien que Sebastian ait de nombreuses qualités, l'empathie n'en faisait pas partie, et il ne pouvait pas gérer pour Ciel une conversation délicate. Ce genre de tâches incombait au maître de la maison Phantomhive.
Pour aggraver la situation, il s'était mis à neiger. Londres était noyé sous d'épaisses couches blanches, qui se salissaient rapidement et devenaient des chantiers de boue. La neige continuait bravement, trempant la veste de Ciel et s'accumulant sur son haut-de-forme, alourdissant ses mouvements.
- Allez voir du côté du cimetière, proposa une passante, qui constatait la colère de Ciel.
Tandis qu'il s'éloignait, elle marmonna à une de ses amies :
- Les parents qui envoient leurs enfants régler ces affaires morbides pour eux, ça me révolte. Vous l'imaginez voir la mort de si près, à son âge ?
Je l'ai vue de beaucoup plus près que ça, songea amèrement Ciel. Il retint le frisson qui l'enserrait. Sebastian le verrait, et constaterait que ces remarques le touchaient toujours autant, ce qui n'était pas digne d'un membre d'une noble lignée. Ou alors il penserait que Ciel avait froid et refusait de se plaindre, et il lui enfilerait un autre manteau, sans un mot, d'un air calme et certain.
Quand ils atteignirent le cimetière, la neige ne tombait plus. Les tombes étaient des bosses régulières dans un paysage immaculé. Quelques croix grises se discernaient ici et là. Sebastian poussa le petit grillage du cimetière et Ciel entra, sa cape de fourrure claquant derrière lui.
Il regarda autour de lui, surpris de ne trouver personne. Le Undertaker, dans ses robes noires et grises, ne devraient pourtant pas être trop difficile à repérer dans ce paysage blanc. Il avança au hasard des tombes, l'air ennuyé. Il s'arrêta devant une de ces tombes. La large croix qui avait été posée dessus se dessinait grâce à la neige en relief. La tombe suivante, grâce au même système, dévoilait la silhouette étendue de quelqu'un. Probablement une figure religieuse, telle Marie ou Jésus. Peut-être le corps du mort en personne, gravé dans la pierre dans un hommage morbide.
- C'est glauque, trancha Ciel.
Sebastian s'avança pour observer la tombe à son tour. Puis il se pencha en avant et souffla pour ôter la neige de la silhouette, cherchant à discerner quels traits se cachaient sous la neige. Maître et serviteur furent frappés par la même stupeur en découvrant du rouge vif sous le blanc pur.
- Grell ? s'exclamèrent-ils en chœur.
Le shinigami cligne des yeux et se redressa en position assise, faisant cascader autour de lui des plaques de neige. Il secoua la tête, et épousseta ses lunettes encrassées de gel. Quand il les enfila, il ne sembla guère surpris de découvrir Ciel et Sebastian.
En fait, il semblait surtout mécontent.
- Vous en avez mis, du temps !
Sebastian fut aussitôt en posture défensive. Le shinigami les attendait. Est-ce que cela voulait dire qu'il leur avait tendu une embuscade avec ses semblables ? Cependant, il n'y avait que Grell, occupé à se dépêtrer de la neige. Il secoua son manteau, envoyant des flocons dans toutes les directions. Sa langue lâchait de petites notes désapprobatrices :
- Je me suis mis dans un état ! Je suis désolée que tu doives me voir dans comme ça, Sebas-chan… soupira-t-il.
Puis il sourit de toutes ses dents pointues et lâcha un clin d'œil :
- Que c'est immoral, tout de même, être découverte endormie, impuissante, en position de faiblesse – que dis-je – de fragilité, devant un si bel homme.
- Que fais-tu ici ? Tu nous attendais ? intervint Ciel, qui en avait assez d'être toujours ignoré par le shinigami vêtu de rouge.
Il était lui aussi tendu. Cet être avait tué Madame Red sans un instant d'hésitation, avec toute sa violence. La dernière fois, il avait mis Sebastian dans une bien mauvaise posture. Avec quelle nouvelle arme était-il venu les affronter ? Il n'avait pas l'air menaçant, mais il n'en avait pas besoin. Il était imbibé de douloureux souvenirs, aussi vifs et rouges que sa longue cape.
- Oh, bâilla Grell, rien de bien passionnant. Je dois récupérer l'âme d'un morveux avant que son démon…
Il regarda Sebastian d'un air langoureux.
- Son beau démon, rectifia-t-il, mette la main sur son âme. Du coup, je dois être là à chaque fois que ta vie est en danger, petit. Rien de personnel. Will pense que ça m'occupera.
De nouveau, Grell regarda Sebastian, qui était toujours autant sur le qui-vive.
- Moi aussi, maintenant, je pense que ça m'occupera, sourit-il en s'approchant discrètement du démon, tout en entortillant d'une main experte ses longs cheveux entre ses doigts.
- A chaque fois que ma vie est en danger ? répéta Ciel, incrédule.
C'est à ce moment-là qu'elle tira.
