Yo !
Cette histoire a été écrite à la demande d'Hylliy, pour lui et un de ses amis, pour me faire pardonner de la tristesse de mon OS, Cinq fois où je ne t'ai pas parlé et la fois où tu n'as pas répondu. Ouais, j'ai mis trois plombes à poster, mais d'une j'ai mis du temps à écrire, de deux j'avais des livres à lire (quand j'écris cette note j'ai fini trois romans, et il m'en reste encore une petite dizaine), de trois je suis à l'Île de Ré, alors j'ai pas internet beaucoup. D'ailleurs, cette histoire se déroule à l'Île de Ré, parce que voilà.
Le titre vient de la chanson d'Yves Montand, parce que ça fait trop penser à l'Île de Ré et je trouvais pas de titre mais il fallait que j'enregistre le document.
Sinon, j'en ai marre d'écrire des trucs qui font soit trois cents mots soit dix mille mots. Je souhaite un jour trouver le juste milieu. Voilà. Adieu.
Petite note : l'histoire commence par le feu d'artifice, qui n'est pas tiré à Rivedoux le 14 mais le 13 juillet.
Bon, comme c'est long, je vais diviser ça en trois parties à peu près égales. Je posterai aussi vite que je peux, comptant que je n'ai pas vraiment internet.
Bonne lecture !
À bicyclette
.1.
C'est l'été. Le beau milieu de l'été. Depuis la fenêtre des cuisines de La Chaloupe, Demyx contemple la nuit. Les gens sont agglutinés sur le petit port, certains râlent déjà. Au loin, il aperçoit les lumières du camion d'Axel. Il ferait mieux de se grouiller, pense Demyx. Deux ans plus tôt, le feu d'artifice avait été annulé pour mauvais temps, mais là, les pyroartificiers n'ont aucune excuse, il fait beau, et doux, il n'y a même pas beaucoup de vent.
L'envie de fumer une cigarette le titille, et il fronce le nez. Il se dit mon gars, t'as tenu, alors tu tiens encore. Il ne croit pas que l'envie disparaîtra un jour, ça ne lui paraît pas possible, pas envisageable. Mais un jour, il aura l'habitude, de cette envie qui vient le narguer de temps en temps. Comme les ballerines s'habituent à avoir mal au dos, il s'habituera à se retenir de cloper. Il aime ça, la comparaison avec les danseuses. C'est Kairi qui la lui a suggérée, sans doute parce qu'elle a fait de la classique jusqu'à ses quatorze ans, elle avait rajouté que elle, elle avait eu la chance de pouvoir arrêter vraiment, ce que lui n'aurait jamais, qu'elle n'en avait plus pu de cette colocation avec la douleur, mais que lui, il n'avait pas le choix, et comme les étoiles y arrivent, Demyx y arrivera. Demyx est loin, très loin des étoiles. Il aime beaucoup la danse mais il ne sait pas, ne réussit pas. Son corps fait tellement de choses qu'il ne comprend pas. La serveuse de ce soir sort et se retrouve à quelques pas de la fenêtre, il la sent allumer une cigarette et rentre la tête dans la cuisine. Il a encore de la plonge à faire, après tout, et il doit se dépêcher s'il ne veut pas manquer le début du feu d'artifice.
L'eau sur les mains lui fait un peu oublier son envie de nicotine et il la laisse couler, plus froide qu'il ne devrait. Ça lave moins bien, lui a dit le patron un soir, mais il n'a pas changé se habitudes. De toute façon les assiettes et les couverts sont toujours nickel, alors de quoi se plaint-il ? Une dame entre dans le café, et la première chose que peut penser Demyx est Bleu. Bleu, Bleu, Bleu.
Elle a les cheveux bleus, comme le ciel en fin d'après-midi, elle a les yeux bleus comme la nuit, et puis une longue robe bleu d'outremer, surmontée d'une veste en blue jean, des sandales à talons bleu électrique et un sac assorti. Demyx n'a jamais vu autant de bleu sur une seule personne. C'est étrange, décalé. On dirait les essais vestimentaires d'une préadolescente qui vient d'apprendre le concept d'assortiment, de cohérence des couleurs et tente d'être 'bien habillée'. C'est drôle. C'est extraordinairement bleu et pourtant, c'est beau. Peut-être parce que la femme est bien une femme et pas une préadolescente, qu'elle doit même être plus âgée que lui – quel âge a-t-elle ? Vingt cinq ? Trente cinq ans ? – ou peut-être juste parce qu'elle marche avec cette assurance absolue, parce qu'elle a l'air tout droit sortie d'un magasine avec ses talons qui claquent, son petit sourire et ses lunettes de soleil à monture bleu orage qui retiennent ses cheveux en arrière. Demyx la voit s'installer au bar, mais personne n'est là, alors il se rince les mains pour aller la voir. Elle l'impressionne.
« Euh, excusez-moi, on ne sert plus, à cette heure-ci. »
Elle penche la tête sur le côté, comme si elle s'attendait à ce qu'il ravale ses mots. Et il en avait envie, vraiment. Le sourire de la femme s'adoucit. Elle a soudain l'air plus tendre, plus accessible.
« Même pas un verre d'eau ? »
Il bafouille quelque chose et s'en retourne en cuisine. Ça, il peut. Il le lui ramène avec son sourire de chien errant, et elle souffle un merci. Il lui dit à moitié qu'ils vont bientôt fermer, mais qu'elle peut rester encore un peu. Il tressaille quand il la devine glisser la main le long de sa jambe pour détacher ses sandales. C'est dingue ce qu'elle peut avoir comme classe, en si peu de gestes et de mots. Elle n'est même pas maquillée. Il y a juste, ses yeux, vifs et lumineux dans le clair-obscur du bar. Quand il a fini la vaisselle elle a disparu, et il ne reste plus sur le comptoir que le verre d'eau. Un claquement et un bruit de soulagement général, le feu d'artifice commence.
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Ils posent les vélos sur le port, les attachent solidement malgré le peu de place qu'il y a. À peine descendu, Axel allume une cigarette. Demyx grogne, et le roux s'excuse aussitôt. Demyx secoue la tête, il faut bien qu'il s'y fasse, de toute façon. Mais c'est les vacances, le temps où on profite des cigarettes avec un verre de pineau. Il se dit, je pourrais en fumer juste une, à l'apéro, ce soir, s'il y a de la fougasse. Puis se reprend. Ça n'est pas une bonne idée, il le sait. Il récupère son sac sur l'épaule, glisse le tendeur dans sa poche avant et ils prennent la rue principale de La Flotte.
« On va chercher une glace ? »
La voix de Demyx est pleine d'espoir. S'il n'a pas de cigarette, il veut bien quelque chose pour lui occuper la bouche. Kairi s'insurge.
« Quoi ? Non, on ira à Saint Martin.
—On va à Saint Martin après ? »
Demyx râle un peu. En fait, il a déjà mal aux jambes, et rien que de penser à la montée pour sortir de la ville … Alors prendre la route sur le bord de mer, avec tout ce vent, pédaler et pédaler encore jusqu'à Saint Martin ? Il sait qu'il finira par le faire, et qu'il sera content, mais ça n'est que le deuxième jour qu'ils sont là, il n'est pas encore habitué. Axel s'exclame.
« Oh ouais ! Ils ont pas les parfums que je veux, à l'Atelier, de toute façon ! »
Kairi lève les yeux au ciel et manque de soupirer. Son frère n'a pas changé, depuis tout ce temps.
« Dis plutôt le parfum que tu veux. Sérieusement, je me demande où les gérants de la Martinière ont été chercher l'idée de glaces à l'eau de mer (1) … qui mange ça ? À part toi, bien sûr.
—Roxas en mange. »
Pour le coup, Demyx s'intéresse de plus près à la conversation.
« Roxas ?
—Mais si, Demyx, tu sais, ce type qui bosse à la Martinière, justement. »
Son visage s'éclaire. Ah, oui, ça lui dit bien quelque chose. Axel en avait parlé non-stop pendant une semaine, faisant tous les jours le trajet jusqu'à Saint-Martin sans broncher, puis il n'avait plus rien dit à ce sujet. Circonspect, il regarde le roux.
« Qu'est-ce qu'il est devenu, d'ailleurs ?
—Il est rentré à Paris. »
Demyx grimace. C'est leur grand malheur à tous les trois. Ils ne peuvent jamais rencontrer personne durablement, en été. Ce ne sont que des saisonniers, des vacanciers. Ils viennent deux semaines, deux mois au plus, et puis ils disparaissent. Ils n'habitent pas vraiment sur l'île non plus, mais juste à côté, à La Rochelle, et ils viennent ici à chaque congé, parfois même le week-end ou sur un jour férié. Ils sont condamnés à regarder les gens passer. À la limite, Demyx a encore un peu de chance, il est à la fac, alors il rencontre des gens. Axel bosse déjà, et comme il est le plus jeune de beaucoup, on ne peut pas dire qu'il se lie beaucoup avec ses collèges. Kairi, ils n'en parlent pas trop, parce qu'ils savent bien qu'elle a de l'ambition. Elle n'est pas comme eux, à juste regarder les gens partir. Elle passe son BAC l'année prochaine et ça sera à elle de fiche le camp, de les laisser seuls.
« On passe à la librairie ? »
Kairi les regarde d'un air presque suppliant. Elle n'a même pas encore fini ceux qu'elle a ramenés et Axel hausse un sourcil. Sa petite sœur est en train de devenir un rat de bibliothèque. Mais qu'est-ce qu'il y peut ? Elle continue à sortir autant, à s'amuser. Alors il acceptent et ils remontent la rue encore un peu jusqu'arriver devant la petite échoppe. En dix secondes, elle a choisi les livres qu'elle va prendre, un classique qu'elle n'a jamais eu le temps de lire – Les Hauts de Hurle-Vent – et un best-seller qui n'a pas l'air mauvais, et dont elle a même entendu beaucoup de bien – La Tresse – mais elle continue de fouiner, admirant le classement de la littérature par éditions, tournant quelques pages de bande-dessinées qu'elle sait qu'elle n'achètera pas – non pas que cela lui déplaise, mais elle n'aime pas dépenser plus de dix euros pour une heure de lecture quand avec un roman poche elle peut avoir cinq jours pour moins cher. Demyx la regarde faire en farfouillant à son tour. Il aime beaucoup les romans, mais, allez savoir pourquoi, il ne les finit presque jamais. C'est un peu décourageant, au bout d'un moment alors il n'en achète plus vraiment. Parfois, il laisse Kairi lui en prêter un, se lance à corps perdu dans la lecture et, une trentaine de pages avant la fin, se désintéresse soudain du roman. Et le laisse là, l'abandonne. Axel, lui, pose son regard du côté des magasines. Il ne lit pas beaucoup. Il ne déteste pas ça, mais ça n'est pas son occupation favorite, et il ne se sent pas 'en manque de mots', comme Kairi peut parfois l'être. Ils finissent par quitter la boutique, Kairi ses deux romans sous le bras, et Axel un exemplaire du Phare de Ré. Cela l'étonne même qu'ils ne l'aient pas encore acheté en allant faire des courses.
Ils se baladent dans la ville portuaire sans but, juste pour retrouver ces rues qu'ils connaissent par cœur avant de se trouver à nouveau devant les vélos. Kairi suggère d'aller jusqu'à Saint Martin, et Axel va dans son sens. Demyx le sait, il n'a aucune chance de s'opposer à ces deux-là. Alors il accepte.
Il a mal aux jambes, son souffle est court, et sous prétexte que son sac était presque vide, Kairi a donné son pull à Demyx, pour faire de la place pour ses livres. Non, ça n'est pas quelque chose de lourd, loin de là, mais le blond aurait quand même préféré s'en passer. C'est psychologique. Et ça lui donne une raison de plus pour râler. Doucement, tout de même, il sent qu'il se fait au vélo comme on reprend une conversation normale avec un vieil ami, après un long moment de gêne. Et c'est justement quand il s'y habitue qu'il doit s'arrêter, arrivé à la ville fortifiée. Axel se rallume une cigarette, et Kairi lui fait remarquer que c'est une salle habitude, juste après avoir fait du sport et le roux réplique qu'elle n'est pas sa mère, loin s'en faut. Ils se dirigent en riant vers la queue toujours présente devant le fameux glacier, et, dans la dite queue, Demyx reconnaît une certaine cascade bleue. Elle est radicalement différente de la veille, mais toujours aussi bleue. Elle a troqué ses sandales à talons contre des Birkenstock marine, sa longue robe pour une salopette en jean clair par-dessus un T-shirt à manches longues turquoise, et ses cheveux sont retenus au-dessus de sa tête dans un chignon volumineux et désordonné. Elle semble décontractée, pourtant il y a dans son port quelque chose de noble et de classe qui lui fait reconnaître la femme de la veille. Elle n'a pas un port de danseuse, comme Kairi, les épaules baissées et le dos droit, mais quelque chose de plus naturel, peut-être dans sa façon d'être ancrée dans le sol et de regarder droit devant avec cette assurance. Demyx ne sait pas.
Il se demande si elle va commander une glace au schtroumpf, rien que pour la couleur. Mais il sait bien que ce goût ne lui irait pas, trop sucré, trop artificiel, trop enfantin. Et elle a l'air si mature. Il la voit repartir ave une glace bleue, il se demande un instant s'il s'est mépris sur ses goût – ç'aurait été fort possible, il ne la connait pas – mais c'est un bleu plus clair que la glace au schtroumpf, ou encore n'importe quelle glace à la groseille ou la mûre. Alors il saisit, et il a un petit rire pour lui-même, qui lui vaut un regard étonné de la part de ses deux amis. Il voit maintenant quel autre genre de taré qu'Axel prend une glace à l'eau de mer ici.
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Elle se tient devant la mer, sur la petite plage entre le port de Rivedoux et la route de La Flotte, elle a un carnet de dessins dans la main gauche, un crayon bien taillé dans l'autre, la mine juste à quelques millimètres de la page blanche. Mais elle ne semble pas vouloir la poser. Elle est parfaitement immobile. Demyx est saisi.
Chez eux, c'est presque l'apéritif et Axel fume cigarette sur cigarette, alors il s'est senti un besoin de marcher quelques pas, pour réchauffer un peu les muscles froids et douloureux de ses jambes. Et voilà qu'il trouve plutôt de quoi réchauffer son cœur. Il se sent rougir à cette pensée mièvre. C'est l'air marin, s'en défend-il. Ça rend poète contre notre gré. Presque sans le remarquer, il prend son téléphone dans sa poche et capture l'image de la jeune femme. Il n'a pas fait le moindre bruit, pourtant elle se tourne vers lui et il fait mine de photographier la mer avant de remettre l'appareil à sa place. Elle lui sourit, il se sent faible sur ses pieds. Elle retourne à sa contemplation de la mer, et lui la regarde juste. Au bout d'un instant infini, elle referme le carnet à dessins, plante le crayon dans son chignon et le quitte avec un signe de la main. Il se passe au moins une minute entière avant qu'il ne rendre le salut à son absence, au vent. Et encore une autre avant qu'il fasse demi-tour, rejoignant le pineau et le saucisson, l'ondine toujours en tête.
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Il dessert une table, une tâche bleue s'imposant dans son esprit comme il regarde la mer par-delà la barrière de ciment. Cette femme recèle bien des mystères, très certainement. En tout cas elle pose mille questions à Demyx. Il se demande d'où elle vient, et parfois suggère qu'elle est née de son imagination. Pourquoi est-elle seule ? Qu'est-ce qu'elle fait là ? Elle est sûrement en vacances. Loin de chez elle. Demyx a du mal à l'imaginer en ville, dans un univers gris. Il en est persuadé, cette femme est faite pour l'eau – les rivières, les lacs ou bien l'océan – parce qu'elle a ce quelque chose en elle qui résonne en lui. Ce point commun qui n'a pas de nom, comme s'ils étaient faits du même bois, mais façonnés très différemment. Mais c'est une manie de Demyx, de vite se faire des idées sur les gens, et il est toujours déçu. Il pose le couvert en équilibre dans le lavabo déjà plein, et s'essuie les mains sur son jean.
C'est là qu'elle entre dans le café, toujours différente, changeante comme la marée. Les mêmes sandales à talons que le premier jour, une mini-jupe en jean et un haut à manches courtes, col en V agrémenté d'un collier au pendentif de pierre. Bleue, bien évidemment. Bleue, partout. Il va vers elle, il l'installe, tentant de se contenter du strict minimum, histoire de ne pas dire d'âneries plus grosses que lui. Ça lui arrive souvent. Elle choisit de se mettre au comptoir, et il se retient de trembler en préparant son thé. Il sent son regard d'azur sur chacun de ses gestes. Elle doit vraiment avoir quelque chose avec l'eau, parce que sa voix est comme un ruisseau, elle raisonne dans sa bouche comme dans une grotte humide.
« Vous êtes d'ici ? »
Demyx frémit, pose la tasse devant la femme, évite soigneusement son regard.
« Plus ou moins. C'est la première fois que vous venez ?
—Tout juste. »
Elle ne précise rien d'autre. Il cherche des yeux quelque chose pour s'occuper, un client à servir, une table à débarrasser, mais sa collègue s'en charge très bien. Il se cantonne aux politesses, parce que ce sont des phrases simples qu'il connaît par cœur.
« Si vous avez besoin de quoi que ce soit, vous pouvez me demander. »
Elle acquiesce très doucement, et ouvre à nouveau la bouche.
« Justement, »
Il se demande si elle va lui demander un gros service, le code pour internet ou de lui conseiller un café moins cher à Rivedoux, en tout cas elle a envie de lui parler puisqu'elle a sauté sur l'occasion et il l'en remercie.
« Où peut-on voir de belles vagues sur l'île ?
—Pour les dessiner ?
—C'est ça. »
Il réfléchit un moment, mais en fait, il a déjà la réponse.
« Il faut que vous alliez aux Conches, de l'autre côté de l'île, le plus loin des côtes.
—Logique, en effet. Est-ce que c'est loin ?
—Trente-cinq kilomètres environ. Vous pouvez y aller en voiture.
—Il n'y a pas de bus ou de pistes cyclables ?
—Vous n'avez pas de voiture ?
—Non. »
Elle s'arrête là, il sent qu'elle n'a pas envie d'approfondir le sujet. Il lui fait son sourire d'empoté en guise d'excuse.
« On peut y aller à vélo mais c'est assez long. Les bus, j'avoue que je ne sais pas. Mais je peux … »
Il inspire un grand coup.
« Je peux vous emmener. À vélo. C'est long et dur, et pas très drôle tout seul. Enfin, pas que je trouve que vous soyez trop seule ou quoi que ça soit du genre. Pas non plus qu'il y ai quelque chose de mal à être seul, c'est très bien d'être seul de temps en temps, et même tout le temps si on veut, parce que ça dépend des caractères et du –
—J'en serais ravie. »
Il la remercie en silence de la dépêtrer d ce dans quoi il s'embourbait tout seul. Son sourire est apaisant. Il reprend avec plus d'aplomb.
« Vendredi. Est-ce que vous êtes encore là vendredi 21 ? C'est mon jour de congé, les coefficients sont hauts, la mer sera montante en fin de matinée et début d'après-midi, et je n'ai rien de prévu. »
C'est à moitié faux. Il avait prévu implicitement de passer la journée avec Axel et Kairi, ils lui en voudront sans doute un peu, surtout quand il leur racontera – car il devra leur raconter. Ils diront qu'il s'embarque encore dans une histoire à se briser le cœur, qu'elle partira. Il répondra que ce n'est rien de tel, qu'il veut juste apprendre à la connaître, comme amie, que de toute façon il est trop jeune pour elle, et ils le regarderont avec pitié. Mais ils ne le retiendront pas.
Il auront raison, en quelques heures il tombera fou amoureux d'elle, elle acceptera de sortir un peu avec lui puis elle remontera chez elle et il se retrouvera sur la plage à pleurer au vent. Et ce sera eux qui viendront récupérer ses loques. Il le sait, intellectuellement, s'il y pense un peu, mais il veut croire que c'est spécial, avec cette femme qui est faite du même bois – de la même eau – que lui, qu'il va se passer quelque chose de fort, que ça soit de l'amitié ou autre chose.
C'est ce qu'il croit à chaque fois.
Mais là, c'est plus vrai.
C'est ce qu'il se dit à chaque fois.
« C'est parfait. Je n'ai rien de prévu non plus. Quelle heure ?
—Disons neuf heures et demie. Devant la jetée qui va vers le phare ?
—C'est parfait pour moi. »
Il aurait bien dit dix heures et demie, en fait, mais elle est un adulte responsable, ça se voit, et les adultes responsables se lèvent tôt, et ne finissent pas par déjeuner à quinze heures parce qu'ils sont partis trop tard, la tête embrumée. Elle finit sa tasse de thé, dépose le compte juste sur le comptoir. Il lui dit de prendre de quoi se baigner, et puis une bouteille d'eau. Et de quoi se couvrir la tête parce que le soleil tape. Il ne sait pas pourquoi il lui ressort ce que sa mère lui disait quand il était petit. Il doit avoir l'air un peu bête, mais elle n'en dit rien et se contente de lui souffler en quittant le café.
« À vendredi. »
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« Tu t'es encore embarqué dans une sale histoire. »
Il l'aurait parié. Axel lui met une main sur l'épaule.
« Mec, laisse tomber.
—Mais ça va, tranquille. De toute façon je l'intéresse pas. »
Axel hausse un sourcil et échange un regard sceptique avec ma sœur. Ça n'est pas possible, qu'une fille ne s'intéresse pas à Demyx, ou alors elle n'accepte pas de rendez-vous ou quoi que ce soit qui s'en rapproche. Il faut l'admettre, la présence du blond est éreintante. Il est si … vivant. Ça suinte par tous les pores de sa peau qu'il est surexcité, et s'il est très amical il reste d'un premier abord difficile, on ne sait jamais trop par quel bout le prendre. Alors si quelqu'un sort avec lui, à tous les coups, c'est que la personne a Demyx dans le viseur. Même si ce dernier ne s'en rend pas compte. C'est la seule fille de la pièce qui reprend, avec sa voix calme et forte.
« Annule. Tu retournes la voir et tu lui dis que tu ne peux pas, tu trouves une excuse. Tu dis que tu t'es fait mal à la jambe.
—Mais c'est moi qu'ai proposé ce jour ! Je peux pas dire une semaine à l'avance que je me suis blessé, c'est con ! Et puis j'ai envie d'y aller ! »
Les deux roux soupirent de concert. Axel fait tout de même remarquer.
« Je ne viens pas te chercher en larmes aux Conches, on est clairs ? »
Et Demyx lui promet que ça va aller. Bien entendu, si le blond est au quatorzième dessous, allongé sur le sable, du sel dans les yeux et sur les joues, bien entendu Axel viendra. Ce qu'il essayait de dire, ce qu'il voulait dire – mais de toute manière Demyx a compris – c'est Fais attention à toi, on est là pour toi mais protège-toi, fonce, mais avec une armure, et si elle se casse revient nous voir, on bouge pas, on bouge pas sans toi.
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Demyx vérifie pour la millième fois de la soirée si son sac est bien fait. Il est atrocement angoissé. Il n'a pas revu la femme depuis le quatorze et ne sait même pas si elle se souvient de leur rendez-vous, ne peut pas vérifier en lui envoyant un message. Il n'a pas son numéro. Il n'a même pas son nom. Comment pourrait-elle s'appeler ? Quelque chose avec de l'eau … Marine ? Non, ça ne lui irait pas. Sirène ? Trop évocateur, et puis, ça n'est même pas un prénom. Océane ? Possible. Mais Demyx n'est pas satisfait. Il est persuadé que son prénom est quelque chose de plus mystique, qu'on prononce comme une formule magique. Quelque chose comme … Ondine ? Ça n'est toujours pas ça, mais Demyx pense que c'est ce qui se rapproche le plus de la femme.
« Putain, t'as déjà vérifié si t'avais bien de la crème solaire – et qu'il en restait. Si tu vérifies encore tu vas tout vider.
—Tu penses ? Alors il vaudrait mieux que j'en achète une autre ! »
Axel enfonce sa tête dans ses mains. Qui lui a fiche cet imbécile sans second degré comme meilleur ami, au juste ? Il contemple Demyx s'embourber dans sa pagaille, sortir chaque objet de son sac, faire une liste papier, recompter. Le blond est tout sauf organisé. Axel a envie de lui en mettre une. Kairi a décroché depuis longtemps, elle est montée dans la chambre directement après avoir débarrassé et se complait certainement présentement dans l'univers fictif et lointain d'un de ses livres. Si Axel se souvient bien, elle a fini La Tresse le lendemain de l'achat, alors sûrement un des livres qu'elle a amenés avec elle. Le roux finit par perdre patience, prend son ami par les épaules et le plante en face de lui.
« Oh ! Qu'est-ce que tu nous fais ? Il est presque une heure du matin, et tu sais ce qui va se passer si ça continue ? Tu vas être en retard demain matin. Tu ne veux pas ça, pas vrai ? »
Le blond secoue vivement la tête.
« Bien ! Alors tu fiches tout ce bordel dans ton sac, et tu vas te coucher, non, tu ne vérifies pas si tu as bien pris le maillot de bain qui n'a pas de tâche sur les fesses, non, tu ne mets pas de papier dans ton sac avec écrit que tu dois penser à prendre l'eau au frigo, parce qu'il y a déjà un mémo sur le frigo, et non, tu ne vas pas te réveiller demain à sept heures pour aller à la boutique acheter une seconde paire de lunettes de soleil au cas où tu casserais celle-ci, parce que tu vas être épuisé sur la route et de toute façon ça sera fermé. Compris ? »
Demyx branle du chef un peu piteusement. Bien sûr qu'Axel a raison. Axel a toujours raison.
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(1) : Non, la Martinière ne propose pas vraiment de glaces à l'eau de mer, à mon grand regret. Mais si un glacier en était capable, ça serait celui-là. Ils font des glaces à l'huître (et c'est pas aussi mauvais que le nom ne pourrait le laisser penser).
Voilà, la première partie ! Le deuxième est un peu plus longue, j'espère ne pas la poster dans trop longtemps. Disons une semaine maximum, je pense.
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