Chapitre 1 : à la justice !

- allez-y mademoiselle Rodriguez, on vous rejoint dans une minute, venez, installez-vous là.

Le sergent Olivia Benson la guida d'une main encourageante vers la salle d'identification pendant que maître Rafael Barba vérifiait ses SMS sur son téléphone quand il vit entrer dans le commissariat une jeune femme aux longs cheveux clairs, sûrement l'avocate de leur principal suspect Julian Johnson vu son tailleur coûteux et son attaché-case en cuir véritable. Son regard se dirigea directement vers les talons hauts blancs de cette dernière qui arborait plusieurs motifs de trèfles à quatre feuilles.

- bon choix de chaussures, commenta-t-il d'une voix à peine audible quand elle passa juste devant lui.
- oh merci ! Répondit maître Bauer, flattée.

Bien loin de percevoir l'ironie dans la voix de son interlocuteur, la jeune avocate avait le sourire jusqu'aux oreilles.

- et vous, c'est quoi ?
- je vous demande pardon ?
- votre porte-bonheur !
- je ne crois pas en la chance, je la provoque.
- ça ferait une belle épitaphe, lâcha-t-elle spontanément avant de se rattraper aux branches, non pas que… je vous veuille du mal, non, je… je vous souhaite une vie longue et prospère.

Il lui lança un regard perplexe, partagé entre sourire et incrédulité.

- c'est bon on est prêt, sergent !

Ni une, ni deux, ils rejoignirent tous la victime en question dans la salle d'identification, la jeune avocate se tenant juste à la gauche du substitut du procureur. Elle le trouvait particulièrement craquant dans cette chemise blanche à col ouvert, cela changeait de la traditionnelle cravate exigée pendant les audiences qu'elle trouvait bien trop formelle à son goût.

- dites-nous seulement si vous reconnaissez quelqu'un, affirma Olivia.
- s'il vous plaît, veillez à ne pas l'influencer sergent, lui signifia maître Bauer.
- ce n'est pas ce que je fais, maître.
- prenez votre temps mademoiselle Rodriguez, lui rappela maître Barba.
- je n'en ai pas besoin, c'est le numéro trois, c'est lui qui m'a violée.

Le sergent Benson toqua alors plusieurs fois de suite sur la glace sans tain pour que les hommes devant eux s'en aillent.

- merci mademoiselle. Merci beaucoup, répéta Rafael.
- venez, mademoiselle Rodriguez, on va dans la pièce d'à côté, la guida à nouveau Olivia.

L'assistant du procureur en profita pour jeter un énième coup d'œil aux talons hauts porte-bonheur de maître Bauer avec un sourire satisfait accroché aux lèvres.

- je suppose que ça ne marche pas à tous les coups, railla-t-il, avant de quitter la pièce.


- viol aggravé, annonça la juge Hayes. Que plaide votre client, maître ?
- nous plaidons non coupable votre honneur, répondit aussitôt maître Bauer.
- quelle caution demandez-vous, maître Barba ?
- nous demandons le placement en détention, votre honneur. Nous avons des preuves solides. L'accusé a été formellement identifié par deux de ses victimes. Il a toutes les raisons de s'enfuir. Son avocate a dû faire l'impasse sur les meilleurs romans policiers de ces dix dernières années.
- je dois bien avouer que je préfère les magazines de mode, c'est mon pêché mignon. A moins que monsieur le substitut a quelques recommandations à me faire ?

Maître Barba lui adressa un regard conquis, il devait avouer que leur petite joute verbale était des plus divertissantes pour lui.

- ça suffit, vous réglerez vos problèmes de lecture en dehors de mon tribunal, les recadra aussitôt la juge Hayes. Maître Bauer ?
- nous demandons une libération sur parole, votre honneur. Monsieur Johnson n'a aucune intention de partir. Toute sa famille est ici, il a des amis, son travail.
- la caution est fixée à dix millions de dollars. L'accusé sera enfermé à Rikers en attendant le paiement de la somme. Affaire suivante !


- je me suis réveillée, nue, j'avais mal. J'avais des bouts de scènes qui me revenaient de Julian Johnson entrain de me violer.
- pourtant après ça vous n'êtes pas allée ni à l'hôpital, ni au poste de police ? Rétorqua maître Barba.
- j'avais peur de ce que les gens allaient penser de moi, j'avais peur de perdre mon travail.
- mais alors pourquoi en parler maintenant ?
- ils m'ont demandé de travailler à nouveau avec Julian, c'était trop, j'ai craqué.

Quand vint le tour de maître Bauer d'interroger une nouvelle victime, elle prit bien soin de mettre ses deux pieds dans chaque carré du carrelage du tribunal sous le regard interrogateur du substitut du procureur qui se demandait le nombre exact de superstitions auxquelles croyait la jeune avocate.

- j'ai perdu connaissance. Et quand je me suis réveillée, mes vêtements avaient été enlevés, j'avais des bleus… sur tout le corps. Je savais que j'avais été violée.
- et malgré le fait que vous le saviez, vous n'avez rien dit à la police, à vos amis, votre famille, répliqua maître Bauer.
- je viens d'une famille très croyante et j'étais allée dans une chambre d'hôtel avec un basketteur noir, ma mère me l'aurait reproché, comme vous vous me le reprochez aujourd'hui.


Juste avant la reprise de l'audience, maître Bauer retrouva le substitut du procureur assis sur un banc dans l'enceinte du tribunal à revoir ses notes, elle s'en approcha une feuille volante dans sa main gauche et son attaché-case dans la droite.

- ah vous voilà !

Lorsqu'il la vit se pencher à sa hauteur, il se décala légèrement sur sa gauche pensant qu'elle allait s'asseoir à sa droite mais elle n'en fit rien et prit place à la gauche de ce dernier, sûrement encore une de ses fameuses superstitions.

- vous savez, je me demande toujours comment vous faites pour être si direct avec les gens, je m'excuserais presque avant de poser une question dérangeante à un client.
- ça peut être une bonne stratégie aussi, suggéra son interlocuteur.
- c'est vrai, je ne l'avais pas vu sous cet angle.

Maître Bauer venait tout juste de réaliser que tout compte fait maître Barba était quelqu'un avec qui on pouvait discuter et faire plein d'autres choses tout aussi intéressantes en passant.

- tenez ! Lâcha-t-elle soudainement afin de mettre fin à toute pensée déplacée. Désolée de vous prévenir que maintenant mais ce témoin est disponible.

Joignant le geste à la parole, elle lui tendit enfin la feuille qu'elle tenait dans sa main gauche depuis le début de la matinée, le substitut du procureur s'en saisit délicatement avant de la lire attentivement en silence.

- vous lui avez promis quoi ? Une cravate porte-bonheur ?

Alors que les inspecteurs Sonny Carisi et Amanda Rollins s'approchaient tout près du banc, la jeune avocate se leva avec un léger sourire en coin.

- la jalousie est un vilain défaut, maître, lui répondit-elle avec jeu avant de s'éloigner.
- on a interrompu quelque chose ? Demanda l'inspecteur Rollins, ravie de son allusion.

Visiblement agacé, maître Barba lui repassa la feuille volante en question.

- David Williams, précisa-t-il, il était trop malade pour témoigner pour nous mais on dirait qu'il a miraculeusement guéri pour nos amis de la défense.


- j'offre ma tournée de thé si elle ne renvoie pas cette affaire sur le champ, affirma maître Bauer à quelques secondes d'entrer dans le bureau de la juge Hawkins.
- du thé ? S'étonna maître Barba, en faisant la moue.
- je ne bois pas de café.
- ça porte malheur ?

Elle secoua la tête d'un air amusé après sa taquinerie et il l'invita d'un geste furtif de la main à passer devant lui afin de pénétrer la première dans le bureau de la juge Hawkins, elle ne put s'empêcher d'apprécier sa galanterie au passage.

- subornation de témoins, fausses accusations, ce sont des allégations très sérieuses.
- c'est pour ça que je demande un abandon immédiat des charges, votre honneur, affirma maître Bauer.
- tout élément à décharge sera apporté au dossier, en attendant je dois enquêter sur elle et sa version des faits, lui signifia maître Barba.
- elle a admis avoir été payée par David Williams pour avoir proféré de fausses accusations, sur quoi d'autre voulez-vous enquêter ?
- elle ment peut-être maintenant pour réclamer plus d'argent à Williams.
- depuis le début ce n'est qu'une histoire d'extorsion. Sa crédibilité est foutue et celle des deux autres aussi.
- ça, on en sait rien, maître Bauer, lui rétorqua la juge Hawkins. Je n'abandonne pas les charges contre l'accusé, le procès aura lieu mais j'ajournerai la séance de 48 heures pour que vous tiriez ça au clair, vérifiez bien les faits cette fois maître Barba.

Au moment de quitter le bureau de la juge Hawkins, maître Barba invita à nouveau furtivement maître Bauer à passer devant lui afin de sortir la première et elle ne put s'empêcher d'apprécier une nouvelle fois sa galanterie.

- bravo maître, vous venez juste d'échapper à une ennuyeuse tea party en ma compagnie.
- sauvé par la juge Hawkins, si on m'avait dit ça, commenta-t-il avec humour.

Ils se fixèrent dans les yeux quelques secondes en silence, la jeune avocate se demandait si comme elle, il feignait l'indifférence car de son côté, elle ne pouvait s'empêcher de regretter sincèrement ce rendez-vous raté.


- à la lumière de cette pièce à conviction, nous demandons l'abandon total des charges, votre honneur, affirma maître Bauer.
- maître Barba ? L'interrogea la juge Hawkins.
- nous n'avons aucune objection.
- les charges sont levées. Monsieur Johnson, vous êtes libre. Vous pouvez vous en aller.

Après avoir félicité son client, maître Bauer s'approcha de la table du substitut du procureur, en prenant bien soin à nouveau de mettre ses deux hauts talons porte-bonheur dans un seul carré du carrelage du tribunal.

- vous l'avez dit vous-même, ça ne marche pas à tous les coups.

Maître Barba se contenta d'acquiescer, une défaite ne faisait jamais plaisir, même si la justice avait été rendue une fois de plus.
La jeune avocate déposa ensuite délicatement un coffret gris sur la table de son adversaire d'un jour et sans un mot de plus elle commença à s'éloigner, intrigué, maître Barba s'empressa de soulever le couvercle du coffret pour y découvrir des bretelles haut-de-gamme de couleur blanche qui arboraient exactement les mêmes motifs de trèfles à quatre feuilles que les hauts talons porte-bonheur de maître Bauer, il la suivit immédiatement des yeux, au loin, avant de lui adresser un regard reconnaissant pour ce cadeau des plus prévenants.


Prochainement dans ALC : le nouveau client de maître Bauer est prêt à passer un accord avec le substitut du procureur.