Bonjour, bonsoir,
Alors, sur un coup de tête j'ai commencé de petit début d'histoire, et ne sachant pas si ça vaut le coup que je lui donne suite, je vous laisse seuls juges. Si des lecteurs sont intrigués, je me bougerai pour continuer cette fic (qui dans ma tête ne devrait pas être une trop longue épopée).
En espérant que ce court chapitre vous plaira,

Futilement vôtre,

Hélène.


Chapitre 1. Un cadeau inespéré.

Edoras. La Cité d'Or rêvait encore, aux premiers rayons de l'aube. Les toits de Meduseld étincelaient dans la pâle clarté de l'aurore, brillant de dizaines de traces de givre qui ne disparaîtraient qu'avec le zénith du soleil. Derrière les portes des petites maisons de bois, bien calfeutré, on songeait encore. Peu s'étaient éveillés, chacun désireux de demeurer sous la douce chaleur des couvertures un peu plus longtemps. Dans les écuries, les fiers chevaux du Rohan patientaient avant le foin du matin. Derrière la capitale des farouches Rohirrims, les Montagnes blanches se dressaient, fières et inaccessibles, si hautes qu'elles semblaient toucher au ciel. En ce début du Quatrième Âge, rien ne pouvait toucher la Cité des dresseurs de chevaux.

Entre toutes, l'écurie de Fréawyn était la plus renommée. Située en contrebas du palais royal, depuis la fin de la Guerre de l'Anneau, elle prospérait. Depuis le couronnement du Roi Eomer, il fournissait les montures royales, et parfois même le roi en avait-il fait présent à ses amis du Gondor, où régnait sagement de le roi Elessar depuis la destruction de l'Anneau de pouvoir. Fréawyn en était certes fier, mais ne l'étalait pas. Taciturne et travailleur, c'était un homme de haute stature, aux mains larges, dont la gauche portait encore les cicatrices des lames acérées des Orques. Il avait vaillamment participé à la Bataille de Champ de Pelennor, avant de quitter les rangs des Rohirrims. Guerrier farouche, éleveur intransigeant, il n'en était pas moins un homme d'une grande bonté, apprécié de tous et satisfait de sa routine quotidienne. Il n'aimait rien plus que fumer sa pipe aux premières lueurs de l'aube, avant que la Cité ne s'éveille et qu'on en ouvre les portes. Assis sur le perron de sa maison, il contemplait les fiers sommets, appréciant les dernières feuilles de l'herbe de Longulet, cadeau d'un ami. Maître Meriadoc était passé saluer le roi quelques mois auparavant, en souvenirs de son allégeance au Roi Théoden. Fréawyn, qui élevait des poneys vifs, tout spécialement pour les Hobbits, qui se découvraient peu à peu une âme de voyageurs, avait gardé précieusement l'Herbe à pipe des Quartiers sud en souvenir de ce jour. Dans les écuries, il entendait les chevaux renâcler, pressés de se voir ouvrir les portes pour paître librement sur les plaines du Rohan. Fréawyn se leva, déposa avec précaution sa pipe sur une petite table, tressa ses cheveux d'or.

- Haleth, espèce de bon à rien ! Les chevaux attendent, crois-tu que la besogne va se faire toute seule aujourd'hui ?

Maudissant intérieurement cette jeunesse désinvolte, il vit apparaître dans l'escalier du grenier son palefrenier. Il jaugea en une seconde le visage fin, encore bouffi de sommeil, les cheveux châtains en bataille, coupés exceptionnellement court pour un garçon du Rohan, et les grands yeux gris qui lui faisaient face. Il avait engagé ce nouveau palefrenier une semaine auparavant. Un gosse perdu, débarqué à Edoras sans parent ni argent, prêt à tout même au pire pour une bouchée de pain. Fréawyn n'avait jamais eu de fils, il l'avait engagé sans la moindre question. Il donnait au garçon dix-sept, peut-être dix-huit ans. Qui il était, d'où il venait, il n'en avait pas la moindre idée. Haleth n'était guère bavard, mais travaillait efficacement, sans jamais rechigner ou se plaindre. Et s'il n'avait guère les traits physiques des Rohirrims, grands guerriers blonds aux yeux bleus, il en avait le don inné avec les chevaux. Et si l'écurie de Fréawyn était si renommée, c'était bien par son extraordinaire capacité à dresser les chevaux pour servir fidèlement leurs maîtres.

Haleth avait avalé rapidement un bol de tisane brûlante pour mieux oublier l'air glacial du dehors. Sans un mot pour son patron, il se glissa hors de la maison pour rejoindre l'écurie. La journée serait longue, il y avait tant à faire des chevaux à nourrir, à sortir, à soigner, d'autres à aller présenter au Palais, des box à faire. Haleth ne se plaignait pas, bien trop heureux de sa place inespérée. Il avait erré bien trop longtemps, pour ne pas apprécier la chaleur de l'âtre après une dure journée de travail, l'odeur chaude de la paille et l'apaisement des ces bêtes qui l'attendaient chaque matin pour leurs premières brassées de foin.

L'écurie était tiède, accueillante. Dans l'obscurité, il sentit le regard doux des bêtes aux naseaux frémissants. Mécaniquement, il distribua largement les rations de grains, achevant de s'éveiller complètement. La nuit avait été courte, et agitée. Passant la main dans ses cheveux déjà en bataille, il chassa les sombres rêves de la nuit et ouvrit grand les portes. Le soleil se levait, rougeoyant dans le pâle ciel de décembre. Sourire. Son maître parut dans l'encadrement de la large porte, occultant un instant l'éclat de l'aurore par ses larges épaules.

-Haleth ! On me dit que le roi veut une nouvelle monture pour son fils. Tu iras lui présenter les poulains que nous avons. Je te laisse les choisir, je te fais confiance.

Le jeune palefrenier haussa un sourcil étonné. C'était une décision cruciale que de choisir les trois poulains à présenter au prince des Rohirrims, lorsqu'il se trouvait en âge de chevaucher aux côtés de ses pairs. Sans un mot, il hocha la tête il ne décevrait pas son maître. Il devrait se présenter au Palais d'or avant que le soleil arrive au zénith. Avec empressement, il sortit les chevaux pour les mener à l'immense pâture qui leur était dévolue, en contrebas de la cité. Après quelques minutes de réflexion, il ne laissa dans l'écurie que trois jeunes étalons aux regards fiers. Chacun d'eux avait les qualités d'un destrier royal mais le prince aurait à faire son propre choix.

Le Palais d'Or de Meduseld résonnait des pas lourds des gardes de la Maison d'Eorl, du choc des lames à l'entraînement et des murmures propres à toutes cours royales. Il flottait dans l'air une odeur de feu de bois, de pain chaud et de miel, une odeur royale. Haleth marchait la tête haute, menant derrière lui les trois fougueuses montures. Le Capitaine de la Garde royale de la Maison d'Eorl, Huissier d'Eomer-roi le pria de patienter devant les portes. Haleth s'inclina sans un mot, craignant de ne pas souscrire à une étiquette dont il ignorait tous les usages. Enfin, les portes se rouvrirent le Prince parut. Haleth s'inclina encore plus bas, soudainement impressionné par ce jeune homme à peine plus âgé que lui.

Elfwine, fils d'Eomer-roi et de Lothiriel, venait d'atteindre ses vingt ans. Désormais, son apprentissage était achevé, allant du maniement de l'épée jusqu'au parler des peuplades les plus reculées de la Terre du Milieu. Devenu homme, il gagnait le droit d'avoir la monture qui le suivrait jusqu'à la mort, monture que nul autre ne pourrait ni monter ni posséder. Avec elle, il serait amené à affronter bien des dangers, et décider de sa monture serait comme choisir un ami. Elfwine était grand, de carrure large et imposante. Haleth ne put s'empêcher de le détailler longuement. Ses longs cheveux d'or retombaient en cascade sur ses épaules, comme le voulait la tradition de la Maison d'Eorl. Pourtant son visage reflétait ses origines gondoriennes. Comme sa mère, il avait les traits fins, des pommettes hautes, une mâchoire carrée, volontaire une noblesse venue tout droit de la Cité Blanche dont on disait qu'elle faisait naître les plus beaux enfants de la Terre du Milieu. De grands yeux bleus vifs et intelligents éclairaient son visage, constellé de tâches de rousseur qui lui donnaient encore l'air d'un enfant.

-On murmure que de ton écurie viennent les meilleurs coursiers de tout l'Ouest, sourit le prince. J'espère que les rumeurs sont fondées. Qu'as-tu choisi pour moi ?

Haleth se vit obligé de sortir de son mutisme. De sa voix étrangement rauque, à la limite de l'inaudible, il présenta les trois étalons qu'il amenait. Le premier, à la robe mouchetée de gris, était âgé de trois ans. Grand, fin et vif, il piaffait d'impatience sur le sol pavé, jetant autour de lui des regards empreints d'une curiosité craintive. De nature fine, il était pourtant robuste et endurant, mais un excès de sang en faisait une monture délicate qui nécessitait une main ferme et rassurante. Le deuxième, ferait bientôt cinq ans. D'un noir de jais, il était plus trapu que le précédent, et pourtant très grand. Paisiblement, il observait les alentours, et pourtant ses yeux reflétaient une grande vivacité et une fierté princière. Enfin, le dernier et le plus jeune, doté d'une étonnante robe couleur d'or, alors que les crins étaient d'un blanc crémeux, semblait le plus farouche. Campé fermement sur ses postérieurs, la tête haute, les naseaux dilatés par l'excitation de l'inconnu, il rappelait un fauve, et dans ses yeux brillait un éclat d'intelligence digne des Mearas d'antan. Pourtant, il paraissait plus chétif que les autres, et son évident caractère n'en ferait pas forcément une monture adaptable au pire.

Le prince resta silencieux, jaugeant les trois bêtes qui lui faisaient face. Derrière lui, la haute stature d'Eomer-roi rendait l'instant encore plus solennel. Timidement, le regard d'Haleth s'attarda sur le visage dur du souverain, sur son regard sombre et brillant. Des bribes de chansons lui revenaient sur les exploits d'Eomer-roi lors de la bataille du Pelennor. Enfin, Elfwine fit signe qu'il avait fait son choix, interrompant la rêverie du jeune palefrenier. Il était alors d'usage de laisser le cheval compléter ce choix, en esquissant librement un pas vers le Rohir. Haleth lâcha les brides et se recula vivement. L'étalon noir avança paisiblement vers le fils du roi, et nicha son nez dans la chevelure du prince qui éclata d'un rire clair. Le jeune palefrenier sourit. Il avait réussi à contenter son prince, Fréawyne serait satisfait.

-Qu'il en soit ainsi, murmura enfin Elfwine, je te nomme Mellon. Quant à toi, ajouta-t-il en se tournant vers Haleth, en remerciement de l'indéfectible compagnon que tu viens de m'offrir, je te permets de te choisir une monture parmi les deux autres. Ton maître se verra dédommagé de cette perte.

Halther rougit subitement et s'inclina maladroitement.

-Merci, Seigneur ! Mais puis-je accepter ? Il ne sied guère à ma condition de posséder tel royal coursier.

-On ne discute pas le souhait de son seigneur, claqua la voix sèche du Capitaine de la garde. Réjouis-toi de l'honneur qui t'est fait !

Haleth bafouilla un dernier remerciement, alors que les doux naseaux du cheval doré lui chatouillaient déjà le cou. Aujourd'hui, la vie était belle.

« Et toi, qui seras-tu alors ? Haleth, prénom de reine, Haleth, héros des temps jadis. Quel visage offriras-tu à ce monde qui n'a pas besoin de toi, pour te lui rendre nécessaire ? »

La visage de vieil homme avait un air singulier, alors qu'il prononçait ces mots. Quelques chopes vides à la main, elle l'avait contemplé un instant, immobile et muette. Le feu achevant de s'éteindre projetait sur le murs ses ombres fantastiques, et le silence s'était fait dans la petite auberge du Poney Fringuant.

De ce jour, elle comprit. Condamnée à servir les hommes dans cette auberge qui l'avait vu naître, elle ne verrait jamais les grands lieux des chansons dont résonnaient les murs chaque soir. La Cité d'Or d'Edoras, la tour blanche de Minas Tirith, les profondeurs de la Moria, le Gouffre de Helm ou la forêt de Fangorn dont dépassait les ruines de la tour d'Orthanc. Condamnée à une vie servile et tranquille, à subir les hommes, à en aimer certains. Puis vieillir, dans le tourment des regrets et les effluves de bière. Il n'y avait pas de place pour une femme dans l'épopée de la Terre du Milieu.

Lui, avait su voir en elle quelque vaillance qui méritait de la sortir de sa cage. Auprès du feu, par une chaude nuit sans lune, il lui coupa les cheveux si courts que sa propre mère ne la reconnut pas. Il lui trouva de vieux vêtements de cuir souple, pantalon et tunique de rôdeurs, une cape de voyage, et un cheval. Ancien guerrier, ménestrel à ses heures, il n'avait pour seule fortune que la route, l'infinie et terrible route qui lui était devenue plus chère qu'une femme. Il voulait lui offrir cette richesse indicible qu'est la liberté, lui faire goûter sa saveur à la fois âcre et sucré.

Ils étaient partis de Bree au matin, elle laissant derrière elle une vie de servitude, fatiguée d'être à jamais « la fille de la tenancière et d'un inconnu de passage », fatiguée des remarques désobligeantes, des regards concupiscents et des bières renversées chaque soir. Elle avait maigri, beaucoup, perdant ses formes qui brûlaient le cœur des hommes chaque nuit, devenant fine et souple, une lame acérée, mordante. Pour avoir le droit de vivre sa vie, Haleth était devenue un garçon.