Chapitre 1

L

a lune venait à peine de faire son apparition quand un homme se présenta devant sa porte. Rien ne vaut une bonne promenade de santé, s'était-il dit, surtout quand l'air est frais. Ca va me revigorer. Maintenant qu'il était sur le point de rentrer chez lui, il se surprit à penser que la chaleur du feu qui crépitait joyeusement de l'autre côté de la porte lui ferait le plus grand bien. Le froid lui piquait les joues et les oreilles qui n'étaient pas protégées et la fatigue lui faisait tourner la tête. Il ouvrit le battant et retira ses bottes en cuir qu'il jeta sur la paillasse qui lui servait de lit. Un poulet blanc se dirigea vers les chaussures et se mit à picorer, par de petits mouvements de têtes, la terre collée aux semelles.

_ Manges, Humphrey. Je sais que tu trouveras de magnifiques petits insectes à te mettre sous le bec.

Le poulet le regarda, comme s'il avait comprit le sens de ses mots. Ses grands yeux noirs le fixèrent avant de détourner la tête vers son festin. Lui, s'assit près des flammes et se laissa réchauffer. Petit à petit, confortablement installé, sans qu'il ne puisse réagir, ses yeux se fermèrent.

Étranges sensations. Sueurs froides et transpiration.
Le froid le brûlait et le chaud lui glaçait le sang. L'infini avait l'air si proche à côté de cela. Un tunnel ? Un chemin ? Jusqu'à quand devrait-il supporter ce malaise physique?
Un choc brutal. La rencontre du corps avec le néant, noir et absolu.
Puis le réveil, douloureuse conscience de soi. Allongé sur un sol brut tel un vermisseau, son corps reprit vie. Depuis quand dormait-il ? Trou noir. Le choc qui l'avait réveillé se reproduisit. Quelqu'un tambourinait à la porte. Le feu s'était éteint et tout l'habitacle était plongé dans le noir. Quelle heure était-il ? Difficile de le dire. Par le seul trou ouvert sur le dehors, seule l'obscurité froide et sans vie de la nuit était perceptible. Il remua les braises, encore chaudes, et quelques petite flammes chatoyèrent. Il se dirigea vers la porte, et l'ouvrit.

_ Oui ?

_ Il faut que je te parle.

C'était une voix masculine et grave. Le genre de voix qui donnerait des frissons à n'importe qui. Un homme d'une trentaine d'année apparut dans l'encadrement de la porte. Il était fort, grand et en sueur.

_J'ai couru pour arriver jusqu'ici, dit-il.

_ Ludviksson, ça ne pouvait pas attendre demain ?

_ Je dois te parler de toute urgence. Maintenant.

_ Bien, entre.

Ludviksson obéit et s'assit devant les flammes. Il écarta d'une main ses longs cheveux bruns qui venaient sur son visage et s'éclaircit la voix :

_ Hallbjörn, nous avons besoin de toi.

_ Qui ça, nous ?

_ Je sais ce que tu vas dire : Tu ne veux plus rien à voir avec ça et tu me diras d'aller demander à quelqu'un d'autre.

_ Qui ça, nous ? répéta-t-il.

_ L'Empereur Karl Franz et l'armée.

_ Je ne travaille plus pour lui. Je ne travaille pour personne.

_ Hallbjörn ! Arrête avec cette histoire. Tu n'es pas le seul à qui c'est arrivé.

_ Je sais bien. Justement, va voir quelqu'un d'autre.

_ Tu es … commença Ludviksson.

_ Non, je ne suis pas le seul à savoir faire ça. Regarde ce que je suis devenu ! Dix ans au service de l'Empereur, à me battre, a traquer, à chasser chaque vampire, chaque monstre ! J'ai tout perdu Lud', vraiment tout. Ma ferme, mes bêtes, ma femme. Tout à était brulé pendant que j'étais en mission pour Mon Seigneur. Et en prix de consolation ? Voila qu'on m'offre un minuscule bout de terrain. Regarde bien cette maison Lud', c'est moi qui l'ai bâtie. De mes mains. Elle est à moi. Et je refuse de l'abandonner pour partir encore une fois au service de l'Empereur.

_ Tu n'as pas le choix Hall'.

_ Et bien si, justement, je l'ai. Et je refuse de partir.

_ Laisse moi au moins t'expliquer…

_ Bien, vas y, je suppose que ça n'engage à rien.

_ Il y a deux mois, un petit village dans le nord de la Sylvanie à était ravagé. Aucun survivant. Heureusement, un fermier courageux –paix à son âme- à réussit à abattre un des coupables. Un vampire.

_ Ce n'est pas possible !

_ Et pourtant si. Il y a une semaine, un village, plus proche cette fois de la capitale, a été, lui aussi, ravagé mais une femme à survécut. Elle affirme qu'ils étaient une cinquantaine.

_ Ils auraient réussit à se recréer en moins de dix ans ?

_ Il semblerait.

_ J'étais pourtant là ! C'est moi qui ai brûlé leur citée. Tout s'est embrasé ! Il n'y avait aucun survivant !

_ Je ne sais pas non plus comment l'expliquer mais les faits sont là. Ils sont encore en vie et l'Empereur Karl Franz voudrait…

_ Non.

_ L'empereur Karl Franz voudrait, reprit Ludviksson, que tu les traques. Pas que tu les tues, juste les suivre et les observer. Tu seras payé, dispensé des taxes et tu auras, si tu le souhaites, une nouvelle terre avec, cette fois, une grande ferme déjà bâtie, et rien que pour toi.

_ Je ne veux pas.

_ Hallbjörn, réfléchit bien.

_ Pourquoi moi ?

_ Tu es le meilleur.

_ La preuve que non, je n'ai pas réussit à tous les abattre.

_ J'étais là, n'oublie pas. J'ai tout vu. Je ne comprends pas non plus comment ils ont fait pour survivre. C'est pour sa que Mon Seigneur veut que tu les observe. Toi ! Pas n'importe qui.

_ Si je refuse ?

_ Je te l'ai déjà dis, tu ne peux pas refuser.

Ludviksson eut une quinte de toux, qui s'ensuivit par un fou-rire, avant de poursuivre :

_ Tu as deux choix : soit tu le fait par ta volonté propre, soit tu seras puni par l'Empereur.

_ Puni ?

_ Exécuté, lâcha Ludviksson.

_ Bon bah…. J'accepte, maugréât Hallbjörn. Je peux quand même choisir mon équipe ?

_ Bien sur.

_ Alors je te choisis toi, Mannfred, Le Norse et… Comment s'appelle la survivante du dernier village attaqué ?

_ Aucune idée. On dit d'elle qu'elle est… bizarre. Oh, rien de bien méchant. Elle est juste –comment dit-on déjà ?- différente.

_ Comment ça, aucune idée ?

_ Elle ne nous l'a pas dit. Sans doute était-elle trop choquée pour vouloir s'étaler sur sa vie privée. En tout cas, par chez nous, on l'appelle Miss Thorne.

_ Miss Thorne ?

_ Son père est –était, je veux dire- un forgeron au service de l'Empereur. Un homme dévoué pour sa majesté. Très fiable. Il s'appelait Thorne.

_ Je vois. Et bien dit à l'Empereur Karl Franz que je suis d'accord et charges-toi de prévenir l'équipe. Qu'ils emmènent de quoi se battre, et de quoi leur tenir chaud. Les nuits sont de plus en plus fraiches ces temps ci. Rendez-vous demain, au zénith ici même.

_ Bien.

Ludviksson se releva en s'aidant de ses mains et tituba, avant de retrouver son équilibre. Il regarda Hallbjörn et murmura :

_ Tu sais, je suis content que tu aies accepté. Sa sera comme au bon vieux temps, tu verras. L'équipe au grand complet. Et puis qui sait ? Peut-être que Miss Thorne s'avérera nous être utile.

_ Je n'en doute pas.

Et en se penchant pour lui faire une accolade, presque fraternelle, Lud' ajouta :

_ J'ai accouru ici dès que j'ai entendu parler de toute cette affaire. Mon Seigneur sera content de voir que tu acceptes de revenir à ton ancien poste. Plus vite on sera partit, moins ces monstres auront le temps de faire de dégâts. Après toutes les épidémies, la peste noire, la variole… La population est très affaiblie. Perdre encore des Hommes serait catastrophique.

Ludviksson se dirigea vers la porte et sortit, en la refermant derrière lui.

Après son départ, Hallbjörn ne put retrouver le sommeil qui l'avait gagné quelques instants auparavant. Il détourna la tête et croisa le regard intelligent et endormit d'Humphrey, avant que celui-ci ne s'assoupit.