POTTER'S REVELATION
Dans son antre glacial, le cachot où il aimait tant à enseigner, le professeur Rogue rangeait les derniers restes d'un cours plutôt agité de potion.
Cette journée avait une fois de plus ressemblé à un véritable cauchemar: tout d'abord les premières années étaient comme d'habitude ignorant en l'art de préparer les potions ; les seuls à en avoir quelques notions bien qu'elles fussent faibles, étaient les fils ou filles de parents de sang pur qui fabriquaient toujours des philtres ou des potions, malgré l'interdiction du Ministère de la Magie. Les autres pensaient encore que la pomme de Blanche-Neige avait été empoisonnée avec un poison que l'on peut trouver chez Barjo and Beurk, prête à l'emploi…
« Enfin, se dit le professeur en grinçant des dents, ces premières années ne peuvent pas être pires que ceux arrivés il y a six ans, dont faisaient parti Potter et son auditoire. »
Puis les quatrièmes années, incapables de retenir les particularités du loup garou…
« Dommage que le professeur Lupin soit parti, pensa Rogue. En même temps, seule cette petite peste de Miss Granger avait fait le rapport entre le devoir et leur professeur absent. Cette école a un niveau qui baisse de plus en plus. Dégradant ! »
Pour finir les sixièmes années, qui avaient normalement le professeur Slughorn malheureusement absent, et cet imbécile de Londubat venu assister au cours en auditeur libre, puisque les potions ne font pas partie de sa préparation aux ASPIC. Apparemment Nevil avait toujours un niveau minable, et ne manquant pas à ses principes, il avait fait exploser son chaudron, dont le contenu était allé maculer la robe flambant neuve de Malefoy.
« Potter a même rougi de honte d'avoir un ami si balourd ! »
Vidé ,Rogue posa une dernière fiole sur une étagère et ferma la porte de la réserve. En passant près de son bureau vers lequel il se dirigeait pour corriger des parchemins de septièmes années, il remarqua quelque chose sur la deuxième paillasse, tombé aux pieds d'un tabouret. Rogue s'approcha et vit que c'était un cahier laissé là par un élève.
« Encore un nigaud qui a oublié ses affaires ! On devrait tous les munir d'un Rapeltout « N'oublie pas tes affaires en cours ! », je ne suis pas concierge et je fais encore moins office d'objets perdus ! Même en sixième année ils ne sont pas capables d'avoir ne serait-ce qu'un peu de mémoire. Je me demande ce qu'ils produisent en cours de métamorphose s'ils ne retiennent pas les formules. »
Il ouvrit le cahier pour voir qui en était le propriétaire mais pas un prénom ne figurait sur la page de garde. Par contre une écriture grifonne s'alignait sur les pages suivantes. Parcourant les premières lignes, Rogue fut d'abords surpris par les propos qu'il lisait. Visiblement l'élève en question en avait plus que gros sur le cœur…
« Un journal ! fit- il en secouant la tête. Quel imbécile transporte un journal, et trouve le moyen de le perdre dans ce cachot. Ces idiots ne prennent absolument pas soin de leurs affaires. Un journal…Pourquoi avoir besoin de se confier à du papier ? Quoique, cela éviterait peut-être les flots de larmes ininterrompus des Miss Patil et autres Lavande Brown. Réflechissons… »
Le professeur Rogue essayait de se souvenir de la personne assise à cette paillasse durant la dernière heure de cours.
« Sixièmes Années… Gryffondor et Serpentard ensembles. Côté Gryffondor, derrière Miss-Je-Sais-Tout… Non, ça ne peut pas être lui ! »
Rogue fut pris de doutes et se mit à feuilleter de nouveau le carnet avec avidité. Enfin savoir ce qui se passait dans la tête de jeune Potter, l'élève qu'il exécrait le plus. Plus il avançait dans sa lecture, plus l'écriture était tour à tour noire, mélancolique, coléreuse, désespérée…
« Vraiment ? Potter ! Jamais je n'aurais imaginé un tel sacrifice de sa part», ricana-t-il.
Il referma le carnet , le visage grave, se demandant ce qu'il devait faire devant l'ampleur de ce qu'il venait de lire. Il ne savait comment réagir, tiraillé entre le désir de pouvoir enfin se venger de James Potter, en voyant le visage déconfit d'Harry quand il lui rendrait son journal en lui laissant comprendre qu'il l'avait lu et qu'il n'allait pas se taire, et celui d'aller le donner directement au directeur auquel il ne pouvait cacher une telle information… Dans les deux cas, Potter perdrait un être qui lui est cher.
Encore un journal intime qui s'était égaré, oublié, négligé par celui qui le tenait. Cela n'allait pas sans rappeler à Rogue un autre journal, maléfique, qui quelques années auparavant, avait crée bien du soucis à Poudlard et à son directeur, le professeur Dumbledore. Son vieil ami Lucius lui avait fait part de l'existence de ce puissant journal avec un air mystérieux et fier, mais avait rapidement tourné à l'aigreur quand ce journal avait permis à ce stupide Dobby, l'elfe de maison des Malefoy, de recouvrir la liberté. Et tout ceci grâce aux manigances du jeune Potter…
« Si seulement ce jeune écervelé cessait de se mêler de ce qui ne le regarde pas ! s'écria Rogue avec fureur. Je lui ai dit, oh oui ! Je lui ai dit, à notre cher directeur, que la tendance de Potter à outrepasser les règles n'amènerait que des problèmes. La preuve : pas une année sans que tous les élèves soient confrontés à la mort ; et tous ces dangers pour un, oui, juste un petit orgueilleux d'élève qu'il faut sauver parce qu'il est le seul à avoir survécu au Loooooooord ! ».
Rogue avait prononcé cette phrase avec une impatiente et une irritabilité qu'il ne se permettait pas en cours ou en présence d'autres professeurs, et son visage d'un naturel impassible semblait excédé et tordu de colère. Il s'était même permis une grimace désobligeante à la prononciation du mot Lord, mais s'était vite repris car rien, non rien, ne lui donnait le droit de remettre en question le statut et le pouvoir du Mage noir.
« Voilà qui est mieux, dit-il en se reprenant. Le jeune Potter ne semble pas aller à merveille, d'après ce que je peux déchiffrer à travers cette écriture illisible. Potter, tu ne vaux pas mieux que ton père, je dirais même, tu es pire ! Comment un esprit si faible a-t-il pu se sortir vivant d'un Avada Kedavra avec seulement un infime entaille au front ? Tu m'inspirais de la haine, Potter, mais maintenant je ne ressens qu'une vulgaire pitié pour ton cœur meurtri. »
Rogue parlait comme à son habitude, cassant, cynique, bien que personne ne fût là pour écouter ses diatribes. Seulement, dans son esprit se déroulait un combat sans merci. Lui Rogue, le pâle, fin et détestable Séverus, se réjouissait de la tournure que prenait l'histoire du jeune Potter, même si, il devait l'avouer, il avait été, au premier abord, choqué par ce qu'il venait de lire et avait peine à y croire. Pourtant le jeune amoureux lui-même avait allongé ses troubles noir sur blanc, et Rogue ne pouvait mettre en doute l'authenticité des aveux. Cette écriture brouillonne et illisible était bien celle de Potter.
« Je dois prévenir, Dumbledore. Qui d'autre ? Je n'ai jamais entretenu un quelconque lien avec le reste des professeurs sinon professionnel ou poli. Et personne ne me croirait étant donné le conflit qui m'opposait sans cesse à cet abruti de James Potter. Au mieux, je finirais à Ste Mangouste. Non ! Je dois prévenir Dumbledore. Même si…Je serais curieux de voir ce qui se passera quand Potter découvrira la perte de son journal, et quelle décision il prendra alors. Refusera-t-il de dire que le journal lui appartient? ou se dira-t-il qu'il n'a plus rien à perdre ? ».
Brusquement la porte du cachot s'ouvrit, pour laisser entrer un Harry hors de lui. Le professeur Rogue n'avait pas bougé de la paillasse où il avait trouvé le cahier.
« Potter ! persifla-t-il. Il me semble que le cours de potion est terminé. Et à moins que vous ne veniez de votre propre gré pour une retenue, ce qui, étant donné le résultat que vous avez obtenu pour votre mixture infâme, serait justifié, vous n'avait absolument rien à faire ici ! »
Harry, habitué aux remontrances continuelles de ce professeur au nez crochu, n'avait écouté que d'une oreille distraite ce qu'il considérait être un flot de provocation visant à l'humilier. Aussi avait-il pris le parti de fouiller énergiquement des yeux chaque recoin de la salle pour y dénicher son journal qui n'était nulle part ailleurs dans le château. Rogue continua, un rictus effrayant apparaissant aux commissures de ses lèvres…
« De plus je vous signale, Monsieur Potter, que ces cachots se trouvent, comme vous devez le savoir, très près de la salle commune des Serpentards, et aux détours de quelque couloir vous pourriez faire, disons, une fâcheuse rencontre…
Harry n'écoutait pas les paroles de Rogue. Celui-ci, voyant que Potter n'avait toujours pas saisi où il voulait en venir, décida de passer au mode supérieur et d'être plus explicite.
« Il serait vraiment idiot que vous croisiez un être que vous haïssez au plus haut point et qui vous fait tant souffrir. Comme, Monsieur Malefoy, par exemple… » , dit Rogue innocemment en sortant le journal d'Harry de derrière son dos.
Au nom de Malefoy Harry s'était brusquement figé. Il ne voulait plus entendre le nom de ce… De ce quoi ? De l'être méprisable, hautain et ignorant qu'il adorait détester. Puis, tournant la tête pour reprendre ses recherches, il vit son journal, serré bien au chaud entre les mains de Rogue. Le professeur de potion affichait un souri démoniaque, ayant enfin l'occasion de se venger du passé. Il prit le cahier, qui s'ouvrit tout seul à la page de la révélation tant elle avait été lue par Harry lui-même.
« Vous ne pouvez savoir, Potter, à quel point j'ai été surpris de découvrir que ce journal vous appartenait. Tant de mièvrerie ne pouvait sortir que de la main d'une jeune fille, enfin, c'était du moins mon avis. Mais vous êtes le seul, oui, le seul à oser citer Vous-Savez-Qui par son nom. C'est ainsi, et par votre écriture indéchiffrable et unique que vous vous êtes trahi. »
Rogue fit une pause, savourant l'instant. Puis il reprit, avec la sagacité qui lui était propre.
« Pour ce qui est de votre cœur, Potter, si tant est que vous en ayez un, je crois qu'il va souffrir encore un peu. Je doute fort que Draco prenne bien votre déclaration, et, si j'étais vous, j'éviterais particulièrement miss Parkinson…Potter, amoureux d'un Malefoy. On aura tout vu. Lucius sera horrifié d'apprendre cette nouvelle, je vous le garantis. Mais votre décision, si vous n'en avez pas changé étant donné la lâcheté et le manque de couardise dont vous faites preuve, je ne peux la garder pour moi. Vous comprendrez qu'en tant que professeur, je me dois de prévenir notre directeur. Lui qui misait tant sur vous. Quelle horreur ! Je ne sais comment lui annoncer que par pur amour et dévouement pour l'élu de votre cœur - Rogue réprima un fou rire - Draco Malefoy, vous seriez prêt - Rogue s'appuya de tout son corps sur ses bras, avançant la tête d'un air menaçant – à rejoindre les fidèles de l'assassin de vos parents ! »
Rogue avait suspendu la fin de sa phrase, ménagé son effet, et brandi, telle une épée de Damoclès, la vérité horrible qui assaillait Harry. Rogue savait tout. Rogue savait le pire. Et Draco, oh, Draco, il aurait mille fois préféré garder sa haine, qui n'était point indifférente, à devoir affronter son prochain mépris, au pire son ignorance.
Ne récupérant même pas son journal, Harry sortit à reculons du cachot, heurta Draco qu'il dépassa sans se retourner et sans écouter le « Hé ! Potter ! Fais attention où tu vas ! Je ne voudrais pas qu'on croie que je côtoie, même par charité, des Gryffondor ! », et prit la fuite, en se disant : « Tout est fini ! ».
