Bonjour/bonsoir à toi, jeune égaré(e) ou habitué(e) du coin, comme c'est Noël et que j'aime bien Noël (le premier qui rétorque que Noël, c'est le 25 Décembre, je le mords. Noël, c'est tout le mois de Décembre. Mais sinon rassurez-vous, je mords (presque) pas), j'avais envie de publier cette ficlet (5 chapitres) parce qu'elle est (presque) gentille et mignonne et qu'elle se termine (presque) bien ! :D
Elle a été écrite pour Louisalibi, ma chère et tendre bêta complètement fêlée (bichette, je te rappelle que si je n'ai pas la partie 1 samedi soir prochain dans ma boîte, je te mords. En toute amitié, cela va de soi), dont c'était l'anniversaire il y a quelques temps… Maintenant qu'elle a eu la primeur de sa lecture, elle m'a autorisée la diffusion :) Mais cette fic lui appartient totalement (même si j'en suis l'auteur, hein) !
Bêta : La deuxième chère et tendre bêta de mon cœur, Elie Bluebell. Je pleure encore devant la qualité de ta correction, ma belle (sur ça et sur Crabe)
Disclaimer : Dieu alpha et Dieu bêta, Moffat et Gatiss. Qui ont l'extrême amabilité de nous prêter leurs personnages pour qu'on joue avec (et en ce qui me concerne, j'abîme toujours mes jouets, les pauvres… *sourire sadique*)
Rating : M. Pas pour des scènes crapuleuses explicites (désolée x) moi aussi ça me désole, mais j'ai pas eu la foi pour en écrire cette fois-là ^^), mais parce que y'a deux trois trucs pas jolis sur la fin. Et je préfère mettre un rating trop élevé que l'inverse.
Infos sur l'histoire : 5 chapitres, donc. Publié à un rythme aléatoire. Ma vie est… aléatoire en ce moment. Mais je pense finir la publication avant le 26 Décembre. Date à laquelle j'entamerais la publication d'une autre fic, très longue celle-là (genre 45/50 chapitres quoi x))
(ah une dernière chose : cette fic a été écrite très rapidement, et a été pensé comme un cadeau : je n'ai prêté aucune attention au réalisme de mes propos quant au système éducatif anglais ! C'était juste pour faire plaisir, et honnêtement je me fichais du réalisme :D (Louisa aussi xD))
Bonne lecture, et joyeux Noël à tous ! :)
(Al)chimie
- HCl(g) → H+(aq)+ Cl-(aq)
Et ce fut tout.
Le silence retomba sur la salle de classe. Le milieu d'année de terminale n'était généralement pas le moment où de nouveaux élèves arrivaient. Surtout pas des élèves qui avaient l'air d'avoir davantage quatorze ans que dix-huit. Surtout pas des élèves qui, lorsqu'on leur demandait de se présenter, jetaient au visage du professeur une formule chimique. Surtout pas des élèves qui n'ouvraient plus la bouche ensuite. Surtout pas des élèves qui avaient les yeux si rouges qu'ils ressemblaient à des lapins atteints de myxomatose, ou des junkies. Surtout pas des élèves dont les cheveux fous leur donnaient des airs d'épouvantails.
Et pourtant, c'était ainsi que le nouveau venu était arrivé dans la classe de John. Les examens finaux auraient lieu dans moins de trois mois, et John Watson suivait le cours de chimie avancée avec une passion non dissimulée, avant l'arrivée de cet énergumène dans l'encadrement de la porte de leur salle de classe. Ce que John aimait le plus avec la chimie avancée, c'est que tous les élèves de ce cours avaient des ambitions similaires aux siennes (médecin, chimiste, chercheur, ingénieur…), et que tous écoutaient religieusement le cours dispensé par le professeur, avec intérêt, esprit critique et remarques. C'était intellectuellement stimulant. Mais c'était avant que le garçon qui ressemblait à un épouvantail sur le pas de la porte n'ouvre la bouche que pour critiquer la formule écrite au tableau par leur professeur. Formule qui était, hélas fausse. John venait de le remarquer avant de l'arrivée du garçon, et cela faisait cinq minutes qu'il observait ce foutu tableau noir. L'épouvantail, lui, n'avait jeté qu'un coup d'œil de cinq secondes maximum aux écritures tracées à la craie.
Et pourtant, il avait vu l'erreur, songea John, abasourdi. Plus que cela, il l'avait corrigé à voix haute sans la moindre parcelle d'hésitation.
- Je vous demande pardon ? interpella le professeur, ahuri. Je vous ai demandé de vous présenter à la classe !
- HCl(g) → H+(aq)+ Cl-(aq), répéta le garçon, fermement.
Ses yeux rouges étaient complètement vitreux, fixé sur le fond de la classe, et évitant ostensiblement le tableau et le professeur. Lequel, de toute évidence, ne comprenait pas le message sibyllin que son nouvel élève essayait de faire passer. Le reste de la classe n'était pas loin de partager son opinion, et les murmures commençaient à courir entre les tables. Et il ne fallait pas être un génie pour deviner que les bruits étaient tout sauf élogieux.
Ce fut la réflexion de Sally, probablement, qui motiva la réplique de John.
- Il a l'air bien taré, celui-là, murmura-t-elle à son voisin, Anderson.
John ignora si l'épouvantail entendit la jeune métisse parler, mais dans les prunelles rouges et vides s'alluma soudain une étincelle que John, hélas, ne connaissait que trop bien. Celle de la souffrance. Celle de la douleur d'être incompris. Celle du malheur d'être différent. Il l'avait vu trop de fois allumée dans les yeux de sa sœur, si jeune et déjà différente de par ses aspirations sexuelles. Alors il voulut faire cesser cette douleur. Il ne se destinait pas à devenir médecin pour rien, tout de même. Et s'il devait encore apprendre à guérir les maux physiques, il savait au moins comment guérir les maux de l'âme.
- Il parle de la formule, monsieur, déclara-t-il haut et fort.
John était situé au fond de la classe, et toutes les têtes se tournèrent brusquement vers lui. Il rougit, gêné. Mais ne fut pas capable de détacher son regard de celui de l'épouvantail. Dans les pupilles désormais claires, il y avait un sentiment si fragile que le cœur de John se serra : de la reconnaissance, et du remerciement.
- Je vous demande pardon, monsieur Watson ? poursuivit le professeur.
John s'éclaircit la gorge. Il n'aimait pas franchement parler en public, et évitait généralement de participer en classe, d'autant qu'il était loin d'être le meilleur élève de ce cours, et se ridiculisait parfois en posant des questions jugées unanimement stupides par ses camarades et son professeur. Il n'en restait pas moins que ce jour-là, c'était lui qui avait compris l'erreur de la formule, et plus important encore, il avait compris l'épouvantail inconnu.
- La formule que nous avons posée tout à l'heure, monsieur, il y a une erreur sur ce que vous avez écrit au tableau.
Il y eut un ricanement, et comme dans un match de tennis, les têtes toujours fixées sur John se tournèrent toutes dans un bel ensemble de l'autre côté, sur la provenance du bruit, sur le garçon. Avec tous les regards braqués sur lui, il cessa le bruit désobligeant qu'il émettait et se recomposa une face neutre d'ennui profond. Il faisait cela avec un naturel déconcertant.
Mais plus déconcertant encore était la facilité avec laquelle John avait compris la signification de son ricanement. John avait volontairement choisi une formulation détournée qui ne remettait pas en cause les capacités du professeur, se bornant à quelque chose de neutre. Et l'épouvantail ricanait car il savait que l'enseignant s'était trompé et que John s'essayait simplement à la diplomatie. L'étudiant n'avait aucune idée d'où lui venait cette certitude, mais il le savait.
- Je pense que ce le nouveau veut nous faire remarquer, c'est cette petite erreur, poursuivit John.
Match de tennis, nouveau set. La classe reporta son attention sur John. Seul le professeur ne le fixa pas, préférant se détourner vers le tableau et vérifier les allégations de son élève.
Mais pour John, il n'y avait qu'un seul regard qui comptait : celui de l'épouvantail, qui s'était peint d'une nouvelle émotion : la curiosité sincère. Dirigée vers John. Et entièrement vers John. Le reste du monde ne semblait même pas exister pour lui.
- Ah oui, certes.
La voix de l'enseignement ramena tout le monde sur terre, y compris John.
- Vous avez raison, Watson. Voilà, c'est corrigé, ajouta-t-il en effaçant puis réécrivant la formule correcte. Vous auriez tous pu être plus attentifs.
L'épouvantail leva les yeux au ciel, et John étouffa un rire dans son poing. Il fut le seul. Les autres élèves s'étaient replongés dans leurs cours, corrigeant la formule dans leur prise de notes.
- Vous ne voulez toujours pas vous présenter ? reprit le professeur à l'attention de l'inconnu.
Un haussement d'épaules dédaigneux fut sa seule réponse et le professeur de chimie rendit les armes dans un soupir :
- Très bien, tout le monde, voici monsieur Sherlock Holmes, qui va suivre avec vous cette classe jusqu'aux examens terminaux.
L'épouvantail avait donc un nom. Et un drôle de nom, songea John.
- Allez-vous assoir à côté de monsieur Watson, ordonna l'enseignant.
Sans un mot ni une émotion, l'épouvantail – non, Sherlock – obéit. Et se laissa négligemment tomber sur la chaise à côté de John sans lui accorder un regard.
- Bien, maintenant reprenons.
Et le cours reprit. Sauf que John n'était plus capable de se concentrer sur autre chose que l'énergumène assis à ses côtés. Il ne sortit aucune feuille, aucun stylo. D'ailleurs, il ne semblait même pas écouter le cours. Il se contentait de fixer ses grandes mains pâles, qu'il tordait, croisait et décroisait dans des gestes nerveux.
A ses côtés, le futur médecin ne pouvait pas s'empêcher de le détailler. Il avait l'air jeune, plus jeune que la fière virilité des dix-huit ans de John, mais à la réflexion il avait peut-être plus de quatorze ans. Ce n'était pas tant son corps maigre, frêle et décharné qui amenait cette réflexion dans l'esprit de John, mais plutôt son comportement. Tout en lui hurlait le luxe et les bonnes manières. Bien sûr, il portait comme ses camarades l'uniforme obligatoire, chaussures de ville, pantalon noir, chemise et veste classique. Mais ils bénéficiaient d'un peu plus de liberté que d'autres écoles, et la coupe des vêtements variait généralement d'un élève à un autre, tant que l'aspect d'ensemble était respecté.
Or l'épouvantail, même s'il respectait le sacro-saint « aspect d'ensemble » de leur directeur, avait tout de même l'air foncièrement différent du reste de ses camarades. Ses chaussures étaient cirées, quant à son pantalon droit parfaitement coupé et sa chemise blanche cintrée, ils étaient si ajustés sur son corps qu'il semblait taillées sur mesure. Sa veste n'était pas un blouson de cuir ou assimilé, comme le reste de la classe. C'était une vraie veste de costume, aussi parfaite que le reste de sa personne.
Les gosses de quatorze ans, John le savait pour en avoir été un il n'y avait pas si longtemps, ne s'habillaient pas en costume sur mesure. Cela arrivait plus tard, lors d'un réveil de leur virilité.
Mais même chez les étudiants entre dix-huit et vingt ans, John n'en connaissait aucun qui s'habillait ainsi pour aller en cours. En soirée, oui. Pour emmener au restaurant la fille de leurs rêves, oui. Pas pour suivre un cours de chimie moléculaire en dernière année de lycée. Et certainement pas en gardant des cheveux si ébouriffés et mal peignés qu'on eut dit un hérisson.
C'était absurde. Ce garçon était absurde, et il était encore plus absurde que John fut incapable de cesser de lui jeter des œillades de profil, notant de ci de là la couleur de ses yeux (gris bleus si clair que selon la lumière ils en étaient blancs), la forme de ses pommettes (hautes et aiguisées comme des poignards), le charnu de ses lèvres (pleines), la pâleur de sa peau (on eut dit du marbre).
- Watson ? appela soudain la voix du professeur.
Le jeune homme redescendit brusquement sur terre. Il n'avait aucune idée de ce qu'on venait de lui demander. Il piqua du nez sur sa feuille, dans l'espoir d'y lire miraculeusement la réponse.
Et le miracle survint. Des longs doigts pâles fusèrent devant lui, se saisirent d'un crayon à papier et écrivirent. Sherlock ne regardait même pas la feuille, encore moins John. Du fond de la classe où ils étaient, le professeur ne pouvait rien voir.
Pour autant que John en savait, ce que Sherlock écrivait sur sa feuille pouvait être des obscénités, des absurdités, des insanités à l'encontre du professeur, c'est-à-dire tout sauf la réponse à la question posée. Pourtant il n'hésita pas, et choisit en une fraction de seconde de faire confiance aux mots qui apparaissaient devant ses yeux. Et le plus naturellement du monde, les lut à haute voix à son enseignant. C'était un numéro de singe savant. John n'avait pas le temps de comprendre la phrase dans son ensemble lorsqu'il la prononçait et n'avait donc aucune idée de ce qu'il racontait. Mais il récitait benoîtement ce que le crayon tenu par une main pâle lui ordonnait.
A la fin, il sourit niaisement au professeur, parfaisant son rôle de bon élève.
- Parfait Watson, continuez comme ça, agréa le professeur. Tout le monde a compris ce que monsieur Watson a expliqué ?
La classe acquiesça vivement, et John songea que non, il était probablement le seul à n'avoir rien compris. Mais son étrange nouveau camarade s'était de nouveau retranché derrière son masque d'ennui, et il semblait hors d'atteinte.
Pourtant, il avait gardé le crayon de John dans sa main. Et celle-ci fusa de nouveau, trois minutes après, corrigeant un point de la prise de note de John. Stupéfait, ce dernier le laissa faire. Sherlock regardait à peine les feuilles de son voisin de table, mais lorsqu'il le faisait, il corrigeait les erreurs, notait des compléments, rajoutait des explications plus claires dans la marge. C'était génial, et John ne put pas s'en empêcher :
- Brillant, murmura-t-il tout bas. Waoh, c'est… juste impressionnant.
Le soleil radieux et franchement surpris qui traversa le visage de Sherlock était probablement la plus belle chose que John avait vue dans sa vie. Et il sut, dès l'instant où le masque reprit sa place, que sa nouvelle ambition dans la vie était de revoir, encore et encore, cet air de bonheur étonné et surpris se peindre sur ce visage.
La sonnerie de fin de cours retentit soudain, arrachant John à son indécente contemplation du visage de son camarade, et le reste des élèves à leur réflexion.
- Bien, comme nous n'avons pas eu le temps de finir cet exercice correctement à cause de l'arrivée de monsieur Holmes, vous n'aurez pas cette notion au test de demain.
Un soupir de soulagement traversa toute la salle, et John se joignit à eux. Il était incapable de savoir ce dont il avait été question depuis l'arrivée de Sherlock.
- Monsieur Holmes, vous pensez être en mesure de gérer l'examen de demain ?
John reporta son attention sur Sherlock à qui s'adressait le professeur.
- Oui, répondit-il.
Et sa voix de basse qui dit un vrai mot et non plus une formule chimique envoya subitement des décharges électriques dans tous le corps de John.
Le cours de chimie moléculaire étant le dernier de la journée de John, il ne revit pas Sherlock avant le lendemain. Son examen avait lieu l'après-midi, et le jeune homme devait reconnaître en son for intérieur qu'il avait passé la matinée à chercher le génial épouvantail dans les couloirs et dans les classes, caressant l'espoir qu'ils puissent partager une autre matière, et aussi doubler les chances de lui faire la conversation. John aurait tué pour entendre sa voix de nouveau.
Mais ses aspirations furent réduites à néant en arrivant à la cantine et ne distinguant aucune nouvelle silhouette parmi le flot des étudiants habituels. Il se résigna à manger son déjeuner du bout des lèvres l'estomac noué. Et le test qui survenait juste après l'heure du déjeuner n'y était pour rien. Il savait qu'il y reverrait Sherlock, et cela seul suffisait à faire faire des loopings à son estomac.
Se morigénant sur sa stupidité digne d'un adolescent (il avait dix-huit ans, et se rengorgeait donc d'être un adulte avec toute l'arrogance de la jeunesse), John finit par jeter son plateau presque intact et se résolut à aller plus tôt en classe de chimie. Il pourrait peut-être y réviser quelques notions juste avant l'examen. Dehors, le ciel lourd était noir de nuages et un orage s'annonçait. La cantine était bondée de gens qui se mettaient à l'abri de la future pluie, et il était probable que les salles de révisions et celles de détente soient toutes aussi pleines, se faisant donc se porter le choix de John sur la salle de classe.
Entrant dans la salle de classe presque une demi-heure avant le début, il eut cependant la surprise de trouver la classe plongée dans le noir. En temps normal, il n'était pas le seul à apprécier les révisions de dernière minute. Secouant la tête en se disant qu'au moins, il serait vraiment tranquille pour bosser, John appuya négligemment sur les interrupteurs, juste à côté de la porte, commençant à avancer dans la salle de classe tandis que les néons s'éclairaient de leur horrible lumière maladive, clignotant le temps de stabiliser l'éclairage.
La lumière fut nette alors que John était à mi-chemin de sa place. Il releva alors les yeux et sursauta, laissant échapper un cri si aigu qu'il aurait davantage été crédible dans la bouche de sa sœur. Sherlock était assis à sa place, à côté de celle de John. Ses yeux étaient vides, et semblaient fixer un point au hasard. Ce qui était stupide. Un instant plus tôt, il était dans le noir complet, et il ne pouvait donc ne rien voir de cohérent.
Cependant, ni l'arrivée de John ni les lumières subitement allumées ne l'avaient dérangé de sa transe. De fait, John se permit qu'il ne le fixe pas pour le mater indécemment tout en se rapprochant.
Il était semblable à hier, et pourtant tellement différent. C'était toujours les mêmes yeux clairs, mais ils n'avaient plus la rougeur d'hier. C'était toujours les mêmes mains pâles, mais elles ne faisaient plus les mouvements secs et saccadés de nervosité de la veille. C'était toujours le même costume sur mesure, sauf que cette fois sa chemise était violette, et elle lui collait à la peau plus efficacement qu'un collant en lycra. C'était les mêmes cheveux noirs et bouclés, mais cette fois ils étaient coiffés. Plus du tout ébouriffés comme avant, mais savamment peignés, les boucles dessinées, les frisottis contrôlés.
Si John savait bien une chose sur sa vie, c'était le fait qu'il n'était pas gay. Il avait flirté avec Sarah Sawyer pendant un semestre entier, jusqu'à ce qu'elle le laisse mettre sa langue dans sa bouche, et sa main dans sa culotte. Puis il y avait eu Meredith, qui lui avait laissé faire nettement beaucoup plus de choses en nettement moins de temps. Puis il y avait eu Mary, qui lui en laissait faire beaucoup moins, mais qui avait une conversation bien plus intéressante. On disait d'eux qu'ils étaient ensemble, mais ni lui ni Mary ne se définissaient ainsi. Ils se contentaient d'échanger sur l'avenir du monde de temps à autre, tout en se demandant vaguement s'il fallait faire muer leur relation ou continuer ainsi.
Il y avait eu d'autres filles, également. Il appréciait les charmes féminins comme tous ses camarades. John n'était pas gay, il le savait, mais ce jeudi après-midi-là, en classe de chimie moléculaire, il tomba amoureux de Sherlock Holmes lorsqu'un éclair illumina davantage le profil du génie, sans rien savoir de lui, et sans remettre en cause toutes les affirmations précédentes. Il était toujours John Watson, célibataire et séducteur, futur médecin et relativement moyen chimiste, aimant les femmes et leurs courbes. Mais amoureux de Sherlock Holmes.
- Bonjour ? murmura-t-il en s'asseyant à côté de Sherlock.
Sa salutation sonnait comme une question, comme s'il n'était pas sûr d'avoir le droit de s'adresser à Sherlock.
Ce dernier sembla s'arracher à sa contemplation du vide pour tourner son visage vers lui, et le regarder. Ce fut très bref, mais une lumière alluma ses pupilles, un soubresaut agita ses lèvres, et John eut le droit à un hochement de tête en guise de bonjour. Et ce simple mouvement lui donna l'impression d'avoir gagné le gros lot de la loterie nationale.
Tu ne le connais que depuis hier ! hurla une voix dans sa tête.
Il n'en tint absolument pas compte. Et ils passèrent la demi-heure suivante, Sherlock à fixer le vide, et John à fixer Sherlock.
Leur petite bulle vola en éclats lors de l'arrivée dans la pièce du reste de leurs camarades et du professeur, sujet d'examen en main. John ne redescendit cependant réellement sur terre qu'en retournant son sujet pour découvrir la première question, au « top » donné par leur professeur. Il grimaça face à la difficulté du sujet et parcourut rapidement les autres questions, qui semblaient toutes êtres sorties du même moule. Clairement, il allait en baver !
Alors qu'il s'apprêtait à rédiger sa première réponse (ou du moins un début de réponse, l'inspiration finale se débloquerait peut-être au fur et à mesure du raisonnement) une main fusa devant ses yeux, lui attrapant un stylo de nouveau. C'était sans doute la pire chose à faire durant l'examen, mais John se retourna vers Sherlock, auteur du kidnapping de stylo, et le regarda. Son camarade de classe, lui, était concentré sur le test. Et griffonnait le sujet à toute allure, enchaînant les explications scientifiques et les formules chimiques à une vitesse extraordinaire.
Son visage, d'ordinaire neutre voire ennuyé, affichait une expression surprenante : la concentration, ainsi que la frustration. Mais comme John le comprit immédiatement, ce n'était pas la même frustration que lui, qui ne savait que répondre à l'examen et cherchait en boucle de quoi s'aider sans rien trouver dans les tréfonds de son cerveau. Non, Sherlock était frustré car son esprit pensait de toute évidence beaucoup plus rapidement que sa main n'était capable d'écrire. Et il écrivait pourtant à une vitesse stupéfiante.
Il fallut à John ce qui lui parut être une éternité pour s'arracher à la contemplation de son voisin, qui arrivait presque à la page deux du sujet d'examen. John étouffa un juron en regardant sa montre. Il avait perdu beaucoup trop de temps. Il se replongea aussitôt dans son examen. A sa grande surprise, son cerveau manifestement stimulé par la présence de son brillant voisin s'éclaircit, et des réponses commencèrent à se former dans son esprit. Encouragé, il prit son stylo et poursuivit son test.
Il avait relativement bien avancé, même si tout ne lui semblait pas parfait, quand il perçut un changement de comportement à côté de lui. Il se risqua à un bref coup d'œil. Le sujet de Sherlock était tourné, face cachée, à l'autre bout de la table. Le stylo emprunté à John était rebouché, et Sherlock jouait délicatement avec, le faisant tournoyer sur ses longs doigts d'un geste machinal. Il avait fini, il était content de lui, il restait près des deux tiers du temps imparti, et il s'ennuyait fermement.
- Waoh, murmura John très bas, plus pour lui-même qu'autre chose.
Il ne sut pas si Sherlock l'avait entendu ou non, car il se replongea aussitôt dans son propre examen. Il n'était pas un putain de génie, lui !
Il avançait difficilement sur une question particulièrement ardue lorsque la main de Sherlock revint obstruer son champ de vision et tapota sa copie, lui montrant un point très précis. John regarda, mais ne comprit pas. Sherlock désigna un deuxième endroit. L'esprit de John s'illumina. Oui, il avait fait une erreur, et son voisin de table la lui désignait sans un mot. Il n'avait même pas l'air de lire la copie de John. Il se contentait d'y jeter de petits coups d'œil rapides et saccadés. Mais quand John rectifia ce qu'il avait écrit, un bref sourire illumina le visage de Sherlock Holmes. Si John n'était pas déjà certain d'être amoureux de cet être de toute évidence exceptionnel, il le serait devenu sur le champ.
Le reste de l'examen se déroula de la même manière. John tentait des réponses, Sherlock l'indiquait doucement et tranquillement dans la bonne direction, tapotant sa feuille lorsqu'il y en avait besoin. Le professeur ne remarqua rien du tout. Il ne surveillait pas vraiment le test, de toute manière, faisant confiance à ses étudiants pour ne pas tricher. Celui qui trichait à moins de six mois de l'examen final était un idiot qui se planterait, et n'avait pas la maturité nécessaire pour faire des études supérieures, aussi l'enseignant préférait feuilleter des ouvrages scientifiques dans le but de poursuivre sa propre thèse.
Mais John, de toute manière, n'avait pas la sensation de tricher. Il ne regardait pas la copie de Sherlock, et celui-ci ne lui donnait pas les bonnes réponses. C'était davantage comme un Jiminy Cricket, qui le poussait simplement dans le bon sens, l'aiguillait, le comprenait, le soutenait. La confiance de John en lui-même se sentait flattée, et son cerveau fonctionnait à plein régime, stimulé par la main de Sherlock, si proche de la sienne ! De lui-même, le jeune étudiant se corrigeait désormais, ou développait du premier coup les bons raisonnements. Et Sherlock le regardait, un œil fier et brillant posé sur lui. John en rougissait quand la sonnerie retentit, mettant fin à l'examen. Docile, John acheva sa phrase et reposa son stylo. A défaut d'avoir pu relire l'ensemble de ses réponses, il était au moins parvenu à l'avant-dernière question du test, et la dernière n'était pas beaucoup coefficienté. Certes, Sherlock n'avait pas eu le temps de « vérifier » toutes les premières questions de John, mais il n'en restait pas moins qu'il avait fait un excellent devoir, il le savait.
Après avoir rendu sa copie à son professeur, John se précipita dans le couloir à la poursuite de Sherlock. Ce dernier avait bondi de sa chaise à peine le début de la sonnerie enclenché, et avait détalé sans demander son reste. Fort heureusement, sa haute silhouette, ses cheveux bouclés et sa démarche hautaine étaient reconnaissables, même de loin. Il aurait voulu l'interpeler, crier, mais ça ne cadrait pas au personnage de Sherlock. Il l'aurait regardé avec mépris, et c'était la dernière chose que John voulait voir dans ses yeux.
Lorsqu'il arriva au niveau de Sherlock, légèrement essoufflé après avoir couru, il ralentit le rythme, et essaya d'avoir l'air cool en restant au niveau de Sherlock. Lequel était beaucoup plus grand que John, et faisait un pas là où il en fallait deux à son condisciple. Ce fut seulement quand John fut sûr d'avoir repris sa respiration qu'il s'autorisa à parler :
- Merci. C'était… Merci.
Sherlock ne lui répondit rien, mais lui jeta un coup d'œil dénué de la moindre hostilité. Ce qui était probablement une merveilleuse réussite, considérant le regard au mieux désabusé, au pire franchement agressif que ce garçon semblait poser sur le reste du monde. Puis Sherlock accéléra, disparut dans la foule des élèves dans le couloir, et John ne le revit pas de la journée.
Lorsque leur professeur leur rendit leurs copies, le lendemain, toute la classe s'étonna des nombreux éloges de l'enseignant à Sherlock, lequel avait obtenu la note maximale. James, habituellement le meilleur élève de la classe, semblait frémir de rage en découvrant qu'il pouvait y avoir plus intelligent que lui.
- Laisse tomber Jim, tu feras mieux la prochaine fois ! lui lança Seb pour calmer le jeune garçon fou de colère.
John ne suivait pas l'échange vif entre les deux élèves (que Sherlock semblait en revanche apprécier d'un air narquois), incapable de détacher ses yeux de sa propre note. Il observait le A- qui s'étalait en rouge et en gras sur l'en-tête en souriant bêtement. Bien sûr, Sherlock avait obtenu A+ et aucune de ses réponses n'avaient fait l'objet d'une remarque ou d'une correction par le professeur alors que des commentaires rouges parsemaient la copie de John, mais c'était sa meilleure note de l'année. Et cela le rassurait énormément sur son examen.
- Merci, souffla-t-il de nouveau à Sherlock, émerveillé.
Et il le regardait avec tellement d'admiration que de nouveau, Sherlock lui sourit, réduisant le cerveau de John à une bouillie incapable d'articuler deux mots cohérents.
Ce fut alors leur nouveau rythme : Sherlock n'écoutait pas les cours, mais il jetait des regards sur toutes les prises de notes de John, et corrigeait, expliquait en marge, rajoutait des raisonnements complémentaire, faisait des schémas et proposait des moyens mnémotechniques. Au début, leurs échanges n'avaient lieu qu'en cours de chimie, qui était indubitablement la matière phare de Sherlock.
Et puis un jour, John eut la surprise de le trouver en cours de maths, à ses côtés. L'esprit scientifique et rigoureux de Sherlock était aussi adapté aux mathématiques qu'à la chimie moléculaire, et c'était un ravissement pour John à chaque instant. Il ne cessait de féliciter et de remercier son mutique compagnon. En effet, le génie épouvantail, comme John l'appelait toujours dans sa tête n'était pas plus bavard qu'avant. L'une des premières choses qu'il dit à John fut une phrase énigmatique, juste après l'explication d'un exercice de maths et les mots éperdus de remerciement et de félicitations de John : « Aucun mérite. Mère a médaille Fields »
John ne comprit pas la phrase. Ne chercha pas à comprendre. Treize jours après leur première rencontre, Sherlock lui avait parlé, réellement parlé, avec plusieurs mots et une phrase presque complète et cohérente, et son épiderme avait frissonné de la tête au pied. Il avait alors béni ses vêtements d'uniforme qui, malgré la liberté qu'on leur accordait, étaient néanmoins obligatoirement longs : pas de bermuda ou short, pas de chemisette. Manches longues et pantalon long obligatoires. Ainsi protégé, Sherlock ne pouvait pas voir les frissonnements intempestifs de John, et c'était bien mieux.
Après les maths, Sherlock fit également une apparition dans le cours de sciences naturelles de John. Puis dans le cours de physique. Puis en littérature et en anglais, et même dans le cours de français. C'était toujours le même rituel. Il s'asseyait à côté de John, lui empruntait épisodiquement stylos, feuilles et autres matériels scolaire qu'il n'emmenait jamais, l'aidait, le soutenait, le corrigeait. Jamais il ne lui donnait les bonnes réponses toutes faites, mais l'amenait toujours à trouver seul ce qu'il fallait.
De toute évidence, il était beaucoup plus doué dans les matières scientifiques que littéraires. En réalité, il ne connaissait même aucun des classiques, et le résumé des Hauts de Hurlevent le laissait aussi perplexe et dégoûté que celui de Jane Eyre. Ce qui avait permis à John d'entendre de nouveau la voix de Sherlock à l'occasion de quelques commentaires bien sentis à l'encontre de Catherine et Heathcliff, ou de Jane et Rochester. John ne détestait pas les romans, mais il aurait pu les haïr sur le champs si cela lui avait permis de continuer d'entendre la voix de son nouvel ami. Malheureusement, ce dernier continuait d'en user avec parcimonie, bien conscient de l'effet qu'il semblait faire à John. Et si le futur médecin avait honte de ses rougissements, bégaiements et autres folles cavalcades de son cœur, il était bien trop accro à Sherlock pour seulement songer que ce dernier pouvait l'utiliser.
Le seul cours non-scientifique où Sherlock excellait, c'était les langues. Il ne parlait pas, ou très peu, même à l'invitation des professeurs. Mais de ce qu'il lisait de ses rédactions en langues étrangères et versions, et du peu qu'il en avait entendu, John savait que son français était parfait. Ainsi que son allemand. Et pour s'occuper, il avait admis à demi-mot un jour apprendre les langues slaves : russe, serbe, bulgare, roumain dans un premier temps. Selon ses propres termes.
C'était un mois après leur première rencontre, et Sherlock parlait de plus en plus. Et surtout, il parlait de lui. Il avait par exemple admis que l'incroyable facilité avec laquelle il parlait français et allemand n'était pas sujet à vantardises, dans la mesure où la famille de son père et de sa mère venait respectivement d'Allemagne et de France. Ils étaient tous les deux nés en Angleterre, mais leurs familles parlaient leur langue maternelle à la maison faisant de leurs enfants respectifs des bilingues franco-anglais et germano-anglais. Lorsque Sherlock était né, son père ne lui parlait qu'allemand et sa mère en français. Il pratiquait l'anglais en complément. Cela ne lui avait posé aucune difficulté de devenir trilingue, même s'il n'avait pas une aussi parfaite fluidité dans les autres langues qu'en anglais.
Le récit de sa famille, John avait dû le lui arracher à demi-mot pendant quatre jours complets avant de compléter toute l'histoire. Mais c'était une victoire formidable, dont il s'enorgueillissait tous les jours.
Avant, Sherlock ne parlait pas du tout. Et puis il avait commencé à répondre à John, à condition que cela soit des questions fermées. A ses « Je te vois en maths cet aprèm ? », il y avait des « Oui ». A ses « Trop compliqués les devoirs à faire ! », il y avait des « Non ». Puis étaient venues les questions ouvertes à réponses courtes, purement informatives. Quand il demandait à Sherlock ce qu'il pensait de leur professeur, ce dernier brossait un portrait succinct, généralement au vitriol pour en révéler tous les défauts en quinze mots maximums. Puis ce furent des vraies phrases, plus longues, plus constructives, mais toujours entièrement descriptives et sans émotion. Puis vinrent les opinions. Les sentiments. Les sensations.
John s'émerveillait de voir éclore, chaque jour un peu plus, ce nouveau Sherlock.
Celui qui lui disait qu'il détestait les tomates cuites, mais n'éprouvait aucune difficulté à en manger des crues.
Celui qui parlait de ses parents.
Celui qui observait, et comprenait tout des gens en un clin d'œil. John avait été soufflé lorsqu'il lui avait expliqué la liaison d'Anderson et Donovan, deux de leurs camarades. Révélation qui n'était rien en comparaison du moment où Sherlock lui avait expliqué comment voir que Jim et Seb sortaient tous les deux d'un orphelinat psychiatrique, et qu'ils étaient tous les deux suivis et sous l'influence de sacrés doses de médicaments.
Celui qui lui disait d'un ton exaspéré « Tu es un idiot, John, tu vois mais tu n'observes pas ! ». C'était la phrase préférée de Sherlock. Et si toutefois elle insultait John, c'était aussi la phrase préférée de l'étudiant, car Sherlock avait toujours ce sourire en coin lorsqu'il la prononçait.
Et voir Sherlock sourire était encore mieux que l'entendre parler.
A suivre...
Review, m'dames et m'sieurs, pour me faire un joli cadeau de Noël ? :) (oui j'aime vraiment beaucoup Noël xD)
