Salut à toutes celles qui s'arrêteront sur cette histoire!
Je n'ai pas encore fini l'autre fiction mais celle-ci me trottait dans la tête depuis un moment, il fallait que je m'en débarrasse!
Cette histoire est très différente de ma première.
Je voulais écrire quelque chose de plus léger.
Donc pas de vampire ici et une écriture très différente puisque l'histoire se passe de nos jours avec des personnages simples.
J'espère que vous apprécierez :)
N'hésitez pas à laisser vos impressions ! Ou juste un petit mot c'est bien aussi...
Bonne lecture!
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Accoudée contre le renfoncement de la fenêtre de la boutique je regarde les gars.
Mon regard ne glisse pas sur eux, pour une fois il s'y attarde et je souris.
J'ai mis du temps et beaucoup d'énergie à arriver ici avec eux.
Je ne suis pas née du bon côté de la barrière, je ne suis pas de celles pour qui tout est facile, évident. Tout ce que j'ai, je l'ai gagné. J'y ai laissé une part de moi-même, une part de mon âme, celle que je ne regrette pas.
Deux critères sont importants pour accomplir sa vie.
La volonté, indéniable et propre à chacun. Mais elle ne suffit pas. Le facteur chance est incontestable. Les rencontres, les opportunités, j'ai su les saisir et m'en servir à bon escient pour réussir. Je ne partais pas avec les cartes gagnantes, pourtant je m'en suis tirée mieux que je n'aurais pu l'espérer.
Ma réussite est de gagner ma vie de ma passion, d'avoir les amis que j'ai et la famille qui m'a choisi.
Quand on est enfant, on croit que ce que nous vivons à la maison est identique à ce que tous les enfants du monde vivent chez eux.
Je n'ai jamais eu cette sensation. Dès que j'ai pu poser un regard sur mon entourage, j'ai compris que ma vie était différente.
Renée, la femme qui m'a mise au monde était absente. Non pas physiquement, elle sortait très peu, mais elle ne s'occupait jamais de moi. Si j'avais faim, je me servais, j'ai appris à me doucher seule, j'allais à l'école si je me levais, je revêtais les habits que je trouvais. Toutes ces petites choses qui paraissent anodines et qu'un parent apprend à son enfant, j'ai dû les apprendre seule.
Quant à l'affection, je n'en ai reçu que plus tard et pas de la part de Renée.
Elle se droguait, ou buvait, ou prenait toutes sortes de médicaments. De mémoire, je ne me rappelle pas l'avoir vue sobre une seule fois.
Mon père n'existe pas. Jamais vu, jamais entendu parler.
C'est ma maitresse de cours préparatoire qui a donné l'alerte aux services sociaux. Je n'avais pas été scolarisée avant cette année.
Je n'oublierais jamais son nom, Madame Cope. Je n'oublierais jamais non plus l'expression de son visage se transformer au fur et à mesure que mon récit avançait. Du haut de mes six ans, je lui racontais ma routine. Je n'avais pas saisi à quel point Renée était déviante, ni à quel point mon quotidien était hallucinant.
Au bout d'un an d'enquête, je fus placée dans une famille d'accueil.
Ce fut ma première chance.
Les parents Mc Carty étaient ouverts, patients et compréhensifs. Leur fils Emmett est devenu mon frère. De huit ans mon ainé, il me prit sous son aile. Emmett a toujours été très grand et costaud, pas gros mais baraqué. Un sportif à l'esprit sain dans un corps sain.
Dès que nous nous sommes rencontrés, il est devenu mon protecteur. Il est tombé amoureux de mon entêtement et moi de sa bienveillance. Aujourd'hui, il fait partie des personnes qui me sont le plus chères.
Il m'insuffla sa passion pour le dessin. Il m'apprit à tenir un crayon, à tracer, à colorier. D'aussi loin que je me souvienne, Emmett et moi passions notre temps à dessiner, en silence, mais toujours liés par cette connexion invisible.
Le weekend, je rentrais chez ma mère.
Elle me traitait de fille gâtée. Je l'abandonnais, je ne me rendais pas compte du mal que je lui faisais.
Ses mots me heurtaient. Je n'étais pas capable de comprendre correctement ce qui m'arrivait. Les bons soins des parents d'Emmett n'y suffirent pas.
Je croyais ma mère. Je n'étais qu'une ingrate, une pauvre fille bonne à rien.
En parallèle, Emmett s'essayait au tatouage. Souvent, il m'amenait avec lui au salon, il s'assurait ainsi que je ne faisais pas de bêtises.
Le tatouage, un dessin gravé à vie sur un corps, me charmait. L'idée faisait son chemin. J'aimais le son de la bécane, l'odeur du salon et toutes ces photos encadrées sur les murs. L'ambiance aussi me touchait, à la fois concentrée et détendue.
Je restais en retrait. Je ne m'autorisais pas à imaginer un futur équilibré, ou ne serait-ce qu'exercer un métier. J'étais très jeune et rien de ce que je vivais ne pouvait me faire espérer un avenir serein.
A huit ans, je fumais ma première cigarette et volais mon premier cd. La musique est une autre de mes passions. Le père d'Emmett me donnait des cours de guitare une fois par semaine.
J'ai bu ma première bière et pris ma première cuite à dix ans avec un des nombreux beaux-pères que je côtoyais les weekends chez Renée.
C'est à peu près à cette époque que les parents d'Emmett ont jeté l'éponge. Chacun a ses limites, aussi bon et persévérant soit-il. Je ne leur en veux pas, j'étais devenue ingérable. Emmett a mis plus de temps à leur pardonner.
J'ai alors fait la connaissance de ma deuxième chance, celle qui a clairement changé le cours de mon existance.
J'ai été placée en foyer et mise sous tutelle. N'ayant aucune famille stable, une éducatrice du foyer est devenue ma tutrice, l'irremplaçable Sue Clearwater.
Sue est un personnage, une grande gueule, une boule d'énergie pure et elle avait de grandes ambitions pour moi, comme pour tous les adolescents dont elle s'occupait. La différence que j'avais sur les autres ? La passion, et non seulement la passion, mais le talent.
A dix ans, je dessinais tout et n'importe quoi avec une facilité et une fiabilité déconcertante. Il faut dire que je passais mon temps à m'entrainer sans m'en apercevoir. En classe, chez Emmett, dans la rue, je dessinais sans cesse.
Sue m'a montrée la voie, ma voie. Après avoir discuté pendant des heures avec moi, après m'avoir convaincue de consulter un psy, après avoir rencontré Emmett, ses parents et Renée, après avoir mûrement réfléchi et pesé le pour et le contre, après m'avoir informé de toutes les possibilités que j'avais concernant le dessin, elle finit par me conduire dans un salon de tatouage.
Nous rencontrâmes la gérante, une amie de Sue qui devait avoir comme elle une quarantaine d'année, Carmen Denali. C'est une femme magnifique, élégamment tatouée, grande, habillée comme une pin-up des années 50 et ce que j'aime par-dessus tout humble, malgré son talent et sa renommée.
Je m'attendais à une morale bien carabinée du genre : « si tu veux tatouer tu dois étudier dur, l'école est très importante ». Mais non.
Elle me fit visiter le salon, me parla de son quotidien, me montra l'instrument, les couleurs, les mécanismes. Même si je connaissais un peu, j'étais subjuguée. Sa douceur et la pédagogie qu'elle mettait dans ses explications me plaisaient.
Alors nous passâmes un contrat, un contrat officieux. Je m'engageais à aller à l'école, à ne plus sécher aucun cours et elle s'engageait à m'apprendre le métier.
J'ai onze ans et sans le savoir je viens de prendre la décision la plus importante de ma vie.
Dès douze ans je m'entraînais sur de la peau de porc. Je n'aimais pas l'odeur du cochon, ni la consistance de la peau mais je m'acharnais. La machine était grande et lourde pour mes petits doigts alors je faisais des exercices de musculation.
Le tatouage m'a happé, plus rien ne m'importait que cet art. Carmen était précise, vive, intelligente, patiente avec les clients qui geignaient et avec moi qui passais mon temps libre la tête au-dessus de son épaule. J'apprenais, j'engloutissais chacun de ses mots, chacun de ses gestes. J'étais une éponge férue de savoir. Du moins en ce qui concernait le tatouage.
J'allais à l'école, je respectais ma part du marché mais je ne m'y sentais pas bien.
D'abord à l'écart des autres élèves, je m'étais faite une place en vendant les cigarettes volées à ma mère et dans un second temps de petites fioles d'alcool.
Pas très glorieux.
Je n'étais pas maligne et je m'étais faite pincée par la principale du collège après qu'une de mes « clientes », Jessica Stanley, aie vomi son déjeuner en cours d'histoire.
Je fus éjectée du collège, Sue me foudroya d'une colère sans précédent et Carmen m'interdit l'accès au salon pendant un mois.
Désespérée, je changeais de collège. Cette fois, je faisais mon trafic à la sortie des cours. Mais j'avais moins de temps pour tatouer alors je n'ai continué que les weekends.
Je me suis consacrée aux études, enfin, j'ai essayé. L'école n'était vraiment pas faite pour moi, ou l'inverse. J'avais le plus grand mal à rester assise sur ma chaise et à me concentrer pendant des heures. J'attendais que la journée se finisse sans faire de vague pour retourner au salon.
Il faut croire que mon naturel n'était pas obéissant parce qu'après le trafic de cigarette, j'ai commencé à me battre. Je ne supportais pas l'injustice, ni la mentalité des élèves.
Dès qu'un garçon me regardait avec insistance, je lui décochais une droite. Dès qu'une fille chuchotait dans mon dos, je lui fauchais un coup de pied. Je faisais de même si je voyais un des élèves se faire maltraiter. Si j'étais battue, tant pis, j'encaissais les coups avec résistance. Rien ne me faisait flancher.
Je ne maîtrisais pas la haine, la rage qui bouillaient en moi. Ceci dit, je prenais mes précautions, je ne me battais jamais dans l'enceinte de l'établissement, toujours à l'extérieur.
Le seul endroit où je me sentais bien, à ma place, était le salon.
Sue se désespérait. Elle voulait faire de moi sa fille adoptive. Elle ne me l'a avoué que des années plus tard. Elle n'a jamais supporté de me laisser la nuit au foyer, de m'envoyer au collège où je mourais d'ennuie. Mais elle n'y pouvait rien.
Elle avait ardemment suggéré que je ne retourne pas chez Renée les weekends, que ces jours étaient insupportables pour moi et nocifs pour ma santé mentale. Il faut croire qu'elle était la seule à le penser puisque je continuais malgré tout à me rendre chez elle chaque fin de semaine, contrainte et forcée par une administration qui voulait coûte que coûte que les enfants gardent un lien leurs parents.
Vers l'âge de quinze ans, les petits-amis de Renée ont commencé à me regarder d'une façon différente. Certains d'entre eux me faisaient des compliments. Je n'aimais pas ça, ils me mettaient mal à l'aise. Alors je passais mes journées dehors, à trainer avec des gens peu recommandables jusqu'à des heures indécentes. Je rentrais le plus tard possible pour être sûre de ne croiser personne. Ma mère s'en fichait royalement. Je ne sais même pas si elle se rendait compte de ma présence.
C'est à cette période que j'ai perdu ma virginité. Le prétendant était Mike Newton, de trois ans plus âgé. Nous l'avons fait à l'arrière de sa voiture dans un coin sombre d'une rue excentrée. Si je me rappelle de son nom, je ne me rappelle plus vraiment de l'acte en lui-même. J'ai eu mal, un peu mais sans plus. Je ne peux pas dire que ce fut agréable. Quant à l'amour, je ne connais pas ce type d'amour.
J'aime Sue, Carmen, Emmett, mais le sentiment amoureux pour un homme m'est inconnu.
J'ai donc eu plusieurs conquêtes masculines mais jamais de relation. Ce n'est pas une règle, c'est un fait. J'aime coucher avec des hommes, j'aime l'orgasme quand je l'atteins. J'aime la sensation d'apaisement qu'il me procure, sentir la tension s'évaporer.
Je n'ai pas de honte ni de tabou dans le sexe. Je profite autant d'eux, qu'eux de moi.
Je suis peut-être trop indépendante pour m'unir à un homme ou peut-être suis-je trop détraquée.
Cette année-là, j'ai réalisé mon premier tatouage.
J'ai échappé à la vigilance de Carmen et je suis allée dans sa cabine pour me tatouer moi-même. Elle refusait de le faire et elle refusait que je le fasse.
J'étais prête, je m'en sentais capable.
J'ai connu ma première piqûre, la vue de l'encre et de l'aiguille qui pénètrent dans la peau, le sang qui s'écoule et le dessin qui prend forme doucement. J'étais grisée, concentrée comme jamais et euphorique.
Carmen est entrée dans la pièce avant que je n'eus fini. Je m'attendais à ce qu'elle hurle et me mette dehors mais au contraire, elle a souri.
« Maintenant tu es prête, tu vas pouvoir tatouer. »
Elle m'a annoncé ça d'une voix de velours, émue et fière à la fois.
Les larmes sont montées à mes yeux mais je les ai chassées d'un soupir. Je ne pleure pas, jamais. Je ne supporte pas de m'apitoyer sur mon sort.
Je lui ai demandé timidement de rester à mes côtés. Elle a accepté.
La douleur était vive. J'avais choisi le poignet. La peau est fine et sensible à cet endroit-là. Mais je n'ai pas bougé.
Mon premier tatouage fut une fleur de pissenlit dont les pétales s'envolaient au vent. J'étais très fière parce qu'il ressemblait exactement à celui que j'avais imaginé. A ceux que je soufflais enfant dans le terrain vague devant la maison. A la fois grand et fin, sobre, pas de couleur que du noir.
Cette fleur me rappelle l'enfance, la pureté et l'innocence. Je veux garder ses sentiments gravés sur ma peau pour ne pas les oublier, pour me rappeler qu'un jour, je les ai ressentis. Ils sont tellement loin de ce que je ressens quotidiennement.
Carmen m'a chaudement félicitée et à cet instant, je me sentais digne. Digne de sa confiance, digne de tenir une bécane et digne d'exercer.
Ma troisième chance est une partie de la première : Emmett Mc Carty.
Je n'ai jamais cessé de fréquenter Emmett. Il passait une ou deux fois par semaine à la sortie du collège puis du lycée et nous allions boire un verre de jus de fruit dans un salon de thé.
Il approuvait complètement le fait que je fasse des tatouages, il m'y encourageait. Lui-même était sur un projet d'ouvrir un salon.
Ce jour-là, j'ai dix-sept, je suis en train de fumer un joint avec un groupe de garçons dans un parc quand j'entends…
« Isabella ! Mais qu'est-ce que tu fous ?! »
Emmett ne se trouve pas à bonne distance, non, il se tient tout près dans mon dos. Pas besoin de dessin, il a vu le joint et le garçon d'au moins cinq ans mon aîné avec qui je flirte ouvertement.
Je panique. Emmett est très important pour moi, je ne veux pas le décevoir. Je me suis toujours arrangée pour qu'il ne soit pas au courant de mes déboires avec l'école, avec Sue ou dans le pire des cas avec la police. A ses yeux, je suis une petite fille plutôt sage.
Je me retourne et je lis clairement dans ses yeux l'émotion que je ne voulais jamais lire, la désillusion.
Sans un mot, il se détourne de moi et s'en va.
Je ne peux pas le laisser faire. Sans réfléchir, je balance le joint et me lève. Je cours mais arrivée à sa hauteur, je ne sais pas quoi dire. Nous marchons tous les deux cote à cote un moment.
Je voudrais qu'il parle, qu'il gronde, qu'il m'accable mais il se tait et son silence est pire que des représailles.
- Je suppose que je te déçois, commençai-je doucement.
- Dis pas de connerie. Tu peux pas me décevoir… mais tu y vas fort quand même.
Je m'aperçois qu'il en sait plus que je ne le voudrais. Je le connais bien, il n'a pas besoin de beaucoup en dire pour que je comprenne.
- Qu'est-ce que tu sais exactement ?
- Tout Bella. Je suis en contact avec Sue Clearwater. Elle me dit tout. Je ne suis pas déçu, j'ai honte.
Je baisse la tête, il peut avoir honte de moi, je ne suis pas quelqu'un de bien.
- J'ai honte parce que je n'ai rien fait pour t'aider. Je me suis dit que les bêtises que tu faisais tu devais les faire pour exorciser ton mal-être. Je ne suis pas sûr.
- Tu n'es pas responsable de moi Emmett. Tout va bien, c'est juste un joint…
Je tente d'éluder mais il n'est pas dupe.
Il ricane avec ironie avant de continuer.
- Et ta pommette violacée, c'est rien non plus ? tu fais partie d'un fight club ?
Je détache mes cheveux pour cacher un peu mon visage. Je ne réponds pas, pas utile.
- Pourquoi tu fais ça ? Pourquoi tu fumes, tu te bats, tu te rabaisses constamment ?
- J'en sais rien Em. Je fume pour passer le temps. Les weekends sont longs.
Ma voix se fait sombre malgré moi. Je déteste les weekends.
- Je me bats parce que la terre entière m'exaspère ! Les filles sont cloches, elles ne pensent qu'aux mecs. Les mecs sont moins idiots c'est vrai mais ils ne pensent qu'au cul. D'abord tu couches et après tu discutes.
Il ne relève pas mais je sens que je suis allée un peu loin.
- Et ton psy qu'est-ce qu'il en dit ?
- Pfff… Ce type ne dit jamais rien. Alors maintenant je fais pareil, j'y vais pour faire plaisir à Sue et j'attends que ça passe.
Le silence se fait et nous déambulons tous les deux. Je sais qu'il attend le bon moment. Je ne peux pas lui cacher mes sentiments, il est le seul avec qui je suis honnête.
- J'ai ce malaise Emmett. Il est là.
Je lui montre le creux de ma poitrine.
- Il m'étouffe. Planer m'aide à l'alléger, me battre aussi et… d'autres choses comme ça.
Je n'ai pas l'impudeur de lui parler du sexe.
Il semble réfléchir.
- Ok Bella, voilà le deal. Je passe te chercher tous les matins et on va courir.
- De quoi ?!
Hors de question, le sport c'est son truc, pas le mien.
- Courir Bella. Tu sais, comme marcher mais en plus vite. Tu vas secouer ton petit corps. D'un, tu vas vider un peu ton énergie négative, de deux, tu vas te muscler.
- Emmett c'est N.O.N. Je ne cours pas ! Je vais pas faire comme ces crétins avec leur casque sur la tête, leur téléphone sur le bras et les dernières chaussures fluo à la mode. Je ne suis pas comme eux, je ne suis pas ridicule. En tous cas pas à ce point ! Regarde !
Je pointe sans vergogne un joggeur attifé d'une façon grotesque.
Emmett se marre grassement.
- Bella, on peut courir en simple short et on peut discuter aussi. On sera tous les deux, ça peut être cool. En plus, on peut choisir un endroit pas fréquenté, on n'est pas obligé d'aller au parc.
- Non Emmett c'est toujours non. Ça veut dire qu'il faut que je me lève aux aurores pour courir avant les cours, c'est pas possible. Au foyer je dors jamais avant 23 heures.
- Pourquoi ?
- Trop de bruit… Mais c'est pas le problème, trouve autre chose, la course c'est pas mon truc !
Alors il s'arrête et pose ce regard sur moi. Celui qu'il utilise avec parcimonie mais toujours à bon escient. Il me fait fondre. Je ne peux rien lui refuser quand il me regarde ainsi.
- On se donne deux semaines, weekends compris. Si après ça tu ne veux pas continuer, c'est ok pour moi.
Je soupire bruyamment.
- Deal, dis-je dans un murmure.
- Yeah deal ! Hurle-t-il.
Je tape mon poing contre le sien et il m'enlace. Emmett ne peut pas s'en empêcher et je ne peux pas l'en empêcher non plus alors je le laisse.
A dix-sept, il est la seule personne qui se permette de m'étreindre. Sue et Carmen en ont parfois eu envie mais n'ont jamais osé.
Je n'ai pas cet élan. Je repousse les contacts physiques, sauf quand il s'agit de sexe. Et là encore, j'évite les baisers, ils m'écœurent.
Emmett a réussi à me faire prendre gout à la course. J'ai couru avec lui pendant une bonne année, puis, trop occupé à gérer son salon de tatouage tout neuf, il m'a abandonné. J'ai continué seule. Si j'ai effectivement acheté un casque audio approprié à la course, je n'ai jamais opté pour des baskets fluos, ni pour le téléphone sur le bras.
Je cours dans le parc, mais je prends les chemins les moins fréquentés et je me lève à l'aube pour être tranquille.
C'est aussi durant l'année de mes dix-sept ans que j'ai rencontré Jasper.
Il venait faire un stage dans le salon de Carmen. Il avait vingt ans. Il était beau et gentil à se damner. Sa douceur et son sens aigu de l'observation m'ont conquise.
Nous avons rapidement fait connaissance. Il était très doué pour son âge et très mature aussi. Nous ne nous sommes pas racontés nos vies tout de suite, trop pudiques l'un et l'autre mais j'ai senti que nous avions un passé peut-être pas similaire mais commun.
Je lui ai présenté Emmett et ils se sont associés tous les deux pour monter leur propre salon de tatouage un an plus tard.
Depuis j'ai quitté l'école avec mon diplôme de fin d'étude.
Le moment était très émouvant. Toutes les personnes qui comptaient pour moi étaient présentes.
Carmen et ses tatouages sous sa petite robe fleurie faisait loucher plus d'un papa alors qu'Emmett et Jasper faisait plutôt loucher les jeunes filles.
Sue était plus fière que jamais. Moi j'étais heureuse, j'allais enfin pouvoir passer tout mon temps à faire ce que je savais faire de mieux et ce que j'aimais le plus, tatouer.
J'ai travaillé quelques années dans la boutique de Carmen. Je me suis créée une petite renommée.
Lorsque j'ai eu vingt et un ans, Emmett m'a fait une proposition à laquelle je n'ai pas pu résister. Travailler avec lui, chez lui n'est pas toujours de tout repos mais j'adore notre complicité et sa personnalité si positive.
Aujourd'hui quand je repense à ce que j'ai traversé, je souris. Je suis exactement où je voulais être sans le savoir.
Je regarde Emmett rire de sa blague graveleuse. Jasper hoche la tête négativement alors qu'il sourit. Ben et Tyler sont morts de rire.
Moi je rigole doucement parce que je suis heureuse, heureuse d'être celle que je suis devenue.
- Au boulot les gars !
Ils protestent tous bruyamment.
- J'ai rendez-vous dans quinze minutes avec une midinette qui va surement vouloir se faire tatouer une fleur bien discrète sur la hanche, alors taisez-vous! C'est moi qui me tape une matinée de merde!
- Ma pauvre Bella! S'apitoie Emmett en passant son bras sur mon épaule. Un petit calinou ? Demande-t-il avec une mou de crétin.
- Dégage !
Mon ton n'est pas assez tranchant pour qu'il s'en vexe. Au contraire il me charrie en me traitant de joli petit chaton. Je déteste quand il fait ça!
Quinze minutes plus tard, une jolie petite brune passe la porte de la boutique.
- Bonjour, je suis Alice, j'ai rendez-vous avec Bella.
- Bonjour Alice. Qu'est-ce que je peux faire pour toi ?
Elle est nerveuse, très nerveuse.
- C'est toi qui va me tatouer ?
- Heu... Oui, c'est moi Bella.
Elle ne semble pas rassurée.
- Ho... D'accord... Excuse-moi, je m'attendais à quelqu'un de plus... de moins...
- De moins jeune, la coupe-je.
Ce n'est pas la première fois qu'on me fait la réflexion. Je cache mon agacement et affiche un sourire poli.
- Je peux te montrer ce que j'ai déjà fait si ça peut te rassurer.
- Oui, pourquoi pas...
Elle a peur. Il s'agit de son premier tatouage, on lui a dit que ça faisait mal et qu'il est très difficile de le faire enlever s'il est raté. Elle parait venir de ce qu'on appelle une bonne famille. Moi j'appelle ça une famille bourgeoise.
Elle porte des escarpins Jimmy Choo, une robe griffée et sa coiffure est un savant mélange de coiffé décoiffé à deux cent dollars la coupe.
Oui, je suis observatrice. Je dois savoir qui elle est pour la rassurer. Tout ça fait partie du métier.
- Qu'est-ce que tu as en tête ? Quelle sorte de tatouage ?
- Je voudrais une petite fleur de cerisier sur la hanche.
Et voilà, exactement ce que je disais. pourtant je ne l'avais eu qu'au téléphone.
Maintenant, à moi de la charmer. Son corps est magnifique, une branche de cerisier serait splendide sur sa hanche et ses côtes.
Il va falloir discuter et batailler ferme mais je pense m'en sortir.
