Alice au pays des Sorciers
Comment tout a commencé...
Disclaimer : tout l'univers Potterien appartient bien entendu à la génialissime J. K. Rowling ; le concept du forum RPG est emprunté, pour cette histoire, exclusivement au forum Destination Poudlard, pour lequel elle a été écrite à l'origine. Les situations et personnages sont en revanche de ma propre invention.
Résumé : Alice, jeune RPGiste à ses heures perdues, se retrouve projetée dans l'univers du forum HP qu'elle côtoie depuis quelques mois et devient son personnage, Andréa, une Gryffondor un peu tête brûlée…
Prologue
-Andréa ! Eh, Andréa, réveille-toi !
Un murmure insistant s'insinuait jusqu'à mes oreilles, tentant de m'arracher à la vision bienheureuse d'une foule d'acteurs en plein tournage. Peu à peu, je me rendis compte qu'on me secouait sans ménagement ; je grimaçais et grognais de mécontentement – devant moi, les acteurs demandaient quelques précisions au réalisateur, tandis que les maquilleuses allaient et venaient entre eux, avec l'aisance de l'habitude. Je n'avais encore jamais assisté à un tournage, aussi je comptais bien profiter de cette scène unique sans en perdre la moindre seconde.
-Andréa, réveille-toi, à la fin !
Un coup plus brusque sur mon épaule me tira un nouveau grognement. Les comédiens s'égaillèrent, et je me retrouvai bientôt seule sur le plateau.
-Quoi ? marmonnai-je, mécontente.
-Tu vas être en retard si tu continues comme ça.
-En retard ?
J'avais vaguement conscience que tout ce que je venais de voir n'était qu'un rêve ; il m'apparaissait de plus en plus clairement qu'il était impossible que je puisse un jour assister à ce genre de choses. J'émergeai lentement du cocon doucereux du sommeil, entrouvrant les paupières pour essayer de distinguer le visage de celle qui osait me réveiller à pareil moment. Mais l'éclat jaunâtre d'une petite lampe m'aveugla et je refermai vivement les yeux.
-Il va bientôt être deux heures, si tu ne te dépêches pas, ça va être mauvais pour toi. Je t'avais dit que tu allais t'endormir à attendre sans rien faire.
-Quoi ?!
Je rouvris brusquement les yeux, stupéfaite. Quelque chose me disait que "deux heures" signifiait "deux heures du matin". Et je ne m'étais pas trompée : il faisait nuit, en effet, et la lueur solitaire de sa lampe de poche n'éclairait qu'une infime portion des ténèbres environnantes. Je me demandai brièvement où je me trouvais - avant que la jeune fille ne me donne une énième tape sur l'épaule et ne se redresse, sourire aux lèvres.
-C'est bien ce que tu m'avais dit, non ? "Réveille-moi avant deux heures, sinon je suis morte". Et là, il va être deux heures ; tu dors plus profondément que je ne l'avais cru, pas de ma faute si tu es en retard.
Elle laissa échapper un rire, l'air visiblement très amusé. Je la détaillai un moment, étonnée par son comportement – son visage m'était certes familier mais, dans le brouillard du sommeil, je n'arrivais pas à mettre le doigt dessus. Je ne me souvenais pas d'avoir eu un jour une amie qui lui ressemblât. Je n'eus pourtant pas l'occasion d'y réfléchir plus avant qu'elle me tirait par le bras et me poussai à travers un passage rond à peine assez haut pour me laisser passer. Je débouchai dans un vaste couloir plongé dans le noir. Je me retournai vivement vers la fille, m'apprêtant à lui demander des explications, mais elle m'adressa un signe de la main et un clin d'œil complice.
-Passe une bonne soirée, crus-je l'entendre dire avant que le passage ne se referme devant elle, m'ôtant toute possibilité de placer un mot.
Là c'était clair : j'étais encore en plein rêve.
Sur le tableau qui se dressait maintenant devant moi, une espèce de grosse femme vêtue d'une affreuse robe rose semblait me fixer d'un regard réprobateur, tout en s'éventant rageusement avec un éventail du même rose bonbon – s'éventant ?! J'écarquillai les yeux en me rendant compte que l'objet bougeait effectivement sur la toile, comme doué d'une vie propre. Je rêvais encore, c'était certain. La femme lâcha une espèce de soupir dédaigneux et prit un air hautain, détournant le regard comme si j'étais indigne de retenir son attention.
Ce simple geste me glaça d'effroi ; prise de tremblements incontrôlables, je fis demi-tour et prit mes jambes à mon cou, remontant le couloir en courant le plus vite que je le pouvais – sans ressentir la désagréable et pourtant habituelle impression de ralentir un peu plus à chaque pas. Je parvins même m'essouffler rapidement, comme si je n'avais pas simplement couru en pensée, mais bel et bien dans la réalité – ce qui était purement impossible.
Je m'arrêtai au croisement de deux couloirs aussi sombres que les précédents et m'appuyai contre le mur, le souffle court et le cœur battant la chamade. J'avais chaud et je sentais mes muscles frissonner sans discontinuer. Rien à voir avec les sensations habituelles d'un rêve. D'autant que j'avais pleinement conscience de ce que je faisais et pensais... Mais ça n'était qu'un rêve, n'est-ce pas ? Un rêve particulièrement réaliste, mais un rêve tout de même... Je ne comprenais rien à ce qui m'arrivait, et j'ignorais où je me trouvais. L'incohérence totale de ce qui se passait – le plateau de tournage, cette fille qui ressemblait à quelqu'un de connu et cet endroit bizarre... – rien de tout cela n'était crédible. Mais ça ne me rassurait pas pour autant.
Il faisait tellement sombre que je ne voyais rien à dix pas. Les ombres qui émaillaient les couloirs plus ou moins régulièrement me donnaient l'impression de se mouvoir avec lenteur, comme des prédateurs tournant prudemment autour de leur proie. Je frissonnai. L'endroit était parcouru de courants d'air froid - j'avais failli oublier que nous étions en plein hiver ; apparemment, cela avait également un sens dans mes rêves. Les murs laissaient résonner l'écho de bruits légers dont la provenance restait impossible à déterminer pour moi. J'étais dans un lieu inconnu et, peu importe ce que j'en pensais, je ne pouvais m'empêcher d'avoir peur.
Si tout s'était précipité dès mon réveil, comme une mauvaise scène d'introduction pour un film de seconde zone, à présent j'avais tout le temps d'observer et d'analyser – ce qui n'était pas forcément positif. Je tardais à me réveiller ; et cette simple constatation suffisait à renforcer un début de panique. Ma vue commençait à s'habituer à la faible luminosité, et je distinguai vaguement les contours de grandes fenêtres en ogive et de portes en bois, de quelques socles servant probablement à porter des torches, aussi. De près ou de loin, cet endroit ressemblait à l'intérieur d'un château du Moyen-âge...
Ma respiration calmée, je rejoignis lentement le couloir aux fenêtres ; je dus m'appuyer au mur lorsque je regardai dehors : le sol, loin en contrebas, s'étendait en un vaste parc où l'on devinait la surface plane d'un immense lac et les ombres dansantes d'une forêt infinie. Je ne savais pas où j'étais – mais j'étais définitivement coupée du monde moderne ; en territoire inconnu.
Ou presque.
Tâchant d'ignorer l'imbécile de petite voix qui me chuchotait à l'oreille que je connaissais ce château glacé, je repris ma marche au hasard. Je voulais descendre et sortir dans le parc, au moins histoire de respirer l'air de l'extérieur, mais restait à trouver un escalier ; et la tâche me semblait d'autant moins aisée que, dans ma fuite éperdue pour fuir ce tableau de malheur, je n'en avais croisé aucun. Je gardai un contact constant avec la pierre humide des murs, dans le seul but de garder la dérisoire illusion que je n'étais pas totalement perdue ; j'avais le sentiment que, si je lâchais cette paroi suintante, je pouvais m'envoler – ou disparaître. C'était stupide ; mais j'étais de moins en moins à l'aise dans ce rêve qui s'éternisait un peu trop à mon goût.
J'aurais eu vite fait de me perdre – si ça n'avait pas déjà été le cas. Tout se ressemblait, du bois des portes aux pierres des murs, en passant par le décor qui, de l'autre côté des fenêtres, ne changeait guère. De toute façon, ignorant où j'étais et où j'allais – je n'avais après tout qu'une vague direction en tête, le bas – j'aurais pu me trouver au cœur même d'un labyrinthe monochrome que cela n'aurait rien changé à mon dilemme. Mais, en fin de compte, je ne faisais qu'attendre mon réveil. Après avoir erré un bon moment sans but, je finirais bien par revenir à la réalité, et toute cette histoire me ferait bien rire, et serait vite oubliée.
Encore fallait-il que je me réveille.
Je dénichai une espèce d'escalier étroit en spirale, que je me dépêchai d'emprunter, faisant de mon mieux pour ignorer sa raideur et le tournis qu'il n'allait pas manquer de me flanquer. En y allant en douceur, je pouvais facilement contrer les deux ; et je voulais avant tout rejoindre le plancher des vaches. La structure grinçait chaque fois que mon pied se posait sur une marche, j'évoluai plus lentement que prévu, craignant que tout ne s'effondre sous mon poids - je n'étais pas lourde, mais l'escalier gémissait si pitoyablement qu'il semblait sur le point de rendre l'âme.
Le plus surprenant fut le profond soupir de soulagement qui s'échappa de la structure lorsque je posai enfin le pied par terre ; j'en fus si surprise que mon cœur manqua un battement. L'escalier s'ébroua bruyamment et... se rendormit. Le souffle coupé par ce que je venais de voir, je reculai en vacillant – je rêvais, je rêvais, il ne pouvait en être autrement. Mais... depuis combien de temps rêvais-je encore ? Je fis brusquement demi-tour et repartit dans une course folle à travers les couloirs. Quelques voix se firent entendre, vagues échos de colère pétrie de sommeil, mais je n'en courais que plus vite, cédant à la panique.
Je sentais le froid de l'air ; je sentais le sol sous mes pieds ; je sentais mon cœur battre douloureusement dans ma poitrine, et mes poumons chercher avidement de l'air ; je sentais le goût du sang dans ma bouche, le point de côté qui vrillait mon flanc, les arrêtes des pierres mal taillées lorsque j'effleurais les murs... Je sentais tout cela avec tellement de réalisme que je commençais à me laisser gagner par le doute : rêvais-je vraiment ?
J'aurais pu appeler à l'aide ; j'étais tellement désemparée que la présence de n'importe qui, même de cette fille aux allures de jeune première, aurait été à même de m'apaiser. Mais, très franchement, dans les ténèbres d'un gigantesque et vieux château tel que celui-ci, je n'imaginais recevoir rien d'autre que des ennuis supplémentaires – je me laissai même aller à imaginer que la fille n'était rien d'autre qu'un fantôme, qui devait bien rire de ma mésaventure. Les armures tournaient la tête en grinçant sur mon passage ; les personnages des tapisseries chuchotaient entre eux tels des conspirateurs, me jetant le même regard réprobateur que la peinture, un peu plus tôt. N'importe quoi de plus dangereux pouvait se cacher ici.
Je trébuchai. Affalée au sol dans la semi-obscurité à peine percée par la lumière de la lune, je regardai anxieusement autour de moi, m'attendant à tout moment à voir débarquer je ne savais quelle créature monstrueuse, mais rien ne vint. Je me retranchai dans l'ombre d'une petite statue... avant que celle-ci ne tourne la tête et ne darde sur moi un regard creusé dans la pierre, vide et noir. Je m'en écartai vivement, à genoux sur le sol, puis me relevai et repartis en courant. Cette fois, ce n'était plus de la panique. J'avais dépassé tous les stades de la peur, et n'agissais plus que guidée par un instinct que je n'étais même pas sûre de pouvoir qualifier de conservation. Je ne trouvais pas la force de crier ; en fait, j'étais au-delà de tout.
Je voulais me cacher quelque part, et attendre le lever du jour, où toutes les peurs deviennent ridicules. Mais si l'on dit que les murs ont des oreilles, pour moi, ceux d'ici avaient des yeux, des milliers d'yeux rivés sur moi ; il m'était impossible de leur échapper – dès lors, impossible de me cacher. A l'extérieur... J'allais très probablement trouver d'autres dangers, dehors, mais il serait bien temps d'aviser ; et d'ici que j'y arrive, ce serait peut-être déjà l'aube. A défaut de me planquer comme la trouillarde que j'étais, il fallait que je reste en mouvement, quitte à m'épuiser totalement - je n'étais pas réputée pour mon endurance. Bien que je découvrisse malgré moi l'étonnante vérité de cette affirmation : la peur donne des ailes.
Essoufflée comme jamais, le cœur battant à tout rompre et à bout de forces, je courus plus que je ne m'en serais jamais cru capable. J'ignore combien de couloirs je franchis, combien d'escaliers je dévalai avant d'enfin arriver en vue des deux immenses portes qui, j'en étais sûre, donnaient sur le parc. Ce que je savais, c'est qu'elles étaient là, devant moi. Et que j'étais tout près de m'effondrer, éreintée. Je m'avançai pourtant jusqu'à elles et essayai en vain d'en ouvrir un battant. Contrairement à mes craintes, celui-ci s'ouvrit sans offrir trop de résistance, glissant dans un silence relatif vers l'extérieur.
Un vent glacé m'accueillit, accompagné d'une voix aussi suave que narquoise.
-Te voilà enfin, je croyais que tu ne viendrais jamais.
Je laissai échapper un faible cri en sursautant une nouvelle fois.
A quelques pas de moi, nonchalamment adossé au mur, mains dans les poches, une espèce de jeune premier me fixait en souriant d'un air franchement amusé. J'eus un geste de recul – et une bouffée d'adrénaline. Il ne paraissait pas correspondre à l'idée que je m'étais faite des dangers qui m'attendaient ici – en vérité il avait plutôt l'air du secours providentiel que je n'espérais plus. Rêvais-je ou ne rêvais-je pas ? Je mis un moment avant de comprendre pourquoi son visage pourtant inconnu me semblait si familier. Et j'étouffai un second cri derrière mes mains.
Ce garçon n'avait pas seulement l'allure d'un jeune premier : c'est était un, un vrai. Mon dieu, je ne m'étais toujours pas réveillée, j'avais juste quitté le plateau de tournage pour me retrouver sur un autre, pour une scène bien différente.
Il s'écarta du mur d'un coup d'épaule et s'approcha de moi d'un pas de prédateur ; un chat devenu homme n'aurait pas eu plus d'élégance. Je devais avoir un air franchement ahuri, car il se mit à rire, avant de se pencher vers moi, me regardant par en-dessous.
-Eh bien alors, aurait-on perdu sa langue ? me nargua-t-il.
-N... non ! bredouillai-je.
Il me mettait mal à l'aise. Son rire résonna à nouveau. Ce n'était pas le rire tout juste vexant d'un ami qui se moquerait gentiment, non. Ce garçon se montrait ouvertement mesquin. Que lui avais-je donc fait ? Je ne le connaissais même pas. Il était peut-être le danger auquel je m'étais attendue – seulement il n'avait pas la forme que je lui avais imaginée. Finalement, c'était peut-être plus effrayant ainsi.
Je reculai d'un pas, il avança d'autant. Il était soudain devenu sérieux et ses yeux me dévisageaient avec une insistance dérangeante. Est-ce que je pouvais crier à l'aide, maintenant ? Non, j'aurais eu l'air infiniment plus ridicule que toute seule, perdue dans les couloirs. Et je n'étais pas sûre que quiconque puisse m'entendre, à part lui ; cela l'aurait sans aucun doute énormément amusé.
-Tout va bien, Andréa ? demanda-t-il, plissant les yeux d'un air... inquiet ?
Quoi ? Je ne comprenais rien à ce retournement de situation, mais j'avais tilté sur le nom qu'il m'avait donné – je me souvins vaguement que la fille, un peu plus tôt, m'avait très probablement donné le même. Un nom qui n'était pas le mien ; pas vraiment. Je commençais à comprendre – et je n'étais pas sûre d'apprécier la farce.
Je reculai jusqu'à me cogner le dos contre le battant de la porte. A cette distance, j'avais tout loisir d'étudier son visage, et j'eus la certitude que je ne m'étais pas trompée. Il avait beau paraître bien plus jeune, j'avais devant moi un Jonathan Brandis plus vrai que nature.
-On dirait que tu as peur... remarqua-t-il à voix basse.
Non, je n'avais pas peur. J'étais terrifiée. Toutes les pièces du puzzle se mettaient en place et formaient sous mes yeux un dessin hautement improbable – un schéma parfaitement impossible. Je devenais folle, il n'y avait pas d'autre explication.
-Il s'est passé quelque chose ? demanda-t-il.
Il s'approcha d'un pas, toute trace de sarcasme disparu de son visage. Je m'éloignai vivement.
-Ne m'approche pas ! m'écriai-je, sur la défensive.
Il s'arrêta, son expression trahissant l'incompréhension. Je n'en avais rien à faire. Qu'il reste où il était, le temps que je me réveille – mais je le savais, à présent : je ne me réveillerais pas. Parce que je ne dormais plus depuis longtemps. Tout ce que je vivais ici était réel ; aussi dément que cela puisse paraître. J'avais devant moi la réplique exacte de l'un des acteurs les plus craquants d'Hollywood ; je me trouvais sur le perron d'un château gigantissime dégorgeant de mystères et d'objets bizarres. J'avais atterri dans un autre monde, et pas n'importe lequel.
-Eh Andréa, ça va maintenant, tes âneries, s'emporta-t-il. Qu'est-ce que tu m'inventes, cette fois ? Tu arrives largement en retard, essoufflée comme si tu avais couru tout le château, et tu te payes le luxe de me faire une scène complètement absurde. Tu as fait un cauchemar ? Tu as décidé de voir à quel point tu pouvais te foutre de ma tête ?
Sa tirade me laissa totalement indifférente, tant je ne me sentais pas concernée par cette colère injustifiée. Il croisa les bras sur son torse et me toisa, le regard étincelant. Il était furax ; j'étais tétanisée.
-Ça n'a rien de drôle, reprit-il. Tu as déjà fait mieux que ça. A moins que la courageuse Gryffondor ait eu peur d'un... fantôme ?
La blague que je trouvais d'un goût douteux devait lui sembler hilarante ; ses lèvres s'étirèrent en un sourire carnassier qui me fit frémir. Il se fichait réellement de moi, je sentais son mépris avec tant de force que j'aurais presque pu le toucher. Eh... pourquoi tant de haine ?
-Je...
Tout allait de travers. J'étais perdue, et misérablement rejetée par la seule personne qui aurait pu m'aider à y voir un peu plus clair. Son sourire se fana légèrement, mais ma vue se brouilla en même temps. Mes tremblements s'intensifièrent tant et si bien que j'eus l'impression de tomber. Il se précipita vers moi – peut-être tombais-je vraiment.
-Andréa !
-Je ne m'appelle pas Andréa ! hurlai-je en me dégageant, titubant de quelques pas pour m'écarter de lui.
J'essuyai mes joues d'un geste rageur, me retenant d'une main contre la porte. Il avait repris son expression furieuse ; son regard noir était proprement terrifiant, même sur le visage de cet acteur pourtant extrêmement beau. J'ignorais ce qui le mettait autant en boule, mais j'avais visiblement dit quelque chose qu'il ne fallait pas.
-Ca suffit, Andréa. Sérieusement, ça suffit, gronda-t-il. Je ne sais pas ce que tu as, ce soir, mais je crois qu'on ferait mieux de s'en tenir là. Je n'apprécie pas beaucoup ton attitude.
Quoi ? Mais c'était lui qui me cherchait, depuis que j'étais arrivée ! Il se fichait de moi ?
-Et moi, c'est toi que je n'apprécie pas ! répliquai-je. Qui es-tu ? Qu'est-ce que tu me veux ?
Il fronça les sourcils, sans me quitter de son regard noir.
-Ne te fiche pas de moi, Andréa, arrête ça tout de suite.
-Je t'ai déjà dit que je ne m'appelais pas Andréa ! Je m'appelle Alice ! Alice !
Mes paroles obtinrent enfin une réaction cohérente. Il écarquilla les yeux et me fixa comme s'il me voyait pour la première fois – ce qui, pour moi, était le cas.
-Et toi, ton nom ? continuai-je, la voix montant malgré moi dans les aigus ; je savais que je cédais à l'hystérie, mais j'étais incapable de me calmer. Tu ressembles à Jonathan Brandis mais tu n'es pas lui, qui es-tu ?
-Jesse Jasper, murmura-t-il, à peine audible.
Mon souffle se bloqua quelque part dans mes poumons ; il ne faisait que confirmer à haute voix les soupçons que j'essayais en vain d'étouffer depuis quelques minutes. Il grimaça devant mon air interloqué, comme s'il s'était attendu à quelque chose dans le genre.
-Tu mens, réussis-je enfin à dire, d'une voix étranglée, hideuse.
Oui, il s'y était attendu. Il marmonna un juron avant de soupirer profondément, les yeux fermés.
-Je suis Jesse Jasper, insista-t-il. Ou presque...
-Tu mens ! Tu mens ! Tu mens !
Je répétai cette phrase sans fin, comme pour m'en convaincre, même si je savais au fond de moi qu'il disait la vérité. Je n'avais plus conscience de rien ; la fatigue me rattrapait et m'abrutissait. En une seconde, Jesse Jasper, ou qui qu'il fût, avait pointé vers moi un fin bâton de bois et, presque immédiatement, je sombrai dans le néant.
Prologue : Fin
