Le jeune homme se réveilla en sursaut, en proie à un mauvais rêve. Une fine pellicule de sueur couvrait son visage et son buste et son souffle était précipité. Il ne se rappelait pas exactement de ce qu'il y avait vu mais une impression de malaise persistait. Fermant les yeux, il se força à respirer plus calmement... puis les rouvrit brusquement car son esprit venait brusquement de se rendre compte de quelque chose de plutôt inquiétant : rien de ce qu'il voyait autour de lui dans la semi pénombre, ne lui rappelait quoi que ce soit. Ni le grand miroir face au lit, ni la baie vitrée opacifiée par d'épais rideau, ni même l'homme endormi à ses côtés. Il n'avait pas la moindre... Attendez, une minute... Comment ça un homme endormi à ses côtés ?! Pris de panique, le jeune homme s'éjecta littéralement dudit lit, les yeux exorbités, en retenant à grand peine un cri fort peu masculin.
Le mouvement tira à son tour du sommeil le deuxième occupant du lit, qui se redressa en position assise.
- Qu'est ce que tu fabrique, Yuta ? marmonna-t-il. Tu as vu l'heure alors qu'on est dimanche ? Reviens te coucher.
- Mais qui êtes-vous ?! Où suis-je ?! questionna le jeune homme, d'autant plus paniqué que l'inconnu connaissait son prénom.
- Super marrant... Allez grouille-toi de revenir je peux pas dormir si t'es pas dans le lit.
- MaisMaisMais...
- Dépêche-toi ou je te ramène moi-même et sera moins fun.
Mais toujours effrayé, le dénommé Yuta se contenta simplement de reculer jusqu'à la porte, comme mû par un instinct de conservation. Remarquant ça, le second homme soupire.
- Qu'est ce qui t'arrive exactement ? C'est moi Ryo. Ton mari. Pas un inconnu.
À ces mots, l'étonnement de Yuta se mua en stupeur.
- Mon quoi ?! dit-il, la voix détaillant dans les aigus.
- Ton mari. Ne me dis pas que tu as tout oublié quand même. C'est très vexant.
- Je ne comprends rien ! De quoi vous parlez ?! Je ne vous connais pas !
- Tu ne devrais pas boire autant, regarde ce que ça donne ensuite. Allez maintenant, reviens dans le lit, je ne vais pas le répéter.
- Mais vous êtes dingue ! C'est vous qui avez bu !
Tout en parlant, il tritura la poignée de la porte, qui s'ouvrit soudainement, manquant lui faire perdre l'équilibre et Yuta prit la fuite dans un long couloir clair percé de larges fenêtres. Il était pieds nus et seulement vêtu d'un boxer, mais il s'en moquait. Pour le moment, ce qui importait était de mettre de la distance entre lui et cet illuminé. Son mari ?! Et puis quoi encore ?! Il avait un sacré grain ce type.
Tout en courant, il finit par déboucher sur un vaste salon décoré avec goût... dans lequel six autres hommes étaient rassemblés autour d'une table de petit-déjeuner.
- Regardez qui voilà, fait alors l'un d'eux en le regardant. Ryo t'as lâché ?
- En tout cas c'est une vision agréable dès le matin, déclare un second en référence à sa quasi absence de tenue.
- Je l'ai pas lâché, grogne alors ledit Ryo en apparaissant à son tour. Il s'est sauvé.
- Tu lui as fait peur à ce point ? demande un troisième, amusé. Je t'ai déjà dis que tu étais trop brusque.
- Ça n'a rien à voir avec moi. Enfin si mais en fait je crois qu'il ne se souvient de rien.
- De rien du tout ?
- Apparemment non.
- Hé Yuta, tu sais qui je suis ? demande l'un de ceux n'ayant pas encore parlé.
- Je ne connais aucun de vous ! répondit le concerné, de plus en plus perturbé.
- On est pourtant tes maris, rétorque tranquillement un autre, occupé à se servir du café posé sur une desserte.
- QUOI ?!
- Merde tu avais raison, Ryo, il ne se souvient vraiment de rien du tout. Ça ne va pas arranger nos affaires ça. Comment on va faire ?
- Avant de penser à nous, on devrait plutôt penser à lui, intervient un autre. S'il ne se souvient de rien, il doit être terrorisé. Je suis Maruyama Ryuhei, ajoute-t-il à l'intention de leur compagnon éberlué. Viens je te ramène à ta chambre, que tu puisse t'habiller.
Complètement abasourdi par l'énormité de la situation, Yuta laissa son regard errer un instant sur chacun des hommes que d'après leurs dires, il était censé avoir épousé sans en avoir aucun souvenir. Il ne comprenait d'ailleurs pas comment il pouvait avoir légalement épousé sept personnes et surtout des hommes. À son avis la réponse était claire : ils n'en avaient pas l'air mais ils étaient tous complètement fous. Il fallait qu'il trouve un moyen d'échapper à leur emprise et de rentrer chez lui. Il avait du travail en quantité et surtout une dette colossale à éponger alors il ne pouvait pas se permettre de gâcher de précieuses heures ici. Où que se trouve cet "ici". Il fallait juste qu'il trouve le chemin jusqu'à la porte d'entrée. Ce qui ne serait visiblement pas si facile étant donné le nombre de couloirs à travers lesquels il venait de passer à la suite de Maruyama. Cette maison était gigantesque.
Finalement, tous deux parvinrent jusqu'à une porte, que son guide ouvrit.
- C'est ta chambre. Tu peux y faire ce qui te plaît. Ton armoire est pleine de vêtements. Change-toi, je t'attends.
Toujours sous le choc, Yuta se contenta de hocher la tête et pénétra dans une pièce plus grande que son propre appartement, pourvu d'un énorme lit et percé d'une très grande fenêtre à travers laquelle le soleil entrait à flot. Mais ce décors agréable ne l'intéressait pas. Tout ce qu'il voulait c'était sortir de cet asile de luxe. Ouvrant l'armoire mentionnée par Maruyama , il en tira les premiers vêtements qui lui tombèrent sous la main, à savoir un Jean, un t-shirt blanc avec des écritures stylisées noires et une chemise à carreaux qu'il laissa ouverte dessus. Des baskets noires toutes simples vinrent compléter cette tenue parfaite pour une évasion. Le tout serait de réussir à fausser compagnie à son gardien du moment.
- Oh ça te va très bien, sourit Maruyama. Tu viens on retourne au salon.
Il rebroussa donc chemin et se dirigea vers l'entrée de la maison sans se douter une minute des idées qui agitaient son jeune mari. Mari qui prit la poudre d'escampette au premier tournant, à la grande surprise du plus vieux qui se mit à l'appeler tout en le poursuivant. Mais Yuta était rapide et il se retrouva forcé d'appeler ses amis au secours pour retrouver le fuyard.
- Bon sang Maru qu'est ce que tu fabrique avec lui ?! râla alors Ryo. On peut rien te confier !
- Pas la peine de t'en prendre à lui, temporisa . Retrouvons plutôt Yuta c'est le plus important.
Le petit groupe s'éparpilla donc, mais il ne fallut guère de temps avant que l'un d'eux ne retrouve le pauvre Yuta, bloqué au fond d'un couloir se terminant en cul de sac par une fenêtre en avancée.
- Pris au piège comme une pauvre petite souris... fit l'un d'eux d'un ton cruel. Maintenant on va arrêter de jouer et être raisonnable. Dépêche-toi de me suivre ou je devrais être moins sympa.
- Non ! Vous êtes tous dingues j'ai aucune raison de rester ici !
- Ah non ? Ryo, occupes-t-en.
Le dénommé Ryo, qui s'était présenté comme le premier mari de Yuta, jura et fondit sur le plus jeune, avant de se baisser pour le saisir par les genoux et de le jeter sur son épaule comme un sac pour le ramener de force au salon.
Pris par surprise, Yuta ne réagit tout d'abord pas, puis se mit à se débattre en bourrant le dos de son kidnappeur de coups de poings.
- Mais tu vas te calmer, oui ?! râla le concerné. Sinon je t'assomme. Et je n'hésiterais pas une minute.
Humilié par la position mais pas masochiste au point de risquer des coups, Yuta s'immobilisa pourtant et se laissa transporter comme un sac jusqu'à la chaise où Ryo le lâcha avec plus ou moins de douceur, puis ils firent tous cercle autour de lui, empêchant toute éventuelle nouvelle tentative de fuite.
- Bon... Maintenant que nous avons toute ton attention, nous allons te résumer la situation puisque tu semble n'en avoir aucun souvenir. Tes parents sont morts en te laissant une dette de quatre millions de yens et depuis tu trime comme un esclave pour donner chaque mois quelques milliers de yens. Nous avons tous payé cette dette, donc tu n'as plus besoin de t'épuiser.
- Quoi ?!
- Mais en contrepartie, tu es notre mari à tous et puisque nous t'avons... "acheté" à part égale, tu appartiens donc à chacun de nous.
- - Mais vous... Comment vous avez su ça ?! Comment vous me connaissez ?! Et pourquoi vous avez fait ça ?! C'est complètement insensé !
- En fait nous avons tous besoin d'être mariés pour notre travail, continua le premier sans tenir compte de ses questions. Il faudra donc que tu accompagne celui de nous qui en fera la demande où il le souhaitera.
- Et chaque soir, tu devras choisir celui de nous avec lequel tu passeras la nuit.
- Quoi ?! Mais je suis pas un...
- Ne monte pas sur tes grands chevaux. Personne ne te demande de... lui offrir ton corps. Simplement de décider avec qui dormir.
- Et... ça va durer combien de temps ?
- Jusqu'à ce que nous jugions que ta dette est payée.
- Maintenant que tu sais tout, nous allons nous représenter puisque tu as oublié nos identités respectives.
Après ce déluge d'informations plutôt perturbantes, il fallut que Yuta apprenne les noms de chacun de ses maris : celui qui l'avait soulevé était Nishikido Ryo, un avocat. Le gentil à qui il avait faussé compagnie était Maruyama Ryuhei, un chanteur. Le froid qui lui avait expliqué sa situation s'appelait Shibutani Subaru, un homme d'affaires. Pour les autres, qui lui avaient parlé il s'agissait de Yokoyama Yu, un réalisateur ; Okura Tadayoshi, un journaliste ; Murakami Shingo, un médecin et Yasuda Shota, un acteur.
Il ne s'en souviendrait jamais, ils étaient trop nombreux et surtout... à cause de la dette, il leur était désormais lié.
