DISCLAIMER : Tous les personnages et l'univers de Harry Potter appartiennent à JK Rowling.

Rating : M

Genre : romance / slash / Yaoi


Bonjour à tous !

Comme je vous l'avais promis, voici la livraison de Noël 2016 ! Postée à minuit et une minute rien que pour faire plaisir à Line M. !

Ce devait être un OS. Hum... Il fait 92 pages word... difficile d'appeler encore ça un OS. Je l'ai donc divisé en quatre parties que je publierai chaque jour à partir d'aujourd'hui.

L'histoire fait des allers et retours dans le temps, donc soyez attentifs aux dates !

C'est un peu moins guimauve que mes deux autres fics de Noël mais ça reste tout de même de la romance avec tout ce que ça implique de bons sentiments.

Pour le reste, ça ne change pas :

- HPDM/DMHP

- Rating M

- Slash/yaoi : évocation de relations homosexuelles. Homophobes de tous horizons, vous n'êtes pas les bienvenus. Esprits purs et chastes qui rougissez quand on parle de sexe, abstenez-vous.

Je vous souhaite à tous un très joyeux Noël !


Pour Line M. Une lectrice magique.

I'll be home for Christmas

Je serai à la maison pour Noël

You can plan on me

Tu peux compter sur moi

Please have snow and mistletoe

Faite qu'il y ait de la neige et du gui

And presents 'neath the tree

Et des cadeaux sous le sapin

Christmas eve will find me

Le réveillon de Noël me trouvera

Where the love light gleams

Où la lumière de l'amour scintille

I'll be home for Christmas

Je serai à la maison pour Noël

If only in my dreams

Si seulement dans mes rêves

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Partie I – Le visiteur

23 décembre 2019 - Maison de Harry Potter, Pré-au-Lard

-Papa ! La fée est cachée derrière le troll, ça ne va pas du tout !

Harry regarda Lily s'avancer vers le sapin d'un pas résolu et l'air mécontent. Avec délicatesse, elle décrocha la figurine représentant une petite fée bleue toute scintillante et la replaça bien en évidence sur une autre branche.

-Voilà ! Comme ça, c'est mieux !

- Tu as raison, ma puce, dit Harry en embrassant sa fille sur le sommet du crâne. Qu'est-ce que je ferais sans toi ?

- Qu'est-ce qu'on aurait la paix surtout, murmura James à son frère.

Aussitôt eut-il prononcé ces paroles qu'un coussin s'écrasa sur sa tête.

-Hé !

- Attends quand Maman m'aura appris le Maléfice de Chauve-furie !

- Apprends déjà à tenir ta baguette du bon côté…

- PAPAAAAAAAA !

- James, arrête d'embêter ta sœur. Et toi Lily, arrête de geindre, tu sais que j'ai horreur de ça.

- Mais…

- Ça suffit tous les deux !

Harry haussait rarement le ton sur ses enfants mais quand il le faisait, chacun savait qu'ils devaient se tenir à carreau.

-Papa, on peut allumer les lampes maintenant ? demanda Albus pour faire diversion.

- Attends ! Il reste l'étoile ! On doit absolument mettre l'étoile avant d'allumer ! s'écria Lily.

Ce faisant, elle plongea les mains dans un des nombreux cartons qui traînaient au sol et en sortit une boîte carrée qu'elle remit à son père.

-Tiens Papa !

Elle savait que son père tenait à cette étoile plus qu'à n'importe quelle autre décoration de Noël. James, Albus et elle se gardaient donc bien d'y toucher, de crainte de la casser.

Harry prit la boîte et souleva lentement le couvercle. Il écarta les épaisseurs de papier de soie qui recouvraient l'objet, faisant apparaître une magnifique étoile à huit branches, tout en cristal. Une belle lueur argentée pulsait à l'intérieur, un peu comme un cœur qui bat. Le jour où il l'avait reçue, il s'était émerveillé de sa lueur chaude et dorée comme le soleil. Malheureusement, cela faisait bien longtemps qu'elle ne brillait plus que d'un éclat froid.

Huit ans exactement.

Comme à chaque fois, son cœur se serra à ce souvenir.

Il prit un escabeau et grimpa dessus afin de fixer consciencieusement l'étoile au sommet du sapin.

-Pourquoi tu n'utilises pas la magie ? demanda Albus.

- On ne doit pas toujours utiliser la magie pour tout faire, répondit Harry. Il y a certaines choses qui donnent plus de satisfaction quand on les fait soi-même.

- Ben moi, je ne vois pas lesquelles, dit James.

- Un jour, tu comprendras.

Sur ces paroles terriblement agaçantes pour un adolescent de 16 ans, Harry descendit de son perchoir et recula pour vérifier que tout était bien en place. A l'aide de sa baguette cette fois, il murmura :

-Lumos festis !

Aussitôt, des centaines de petits points lumineux, blancs et colorés apparurent entre les branches du sapin.

-Wahooooouu ! Il est encore plus beau que l'année passée, dit Albus.

- Oui, on a fait du bon travail, tous les quatre !

Harry attira ses enfants à lui, dans une étreinte réconfortante. Ils restèrent ainsi, enlacés les uns aux autres, durant plusieurs minutes, à contempler la magie de Noël qui opérait.

Il alla ensuite préparer des tasses de chocolat chaud à la cannelle et aux marshmallows, qu'ils dégustèrent, installés dans le canapé, en chantant à tue-tête les airs de Noël que la chaîne stéréo diffusait.

-Allez, les enfants, dit Harry quand les tasses furent vides. Il est temps de préparer vos affaires. Votre mère ne va pas tarder.

- J'ai pas envie de partir, dit Lily.

- Lily ! Ta maman n'a que les vacances pour te voir, toi et tes frères ! Ça lui ferait beaucoup de peine de t'entendre dire ça.

Après dix ans de vie commune, Harry et Ginny avait divorcé en novembre 2009. Avec de la peine certes, mais sans haine et sans reproche. Le temps avait seulement fait son œuvre. Il avait émoussé la passion, balayé les certitudes et réveillé des désirs enfouis. De leur amour d'adolescents, que tout le monde s'accordait à penser indestructible, il ne restait qu'une profonde tendresse et trois beaux enfants. Deux garçons, ardemment désirés, et une petite fille dont l'arrivée fut imprévue mais qui ne changea rien au douloureux constat qu'ils n'étaient plus vraiment heureux ensemble.

La séparation se fit en douceur et la garde des enfants fut gérée de commun accord, au gré de ce que permettaient un poste d'enseignant à Poudlard et les responsabilités d'une rédactrice en chef à la Gazette du Sorcier. C'était la raison principale pour laquelle Harry, alors qu'il disposait d'un appartement confortable à Poudlard, avait acheté une maison à Pré-au-Lard, afin de pouvoir s'occuper de ses enfants le weekend et durant les vacances quand sa présence à Poudlard n'était pas requise.

Encore aujourd'hui, Harry aimait à croire que James, Albus et Lily n'avaient pas trop souffert de la situation.

-Et puis, je suis persuadé que tu vas bien t'amuser chez ton oncle Charlie, continua-t-il avec enthousiasme. Tous les Weasley seront là et tu pourras voir tous tes cousins !

- Je me fiche des cousins ! Je ne veux pas que tu sois tout seul pour Noël ! insista la petite fille.

- Lily, on en a déjà parlé. Ça ne me dérange pas d'être seul… et puis, rien ne m'empêche d'aller à Poudlard passer la soirée avec les autres professeurs.

- Je sais très bien tu ne le feras pas ! Tu vas rester ici et tu seras tout triste, comme d'habitude !

- Quoi ? Mais non, je…

Lily fixa son père avec un sérieux bien trop important pour une enfant de onze ans.

-Pourquoi tu es toujours triste à Noël ?

Harry fut incapable de répondre, une boule douloureuse venait de se former dans sa gorge.

-Viens, Lily, dit Albus. On va ranger nos affaires.

- Mais…

- Lily ! dit sèchement James. Tais-toi maintenant.

Il poussa doucement mais fermement sa sœur hors du salon.

Harry ne fit aucun commentaire. Il se contenta de regarder par la fenêtre la neige qui tombait en abondance, perdu dans ses pensées. Lily était trop petite quand ça s'était passé. Elle n'en gardait pas un souvenir précis. Albus non plus. Mais James, oui.

Dans les haut-parleurs, les accords joyeux de Frosty the Snowman, laissaient la place à une mélodie plus douce.

I'll be home for Christmas,

You can plan on me…

Harry serra les poings et ferma les yeux, submergé par une peine si ancienne et pourtant si violente qu'elle semblait dater de la veille.

I'll be home for Christmas…

Exactement ce qu'il lui avait dit ce jour-là.

-Je serai à la maison pour Noël.

- Tu le promets ?

- Harry…

- Promets-le !

- Allons Harry. Ne fais pas l'enfant.

Au moment où il prononçait ces mots, Harry avait su. Au plus profond de lui, il avait su qu'il ne reviendrait pas. Mais il avait étouffé ses craintes et il avait espéré. Un espoir qui l'avait rongé durant des mois. Et qui revenait le hanter chaque année, à Noël.

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23 décembre 2019 – Chemin de Traverse, Londres sorcier

L'homme marchait vite. Sa cape en riche étoffe bleu nuit fouettait l'air à chacun de ses pas. Ses longs cheveux blond clair, attachés sur sa nuque par un ruban noir, dansaient au milieu de son dos et sa canne à pommeau d'argent martelait le pavé à intervalles réguliers.

Il n'avait pas envie de s'attarder plus longtemps que nécessaire dans cet endroit encombré d'une populace débordante de bonne humeur, comme toujours à l'approche des fêtes.

Lui détestait Noël. Ses relents de dinde farcie aux marrons, ses chants mièvres et écœurants de bons sentiments, ses décorations criardes et sans aucune distinction.

-A vot' bon cœur, M'sieur ! dit un vieil homme en agitant sous son nez une timbale en fer blanc. Pour l'hospice de Sainte-Mangouste…

- Otez-vous de mon chemin ! jeta-t-il sèchement.

Bon sang, qu'avait-il fait à Merlin pour se retrouver sur le Chemin de Traverse, la veille du réveillon ? Et depuis quand un Malefoy était-il obligé d'arpenter le pavé pour aller lui-même acheter le cadeau de Noël de son fils ?

Stupide bonne femme ! Il se jura de la virer dès son retour de congé. Jamais il n'avait rencontré pareille incompétente ! Sa précédente secrétaire s'était toujours chargée d'acheter les cadeaux, que ce soit pour son fils, sa mère ou les clients de l'entreprise. Pourquoi cette dinde écervelée n'était pas capable de faire la même chose ? Il était l'administrateur général du plus grand laboratoire sorcier de Grande-Bretagne, il avait bien mieux à faire que de courir les magasins !

Il ruminait encore sa colère quand il fut bousculé par une femme mal fagotée qui lui dit, avec une voix de crécelle :

-Monsieur ! Une pièce pour les plus démunis !

- Poussez-vous ! grogna-t-il. Je n'ai pas que ça à faire !

Sans attendre, il s'engouffra dans la boutique la plus proche. Au moins ici, les mendiants cesseraient de le harceler pour lui soutirer de l'argent.

-Bonsoir Monsieur, je peux vous aider ?

Draco Malefoy se tourna vers le vendeur qui venait de l'interpeller. Il se rendit compte au même moment qu'il était entré au « Paradis du Quidditch ». Le hasard faisait parfois bien les choses.

-Oh ! Monsieur Malefoy, rajouta le vendeur avec obséquiosité. Soyez le bienvenu. Que puis-je faire pour vous ?

- Je cherche un cadeau pour mon fils. Un balai… Oui, c'est ça. Un balai.

- Excellente idée ! Quel âge a le jeune Monsieur Malefoy ?

Quel âge avait Scorpius ? Merlin… Treize ans ? Non quatorze.

-Quatorze ans.

- Hm… Je peux vous conseiller le Nimbus 6000 ou bien l'Eclair de Feu VI. Il est un peu plus cher mais beaucoup plus performant !

- Parfait. Je prends l'Eclair de Feu.

- Excellent choix, Monsieur !

Draco régla les 320 gallions que coûtait l'engin sans sourciller.

-Vous livrez hors de Grande-Bretagne ?

- Bien sûr, Monsieur. A quelle adresse ?

- 6547 Freemont Street, Boston.

Scorpius suivait sa scolarité à Ilvermorny, l'école de sorcellerie nord-américaine, située dans le Massachussetts. Il n'était plus revenu en Angleterre depuis sept ans, préférant rester près de sa mère, installée à Boston depuis son divorce. A quoi bon revenir, puisque Draco, trop pris par ses recherches et son laboratoire, n'avait jamais de temps à lui consacrer.

Draco Malefoy et Astoria Greengrass s'étaient séparés rapidement après la naissance de leur fils. Il était inutile de faire perdurer un mariage de façade dès lors qu'ils avaient rempli leur tâche. Leur séparation coïncida avec le moment où Draco accepta le poste de professeur de potions à Poudlard. Malgré la distance et la contrainte liée à ses horaires de travail, il avait essayé, tant bien que mal d'exister dans la vie de son fils. A vrai dire, il ne s'en était pas trop mal sorti, surtout les derniers mois avant que…

Enfin, bref. Il ne voulait plus penser à ça. Il avait eu raison de démissionner de son médiocre poste d'enseignant pour fonder son propre laboratoire. Sa vie avait radicalement changé. Il était devenu quelqu'un de respecté. Et de puissant. Ça en valait la peine. Même s'il n'avait plus vu son fils depuis sept ans. Même si ça l'avait séparé de…

-Monsieur ?

Draco sortit de ses pensées.

-Vous disiez ?

- Je vous demandais s'il fallait ajouter une carte d'accompagnement ?

- Oui. Tenez.

Le vendeur haussa un sourcil en prenant le petit bristol.

Malefoy Laboratories & Research Inc.

Draco L. Malefoy

Administrateur Général

-Hum… Vous ne souhaitez... rien… indiquer d'autre ? demanda prudemment le vendeur.

Draco le regarda avec perplexité avant de s'emparer d'une plume posée sur le comptoir. Au dos du carton, il griffonna, d'une écriture fine et racée, un simple « Joyeux Noël ». Cela faisait bien longtemps que son fils et lui n'avaient plus rien à se dire, hormis quelques banalités à l'occasion des fêtes ou des anniversaires.

-Voilà.

Le vendeur ne fit aucun commentaire, se contentant de sourire et de remercier son client pour son achat. Il lui promit également que le paquet arriverait en temps et en heure à destination.

Draco sortit du magasin, très satisfait. Satisfaction de courte de durée quand il remarqua qu'il s'était mis à neiger et que cela rendait les gens encore plus excités que l'instant d'avant. Il referma sur lui les pans de sa cape et examina les alentours en quête d'un endroit moins bondé, d'où il pourrait transplaner sans risque d'être bousculé. Alors qu'il avisait la devanture déserte de « Au bon Chaudron » – le chaudron ne semblait définitivement pas un cadeau très couru pour les fêtes – son oreille fut irrémédiablement attirée par le chant d'une petite chorale amateur, postée non loin de là.

I'll be home for Christmas,

You can plan on me…

Tout son corps se tendit, submergé par une vague de souvenirs, tous plus vivaces les uns que les autres. Un en particulier.

I'll be home for Christmas…

Exactement ce qu'il lui avait dit ce jour-là. Cette conversation, il s'en souvenait comme si c'était hier.

-Quoi ? Tu veux y retourner ?

- Bon sang, Harry ! Tu ne comprends pas que c'est une chance pour moi ? Intégrer l'Institut International de Recherches Magiques, c'est… inespéré ! Leur département de potions est le plus réputé de tous ! Je vais pouvoir apprendre des choses là-bas que je n'apprendrais nulle part ailleurs !

- Pour quoi faire ? Le programme des cours de potions est imposé par le Ministère !

Le ton dédaigneux de Harry blessa Draco au plus haut point.

-Qui te dit que je veux rester professeur de potions toute ma vie ?

- Quoi ? Mais… tu ne m'as jamais dit que…

- Harry, ne t'énerve pas. J'y retourne pour trois mois et après on verra.

- Et tes cours ?

- Minerva m'a trouvé un remplaçant.

- Donc Minerva était au courant avant moi. Tout est planifié, je n'ai plus qu'à m'incliner.

- Harry, ne le prends pas comme ça…

- JE LE PRENDS COMME JE VEUX ! MERDE ! CA FAIT PRESQU'UN AN QU'ON EST ENSEMBLE ! J'ESTIME QUE TU AURAIS PU M'EN PARLER AVANT !

- JE L'AI FAIT ! MAIS A CHAQUE FOIS TU DETOURNAIS LA CONVERSATION ! TU FAISAIS COMME SI TU N'AVAIS RIEN ENTENDU ! JE T'EN AI PARLE HARRY ! DES DIZAINES DE FOIS !

Harry resta silencieux, conscient qu'il n'avait rien à répondre à ça.

-Tu promets de revenir ?

- Je serai à la maison pour Noël.

- Tu le promets ?

- Harry…

- Promets-le !

- Allons Harry. Ne fais pas l'enfant.

« Je serai à la maison pour Noël ». Il s'entendait encore prononcer ces mots alors qu'il savait que c'était un mensonge.

Draco ferma les yeux plus fort, luttant contre un terrible sentiment d'oppression. Il fallait qu'il parte d'ici. Qu'il rentre chez lui.

Il allait bifurquer vers le magasin de chaudrons, toujours aussi désert, quand il se trouva nez-à-nez avec un jeune homme. Ou bien était-ce un adolescent, c'était difficile à dire. L'air grave, il se tenait entre un brasero et un trépied sur lequel était posée une petite urne circulaire. Draco aurait juré qu'il n'était pas là l'instant d'avant.

-Pour le Noël des orphelins, dit-il en fixant Draco sans ciller.

Draco ne pouvait détacher son regard de son visage. Il était incapable de lui donner un âge. Il ressemblait à un enfant mais son regard était celui d'un homme de cent ans. Il avait des cheveux ébène en bataille et des yeux d'un bleu-gris limpide. Son teint de porcelaine accentuait encore la finesse de ses traits. Il y avait chez ce garçon quelque chose de familier. Et de terriblement angoissant à la fois.

-Monsieur… Pour le Noël des orphelins, répéta-t-il.

D'un geste lent, presque comme s'il n'était plus maître de son propre corps, Draco porta la main à la poche de sa cape et en sortit un gallion. Le bruit que fit la pièce en tombant dans l'urne d'étain le sortit de sa torpeur.

-Merci Monsieur, dit le garçon. Merci pour les orphelins.

Et il sourit. D'un sourire si lumineux qu'il semblait éclairer toute la rue. Un sourire magnifique, si semblable au sien.

Draco prit peur. Il laissa tomber sa canne et s'enfuit. Il ne songea même plus à transplaner.

Sur le pavé humide, la canne à pommeau d'argent roula lentement aux pieds du garçon. Il se baissa et la ramassa. Il ne prit pas la peine de courir après son propriétaire. Il se contenta de sourire encore et de se fondre dans la foule.

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23 décembre 2019 – Maison de Harry Potter, Pré-au-Lard

Désormais seul dans sa maison, Harry en était à son troisième verre de whisky pur feu et celui-ci commençait à produire l'effet escompté : lui altérer suffisamment la conscience pour que les souvenirs qui revenaient inexorablement à la surface cessent de le faire souffrir. Hypnotisé par le scintillement des lumières du sapin, il se laissa emporter neuf ans en arrière.

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20 décembre 2010 – Ecole de Sorcellerie de Poudlard

D'une baguette ferme et assurée, le professeur Flitwick faisait grimper une étoile large comme une assiette au sommet du sapin de cinq mètres qui trônait dans la Grande Salle. Elle s'y déposa avec grâce avant d'y être fermement arrimée à l'aide d'un autre sort.

-Bien joué, Filius, apprécia Harry. Jamais je ne serais capable d'autant de dextérité, même si ma vie dépendait !

- Merci Harry, répondit le petit professeur de sa voix fluette. Mais il s'agit davantage de délicatesse que de dextérité.

- Oui, et comme chacun sait, la délicatesse n'est pas ton fort, Potter, dit une voix trainante derrière eux.

Il se retourna pour voir Draco Malefoy, nonchalamment appuyé contre le mur. Comme à son habitude, il portait le même complet redingote et robe noires que son illustre prédécesseur.

-Ça c'est ce que tu crois, Malefoy, dit Harry en s'approchant. Je peux être extrêmement délicat quand les circonstances l'exigent.

- Hm. Je demande à voir, murmura Draco.

Harry haussa un sourcil au ton suggestif adopté par Malefoy mais la présence du professeur de sortilèges et de plusieurs élèves l'empêcha de lui répondre comme il le souhaitait. A la place, il lui fit un sourire en coin, un rien séducteur, qui fit instantanément apparaître une lueur de désir dans les prunelles grises. C'était devenu un jeu entre eux. Ils se tournaient autour, flirtaient, attisaient leur jalousie mutuelle mais sans qu'aucun des deux ne se décide à se déclarer à l'autre, de crainte de gâcher tout ce qu'ils étaient parvenus à construire entre eux.

Harry avait repris le poste de professeur de Défense contre les Forces du Mal à la rentrée 2002, après avoir terminé sa formation d'Auror. Draco, lui, était arrivé en décembre 2006, pour reprendre au pied levé le cours de potions, devenu vacant suite au décès inopiné du Professeur Slughorn. Et ce qui devait seulement être un remplacement de quelques mois se transforma en un emploi à durée indéterminée.

Les premières semaines de collaboration avaient été assez éprouvantes pour tout le monde car marquées par une hostilité à peine voilée entre les deux hommes. Après une sévère mise au point par la Directrice, Minerva McGonagall, Potter et Malefoy avaient cessé de s'invectiver pour s'ignorer. Ce n'était pas particulièrement agréable mais beaucoup plus reposant pour leurs collègues.

Ce climat polaire avait perduré encore quelques mois, mais même les couches de glace les plus épaisses finissaient par fondre à un moment ou un autre. Comprenant sans doute – enfin, diront certains – qu'ils avaient grandi et qu'ils n'étaient plus deux adolescents rivaux, instruments d'un conflit qui les dépassaient, ils avaient mis leurs différends de côté.

Ce faisant, ils avaient découvert des aspects de la personnalité de l'autre qu'ils ignoraient jusque-là. La joie de vivre contagieuse de Harry, ses talents culinaires, son incroyable patience avec les enfants. L'humour redoutable de Draco, son intelligence, sa persévérance. Ils s'étaient aussi découvert des intérêts communs. Le Quidditch évidemment, le cinéma moldu, la cuisine italienne, le chocolat et… les hommes. Ce dernier intérêt, ils l'avaient découvert par hasard, un soir de novembre 2009 où ayant un peu forcé sur l'alcool, ils s'étaient laissés aller aux confidences.

Harry venait de signer les parchemins officialisant son divorce d'avec Ginny et même si la séparation intervenait d'un commun accord, il avait pris un sacré coup au moral. Il avait décidé d'aller se consoler aux Trois Balais devant un verre de whisky pur feu. Le verre avait rencontré trois petits frères quand Malefoy était arrivé à son tour. Il n'avait cependant pas fallu très longtemps pour qu'il le rattrape.

Sans qu'il n'ait rien demandé, Harry lui avait raconté son mariage qui périclitait depuis des mois, la séparation et pour finir le divorce. A la question de savoir pourquoi, Harry lui avait répondu avec la plus grande franchise « je crois que mon truc, c'est les mecs ». Puis il lui raconta que la première fois qu'il s'était senti véritablement attiré par un garçon, il avait dix-neuf ans. Il s'agissait d'un de ses camarades de l'école des Aurors qu'il s'était surpris à mater sous la douche avec beaucoup trop d'insistance. Il avait été horrifié par son comportement et avait demandé Ginny en mariage le soir-même.

Pas perturbé pour une noise, Draco avait expliqué à son tour, qu'il s'était marié par obligation, uniquement pour perpétuer le nom des Malefoy et qu'une fois fait, il s'était séparé de son épouse pour enfin vivre une vie en adéquation avec sa nature. Nature qu'il connaissait et assumait depuis qu'il avait quinze ans.

Les jours qui avaient suivi ces déclarations avinées, Harry avait fait en sorte d'éviter Draco un maximum, tant il était embarrassé. Jusqu'à ce que Draco s'impose dans ses appartements privés pour exiger une explication. Harry avait baragouiné quelque chose d'incohérent que Draco avait balayé d'un revers de main. Il avait fait preuve de bon sens en lui disant qu'ils n'avaient pas à avoir honte de la situation, qu'au contraire, il était heureux d'avoir un ami avec qui il pouvait en parler librement. Comme pour appuyer ses dires, il lui avait tendu la main. Harry avait souri et, cette fois, n'avait pas hésité une seconde avant de la serrer.

-Tu as fini tes cours ? demanda Harry.

- Non. Encore deux heures cet après-midi avec les septièmes années. Le cours de potions avancées. Celui que je préfère.

- Eh bien moi, j'ai fini ! répliqua Harry en levant les bras au ciel comme un gamin. Deux semaines de congé absolument méritées !

Ils sortirent de la Grande Salle, marchant à pas lents le long du couloir.

-Quand est-ce que tu pars ? demanda Draco.

- Dans une heure. Je vais récupérer les enfants chez Ginny et demain, on prend le portoloin pour la Roumanie. J'ai hâte d'y être. Ça va faire cinq mois que je n'ai plus vu Ron et Hermione, tu te rends compte ? Sans parler de Rose et Hugo. Et puis, je suis tellement content de revoir Charlie. Il…

- Oui, je sais, coupa brutalement Draco. Ça fait trois semaines que tu en parles sans arrêt !

- Désolé, dit Harry. Je ne voulais pas t'ennuyer.

- C'est pas ça. C'est juste que… je ne savais pas que ton type de mec était le genre homme des bois.

Harry ne put s'empêcher de rire.

-De un, Charlie n'est pas un homme des bois et de deux, c'est seulement un ami.

- Un ami gay qui t'envoie des lettres chaque semaine et qui trouve tous les prétextes pour venir ici !

- Tu exagères. Il est venu deux fois cette année et c'était exceptionnel. C'était seulement pour…

- Peu importe. Je n'ai plus envie de parler de lui.

- Comme tu veux. Parlons de toi, alors. Tu sais si tu verras ton fils finalement ?

- J'ai reçu un hibou d'Astoria ce matin. Elle me l'amène le 26. Il restera trois jours au Manoir avec ma mère et moi.

- C'est une bonne nouvelle !

- Oui, je trouve aussi, approuva Draco avec un sourire.

Ils arrivèrent à l'intersection d'un couloir.

-Bon, soupira Harry. Je vais aller terminer de préparer mes affaires. Il faut encore que…

- Attends.

Draco regarda à gauche et à droite, puis entraîna Harry à l'écart, dans une salle de classe déserte.

-Avant que tu ne partes, je voulais te donner ça, dit-il en sortant de sa robe une boîte carrée et joliment enrubannée. Vu son contenu fragile, je ne préférais pas le confier à un volatile quelconque, surtout pour l'emmener dans le trou du cul du monde.

Il la mit entre les mains de Harry d'un geste un peu brusque.

A peine eut-il soulevé le couvercle, qu'une douce lumière se diffusa en un halo chaud et doré. Il écarta ensuite le papier de soie pour laisser apparaître le plus bel objet qu'il lui ait été donné de voir.

-Draco… elle… elle est magnifique !

- C'est juste une pointe de sapin, dit Draco en haussant les épaules comme pour minimiser la valeur du présent. Le cristal diffuse une lumière en permanence. C'est un enchantement qui…

- Calor Cordis, murmura Harry.

- Pardon ?

- L'enchantement… c'est calor cordis. La chaleur du cœur.

- Tu… connais… le sort ? ânonna Draco, les yeux écarquillés.

- Oui, je…

Harry ne put poursuivre son explication car une bouche impérieuse venait de se poser sur la sienne, l'empêchant de parler. C'était un baiser exigeant, un peu violent, empreint de possessivité et de jalousie, presque aussi coléreux que l'éclat dans les yeux de Draco quand il se recula.

-Et ça, c'est pour que tu comprennes que tu mérites bien mieux qu'un homme des bois !

Harry leva vers lui des yeux remplis d'incrédulité mais aussi d'espoir. On était très loin de l'idée qu'il s'était fait d'un premier baiser avec Draco, et Merlin savait qu'il s'était fait des idées !

-Draco, murmura-t-il en souriant. Tu dois savoir une chose importante.

- Quoi ?

- Charlie n'est absolument pas mon type d'homme.

- Ah bon.

- Je les préfère plus grands. Plus minces. Et beaucoup, beaucoup plus blonds.

- Oh.

L'instant d'après, ils partageaient le plus doux, le plus voluptueux, le plus parfait des baisers.

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23 décembre 2019 – Manoir Malefoy, Wiltshire

Draco atterrit sur le tapis de son salon sans aucune grâce. Sa course sur le Chemin de Traverse et le transplanage qui avait suivi l'avaient laissé pantelant.

-Poppy !

Il attendit quelques secondes avant de perdre patience.

-Mais où est encore passé ce fichu elfe de maison ? POPPY ! cria-t-il plus fort… avant de se rappeler que c'était son jour de congé payé hebdomadaire.

Comme à chaque fois, il maudit, en termes très fleuris, cet incompétent de Ministre qui avait fait passer une pareille loi et l'ingrate créature qui lui servait de domestique et qui n'avait pas eu le bon goût de refuser de travailler moins.

Agacé, il dégrafa sa cape et la jeta sur un canapé avant de se précipiter sur le bar et se servir un verre de whisky pur feu. Il le vida d'un trait et ignorant la brûlure dans sa gorge, il s'en resservit un deuxième immédiatement.

L'alcool se répandit rapidement dans son sang, calmant un peu les tremblements de ses mains. Il avait rêvé. C'était une illusion et rien d'autre. Ça ne pouvait pas être possible.

-Malefoy, qu'avez-vous fait ?

- C'est une avancée spectaculaire dans la génétique magique, Monsieur ! C'est…

- C'est une aberration ! Vous savez comme moi que l'expérimentation génétique est interdite !

- Mais…

- Il est hors de question que l'Institut finance et approuve ce genre de recherches ! Détruisez-le !

- Quoi ? Mais c'est…

- J'ai dit : détruisez-le ! Ainsi que toutes vos notes. Personne ne doit jamais savoir ce que vous avez fait.

- Oui, Monsieur.

- Une dernière chose, Malefoy. Vous êtes viré.

Il avait obéi. Sous l'œil inquisiteur de son supérieur, il avait détruit tout son travail. Ses notes, ses croquis, ses rapports d'expérimentation. Et la fiole contenant le sujet. Puis, il avait rassemblé le reste de ses affaires et il était parti. Le mois d'après, il créait son propre laboratoire, convaincu de pouvoir reprendre ses recherches. Il ne l'avait pourtant jamais fait. Oh, il se souvenait parfaitement de tout, là n'était pas le problème. Ses notes étaient intactes dans sa tête. Mais il ne disposait plus du matériel génétique nécessaire, ou du moins d'une partie de celui-ci. Et contrairement à ce qu'il avait cru, il se sentait incapable d'en utiliser un autre. Il s'y refusait même.

Draco inspira longuement, le cœur et les nerfs un peu plus calmes. Il n'y avait aucun doute possible. La fiole avait été détruite. Ce qu'il avait vu au Chemin de Traverse n'était qu'une illusion de son esprit, une réminiscence d'un passé qu'il cherchait à oublier et qui ne cessait de le hanter.

Son verre à la main, il alla s'installer dans un large fauteuil, près de la cheminée, face à l'immense sapin de Noël richement décoré. Il avait beau dire à son elfe qu'il ne voulait aucune décoration de Noël, chaque année, cette satanée créature parvenait à outrepasser ses ordres. A croire que la famille Malefoy était vouée à posséder des elfes désobéissants.

Ses récriminations moururent dans son esprit à mesure que le scintillement des lumières se reflétant sur les boules en verre l'hypnotisait.

-Arrête de rêver Draco et contente-toi d'enseigner les potions…

- Qu'est-ce que tu insinues ?

- Rien du tout. Tu es très doué dans ce que tu fais. Je ne vois pas pourquoi tu veux te perdre dans des… théories fumeuses et irréalistes qui vont te décrédibiliser à coup sûr.

- Ça n'a rien de fumeux !

- On est vraiment obligés de parler de ça ? Parce que là, j'ai terriblement envie que tu utilises ta bouche à autre chose…

Avec rage, Draco fracassa son verre contre le manteau de la cheminée. L'alcool se répandit en longues traînées sur le marbre clair et éclaboussa les flammes qui protestèrent en ronflant bruyamment.

-J'avais réussi, Potter, murmura-t-il pour lui-même. Tu me croyais trop médiocre… et pourtant, j'y étais arrivé.

Le carillon de l'entrée le coupa dans ses réflexions. Qui pouvait bien se présenter à une heure aussi tardive ?

O°O°O°O°O°O°O

23 décembre 2019 – Maison de Harry Potter, Pré-au-Lard

L'esprit embrumé par l'alcool, Harry tanguait entre éveil et somnolence. Il nota vaguement qu'au sommet du sapin, l'étoile de cristal semblait briller de plus en plus fort. Il fronça les sourcils en constatant que ce n'était pas une impression. L'artefact éclairait la pièce quasiment comme en plein jour. Il y eut ensuite un flash de lumière, puis plus rien.

Enfin, plus rien… c'était relatif.

Devant le sapin, se tenait un jeune garçon au teint pâle et aux cheveux ébène. Il était impossible de lui donner un âge.

-Putain de merde ! jura Harry en sursautant. Qui es-tu et que fais-tu ici ? s'écria-t-il en brandissant sa baguette.

- C'est compliqué.

- Compliqué ? Qu'est-ce qui est compliqué ? Me dire ton nom ou ce que tu fais ici ?

- Je n'ai pas de nom. En fait… je n'existe pas.

- Tu te fous de moi ? Tu es là, dans mon salon et je te parle ! Tu existes !

- Disons plutôt que je n'existe pas dans ton monde.

- Ça veut dire quoi, ça ? Tu viens du futur ou une connerie de ce genre ?

- Non, je ne viens pas du futur. Je n'existe pas dans le futur non plus. Je viens d'une dimension parallèle. Une dimension où j'existe mais seulement si on veut me donner une existence.

- Hein ?

Le jeune garçon soupira. C'était pas gagné.

-Harry, tu es un sorcier… tu pratiques la magie… ne peux-tu pas admettre qu'il y a des choses qui dépassent la raison et la logique et les accepter pour ce qu'elles sont ?

- Peut-être mais… j'ai appris à me méfier des types sortis de nulle part et qui me disent qu'ils existent sans exister !

- Je ne suis pas une menace. Je suis simplement venu t'aider à comprendre certaines choses.

- Ah oui ? Lesquelles ?

- La raison pour laquelle Draco n'est jamais revenu.

Harry vacilla. Il tenta de masquer son trouble et raffermir la prise sur sa baguette mais il n'y parvint pas.

-Qui es-tu ? répéta-t-il d'une voix rauque.

- Je suis vous. Je suis toi et lui.

- Ok, je capitule.

Il baissa sa baguette et se laissa retomber dans le divan, la tête entre les mains. Un sanglot s'échappa de sa gorge.

-Je suis devenu fou ! Il a fini par me rendre fou !

- Tu n'es pas fou, dit le garçon d'une voix douce. Tu as juste besoin de comprendre.

Harry redressa la tête et fixa le jeune garçon avec des yeux humides.

-Il m'a quitté ! Il est parti parce qu'il avait rencontré quelqu'un d'autre ! Un certain Lee Osmond, un chercheur qui travaillait avec lui à l'Institut de Recherches Magiques à Lausanne. Il l'a rencontré pendant son stage à l'été 2011. Quand il est rentré au mois d'août, pour m'annoncer qu'il y retournait pour trois mois supplémentaires, il savait déjà qu'il ne reviendrait pas. Je l'ai vu dans ses yeux. Il m'a menti et il est parti comme un lâche. C'est tout ce qu'i comprendre !

- Non, Harry. Ce que tu dois comprendre, c'est pourquoi il t'a quitté pour un autre alors qu'il t'aimait comme un fou. Comme il n'a jamais aimé Lee ou tous les autres qui sont passés après lui.

Harry soupira et fit un vague signe de la main, comme pour inviter le garçon à continuer son explication. Mais celui-ci ne dit rien. Il se contenta de faire tourner ses mains l'une au-dessus de l'autre, jusqu'à ce qu'une sphère laiteuse apparaisse sur sa paume.

-C'est quoi, ça ? réagit Harry. Si c'est une prophétie, je te préviens, tu peux la garder ! J'en ai ma claque des prophéties !

- Ce n'est pas une prophétie, contra calmement le garçon. Juste un souvenir.

Il laissa tomber la sphère sur le sol. Elle ne se brisa pas mais se désagrégea en une brume fine et opaque, au milieu de laquelle Harry pouvait distinguer des images. Quand celles-ci se firent nettes, il se reconnut, Draco et lui, allongés l'un contre l'autre dans un lit, un drap couvrant à peine leurs corps nus.

Harry eut un moment de panique, espérant de tout cœur que le souvenir ne concerne pas l'une des séances de sexe torride dont Draco et lui étaient coutumiers. Il ne voulait en aucun cas visionner une telle chose en présence d'un adolescent. Fort heureusement, la scène semblait se dérouler juste après.

-Tu te souviens, la première fois qu'on a fait l'amour ?

- Comment pourrais-je oublier ! Le 1er janvier. Tu avais débarqué à une heure du matin, soi-disant pour me souhaiter une bonne année. La vérité, c'était que tu voulais seulement savoir si j'avais résisté au charme de Charlie Weasley ! Merci pour ta confiance !

- Tu avais passé dix jours en compagnie d'un type qui faisait tout pour te mettre le grappin dessus !

- J'ai passé dix jours à me remémorer le prodigieux baiser qu'on avait échangé et à espérer obtenir davantage à mon retour.

- Tu n'as pas été déçu.

- Certainement pas !

- Moi, je me rappelle de ton fils… quand il a débarqué au matin dans ta chambre et qu'il nous a demandé si on avait fait un bébé.

Le Harry du souvenir se mit à rire et le Harry du présent ne put s'empêcher de sourire lui aussi.

-Sacré Albus ! Son copain, Liam Finnigan, lui avait raconté que pour faire des bébés, les adultes devaient se mettre tout nu dans un lit. Je me rappelle sa petite bouille toute déçue quand je lui ai dit que ça ne fonctionnait que pour un homme et une femme. Ça l'a bien plus tracassé que le fait que son père soit en couple avec un autre homme !

Harry vit Draco esquisser un rictus tendu, puis se mordre la lèvre comme s'il réfléchissait à ce qu'il allait dire et comment le dire. Instantanément, il se rappela ce qui allait suivre.

-Ce serait possible, tu sais, dit Draco tout bas.

- Quoi donc ?

- Que deux hommes puissent avoir un enfant.

- Bah oui… en adoptant ou en recourant à une mère porteuse.

- Non. Je parle d'un enfant à eux. Une combinaison de leurs ADN.

- C'est n'importe quoi…

- Harry, la vie résulte d'une combinaison de chromosomes et de la division des cellules. Les moldus l'ont bien compris et ont développé depuis longtemps un système de procréation in vitro. Je suis sûr qu'en combinant cette technique avec la magie, on pourrait créer la vie avec seulement du matériel génétique masculin ! Tu imagines la révolution ?

- Ce que tu dis est impossible !

- Avec la magie, rien n'est impossible. J'y ai réfléchi. J'ai déjà fait quelques recherches et quand je serai à l'Institut, je pourrai…

- C'est pour ça que tu veux intégrer ton fichu Institut, s'énerva Harry. Pour faire des expériences ?

- Pour faire progresser la recherche magique, contra Draco, énervé à son tour. Ce serait une avancée spectaculaire ! Je serai le premier qui…

- C'est donc ça, coupa Harry. La gloire et la célébrité !

- Tu n'y es pas du tout !

- Arrête de rêver Draco et contente-toi d'enseigner les potions…

- Qu'est-ce que tu insinues ?

- Rien du tout. Tu es très doué dans ce que tu fais. Je ne vois pas pourquoi tu veux te perdre dans des… théories fumeuses et irréalistes qui vont te décrédibiliser à coup sûr.

- Ça n'a rien de fumeux !

- On est vraiment obligés de parler de ça ? Parce que là, j'ai terriblement envie que tu utilises ta bouche à autre chose…

Harry n'avait pas besoin de regarder le souvenir pour se rappeler que Draco s'était levé. Il avait prétexté être en retard pour donner son cours et avait regagné ses appartements.

Après quelques instants, la brume se dissipa.

-Qu'est-ce que je suis censé comprendre ? demanda Harry avec amertume. Que Draco m'a quitté parce que je ne croyais pas en ses élucubrations ?

- C'est plus compliqué que ça.

- Alors quoi ?

- Je vais te montrer autre chose.

Le jeune homme forma une autre sphère lumineuse entre ses mains qu'il laissa tomber au sol. Le même écran brumeux se forma devant Harry. Il voyait Draco, debout dans une grande pièce, somptueusement aménagée. Une femme d'une grande élégance était assise sur un canapé, face à lui.

-Mère, je suis venu vous annoncer quelque chose. Je préfère vous le dire moi-même plutôt que vous ne l'appreniez pas la Gazette.

- Bien. Je t'écoute.

- J'ai rencontré quelqu'un. Quelqu'un avec qui j'espère bien passer le reste de ma vie.

- Je suppose qu'il s'agit d'un homme.

- Oui. J'ai décidé de ne plus cacher cet aspect-là de ma vie.

- De toute façon, c'était un secret de polichinelle. Et de qui s'agit-il ?

- Harry Potter.

Harry vit la toujours si impassible Narcissa Malefoy écarquiller les yeux. Elle porta une main à sa gorge, ouvrit la bouche puis la referma.

-Si je m'attendais à cela, finit-elle par murmurer.

- C'est bien pourquoi j'ai préféré vous l'annoncer moi-même. Et avant que vous ne protestiez, sachez que je n'en ai rien à faire qu'il soit de sang-mêlé, qu'il fréquente les Weasley ou qu'il…

- Je ne te reproche rien, Draco.

- Non ?

- Je suis simplement étonnée. Tu le haïssais tellement…

- Je haïssais un garçon dont j'étais jaloux parce que je ne le connaissais pas et qui n'avait rien à voir avec l'homme qu'il est devenu. Ces deux dernières années, j'ai appris le connaître. Et à l'aimer.

Narcissa se leva. Même si elle ne fustigeait pas son fils, elle ne semblait pas réjouie pour autant.

-Te rends-tu compte de ce à quoi tu t'exposes ?

- Oui. Parfaitement.

- Il est le héros du monde sorcier. Toi, le fils d'un mangemort exécuté. Votre couple sera la cible de tous les commérages et de toutes les critiques.

- Je sais, mais je me moque éperdument de l'avis des autres.

- Je m'en doute. Mais et du sien ?

Draco baissa la tête, chose qui ne lui arrivait jamais. Une voile de tristesse passa sur son visage. Il soupira.

-C'est… compliqué. Je voudrais tellement qu'il soit fier de moi. Je ne veux pas qu'il se réveille un matin en ayant honte de vivre au côté d'un simple professeur de potions.

- Lui-même est enseignant au même titre que toi. La célébrité l'aurait-elle rendu snob ?

- Certainement pas. Je voudrais juste lui montrer que je suis capable de faire le bien, tout comme lui.

- C'est une ambition louable.

- C'est pourquoi j'ai décidé de mettre ma carrière d'enseignant entre parenthèses, durant quelques mois pour entrer à l'Institut de Recherches Magiques de Lausanne. J'ai… un projet… qui pourrait changer la vie de milliers de sorciers. C'est… enthousiasmant ! J'ai hâte de voir sa réaction quand je lui en parlerai ! J'espère tellement qu'il me soutiendra !

Narcissa sourit avec indulgence.

-Voyant comme tu sembles passionné par ce projet, il ne pourra que te soutenir, j'en suis sûre.

Le souvenir s'évapora lentement, laissant Harry complètement abattu.

-Comme tu peux le voir, dit le garçon, Draco ne voulait ni gloire, ni célébrité. Il voulait ta reconnaissance. Il voulait que tu puisses être fier de lui.

- Mais j'étais fier de lui ! Je… je savais parfaitement qu'il avait l'étoffe pour être un grand chercheur, qu'il était capable de réaliser des choses exceptionnelles !

- Pourquoi ne le lui as-tu pas dit ?

Ce fut au tour de Harry de baisser la tête.

-Je ne voulais pas qu'il parte, souffla-t-il. Je ne voulais pas qu'il aille… ailleurs… là où il aurait rencontré des tas de gens exceptionnels, bien plus intelligents que moi… Je croyais qu'en minimisant ce qu'il faisait, il aurait abandonné son projet.

- Mais ça été l'inverse.

Harry haussa les épaules. Si ce gamin était venu pour le faire culpabiliser, c'était réussi. Et manifestement, il n'avait pas fini. Toujours avec les mêmes gestes fluides, le jeune garçon forma une nouvelle sphère au creux de sa paume, sauf qu'au lieu d'être blanche, elle était bleue.

-Ecoute, dit Harry. Je crois que ça suffit… j'ai compris le message. Je n'ai pas besoin de visualiser un autre souvenir et me rendre compte que j'ai bien merdé… ok ?

- Ceci n'est pas un souvenir. C'est une autre... possibilité.

- Une autre possibilité ?

- Nos vies se construisent en fonction des choix que nous faisons. Je t'offre la possibilité de voir ce que ta vie aurait été si Draco et toi aviez posé des choix différents.

- Non mais tu es malade ? Tu espères vraiment que je vais me torturer à regarder une vie meilleure que j'aurais pu avoir et qui n'existera jamais ?

- Je n'ai pas dit que cette possibilité était meilleure… Je dis simplement qu'elle peut exister. Si tu le souhaites.

Harry regardait le garçon avec incrédulité. Et pour la première fois depuis le début de cet étrange entretien, il l'observa vraiment. Ses cheveux ébène en bataille. Ses traits fins, son nez un peu pointu, ses lèvres pleines et délicatement ourlées. Et ses yeux. Gris. Froids, limpides et pourtant animés d'une petite lueur moqueuse.

-C'est impossible, chuchota Harry en portant la main à sa bouche. C'est… impossible.

- Avec la magie, rien n'est impossible.

- Mais… tu… tu as dit que tu n'existais pas…

- C'est vrai. Draco a été forcé de me détruire quand je n'étais encore qu'une cellule souche, enfermée dans une fiole. Il ne s'en est jamais vraiment remis. Ce que tu vois, c'est ce que je suis dans une autre dimension.

- Oh Merlin, s'étouffa Harry en pleurant.

- Ne sois pas triste Harry. Je ne peux pas te la montrer car cette dimension-là n'appartient qu'à Draco et lui seul a le droit de la choisir, mais tu dois me faire confiance quand je te dis qu'il vaut beaucoup mieux que je ne sois jamais venu au monde.

Le visage du garçon se fit soudain tellement sérieux qu'il semblait avoir pris dix ans de plus.

-Dans… dans cette réalité que tu tiens, dit Harry, péniblement, j'ai… j'ai fait le choix de soutenir Draco ?

- En effet.

- Et pourtant, tu n'existes pas ?

- Non.

- Pourquoi ?

- Tout changement dans un destin, si minime soit-il, peut avoir des répercussions insoupçonnées. Pas seulement sur ta vie ou celle de Draco, mais également sur celles de tous ceux qui vous entourent.

- Que veux-tu dire ?

- Tu le découvriras par toi-même.

Le jeune garçon tendit le bras, lui offrant de prendre la sphère. Harry n'avait qu'à tendre la main pour s'en emparer.

-Cette vie… peut vraiment devenir réelle ? demanda-t-il encore.

- Oui. Si tu la choisis. Et Draco aussi. Vous devez la choisir ensemble. C'est la seule condition.

- Draco ? Mais quand… comment pourrais-je savoir…

- Tu ne le sauras pas. Tu dois avoir confiance.

Harry ferma les yeux. Comme s'il ne maîtrisait plus son propre corps, il avança la main, lentement. Lorsque ses doigts effleurèrent la surface tiède de la sphère, il eut l'impression d'être emporté au cœur d'un typhon.

O°O°O°O°O°O°O

23 décembre 2019 – Manoir Malefoy, Wiltshire

Le carillon résonna une seconde fois.

Agacé, Draco traversa le hall d'un pas vif et ouvrit sa porte avec humeur.

-Qui que vous soyez, je ne saurais tolérer que…

- Je pense que ceci vous appartient.

Draco eut un mouvement de recul. Sur son perron se trouvait le jeune garçon aux cheveux d'ébène rencontré sur le Chemin de Traverse un peu plus tôt. Il tenait en main sa canne à pommeau d'argent.

-Que fais-tu ici ? rugit-il. Comment es-tu parvenu jusqu'ici ? Tu es un enfant, tu ne peux pas transplaner !

- Le transplanage n'est pas le seul moyen de transport.

- Ne me prends pas pour un idiot ! Je ne sais pas ce que tu veux de moi, mais tu n'auras rien ! Pas un gallion, pas même une noise ! Tu entends ? Maintenant dégage !

Il referma sa porte en la claquant violemment et s'y adossa en soupirant, espérant s'être débarrassé de ce visiteur inopportun. Il prit encore quelques instants pour recouvrer ses esprits avant de regagner son salon.

-Je ne suis pas ici pour l'argent.

Draco sursauta. Le garçon se tenait au milieu du séjour comme s'il était tout à fait naturel qu'il se trouve là.

-Putain de merde ! C'est quoi ton problème ? cria-t-il en brandissant sa baguette. Si tu ne veux pas d'argent, tu veux quoi ? Me rendre dingue ?

- Draco…

- Pas de familiarité avec moi ! Je ne le permets pas !

Le garçon le fixa de son regard sans âge.

-Moi entre tous, j'ai le droit d'être familier avec toi.

- Ah oui ? Et pourquoi ?

- Parce que tu m'as créé. Et parce que tu m'as détruit.

Draco recula, sous le choc. Sa baguette trembla légèrement dans sa main.

-Je ne vois pas de quoi tu parles.

- Bien sûr que si.

Le visage de Draco se fit plus dur.

-Alors, c'est donc ça, siffla-t-il méchamment. La vengeance. Tu es venu me tuer, c'est ça ?

Il jeta sa baguette par terre et celle-ci roula sur le parquet dans un bruit sec.

-Vas-y ! Je suis désarmé, je ne me défendrai pas ! Tue-moi ! Tu me rendras service !

- Tu tiens donc si peu à la vie ?

Draco éclata d'un rire sans joie, presque cruel.

-La vie ? Quelle vie ? J'ai tout perdu ! J'ai de l'argent, du pouvoir, de la notoriété et pourtant, tout ce qui avait de l'importance, je l'ai perdu ! L'homme que j'aimais plus que tout, que j'ai lâchement quitté pour les flatteries stériles d'un beau parleur ! Mon fils que j'ai négligé pour mieux me consacrer à mon entreprise ! Mon travail, mes recherches, tout ce en quoi je croyais ! … Alors, non je ne vais certainement pas regretter un seul jour de cette misérable existence !

Son rire redoubla. Amer, caustique, effrayant.

-Oh Merlin ! Je suis complètement fou ! Ou bien je suis plus soûl que je ne croyais ! Me voilà à discuter de ma vie avec un gamin de… T'as quel âge au juste ? Et puis si tu es réellement celui que je crois… car tu es lui, n'est-ce pas ? Comment se fait-il que tu sois là, devant moi, à me parler ? Alors que la dernière fois que je t'ai vu, tu t'écoulais gentiment dans le siphon d'un évier ! Hein ? Explique-moi ça !

- Je n'existe pas. Celui que tu vois vient d'un autre possible. Un possible où tu n'as pas été contraint de détruire tes recherches.

Draco leva les yeux au ciel en ricanant.

-Mais bien sûr... Et je suis supposé te croire ?

- Tu es parvenu à créer une vie à partir de deux ADN masculins… pourquoi ne pourrais-tu pas croire en des possibilités différentes ?

C'en était trop pour Draco. Il était au bout de ce qu'il pouvait supporter. Avec une grande lassitude, il contourna le garçon et alla s'appuyer contre le manteau de la cheminée. Des larmes coulaient sur ses joues.

-Va-t'en, dit-il. Prends tout ce que tu veux. Mon argent, mes biens, ma raison, ma vie… je m'en fous. Va-t'en.

- Je ne suis pas venu pour prendre mais pour donner.

Le dos de Draco tressauta. Il riait et pleurait en même temps.

-Me donner quoi ? Qu'est-ce qu'un gamin comme toi pourrait me donner ?

- La chance de changer quelque chose. De faire le bon choix.

Draco se retourna et le garçon leva sur lui un regard rempli de douceur. Dans ses mains, il tenait deux sphères, l'une bleue, l'autre verte.

-Qu'est-ce que c'est ? demanda Draco.

- Deux possibilités différentes. Celle que tu choisiras d'explorer pourra se réaliser.

- En quoi sont-elles différentes ?

- Dans celle-ci, dit l'enfant en montrant la sphère verte, tu es resté à l'Institut de Recherches Magiques et tu as mené tes recherches à bien, jusqu'au bout. Dans celle-là – il souleva la sphère bleue – tu es revenu à Poudlard.

- Et ? demanda Draco en fronçant les sourcils.

- Je ne peux pas t'en dire plus. Ni ce qu'il advient de toi et de ceux qui t'entourent, ni te dire si tu es heureux ou non. Ce choix est une épreuve, Draco. Tout dépend de ta décision.

- Et si je refuse de choisir ?

- C'est ton droit. Tout restera alors à l'identique. Je m'en irai et demain, vous aurez tout oublié.

- « Vous » ?

- Ton choix, ou ton absence de choix, déterminera ton devenir mais également celui d'autres personnes.

- Harry ?

- Fais ton choix, Draco.

Le garçon fit un pas en avant, présentant ses mains dans lesquelles reposaient les deux boules lumineuses.

Draco avança sa main. Il tremblait un peu. D'un côté, il y avait l'aboutissement de ses recherches, ce qu'il avait toujours voulu. De l'autre, il y avait Poudlard. Et peut-être Harry.

Il soupira. Il avait toujours été lâche et ce n'est pas maintenant que ça changerait. Il ne voulait pas choisir. Alors, il ferma les yeux et continua d'avancer la main.

Au moment où ses doigts touchèrent une surface lisse et tiède, il se sentit aspiré comme dans un typhon.

A suivre...