Je sais que j'aurais du publier ce chapitre avant l'autre, mais l'idée est venue un peu en retard de faire un prologue plutôt d'expliquer au fur et à mesure.

-C'est un peu dépaysant, non?

-Un peu? s'exclame Ramis.

En riant, il montre à Katia le paysage d'un grand geste de la main. La Terre est en morceaux... Mais des ruines impliquent de reconstruire, d'en faire quelque chose de meilleur encore, et suivant cette promesse le monde se relève, lentement peut-être mais sûrement.

Dès que la circulation aérienne est rétablie, Katia retourne en Italie. Elle a tout d'abord des excuses à faire à Léo.

-Tu es quelqu'un de bien, tu sais, et je t'adorais pour toutes ces qualités... Mais pas comme je voudrais, tu comprends? Je me sens mal de t'avoir donné de faux espoirs, mais je ne suis pas amoureuse de toi, même si je l'ai voulu. Tu mérite mieux, affirme-t-elle. Une autre femme qui t'aimera réellement.

On dirait une réplique d'une mauvaise comédie, mais cela résume bien ce qu'elle ressent.

-Je comprend, assure-t-il d'une voix neutre malgré toute sa tristesse. C'est à cause de lui?

-Peut-être...

Et elle s'en veut, mais cela devait arriver. Sentant que ce serait trop pour lui, elle ne lui propose pas de rester amis. Elle a tendance à penser qu'elle ne lui doit plus rien, mais ce n'est pas ainsi que pensent les terriens. Ils pourront peut-être se reparler plus tard, dans quelques mois ou quelques années, mais pour l'instant il a besoin de digérer.

Elle va voir Maek aussitôt. Ne sachant par où commencer le récit de sa vie sur l'Atlantis, elle déballe tout dans le désordre. Il rit parfois lorsqu'elle se mélange dans ses mots, mais il ne l'interrompt pas. Elle termine en ajoutant qu'elle n'est qu'à moitié humaine: selon le médecin de l'Atlantis, presque quarante pour cent sylvidre et huit pour cent illumida.

-Précisément dans ces mots-là, précise-t-elle en riant pour masquer sa nervosité.

-Ça n'a jamais été important, déclare tranquillement Maek.

-Quoi?

-La race. Ça n'a jamais été important.

Il sourit tranquillement. Katia baisse les yeux. Elle a eu du temps pour mettre ses sentiments au clair, et peut-être bien que Ramis n'avait pas tout à fait tort, en affirmant qu'il y avait entre eux une proximité plus grande que la simple amitié, mais ce n'est pas de l'amour... Pas comme ça, du moins. Elle lui en doit tellement, et avoir son amitié vaut bien mieux que de risquer de se séparer de lui.

-Staïa n'est pas ici?

-Pourquoi faire? Tu es jalouse? enchaîne-t-il presque immédiatement.

Pourvu qu'elle ne rougisse pas.

-Je ne sais pas ce que tu t'es imaginé, mais il n'y a rien eu. Elle était... (il s'interrompt une fraction de secondes) Elle aurait été parfaite, ne serait-ce que parce qu'elle était comme moi. Mais mon espèce ne survivra plus bien longtemps de toute façon... Ce ne serait profitable ni pour elle ni pour moi... Ni pour celle avec laquelle je me comporte en crétin depuis déjà dix-huit ans.

Il ignore son âge, mais il doit bien avoir quatre ou cinq années terriennes de plus qu'elle. Il se souvient de l'avoir rencontrée alors qu'elle était encore bébé.

-Kat, dit-il clairement, peu m'importe ce qui arrivera, je préfère être avec toi.

-Tu es mon meilleur ami, déclame-t-elle dans un souffle, décidée à aller jusqu'au bout. Pendant longtemps tu as été ce qui m'importait le plus. Je tiens beaucoup à ce lien.

Il l'attrape par la taille pour la serrer contre lui. Il a toujours ce sourire.

-Nous ne saurons jamais, si nous ne faisons rien... chuchote-t-il à son oreille. Au final, nous avons bien plus à gagner qu'à perdre...

Elle ressent une pointe d'angoisse, qui ne dure pas. Dès leur premier baiser, elle comprend qu'il n'y aura pas de retour, et pourtant elle en est heureuse. Finir la nuit dans ses bras achève de lui faire oublier ses résolutions.

Elle reste en Italie un peu plus longtemps que prévu.

-Je le savais, s'exclame Ramis, au téléphone, lorsqu'elle lui apprend pourquoi.

Elle préfère en rire. Oui, il l'avait compris.

Elle se demande ensuite si elle doit retourner à Tokyo ou rester ici. Tous leurs amis sont ici, mais elle a envie de vivre près de Ramis et de Stellie... Et Maek, là-dedans? Il l'assure qu'il la suivra, et ils finissent par retourner au Japon, tout en restant en contact avec leurs ''frères et sœurs'', tous portant le même nom.

-Votre père, il vous manque? demande un jour Maek.

Katia ne se souvient pourtant pas d'en avoir parlé. Sans doute est-ce Ramis qui l'a fait.

-Oui, répond ce dernier.

-À moi aussi, renchérit Stellie, qui va avoir treize ans.

Albator a disparu, purement et simplement, et personne n'a la moindre idée de là où il peut être. Peut-être que les Harlock ne deviennent pas que des pirates... Elle aurait aimé le connaitre davantage, pour elle aussi qui aurait voulu comprendre ce qu'il voulait dire, mais en partant délibérément il a fait un autre choix, celui de les tenir à l'écart. Peut-être que...

-Moi aussi, doit avouer la jeune femme.

...

Leur premier enfant naît sur Jura. Walter, l'appelle Albator. Clio ne s'y oppose pas: ils sont peu, à avoir survécus, peut-être une cinquantaine, mais il reste le seul humain de Jura, et ce nom sera probablement le seul contact de Walter avec la culture terrienne. Il regarde son fils grandir, sa fille Elizabeth naître à son tour. Il mesure le temps qui passe mais il s'égare. Il croit que les jours et les ans sont plus longs, mais ce ne sont que des intuitions.

-Clio, quel âge ont nos enfants?

Elle répond que Walter a huit cycles jurans, et qu'Elizabeth en a deux.

Soit.

Ses enfants sont jurassiens, après tout.

Il compte les cycles de la lune de Jura à défaut de savoir combien d'années terriennes s'écoulent, là, au dehors, dans la vie de Ramis, de Katia et de Stellie, et dans celles de tout son équipage. Il s'habitue lentement à cette vie, au point de détonner de moins en moins parmi eux malgré ses différences notables, à leur ressembler de plus en plus.

Il ne sait à quel moment Clio remarque inévitablement qu'il ne mange plus, mais bientôt, tout le clan le sait. Il s'en rend compte le jour où une jeune fille se met en tête de le forcer à s'alimenter correctement, et bon gré mal gré il fait plus ample connaissance avec Avarra.

-Alors vous avez d'autres enfants? s'enquit un jour Avarra.

Elle n'a qu'une vingtaine de cycles, ce qu'il sait être très jeune. Elle lui parlait de ses parents disparus pendant la guerre nucléaire, de Clio et de lui, différents des autres, qui lui manifestent plus d'affection que n'importe quel membre du clan, et lui, peut-être par faiblesse, peut-être par nostalgie, a mentionné ceux qu'il a laissé sur Terre.

-Oui.

-Pourquoi vous ne vous parlez plus?

-Ils mènent une vie où je n'ai plus de place.

-Les miens aiment toujours leur famille, c'est comme ça.

-C'est pour ça que tu n'as que nous? Parce que tu n'as de lien de sang avec personne ici?

Il rit amèrement.

-Les humains sont compliqués, Avarra.

-Peut-être, mais ce n'est pas normal d'abandonner ses enfants.

-Je les aime toujours, réplique-t-il. Mais je ne suis pas comme les autres, et eux non plus.

-C'est triste, murmure Avarra.

Sans répondre verbalement, il pose un baiser sur le front de la petite jurassienne, qui s'illumine comme le fait parfois Clio. Revoir ses enfants... Oui, un jour, sans doute. En attendant il est ici.