Cette fic dépeint ce qui se passe entre la fin de mon autre fic « Liens de chair et de sang » et le début de son épilogue. Bonne lecture !

Chapitre 1 : Transitions

Septembre 1925, Central City

Fuery et Havoc étaient agenouillés, bien occupés à nettoyer avec une brosse à dents les toilettes communes des officiers.

« Elle abuse … », se plaignit Havoc, « on lui a sauvé la vie, tout de même… »

Fuery se releva, massa son dos douloureux et lui répondit :

« Tu devrais savoir qu'elle fait toujours ce qu'elle dit… »

Havoc soupira, et posa sa brosse à dents.

« Je crois qu'on ne lui a pas sauvé que la vie… »

Il n'avait pas manqué de remarquer les regards échangés entre Hawkeye et Mustang, il y avait visiblement plus qu'anguille sous roche à présent.

La porte s'ouvrit alors, et Hawkeye entra, assise dans un fauteuil roulant mais l'uniforme tiré à quatre épingles.

« Alors, c'est fini ? », questionna-t-elle sévèrement.

Les deux redressèrent les épaules et ne répondirent pas, la laissant juger par elle-même. Tout rutilait plus qu'il ne le fallait.

« Très bien, vous êtes libres. Je suis consciente que vous m'avez sauvé la vie, mais un ordre est un ordre, quel qu'il soit… »

« Allez, rompez ! », ajouta-t-elle.

Ils étaient épuisés, ils avaient bien mérité un peu de repos, elle n'était pas si inhumaine. Et puis la punition avait assez duré aussi. Elle fit pivoter son fauteuil et sortit de la pièce. Elle vit alors arriver vers elle Black Hayate.

« Ah te voilà, toi… », Lui dit-elle avec tendresse.

Le chien appuya ses deux pattes sur ses genoux en tirant la langue, avec son bon regard fidèle. Il lui avait vraiment manqué pendant son hospitalisation, mais Havoc, à sa décharge, en avait pris bien soin. Le chien était la mascotte du quartier général, apprécié de tous et toléré du haut commandement. Elle avait beau insister pour qu'on ne lui donne pas n'importe quoi, tout le monde réussissait à donner du sucre au chien derrière son dos. Heureusement, Black Hayate faisait suffisamment d'exercice pour éliminer les friandises. Le chien marchant sagement à côté du fauteuil, elle regagna ses quartiers et compulsa son courrier. Sa fiche de solde, quelques papiers, rien de bien intéressant et, en dernier…une de ses lettres. Depuis qu'il était revenu à son affectation, Roy Mustang écrivait plusieurs fois par semaine, essentiellement pour s'informer de sa santé mais il y avait un tout autre ton, plus intime, dans ses lettres qu'auparavant. Ils avaient longuement parlé alors qu'ils étaient à l'hôpital, comme jamais ils ne l'avaient fait mais, s'il était prêt à tenter une relation avec elle, elle était plus réservée à ce sujet. Les sentiments étaient clairs entre eux, exprimés, mais elle ne croyait pas qu'il pût lui rester fidèle au vu de son caractère volage. Et pourtant, étrangement, elle ne voulait pas d'autre homme dans sa vie que lui. Ce paradoxe la conduisait à se questionner souvent et à se demander si ce n'était pas trop beau pour être vrai. Ca l'était, probablement, vu la distance qui les séparait.

Elle déchira l'enveloppe et déplia les feuillets. L'écriture serrée de Roy Mustang couvrait deux pages, et elle les lut le cœur battant, un demi-sourire aux lèvres, indifférente au monde extérieur. Il avait vraiment le chic pour raconter quelque chose d'insignifiant et lui donner un tour amusant, et ses lettres étaient une oasis de variété dans son quotidien somme toute assez répétitif.

Une fois la lettre lue, elle la glissa dans un coffret qu'elle gardait à la tête de son lit et, prenant du papier à lettre et un porte-plume, commença à lui répondre…

Cité de l'Ouest

Roy Mustang était occupé à lire un dossier, mais il sentait le regard de certains de ses subordonnés posés sur lui. Depuis qu'il était rentré, à peine convalescent, tout le monde se questionnait sur lui et toutes sortes de rumeurs avaient circulé jusqu'à ce qu'il y mette le point final en disant qu'il avait effectivement subi une intervention chirurgicale mais qu'il allait bien. Il s'était parfaitement remis de son opération, même s'il restait suivi par le médecin militaire de la garnison qui était en rapport avec le néphrologue de Central City qui avait effectué l'intervention.

Il fusilla du regard un jeune lieutenant qui n'arrêtait pas de le regarder à la dérobée et grommela :

« Vous n'avez pas autre chose à faire ? »

Il commençait à en avoir plus qu'assez de se voir épié ainsi. Oui, il avait été opéré, et alors ? Personne n'avait besoin de savoir quelle était la nature de l'intervention en dehors des personnes nécessaires, et c'était très bien comme ça. Et puis sa vie privée ne regardait que lui, même s'il savait que dans une caserne il était difficile de garder quoi que ce soit secret.

Il avait passé le matin même les tests d'aptitude physique dans le cadre de son évaluation annuelle, sans le moindre souci. Bien que considéré encore comme convalescent il avait tenu à les passer à la date prévue. Après tout, il était un homme dans la force de l'âge, même avec un seul rein. Après ces épreuves il avait senti un peu sa cicatrice le faire souffrir dans le bas de son dos, mais rien de grave, elle ne s'était pas ouverte.

Il parapha le dossier, le referma et le posa sur la pile destinée à sa secrétaire. La vaillante Ida Hanotien comblait sans mot dire son manque flagrant de motivation, et c'était bien la seule femme de la base à ne pas lui faire les yeux doux vu qu'elle était bien plus âgée que lui et heureuse en ménage de surcroît. Quand il la plaisantait là-dessus, elle lui répondait invariablement :

« Vous verrez, colonel, quand ce sera votre tour… »

Il eut un sourire en coin en pensant à cette remarque et se mit en devoir de signer le dernier dossier de la pile. Quand il eut fini, il la prit, la déposa sur le bureau d'Ida, en congé ce jour-là, et salua ses subordonnés.

« A demain ! »

Il n'était pas plutôt sorti que ceux-ci se mirent à chuchoter :

« Vous avez vu ? C'est de pire en pire… », Dit le lieutenant Mélina Herzed

Le sergent-chef Roger Barnett ajouta :

« Moi je vous dis, il s'est trouvé quelqu'un à Central, et que c'est sérieux… »

L'adjudant Joseph Romedy rajusta ses lunettes à double foyer avant de dire de manière réfléchie :

« Peut-être le fait de se faire opérer et de frôler la mort l'a-t-il fait changer aussi… »

C'était de loin le plus pragmatique et le plus intelligent de tous les subordonnés de Mustang, mais le dernier, le lieutenant Arpad Neves, ajouta :

« Je serais plutôt de l'avis d'Herzed et Barnett, il a quelqu'un… »

Barnett fit un geste vague :

« Mais ça ne va pas durer, ce n'est pas le genre de gars à faire durer une histoire sentimentale… »

Cette dernière assertion mit tout le monde d'accord...

Mustang rentra dans ses quartiers, ôta sa veste et releva ses manches de chemise. Il s'assit sur une chaise et se versa un verre d'orangeade. Il aurait apprécié un verre de whisky mais le médecin lui avait déconseillé le moindre alcool pendant un certain temps. Il s'étira, faisant jouer ses muscles douloureux et avala d'un trait le liquide frais. L'été s'étirait en longueur malgré le mois de septembre, et il mourait de chaud. Son regard tomba sur le portrait de Riza qu'il gardait toujours dans ses quartiers, et un sourire fendit son visage. Pour la première fois de sa vie, une seule femme retenait son attention, et il n'avait plus aucune envie d'aller voir ailleurs. Restait à la convaincre qu'il était capable de lui être fidèle, et il la comprenait parfaitement de rester sur son quant à soi. A part prendre sa main, il n'avait rien osé faire, lui qui n'était habituellement pas timide avec les filles, parce qu'il voulait vraiment réussir à lui faire comprendre que c'était elle, elle seule qu'il voulait. Et pour cela, il suivrait son rythme, jusqu'à ce qu'elle soit prête.

En y réfléchissant, il s'était aperçu que s'il avait toujours recherché la compagnie d'autres femmes c'était parce qu'il pensait plus ou moins inconsciemment qu'il ne pourrait jamais avoir celle qui l'intéressait véritablement. Riza était d'un abord sévère, cachait ce qu'elle pensait et ressentait, cela avait toujours été. Et pourtant, elle avait supporté de le voir avec d'autres femmes, sans jamais rien lui dire, assumant sa protection discrètement, restant dans son ombre sans se plaindre. Bon Dieu, qu'il avait donc été bête !

A présent qu'il avait l'occasion de rattraper le temps perdu, il ferait ce qu'il fallait pour qu'elle soit heureuse enfin, quel que soit le temps que ça lui prendrait…

A SUIVRE