Chapitre 1 : Une enquête difficile
Depuis un mois que le Docteur Julia Ogden avait quitté Toronto pour Buffalo, le Capitaine Brackenreid observait son meilleur Détective William Murdoch s'enfoncer peu à peu dans la dépression. Même s'il ne le reconnaissait pas et faisait tout pour cacher au mieux son état, le départ de la jeune femme avait laissé un grand vide dans sa vie et surtout dans son cœur. Il parvenait à oublier quelque peu son absence à chacune de ses enquêtes mais le soir, quand il se retrouvait seul dans sa petite chambre à la pension de Madame Kitchen, il ne cessait de ressasser les évènements qui avaient précédés le départ de la jeune femme et de se blâmer de n'avoir rien fait à temps pour la retenir. Plus les jours passaient et plus il se disait que, même s'il n'était pas arrivé à temps à la gare pour lui faire sa proposition, il aurait toujours pu prendre un train pour la rejoindre. Il se reprochait son attentisme, son incapacité à s'ouvrir et à dévoiler ses sentiments mais, surtout, il se rongeait le sang de ne pas savoir si elle allait bien. En effet, la jeune femme avait développé une capacité certaine à se mettre dans des situations délicates et l'angoisse le taraudait à l'idée qu'il ne serait pas là pour l'aider à s'en sortir. Cette angoisse avait pris une place plus qu'importante dans sa vie à mesure que le temps passait et avait envahi ses cauchemars, l'empêchant de dormir plus de quelques heures par nuit quand il était chanceux. Ce qui l'aidait sans l'aider vraiment était le rythme incessant des enquêtes, à croire que tous les meurtriers de Toronto s'étaient mis d'accord pour le maintenir occupé. Cependant, celle qu'il venait de boucler l'avait chamboulé plus que toute autre. Il s'agissait d'une jeune femme qui avait été assassinée par son père car il refusait d'accepter ses fiançailles avec l'homme qu'elle aimait. Il ne restait plus au Détective Murdoch qu'à annoncer la terrible nouvelle au malheureux fiancé.
-« Monsieur Davidson ? Asseyez-vous s'il vous plait, » fit le jeune policier en l'invitant à s'assoir sur le canapé de son bureau.
-« Vous avez trouvé qui a fait ça à mon Amy ? » demanda le jeune homme en essayant de faire bonne figure.
-« Oui Monsieur. Comme nous le pensions, il ne s'agissait pas d'une tentative de vol ayant mal tournée. Il s'agissait d'un meurtre déguisé en tentative de vol. »
-« Mais qui a bien pu vouloir faire du mal à une si douce jeune femme ? »
-« Il semblerait que lorsque votre fiancée a annoncé à son père ses fiançailles avec vous, ce dernier ait vu rouge. Il s'est laissé emporter par sa colère et l'a frappé jusqu'à ce que mort s'en suive. Je suis vraiment désolé Monsieur Davidson. »
Le jeune homme resta un long moment sous le choc, tentant d'assimiler l'information que le policier venait de lui fournir. Lorsqu'enfin il releva ses yeux rougis vers Murdoch, ce dernier put y lire la même blessure profonde et la même tristesse que celles qu'il expérimentait depuis quatre longues semaines. Avec difficulté, il déglutit, cette histoire le touchant de très près, de trop près…
-« Avez-vous déjà aimé profondément quelqu'un Détective ? » demanda Davidson avant de poursuivre ayant vu la réponse sur le visage de son interlocuteur. « Qui qu'elle soit et quoi que vous pensiez, ne gâchez pas un seul instant auprès de celle qui fait battre votre cœur… La vie est trop courte pour qu'on ose se retenir de la vivre pleinement. »
Le silence envahit la pièce quelques instants, les deux hommes étant perdus dans leurs pensées, quand soudain le jeune homme se leva et tendit la main au policier.
-« Je vous remercie d'avoir trouvé l'assassin de mon Amy. Au moins elle peut aujourd'hui reposer en paix. »
William Murdoch ne remarqua pas le départ du jeune homme, pas plus que la nuit qui commençait à tomber. George Crabtree tenta bien à plusieurs reprises de le sortir de sa léthargie mais rien n'y fit. Découragé et inquiet pour son ami, l'agent finit par quitter à contrecœur le poste de police. Il n'était d'ailleurs pas le seul dans cet état. En effet, même si personne n'en parlait, tous étaient terriblement soucieux pour leur jeune collègue. Le Capitaine Brackenreid décida cependant de rester en arrière après avoir fait prévenir son épouse pour qu'elle ne s'inquiète pas. Puis, attrapant sa bouteille de scotch et deux verres, il rejoignit le Détective Murdoch dans son bureau.
-« Tenez, avalez-moi ça, » dit le capitaine d'une voix bourrue en lui tendant un verre plein. « Et ne me dites pas que ce n'est pas possible, que vous ne buvez pas car c'est un ordre ! »
Pour la première fois depuis la fin de sa conversation avec Monsieur Davidson, Murdoch releva le visage vers son supérieur avant de se mettre à fixer le verre d'alcool devant lui.
-« Allons ! Un peu de nerf ! » s'énerva Brackenreid en tendant de force le verre à son subordonné avant d'ajouter. « Et vous avez intérêt à le vider ! Il faut bien ça pour refaire un homme et vous êtes bien bas my dear fellow. »
Sans un mot, Murdoch porta le verre à ses lèvres et but une gorgée pendant que son capitaine se dirigeait vers le bureau de celui qu'il considérait comme un ami et ouvrit le premier tiroir à droite. Sans un mot, il en sortit une petite boîte de métal argenté et, après l'avoir longuement examinée, il la ramena avec lui près de Murdoch, s'asseyant à ses côtés.
-« Depuis qu'elle est partie, vous n'êtes plus vous-même. Que s'est-il passé ? Elle vous a dit non ? Je croyais pourtant que vous aviez tous les deux quelque chose de spécial… » fit alors Brackenreid en tendant la boîte au jeune homme.
Seul le silence lui répondit et le capitaine commençait sérieusement à en avoir marre. Il fallait que son collègue et ami se ressaisisse une bonne fois pour toute car son attitude jetait un froid sur l'ensemble du poste numéro quatre.
-« Bon sang Murdoch ! Je ne sais pas ce qu'il faut faire mais, pour l'amour de Dieu ! Sortez de ce mutisme et secouez-vous ! »
-« Je n'ai même pas pu lui demander, » marmonna alors le jeune détective en ouvrant la boîte qu'il tenait entre ses mains. « Quand je suis arrivé, le train venait de partir… »
-« Mais pourquoi ne l'avez-vous pas suivie si elle est si importante que ça à vos yeux ! Ce n'était quand même pas le seul train pour Buffalo ! »
-« Il n'y en avait plus ce jour-là et… »
-« Et quoi ? » s'impatienta Brackenreid.
-« Je n'ai plus eu le courage de la suivre… Et si elle refusait, et si son départ signifiait qu'elle ne voulait plus rien avoir à faire à moi ? »
-« Murdoch, je vais vous dire quelque chose que je ne devrais pas. Si ma femme l'apprend, je suis bon pour un sacré sermon mais vous savez qu'elle et le Docteur Ogden sont de bonnes amies, non ? » commença le Capitaine attirant immédiatement l'attention de son meilleur détective. « Elles sont restées en contact malgré le départ de notre amie et je dois dire que Margaret se fait énormément de soucis. Le Docteur Ogden ne semble pas aller très bien même si, comme vous, elle fait tout pour le dissimuler… Allez la rejoindre Murdoch, suivez votre cœur et voyez où il vous mène ! »
-« Mais… »
-« Nous nous débrouillerons sans vous pendant un moment. Crabtree a beaucoup appris à vos côtés et il pourra assurer l'intérim. Maintenant partez la rejoindre et dévoilez-lui votre cœur, c'est un ordre ! »
Sans rien dire mais avec une nouvelle lueur dans les yeux, le Détective William Murdoch raffermit sa poigne autour de la boîte contenant la bague qu'il avait achetée un mois plus tôt et se leva pour quitter précipitamment le poste de police laissant son capitaine avec un fin sourire aux lèvres. La graine avait été plantée, restait au jeune homme et à la femme qui envahissait ses pensées et son cœur de la faire germer et fructifier malgré leurs problèmes…
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