Bonjour à tous ! Après des années à écrire dans l'univers de Harry Potter, je me lance dans une mini-fic sur Yu-Gi-Oh. Cette idée m'obnubilait au point que j'ai été obligée de l'écrire pour me la sortir de la tête et, une fois écrite, autant la poster... J'espère que ça vous plaira autant que j'ai pris plaisir à l'écrire !

ENJOY !


Pegasus toisa le jeune homme face à lui avec un sourire moqueur. Le Kaïba qu'il avait toujours connu, fier, arrogant et provocateur, avait disparu. Son regard était vide, ses mains tremblantes.

- Je ne vois même pas ce que tu fais encore ici, mon petit Kaïba… Je t'avais pourtant dit que tu devais espérer battre Yugi si tu voulais avoir le privilège de m'affronter…

Depuis qu'il avait appris l'enlèvement de Makuba par Pégasus, Seto avait remué ciel et terre pour le retrouver. Il avait fait croire à sa mort pour échapper lui-même aux sbires du créateur du jeu, il s'était introduit par effraction dans sa propre maison pour récupérer ses données informatiques et l'accès à son hélicoptère pour pouvoir rejoindre le Royaume des Duellistes, où il s'était frayé un chemin jusqu'au château, puis dans les cachots de Pégasus. Tout ça pour échouer si près du but. Une victoire contre Yugi, c'était la seule condition que le créateur lui avait posée pour pouvoir l'affronter et il avait échoué. Mais il avait encore une chance de récupérer Makuba. Peu importait le prix à payer, ce n'était pas à son frère de subir les conséquences de leur rivalité et de son échec.

- Tu n'as pas besoin de lui, répondit Kaïba.

- Bien sûr que si. Seul un Kaïba peut diriger la Kaïba Corp, j'ai donc besoin d'une marionnette docile qui exécutera toutes mes décisions.

- Précisément. Tu as besoin d'un Kaïba, pas de lui. Le changement officiel de PDG ne peut se faire qu'avec l'accord du conseil d'administration, ça te prendra du temps de les réunir et de les convaincre alors que je suis encore vivant. Je te propose de t'épargner tout ça. Libère Makuba et laisse-nous rentrer chez nous, au siège de la Kaïba Corp. Jure-moi qu'il aura une vie normale, que pour lui, tout recommencera comme avant. Et dans ces conditions… Je t'obéirai. La société t'appartiendra, tes décisions seront les miennes. Libère le, c'est la seule chose qu'il te reste à faire pour obtenir ce que tu souhaites.

Pégasus le jaugea du regard, laissant son œil du millénium dévisager le jeune homme de haut en bas, comme s'il cherchait dans son esprit la moindre trace d'une ruse ou d'un mensonge.

- Ainsi, tu serais prêt à vendre ta société et ton âme contre ton petit frère… Comme c'est touchant ! Je me faisais un plaisir de soumettre Makuba à ma volonté, mais je dois t'avouer que l'idée de t'avoir à sa place est beaucoup plus tentante… Je crois… Je crois que je vais accepter ton offre, oui.

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Trois mois. Cela faisait trois mois qu'ils étaient rentrés au siège de la Kaïba Corp. Trois mois que Yugi avait remporté le tournoi du royaume des duellistes. Pégasus avait libéré son grand-père pour le féliciter de sa victoire mais avait reporté leur duel pour pouvoir revenir avec eux. Si Seto avait refusé d'entrer dans les détails, Makuba n'avait pas mis longtemps à comprendre pourquoi Pégasus avait accepté de les libérer et de les laisser rentrer. Le créateur du jeu passait la plupart de son temps avec eux, dans l'ancien bureau de Seto. Les Cinq Grands, qui l'avaient aidé à l'enlever et à prendre le contrôle de la société, prenaient les décisions importantes avec lui, avant de les transmettre à Seto qui les exécutait. Trois mois qu'il voyait l'état de Seto se dégrader de jour en jour. Au début, son frère essayait de négocier avec les décisions de Pégasus, critiquant ouvertement sa politique. Kémo, le sbire et garde du corps du créateur, avait fini par le frapper pour lui rappeler les termes du contrat, selon eux. La première fois, Seto s'était défendu. Makuba ne s'était jamais inquiété pour lui, il savait que son frère se débrouillait suffisamment bien en combat pour envoyer n'importe qui au tapis. Après ça, Pégasus avait fait venir Makuba dans leur bureau et Kémo l'avait giflé devant Seto. Son frère ne s'était plus jamais défendu. Il encaissait les coups en silence, se relevant de plus en plus péniblement, obéissant de plus en plus docilement aux ordres de Pégasus. Même si Seto refusait catégoriquement de l'admettre, Makuba était persuadé que Pégasus le laissait à peine manger une fois par jour pour le garder affaibli. Si lui-même pouvait circuler comme il voulait dans les locaux, ne portant qu'un bracelet électronique l'empêchant de sortir du bâtiment, Seto était surveillé de très près. Sa chambre avait été déplacée dans une minuscule pièce sans fenêtre dans laquelle son lit prenait la moitié de la place. Sa porte était gardée continuellement, tous ses déplacements étaient encadrés par au moins trois hommes de Pégasus et il n'était jamais seul dans une pièce sans que celle-ci ne soit fermée à clé.

Makuba se glissa hors de sa chambre et longea les quelques couloirs qui le séparaient de la chambre de Seto, devant laquelle Kémo et un autre sbire montaient la garde. Au moment où il s'approchait, la porte s'ouvrit et les Cinq Grands en sortirent. Makuba fronça les sourcils. Qu'est-ce qu'ils faisaient là ? Les regardant s'éloigner en lui tournant le dos, il s'approcha de Kémo.

- Je peux voir mon frère ?

Kémo s'assura que les poches de Makuba étaient vides et que son bracelet fonctionnait correctement avant de déverrouiller la porte et de le laisser passer. Allongé par terre, Seto respirait difficilement, semblant lutter pour reprendre son souffle.

- SETO !

Makuba se précipita et s'accroupit auprès de lui, posant précautionneusement une main sur son épaule. Il savait que les Cinq Grands le frappaient parfois pour le faire obéir, mais il n'aurait jamais soupçonné qu'ils pouvaient le tabasser gratuitement un soir.

- Seto ! Est-ce que ça va ?

- Ça va aller… murmura-t-il.

Lentement, Seto se redressa et réussit à s'asseoir sur le sol, contre son lit. Makuba se laissa tomber à genoux face à lui et le dévisagea. Pégasus s'assurait qu'aucune marque de coup ne soit visible lorsqu'il était habillé - en tant que PDG, Seto continuait à assurer toutes les conférences de presse concernant la société, lisant les textes que Pégasus avait rédigés. Pour quelqu'un d'extérieur, il aurait juste paru un peu amaigri et fatigué, ses yeux étant entourés de larges cernes.

- Seto… Pourquoi ils continuent à te frapper ? Tu fais tout ce qu'ils te demandent, tu ne te défends jamais… Pourquoi ils font ça ?

- Pour être sûrs que je continue. Ils ne prendront pas le risque de me laisser récupérer mes forces.

- On pourrait s'en aller, tu sais, suggéra Makuba. A nous deux, on trouverait le moyen de leur filer entre les pattes. Il faudrait abandonner la Kaïba Corp, mais au moins on serait libres… Et en sécurité. On pourrait vivre normalement, loin d'ici. Il faudrait qu'on trouve comment partir, c'est tout.

- On ne peut pas trouver. Pégasus lit dans les pensées, il sera au courant de notre plan avant qu'on ait fini de le mettre au point.

Makuba acquiesça lentement et Seto reprit :

- Par contre, on peut se promettre une chose.

- Tout ce que tu voudras !

- On ne peut pas réfléchir à un plan, mais on peut saisir des opportunités. Si jamais, un jour, tu as devant toi l'occasion en or de foutre le camp d'ici, n'hésite pas une seule seconde, saisis là. Si c'est moi qui ait cette occasion, je passe te chercher et on s'en va tous les deux. Sinon, pars tout seul. Sans toi, ils n'auront plus de moyen de pression, je pourrais me défendre et te rejoindre.

- Tu arrives à peine à bouger ! protesta Makuba.

- Ça va s'arranger. Promets-moi ça, petit frère. Si tu as l'occasion de partir, fous le camp d'ici. Et moi je te promets de te rejoindre.

- D'accord… murmura Makuba. Et si tu ne me rejoins pas, je reviens avec de l'aide.

- Si tu veux.

La porte de la chambre s'ouvrit et Seto sursauta violemment. Ils se retournèrent vers Kémo.

- C'est terminé. Makuba, tu rentres dans ta chambre.

- J'arrive. Ça va aller, Seto ?

Celui-ci acquiesça d'un hochement de tête et se releva précautionneusement en même temps que Makuba. En le voyant se lever, Kémo s'avança d'un pas, tira Makuba en arrière et ordonna à Seto :

- Toi tu ne bouges pas d'ici !

Il ponctua sa remarque d'un coup de poing dans l'estomac qui plia l'adolescent en deux avant de le saisir par le col et de le jeter violemment sur son lit.

- SETO ! hurla Makuba.

Il voulut revenir vers lui mais Kémo lui attrapa le bras et le traîna en arrière pour le faire sortir de la chambre. Seto rouvrit les yeux et son regard croisa celui de son frère. Avant qu'ils ne sortent, Makuba réussit à lire sur ses lèvres une demande silencieuse : Promets-le moi.

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Makuba leva les yeux vers Seto. Depuis qu'ils étaient revenus, Pégasus avait pris possession de son bureau et lui avait fait installer une table plus petite dans la même pièce pour avoir toujours le PDG à portée de main. D'habitude, Makuba travaillait dans sa chambre où il recevait ses cours par correspondance mais, depuis qu'il avait vu les Cinq Grands tabasser son frère sans aucune raison, il ne pouvait plus s'empêcher de rester continuellement avec lui. Il s'était donc installé avec lui pour faire ses devoirs, utilisant un bout de la table de son frère. Le nez sur son écran, Seto saisissait mécaniquement les chiffres que le comptable de la société lui avait remontés. Ne devant faire aucune apparition publique ce jour-là, il portait une chemise à manches courtes, laissant voir les bleus et marques de différentes couleurs qui parsemaient ses bras. Son regard semblait vide, éteint, comme si le Seto qu'il avait connu était parti très loin, ne laissant qu'une simple coquille vide exécuter machinalement les ordres que Pégasus lui donnait. Makuba savait que ce n'était qu'une apparence, que le vrai Seto était toujours là, quelque part, guettant la moindre occasion de reprendre le contrôle sur sa société et sa vie. La porte d'entrée claqua et Makuba jeta à peine un regard à Pégasus qui venait d'entrer.

- Deux Kaïba pour le prix d'un ! s'exclama-t-il. Je ne pensais pas te voir là, Makuba… Mais ça tombe bien.

Avant qu'il n'ait trouvé quelque chose à répondre, Seto le coupa :

- Qu'est-ce que tu lui veux ?

- A lui, pas grand-chose… avoua Pégasus. C'est avec toi que je voulais m'entretenir de certains sujets.

Pégasus lui tendit une chemise de carton violette que Seto ouvrit avant de parcourir du regard les documents qui s'y trouvaient. Un léger tic traversa la tempe de son frère et il se persuada que Seto savait ce que Pégasus voulait lui dire.

- J'ai remarqué des petites erreurs dans les documents que tu avais validés. Pas grand-chose, vraiment. Une phrase tournée différemment, quelques nombres inversés… Mais qui, mis ensemble, me font douter. Quelqu'un d'aussi consciencieux que toi, je trouve étonnant que tu aies fais autant d'erreurs…

Kaïba fixait les documents de son regard vide, semblant attendre la suite. Le créateur du jeu se rapprocha de lui, lui saisit fermement la mâchoire et le força à le regarder dans les yeux.

- Tu sais ce que je pense, mon petit Kaïba ? Que tu es beaucoup moins soumis que tu veux bien le laisser penser. Tu laisses croire à tout le monde que tu es devenu un gentil esclave bien obéissant, pour que personne ne puisse soupçonner que tu continues à falsifier les documents qu'on te demande juste de signer pour que la société continue d'aller dans le sens que tu souhaites. Je me demande si finalement, Makuba ne ferait pas un bien meilleur dirigeant que toi.

- Non ! s'exclama Kaïba. Laisse le tranquille. Je vais refaire les documents. Comme tu le souhaites.

- J'espère bien. Mais n'espère pas t'en tirer comme ça tout de même. Je ne me contenterai pas éternellement d'une marionnette qui essaye de garder le contrôle.

Seto ne répondit rien et Pégasus reprit :

- Je te laisse une dernière chance. Fais encore un seul écart et tu vas vite comprendre que jusqu'à maintenant, tu as été très bien traité ici. Je vais te réduire à… Comment tu avais dis à Joey, au royaume des duellistes, déjà ? A un chien brisé tremblant de peur devant son maître ? C'est exactement ce que tu vas devenir si tu continues à me tenir tête. Je vais te briser mentalement et physiquement jusqu'à ce que tu t'empresses d'obéir au moindre de mes ordres de peur de la correction que tu recevras sinon.

- Bonne chance, répondit Kaïba.

Makuba laissa échapper un glapissement inquiet en entendant la réponse de son frère. Le sourire de Pégasus s'élargit.

- Makuba semble beaucoup plus raisonnable que toi. Je le laisse essayer de te convaincre. Sinon… Il me semble que les Cinq Grands te donnent régulièrement un aperçu de ce qui t'attend. Ah, et tu me prépareras pour demain le descriptif de toutes les arènes de duel présentes dans le bâtiment, ainsi que de toutes les cartes dont tu disposes. J'ai toujours un duel à livrer avec Yugi et je ne veux pas m'embarrasser d'un aller-retour au royaume des duellistes.

Il acquiesça d'un hochement de tête et regarda Pégasus sortir du bureau. Une fois la porte refermée, Makuba s'exclama :

- Tu es dingue ! Pourquoi tu lui tiens tête comme ça ? Tu ne penses pas que tu en subis déjà assez ?

- Je subirais la même chose, que je lui obéisse ou non. Ce sont les Cinq Grands qui aiment me frapper, que j'obéisse à Pégasus ou pas n'y changera absolument rien. Maintenant, écoute-moi.

Kaïba sortit son paquet de cartes de sa poche et tendit les trois premières cartes à Makuba qui écarquilla les yeux en les regardant.

- Les trois dragons blancs aux yeux bleus… Qu'est-ce que tu veux que j'en fasse ?

- Ce que tu veux. Pégasus ne tardera pas à me les réclamer pour son duel contre Yugi et il est hors de question qu'il mette la main dessus. Je suis trop surveillé pour les cacher, mais toi tu le peux. Cache-les, envoie-les à l'autre bout du monde s'il le faut, je préfère qu'elles se perdent dans la nature plutôt que Pégasus s'en serve, tu m'entends ?

Il acquiesça lentement en prenant les cartes.

- Ne t'inquiète pas pour moi, petit frère. On va s'en sortir, on s'en est toujours sortis.

- Tu ne pourras pas t'en sortir si tu tiens à peine debout… Fais attention à toi, s'il te plait. Je t'en supplie, Seto, fais ce qu'il te dit !

Kaïba ne répondit rien. Quelqu'un frappa et la porte s'ouvrit sur Dorothy, une secrétaire blonde qui devait avoir à peine un ou deux ans de plus que Seto. Elle passait quasiment tous les matins récupérer le courrier que Kaïba – et maintenant, Pégasus – laissait dans une bannette pour aller le poster.

- Bonjour messieurs, les salua-t-elle avec un sourire.

Elle prit le courrier que le créateur du jeu lui avait laissé avant de se retourner vers les frères Kaïba.

- Vous n'avez rien d'autre à envoyer ?

Ils hochèrent négativement la tête et la jeune femme lança un coup d'œil discret vers la porte, s'assurant que Pégasus ne revenait pas. Elle se rapprocha d'eux et, baissant la voix, rajouta rapidement :

- Messieurs Kaïba, si je puis me permettre… Je tiens à ce que vous sachiez que, parmi les employés, beaucoup d'entre nous désapprouvent la prise de contrôle de monsieur Pégasus. Je… Nous espérons vivement vous voir à nouveau comme les seuls décisionnaires de la société très bientôt et, si vous avez besoin de quoi que ce soit pour y parvenir, n'hésitez surtout pas à me demander. Ce sera avec plaisir.

Kaïba fronça les sourcils, semblant chercher un quelconque piège dans la démarche de la secrétaire, et se contenta de hocher la tête. Makuba rajouta avec un léger sourire :

- C'est noté, merci beaucoup.

- Je vous en prie.

Elle ressortit rapidement du bureau.

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- Tu devrais être fier de toi, mon petit Kaïba. Ton fameux système de disques de duel va enfin sortir sur le marché !

L'une des premières décisions de Pégasus avait été de s'approprier l'invention de Kaïba pour la finaliser et la lancer. Ils devaient donner dans quelques heures la conférence dans laquelle ils présenteraient officiellement le dispositif au grand public. Comme avant chaque apparition publique, les sbires de Pégasus avaient arrêté de le corriger systématiquement afin qu'il puisse se déplacer et parler correctement. Seto avait profité de cette légère trêve pour reprendre des forces. Chaque sortie, chaque événement sortant de l'ordinaire pouvait être l'occasion que Makuba et lui attendaient depuis des mois. Si seulement… La plupart des gardes seraient avec Pégasus et lui, Makuba réussirait peut-être à s'enfuir pendant leur absence…Il n'avait pas envie d'abandonner la Kaïba Corp, mais il devait se faire une raison : il l'avait déjà perdue. Sans aucun d'eux deux pour présider la société, celle-ci disparaîtrait purement et simplement mais, au moins, Pégasus ne contrôlerait plus l'œuvre de sa vie.

Il ne se donna même pas la peine de répondre à la remarque de Pégasus. Celui-ci se rapprocha de lui et le dévisagea de haut en bas. Seto avait enfilé le costume cravate qu'il portait à chaque présentation publique, cachant complètement les bleus et ecchymoses qui jonchaient la plus grande partie de son corps.

- Tu as vraiment une fière allure de PDG… commenta-t-il. Impossible de deviner que tu n'es plus rien d'autre qu'un esclave apeuré à l'idée de prendre des coups !

Kaïba le foudroya du regard.

- Je ne suis pas apeuré. La seule peur que j'ai, c'est que tu t'en prennes à Makuba. Sans ça, crois-moi, je me ferais un plaisir de te rendre tous les coups que tes singes pourraient me donner.

- Fais attention à ce que tu dis. Mes singes pourraient être tentés de te donner la correction que tu mérites depuis plusieurs jours quand nous serons rentrés. J'ose espérer que tu as un minimum relu le déroulement de la présentation et le texte que tu dois lire ?

Il acquiesça d'un hochement de tête. Oui, il l'avait lu. Et avait déjà décidé qu'il ne lirait pas ce que Pégasus lui avait écrit. Il ne le laisserait pas s'approprier cette création, sa plus grande fierté depuis les arènes de duel. Il était hors de question qu'il la présente comme venant du créateur du jeu, peu importe le prix qu'il devrait en payer à la fin de la conférence. L'œil du millénium de Pégasus brilla étrangement et il appela :

- Kémo ?

- Oui monsieur ?

- Allez chercher le jeune Makuba et dites-lui d'être prêt dans quinze minutes. Il vient avec nous.

Vingt minutes plus tard, Seto et Pégasus rejoignaient le parking souterrain du bâtiment où Kémo les attendait déjà avec Makuba. Quatre hommes de main étaient déjà montés dans les deux voitures qui les escorteraient.

- Seto ? Pourquoi je dois venir ?

- Parce que je l'ai décidé, répondit simplement Pégasus. Et je te conseille d'être sage.

Ils montèrent dans la voiture, Kémo s'assurant que les deux frères Kaïba étaient montés à l'arrière et que les portières étaient soigneusement verrouillées avant de s'asseoir au volant. Les voitures démarrèrent et s'engouffrèrent dans la ville. Seto jeta un regard distrait vers les rues, au travers des vitres teintées. Jusqu'à maintenant, toutes les présentations s'étaient déroulées dans le bâtiment de la Kaïba Corp, c'était la première fois depuis leur retour qu'il pouvait sortir. La première fois qu'il voyait les rues et les trottoirs sans se trouver 60 étages au-dessus. Ils devraient forcément avoir une occasion de s'enfuir, c'était le moment rêvé… Pas pendant le trajet, même s'ils arrivaient à sortir de la voiture, ils étaient encadrés par l'escorte de Pégasus. Pendant la présentation, peut-être. Ils se garèrent sur le parking derrière la salle de conférences. Avant que Kaïba n'ait pu vérifier où se trouvaient les autres sbires du créateur du jeu, deux d'entre eux ouvrirent les portières et saisirent violemment Makuba pour le forcer à descendre, l'empêchant de s'enfuir.

- Doucement ! rugit Seto.

Deux autres gardes lui firent signe de descendre. Ils ne se donnèrent même pas la peine de le retenir. Makuba étant encadré par deux hommes faisant le double de sa taille, il ne pourrait même pas essayer de partir sans abandonner son frère. Ils entrèrent tous dans le bâtiment et arrivèrent derrière l'estrade de présentation. Ils pouvaient entendre la foule de journalistes et de curieux commencer à s'installer dans la salle. Pégasus fit face à Kaïba et ordonna :

- Ne bouge pas.

Il lui installa une oreillette et, une fois en place, Kaïba demanda :

- A quoi c'est censé me servir ? Tu seras à côté de moi pendant la présentation…

- Oh, ce n'est pas pour que tu m'entendes.

Pégasus adressa un signe de tête à Kémo qui, sans signe avant-coureur, gifla violemment Makuba. Le claquement et le cri de douleur de son frère résonnèrent dans l'oreillette et trois gardes l'empêchèrent de se ruer sur Kémo. Pégasus reprit :

- Au cas où il te viendrait à l'idée de changer le discours de la présentation pour laisser entendre que je n'ai fait rien d'autre que te voler cette idée… Tu pourras entendre en direct ton frère payer pour ton insolence.

- Laisse-le en dehors de ça, ça se règle entre toi et moi ! s'écria Kaïba.

- Ça fait trois mois que je le laisse en dehors de ça et autant de temps que tu te moques ouvertement de moi. A toi de décider, il peut ne plus recevoir un seul coup si tu es sage.

- Ne le touche pas !

- Ce n'est pas toi qui fixe les règles, mon petit Kaïba. Tu n'as que deux possibilités. Ou bien tu récites sagement le texte que je t'ai écrit, ou bien Makuba aura encore plus de marques que toi à la fin de la présentation. C'était bien notre marché, non ? Que je laisse Makuba tranquille en échange de ton obéissance ? Il va être temps que tu te mettes sérieusement à respecter ta part du contrat.

Kaïba resta immobile. Il n'avait pas d'alternatives, s'il voulait protéger son frère, il était obligé de renoncer au projet de sa vie.

- Tu te crois impressionnant ? demanda Makuba. Tu nous fais pas peur ! Seto, ne le laisse pas te voler ton idée ! Ne t'inquiète pas pour moi, ça va aller !

Kémo lui asséna une deuxième gifle qui lui éclata une lèvre.

- Arrête ! rugit Kaïba. Arrête de le frapper, je vais le faire !

- Non Seto ! Je te dis que ça va aller !

Makuba tenait sa main pressée contre sa lèvre pour l'empêcher de saigner. Même si les sbires de Pégasus avaient arrêté de frapper Kaïba depuis quelques jours, il ressentait encore la douleur des corrections permanentes. Il se souvenait trop bien des effets des passages à tabac, de l'impression d'avoir le corps entier en miettes, de l'impossibilité de faire un seul mouvement sans déclencher une vague de douleur insupportable. Il était hors de question que Makuba subisse ça.

- Tais-toi, Makuba, murmura-t-il.

- Mais Seto !

- Je vois que ton frère a fini par devenir raisonnable, commenta Pégasus en s'adressant à Makuba. J'espère pour toi qu'il sera convaincant pendant la présentation…

Seto foudroya le créateur du jeu du regard sans parvenir à cacher une lueur de crainte dans ses yeux. Il n'avait pas le droit à l'erreur, son frère paierait le prix de chacun de ses faux pas.

- Finissons-en, grommela-t-il.

Quand les employés de l'organisation leur firent signe que tout le monde était entré, ils s'avancèrent sur la scène. Seto laissa Pégasus commencer la présentation en expliquant comment il avait créé les disques de duels et comment il avait fourni tous les plans et détails techniques à la Kaïba Corp qui ne s'était chargée que de la fabrication. Pendant qu'il parlait, Seto laissa son regard parcourir les gens réunis devant eux et haussa imperceptiblement les sourcils en reconnaissant Yugi et ses amis au fond de la salle. Yugi… Il ne l'avait plus revu depuis leur duel, celui qui l'avait privé de la moindre chance de s'en sortir, celui qui l'avait obligé à vendre tout ce qu'il possédait - à commencer par lui-même - à Pégasus en échange de son frère. Est-ce qu'il avait la moindre idée de la situation dans laquelle il les avait mis, Makuba et lui, en remportant ce duel ? Certainement pas… Personne à l'exception des employés ne connaissait la situation actuelle de la Kaïba Corp, tout le monde était persuadé que Pégasus avait juste rejoint le conseil de direction, prenant les décisions en accord avec Seto. Et en supposant que quelqu'un, n'importe qui soupçonne ce qu'il se passait vraiment, qui s'en soucierait ? Qui accepterait de venir en aide à un PDG qui avait passé sa vie à mépriser la plupart des personnes qu'il croisait ?

La voix de Pégasus, l'invitant à faire la démonstration technique du disque de duel, le sortit de ses pensées. Il s'obligea à se concentrer sur la présentation. Il connaissait par cœur son dispositif et aurait pu le présenter les yeux fermés, mais il devait faire attention à ce qu'il disait, ne pas laisser échapper un seul mot laissant entendre que c'était lui qui l'avait conçu. L'oreillette grésillant dans son oreille lui rappelait trop bien ce qui l'attendait sinon.

La présentation toucha à sa fin assez rapidement. Seto laissa Pégasus répondre aux différentes questions des journalistes. Il devait trouver un moyen de s'enfuir, c'était l'occasion rêvée… Dès qu'ils sortiraient de la scène, il rejoindrait Makuba. En sortant de la salle, peut-être ? S'ils arrivaient à se mêler à la foule qui sortirait par l'entrée principale, ils pourraient peut-être réussir à semer Pégasus et ses sbires. Ils devaient essayer, absolument…

Il remarqua que la foule se levait et commençait à quitter la salle. Pégasus et lui revinrent derrière la scène, où Kaïba se figea en voyant qu'il n'y avait que deux gardes qui les attendaient.

- Où est Makuba ? demanda-t-il.

- J'ai laissé Kémo le ramener dans la voiture avant la fin de la présentation. Juste pour être sûr que vous n'essaierez pas de me fausser compagnie. Ça te pose un problème ?

Kaïba le foudroya du regard et le sourire de Pégasus s'élargit.

- Ça ne sert à rien de monter des plans pour essayer de t'échapper, Kaïba, j'en suis au courant avant que tu n'aies fini de les mettre au point. Je te conseille de te faire à l'idée que tu ne me fileras jamais entre les pattes. Jamais.

Seto resta silencieux et Pégasus reprit :

- Tu sais, ta vie pourrait ne pas être si désagréable que ça si tu arrêtais de me tenir tête. La seule raison pour laquelle tu es aussi surveillé, c'est parce que je lis dans tes pensées comme dans un livre ouvert. Je sais pertinemment ce que tu penses de moi et à quel point tu attends désespérément une occasion de t'enfuir. Fais-toi à l'idée que je contrôle ta société et ta vie, arrête de critiquer toutes mes décisions, même en pensée, accepte le fait que tu passeras désormais le reste de ta vie à mon service et je suis prêt à rendre ta captivité bien plus supportable.

- Hors de question, grogna Kaïba.

- Comme tu voudras… Ramenez-le à la voiture, ordonna-t-il aux deux gardes.

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Yugi gardait les yeux fixés sur la scène, à l'endroit où Kaïba et Pégasus venaient de disparaître.

- Je ne comprends pas… murmura Téa. C'est Kaïba qui a inventé les disques de duel, il s'en était servi au royaume des duellistes contre Joey et contre toi, Yugi… Alors pourquoi il laisse Pégasus annoncer que c'est lui qui les a mis au point ? D'ailleurs, pourquoi Pégasus l'a-t-il rejoint à la direction de la Kaïba Corp ?

- Très bonne question, répondit Yugi. Je me demande si Pégasus ne le ferait pas chanter… Il retient peut-être encore Makuba.

- Ce serait la seule explication logique, confirma Tristan. Ça me ferait presque de la peine pour lui d'être obligé de regarder Pégasus lui voler son invention en public…

- Bien fait pour lui, grommela Joey. Peu importe ce qu'il subit, il ne mérite rien d'autre.

Joey n'avait jamais digéré l'humiliation que Kaïba lui avait infligée au royaume des duellistes.

- Attendez-moi une seconde, déclara Yugi, je reviens tout de suite.

Yugi se faufila parmi la foule de gens qui sortaient de la salle et, une fois dehors, il contourna le bâtiment pour se rapprocher de la sortie de service. S'il arrivait à parler à Kaïba avant que celui-ci ne s'en aille, il aurait peut-être les explications qu'il cherchait. Il arrivait à l'angle du mur quand il entendit la porte métallique claquer. Se rapprochant silencieusement, il vit Pégasus passer, suivi par deux gardes qui retenaient fermement Seto par les épaules. Le créateur du jeu ouvrit la porte arrière d'une limousine de la Kaïba Corp, dans laquelle Yugi eut le temps d'apercevoir Makuba. Les gardes forcèrent Kaïba à entrer à l'intérieur avant de claquer et verrouiller la porte. En regardant la voiture s'éloigner, Yugi pensa qu'ils avaient eu en partie raison. Pégasus ne retenait pas que Makuba. Les deux frères Kaïba étaient prisonniers.

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L'un des gardes qui escortaient Seto ouvrit la porte du bureau et le laissa entrer à l'intérieur. Dorothy, qui était en train de ramasser le courrier, écarquilla les yeux.

- Tout va bien, monsieur Kaïba ?

Une fois revenus au siège de la Kaïba Corp, la veille au soir, Pégasus avait laissé ses hommes de main le corriger pour sa tentative de rébellion, pendant la conférence. Il avait obligé Makuba à assister à la correction pour le punir d'avoir voulu inciter Seto à lui désobéir. Seto ne savait pas pendant combien de temps les coups de pieds s'étaient enchaînés, lui donnant l'impression de lui broyer les côtes ou les épaules à chaque coup. Il ne savait pas pendant combien de temps il avait entendu Makuba hurler, se débattant contre les gardes qui le retenaient, les suppliant d'arrêter. Il ne se souvenait même pas du moment où ils avaient finalement cessé de le frapper. Il s'était réveillé sur son lit sans avoir aucun autre souvenir de la veille. Même s'il n'avait pas pris de coup dans le visage, il était incapable de faire un seul geste sans qu'il soit évident qu'il souffrait.

- Oui, il va bien, répondit Pégasus d'un ton froid. Merci Dorothy.

La secrétaire acquiesça d'un hochement de tête et sortit du bureau sans pouvoir s'empêcher de jeter un regard inquiet à Seto. Lorsqu'elle eut refermé la porte, Pégasus ordonna :

- Ne t'assieds pas, viens là.

Seto s'avança difficilement devant le bureau, l'interrogeant du regard.

- J'ai jeté un œil à la liste des cartes que tu possèdes ici et il m'a semblé qu'il en manquait quelques unes.

Il réfléchit quelques secondes, cherchant à oublier la douleur pour rassembler ses souvenirs, avant de répondre :

- Ça m'étonnerait. Toutes les cartes sont stockées dans une seule et même pièce et la liste que je t'ai donnée avait été actualisée une semaine avant.

- Je ne doute pas que tu m'aies donné le détail de tout ce que la Kaïba Corp possède. Ce sont celles que toi, tu possèdes, que j'aimerais bien voir. Ton jeu, s'il te plait ?

Kaïba sortit son paquet de cartes de sa poche et le lui tendit. Pégasus le parcourut rapidement et fronça les sourcils.

- Et tes dragons blancs ?

Il ne répondit rien. Pégasus sonda rapidement son esprit avant de déclarer :

- Makuba doit encore dormir, je m'occuperais de lui plus tard.

- Où est-il ? Qu'est-ce qui lui est arrivé hier soir ?

- Hier soir ? Je l'ai fait ramener dans sa chambre par mes gardes après que tu te sois évanoui. Malgré le fait qu'il ait passé une bonne partie de la nuit à essayer d'en sortir pour te rejoindre, j'avais interdit à mes hommes de le frapper pour le calmer. Contrairement à toi, je suis un homme de parole et je t'ai promis que je ne le toucherai pas tant que je t'aurais sous la main.

Kaïba acquiesça d'un hochement de tête. Il amorça un geste pour reprendre son jeu mais Pégasus le jeta en vrac dans l'un de ses tiroirs.

- Tu n'as pas besoin de tes cartes pour obéir à mes ordres. Maintenant dis-moi… Selon toi, quels sont les points faibles de Yugi ?

En temps normal, Kaïba aurait répondu qu'il n'en avait pas, ne serait-ce que pour faire perdre du temps au créateur du jeu. Mais il avait trop mal pour subir une autre correction. Il réfléchit quelques secondes avant de répondre :

- Son deck. C'est le jeu de son grand-père, il y tient et ne le changerait pour rien au monde, malgré ses faiblesses. A part le magicien des ténèbres, il n'a aucun monstre puissant. Il a été obligé de recourir à Exodia pour vaincre mes dragons blancs lors de notre premier duel, aucune autre carte de son jeu n'aurait pu l'aider.

- Il a pourtant vaincu ton ultime dragon blanc aux yeux bleus la dernière fois, nota Pégasus.

- Oui, en lui faisant perdre de la puissance. Il a des monstres faibles et des cartes pièges qui font tomber les monstres adverses encore plus bas. Si tu arrives à contrer ces pièges et à aligner un ou deux monstres de plus de 2000 points d'attaque, la victoire est à toi.

- Bien. Une deuxième chose. Dans une semaine, il y a la réunion des actionnaires de la Kaïba Corp, dans laquelle tu présentes habituellement les résultats et objectifs de l'année au conseil d'administration. Tu n'as pas oublié ?

- Non, et ?

- J'ignore quelle était ta mentalité en terme de communication avec eux, mais je déteste l'idée de devoir leur cacher ce qui se passe actuellement au sein de la direction. J'en profiterais pour leur annoncer officiellement que j'ai pris les commandes et que tu n'es plus rien d'autre qu'une marionnette bien obéissante. Je préfère te prévenir, histoire que tu ne tombes pas de trop haut quand j'annoncerai ça publiquement.

- Tu es au courant que la nouvelle va se répandre ailleurs que dans la société ? La plupart des informations révélées lors de cette réunion finissent tôt ou tard par arriver dans la presse. Notre réputation, et donc nos ventes vont en prendre un coup. Il est même possible que certains actionnaires ne l'acceptent pas et claquent la porte.

- Je n'en suis pas convaincu. Après tout, c'est moi qui ai réalisé le système des disques de duel, non ? Il apparaîtra donc comme évident que c'est moi qui peux porter la Kaïba Corp à son plus haut niveau technologique. Tu auras beau avancer tous les arguments que tu voudras, tu n'échapperas pas à cette humiliation là. Peut-être que quand le monde entier aura accepté le fait que tu n'es plus rien d'autre que mon esclave, tu l'accepteras également. Tu peux aller t'asseoir.

Il rejoignit difficilement sa chaise sur laquelle il se laissa tomber sans parvenir à retenir un gémissement de douleur. Il tenta de se concentrer sur l'écran de son ordinateur mais la porte s'ouvrit à nouveau sur Dorothy.

- Excusez-moi, messieurs… J'ai besoin de la signature de monsieur Kaïba sur deux ou trois documents.

Pégasus donna son accord d'un signe de tête et la secrétaire s'approcha du bureau de Seto. Elle lui tendit les papiers et Kaïba fronça les sourcils. Elle n'avait pas spécialement besoin de lui pour ça, n'importe quel chef de service aurait pu les signer… Il préféra ne pas se poser de question et griffonna sa signature aux endroits qu'elle lui indiquait. Elle reprit les documents, les remercia et ressortit du bureau. Seto se retourna vers son clavier et vit que Dorothy avait glissé quelque chose devant, tellement discrètement qu'il ne l'avait lui-même pas remarqué. S'assurant que Pégasus ne le regardait pas, il l'observa plus en détail et reconnut une plaquette d'antidouleurs.

-O-O-O-O-O-O-O-O-O-O-O-O-O-O-O-O-O-O

La semaine était passée beaucoup trop vite au goût de Kaïba. La réunion avec les actionnaires allait commencer dans dix minutes et il n'avait encore pas la moindre idée de comment il pourrait empêcher Pégasus de révéler au monde entier sa défaite face à lui. Il doutait sérieusement que les actionnaires s'opposent à ce changement, tant que Pégasus continuait à faire rentrer de l'argent, ils se ficheraient du reste. Ils en seraient même certainement enchantés, Kaïba ayant passé la plupart de son temps en conflit avec eux. Seto, Makuba, Pégasus et les Cinq Grands étaient déjà dans la salle de réunion du 5e étage, vérifiant une dernière fois le déroulement de la présentation et branchant les vidéos projecteurs. Makuba attira discrètement l'attention de Seto.

- Il doit forcément y avoir un moyen d'éviter ça… murmura-t-il.

- Lequel ? demanda Seto. Si tu vois une seule façon de nous sortir de cette situation, je suis preneur… Ne t'inquiète pas pour moi, ça va aller. Ça devait arriver tôt ou tard.

Dix minutes passèrent et les actionnaires arrivèrent au compte-gouttes et remplirent les douze chaises face à eux. Lorsqu'ils furent tous assis, Pégasus annonça :

- Bonjour à tous ! Nous allons pouvoir commencer, il me semble…

Il actionna une télécommande vers le vidéo projecteur mais, une fraction de seconde après que celui-ci se soit allumé, toutes les lumières et les matériels électroniques s'éteignirent subitement. Un brouhaha emplit la salle pendant que les Cinq Grands essayaient d'atteindre un disjoncteur à l'aveuglette. Makuba eut une seconde d'hésitation. Si la panne avait frappé tout le bâtiment, son bracelet électronique ne fonctionnerait plus, rien ne l'empêcherait de partir pendant que Pégasus et les Cinq Grands luttaient pour remettre le courant. Une main se referma sur son poignet.

- Viens ! ordonna la voix de Seto.

Apparemment, son frère avait pensé exactement la même chose, mais en étant plus réactif. Il partit en courant, uniquement guidé par la main de Seto refermée sur la sienne. Comment arrivait-il à se diriger ainsi dans le noir ? Est-ce qu'il connaissait le bâtiment par cœur au point de ne pas avoir besoin de lumière pour s'y repérer ? Ils passèrent une porte qui claqua lourdement derrière eux et arrivèrent dans un escalier éclairé par des veilleuses de sécurité. Seto lâcha la main de Makuba et ils dévalèrent les marches côte à côte, avalant les étages. Ils devaient atteindre le rez-de-chaussée avant que le courant ne revienne et que Pégasus ne remarque leur absence, ils n'auraient jamais d'autre occasion comme celle-là… Sans ralentir, Makuba lança un regard inquiet à Seto. Il savait que celui-ci souffrait des corrections que les sbires de Pégasus lui infligeaient continuellement, il l'avait encore vu boiter le matin même. Comment arrivait-il à courir et descendre des marches si vite ? L'adrénaline et l'espoir de s'en sortir lui permettaient-ils de repousser la douleur suffisamment longtemps pour partir de là, ou était-il juste sous l'effet des antidouleurs que Dorothy lui fournissait discrètement ? Probablement un mélange des deux… Au moment où Seto ouvrait la lourde porte séparant l'escalier du rez-de-chaussée, toutes les lumières revinrent et une succession de cliquetis leur indiquèrent que les portes d'entrée du bâtiment se verrouillaient une à une. Le hall était désert, les employés ayant terminé leur journée une heure auparavant.

- Viens, dépêche-toi ! ordonna Seto.

Ils contournèrent le hall d'entrée et atteignirent une succession de couloirs. Comment Seto pouvait-il s'y repérer ? Tous ces couloirs étaient exactement les mêmes mais il n'hésitait pas une seule seconde avant de tourner à chaque embranchement. Ils finirent par apercevoir une petite porte métallique. Au moment où ils l'atteignaient, Makuba entendit les sbires de Pégasus arriver derrière eux.

- Seto !

- On y est, souffla-t-il. Allez, viens !

Il poussa la porte et s'élança dans la rue. Il se retourna vers Makuba pour s'assurer qu'il le suivait mais, avant d'avoir pu voir quoi que ce soit, un choc violent le percuta en pleine tempe, lui faisant perdre l'équilibre. Un coup dans l'estomac le plia en deux et il fut jeté par terre avant de recevoir un deuxième coup dans la tempe, lui donnant l'impression que sa tête explosait. Il entendit Makuba hurler mais fut incapable de faire un seul geste, cloué au sol par les coups qu'il avait pris dans la tête. Des cris résonnaient partout autour de lui sans qu'il arrive à les situer, ni à les identifier. Il sentit deux mains le saisir par les épaules et le redresser à genoux, sans pour autant qu'il arrive à ouvrir les yeux. Quelqu'un lui bloqua les bras dans son dos et il sentit une paire de menottes se refermer sur ses poignets.

- Belle prise ! lança une voix qu'il ne connaissait que trop bien.

Lentement, il parvint à ouvrir les yeux. Le décor tournait autour de lui et il avait l'impression d'avoir un voile de brouillard devant les yeux mais il reconnut quand même Pégasus devant lui, le surplombant de toute sa hauteur.

- Très impressionnant ! lança le créateur du jeu. Je ne pensais pas que tu arriverais à aller aussi loin en aussi peu de temps… Tu remercieras Kémo d'avoir eu l'idée de vous attendre dehors plutôt que d'essayer de vous rattraper.

Seto cligna plusieurs fois des yeux, essayant de chasser le brouillard qui envahissait son cerveau. Il tourna lentement la tête à la recherche de Makuba. Celui-ci était à coté de lui, à genoux, retenu par deux sbires de Pégasus.

- Est-ce que ça va, Seto ?

Il avait été rattrapé par les gardes au moment où Kémo avait frappé son frère. Il avait vu Seto s'effondrer sur le sol et rester immobile après avoir reçu deux coups dans la tête.

- Seto ! Seto, réponds-moi !

Kaïba fit un hochement de tête qui lui donna l'impression que son crâne explosait.

- Ça va aller, réussit-il à murmurer.

Il voulut poser une main sur son front mais le cliquetis des menottes et le contact du métal glacé contre ses poignets lui rappela qu'ils l'avaient attaché. Il se força à respirer lentement, essayant de reprendre ses esprits.

- Tu excuseras la violence de Kémo, reprit Pégasus d'un ton ironique. Je lui ai donné carte blanche pour t'intercepter, l'occasion de te donner cette correction était trop belle… Maintenant, nous avons une réunion à terminer, et un conseil d'administration à qui expliquer pourquoi tu as essayé de t'enfuir. Ramenez-les au 5e étage.

Seto sentit deux gardes le forcer à se remettre debout et à avancer. Il luttait pour garder les yeux ouverts, se laissant traîner par les sbires de Pégasus. Ils le firent entrer dans un ascenseur où il appuya sa tête contre la paroi. Une fois les portes refermées, Makuba se dégagea des gardes qui le retenaient et s'approcha de son frère.

- Seto… Tu me fais peur, tu es sûr que ça va ?

- Ne t'inquiète pas pour lui, Makuba, répondit Pégasus. Du moins, pas encore. Il ira beaucoup moins bien quand il aura payé pour ça.

Les portes de l'ascenseur se rouvrirent et ils ramenèrent les deux frères Kaïba dans la salle où se tenait la réunion. Des murmures interrogateurs parcoururent la salle lorsque les gardes firent entrer Seto, toujours menotté, et le firent s'agenouiller à côté de Pégasus, face à la table ovale.

- Il me semble que je vous dois quelques explications, annonça Pégasus. Vous savez tous que j'ai rejoint il y a bientôt quatre mois la direction de la Kaïba Corp, aux côtés de Seto Kaïba. Mais cette version n'est que la face visible de l'iceberg. En tant qu'actionnaires de la société, vous méritez de connaître la vérité. Les Cinq Grands et moi-même avons pris le contrôle de l'entreprise. Les statuts de la Kaïba Corp imposent que seul un membre de la famille Kaïba peut la diriger, c'est la raison pour laquelle Seto et Makuba sont tous deux retenus prisonniers. Pour exécuter nos décisions.

Les murmures s'amplifièrent et Pégasus reprit :

- Vous vous demandez certainement pourquoi j'ai pris le contrôle de cette société. La réponse est simple, elle mérite, vous méritez, beaucoup mieux que ce qui se passait à l'époque où Kaïba la contrôlait. La Kaïba Corp possède des atouts technologiques et humains indéniables que son précédent dirigeant s'acharnait à brimer pour faire passer en priorité les projets qui lui tenaient à cœur, peu importe s'ils étaient moins rentables pour l'entreprise. Sa tentative d'évasion il y a quelques minutes est la preuve du peu de considération qu'il a pour sa société, sans lui ni son frère, elle aurait été condamnée à disparaître. Cette période est terminée. La Kaïba Corp va entrer dans une nouvelle ère. Une ère de prospérité, de modernité. Une ère de puissance technologique et de rentabilité financière. Une ère où tous ceux qui essaieront de rivaliser ou de s'opposer à nous finiront aussi pitoyables et pathétiques que Seto Kaïba, conclut-il en désignant d'un signe de tête le PDG menotté et agenouillé à ses pieds, incapable de relever la tête.

Restés silencieux pendant le discours de Pégasus, les actionnaires esquissèrent un sourire sur sa conclusion et, après s'être concertés d'un simple regard, l'un d'eux déclara :

- Vous avez notre accord. Tant que la Kaïba Corp continuera à générer de l'argent, nous ne vous poserons pas de problèmes. Vous avez fait du beau travail en le remettant à sa place, il ne mérite rien d'autre.

Sur le côté de la salle, retenu par les hommes de Pégasus, Makuba luttait pour ne pas fondre en larmes devant l'humiliation de son frère. Ils avaient raté la seule tentative d'évasion qu'ils auraient jamais, et d'ici une semaine, le monde entier serait au courant de leur détention et de la défaite de son frère. Est-ce qu'ils auraient un jour l'occasion de se sortir de cette situation ? Est-ce qu'il y aurait une personne, une seule parmi tous ceux qui apprendraient la nouvelle, qui serait prête à les aider ? Et si oui, qui ? Comment ? Y avait-il une seule chance, même minuscule, qu'ils ne passent pas le reste de leur vie retenus par Pégasus ?

-O-O-O-O-O-O-O-O-O-O-O-O-O-O-O-O-O-O

Pégasus observait les actionnaires sortir progressivement de la salle. A ses pieds, Kaïba commençait à reprendre ses esprits.

- J'espère que tu n'étais pas trop assommé pour savourer ton humiliation, mon petit Kaïba. Maintenant, nous allons pouvoir mettre les choses au clair, tous les deux. L'époque où tu te moquais ouvertement de moi est définitivement terminée.

Kaïba se contenta de le foudroyer du regard. Le décor autour de lui avait cessé de tourner, même s'il avait encore l'impression d'avoir la tête dans le brouillard. Pégasus fit un signe de tête à un de ses hommes qui décrocha les menottes aux poignets de Seto avant de les lui raccrocher autour des chevilles. Il le força à se relever et Kaïba lutta pour garder son équilibre avec les pieds attachés.

- Je te conseille de t'habituer à tenir debout et à marcher avec ces menottes, tu n'es pas prêt de les enlever. Ah, et j'ai demandé qu'on me ramène ceci, spécialement pour toi, ajouta-t-il en sortant un bracelet de sa poche.

Il le lui attacha autour du poignet et Seto le regarda. Il ressemblait au bracelet de localisation de Makuba, avec en plus un minuscule boitier collé contre l'intérieur de son poignet. Pégasus sortit une télécommande et appuya sur un bouton. Une lumière rouge s'alluma sur le boitier une seconde avant qu'une violente décharge électrique ne le parcourt, le faisant tomber par terre en hurlant de douleur. La douleur disparut aussi vite qu'elle était apparue mais laissa Seto à genoux, suffoquant.

- Tu as compris ? Essaye de faire un pas de travers, de dire un mot en trop, de penser même à me contrarier et tu le regretteras aussitôt. Ce n'était qu'un avant-goût de ce que le bracelet est capable de délivrer, je peux faire durer ça bien plus longtemps et bien plus intensément. Tu peux choisir de continuer à me résister mais je suis franchement curieux de voir combien de temps tu tiendras avant de me supplier d'arrêter de te torturer. Tu craqueras avant moi.

Se retournant vers ses gardes, il ordonna :

- Vous deux, ramenez Makuba dans sa chambre, je ne veux plus qu'il en sorte sans mon autorisation et sans être accompagné par l'un d'entre vous. Les autres, vous venez avec nous, j'aurais besoin de vous pour dresser l'aîné une fois pour toutes.

- NON ! rugit Makuba. Laisse-le tranquille ! Tu vas le tuer !

- J'espère pour toi que ton frère a de la résistance… Ou bien que tu seras un dirigeant beaucoup plus obéissant que lui si jamais il venait à mourir.

Il fit un signe de tête à ses hommes qui les entraînèrent vers l'ascenseur.

-O-O-O-O-O-O-O-O-O-O-O-O-O-O-O-O-O-O

Makuba ouvrit la porte de sa chambre et fut aussitôt arrêté par un garde.

- Où tu vas, toi ?

- Ça va… Je voulais juste vous demander si je pouvais aller travailler dans le bureau de mon frère aujourd'hui.

- C'est le bureau de monsieur Pégasus, maintenant, précisa le garde en sortant un talkie walkie.

Il appela Pégasus et échangea deux ou trois phrases avec lui avant de raccrocher l'appareil à sa ceinture.

- C'est bon, je t'emmène.

Il laissa le garde lui agripper fermement l'épaule et le pousser dans les couloirs. Il n'avait plus revu Seto depuis la fin de la réunion, trois semaines auparavant. Il était désormais trop surveillé pour le rejoindre sans l'autorisation du créateur du jeu et celui-ci s'appliquait à lui interdire de voir son frère. Makuba n'arrivait même pas à avoir la moindre nouvelle de lui. Pourquoi Pégasus acceptait-il seulement maintenant qu'ils se voient ? Il préférait ne pas se poser la question. Arrivés devant la pièce, le garde frappa avant d'ouvrir la porte et de le pousser à l'intérieur. Assis derrière le bureau de son frère, Pégasus leva les yeux vers lui.

- Makuba ! Ça faisait un moment que je ne t'avais plus vu… Tu m'excuseras de t'avoir séparé de ton frère aussi longtemps, il y avait deux ou trois petites choses que je souhaitais régler avec lui avant…

Makuba se contenta de le foudroyer du regard avant de se diriger vers la table où Seto était assis. Il se figea soudainement. En trois semaines, son frère était devenu méconnaissable. S'il avait beaucoup maigri depuis qu'ils étaient revenus du Royaume des Duellistes, il n'avait à présent plus que la peau sur les os. Son teint effroyablement pâle contrastait horriblement avec les marques de différentes couleurs qui jonchaient son visage - apparemment, les gardes de Pégasus ne s'embarrassaient plus à dissimuler les marques de coups. Sous le bracelet électrique qu'il portait, sa peau était devenue marron, probablement à force d'être brûlée par les décharges qui en partaient.

- Seto…

Kaïba releva la tête vers son frère. Son regard vide s'éclaira soudainement en le reconnaissant. Il parut sur le point de dire quelque chose mais Pégasus claqua des doigts et Seto se ravisa au dernier moment, un éclair de peur traversant ses yeux.

- Qu'est-ce que tu lui as fait ? souffla Makuba.

- Oh, pas grand-chose… Ton frère était persuadé de pouvoir me résister, je lui ai prouvé qu'il avait tort. Ce bracelet a dépassé toutes mes espérances en termes d'efficacité. Je voulais juste m'assurer qu'il était complètement soumis avant de te laisser le voir, au cas où ta présence aurait pu lui rendre un soupçon de fierté. Si ça avait été le cas, j'aurais dû le dresser à nouveau et il n'aurait certainement pas survécu à une autre semaine de torture.

Makuba resta immobile, figé d'horreur devant l'état de son frère.

- Ça a l'air de te surprendre, nota Pégasus. Pourtant, tu étais là quand j'ai prévenu ton frère adoré que je le briserais en deux et qu'il m'a juste souhaité bonne chance… Je vous laisse cinq minutes. Je vous rappellerais bien que la porte est gardée, mais je doute que ton frère ait la moindre envie de tenter quelque chose.

Pégasus quitta le bureau et Makuba se rapprocha de Seto, s'agenouillant sur une chaise face à lui.

- Seto… Seto, dis-moi quelque chose, s'il te plait… Il est plus là, il te fera rien…

Seto parcourut le bureau du regard, semblant s'assurer que Pégasus était parti, avant d'attirer Makuba contre lui et de le serrer dans ses bras.

- Tu m'as tellement manqué, petit frère…

Makuba lui rendit son étreinte précautionneusement, craignant de lui faire mal. Il avait noté que sa voix était un peu plus rauque et fatiguée que d'habitude.

- Toi aussi, tu me manquais… Comment tu vas ?

- Ça va aller. J'ai juste… J'ai plus la force de lutter. J'ai essayé de lui résister mais je peux pas… Je suis désolé, Makuba.

- Désolé de quoi ? Seto, c'est moi qui devrait être à ta place… C'était moi qu'il avait enlevé pour diriger la Kaïba Corp. Tu n'aurais jamais dû te rendre…

- Bien sûr que si. Je dois te protéger.

Soudainement, Makuba eut l'impression de se retrouver face au garçon de 10 ans qui lui avait promis de le protéger après la mort de leurs parents. Pour la première fois depuis qu'ils étaient arrivés à l'orphelinat, il avait l'impression de voir Seto tel qu'il était vraiment. Ni un PDG impitoyable, ni un duelliste arrogant et antipathique, juste un adolescent de 19 ans obligé de grandir trop vite. Un adolescent qui avait sacrifié sa vie pour lui. Un adolescent torturé à l'extrême qui était sur le point de mourir de douleur pour le protéger. Mais il pouvait encore lui venir en aide.

- Je nous ferais sortir de là, Seto. Ne tente rien, évite les coups au maximum, je te jure que je m'occupe du reste. Je trouverais de l'aide.

- Fais attention. Pégasus pourrait vouloir s'en prendre à toi s'il apprenait que tu cherches encore un moyen de partir. Je… Je n'arriverai pas à m'interposer entre vous deux indéfiniment.

Makuba acquiesça lentement. Il était soulagé de constater que Seto s'exprimait normalement en l'absence de Pégasus. Le créateur du jeu devait avoir raison, son frère faisait juste attention à ne rien dire ni même penser face à lui. Makuba détailla les marques de coups sur le visage de son frère.

- Tu n'auras pas à t'interposer entre nous. Ne t'inquiète pas pour moi, tu en as déjà subi bien trop comme ça. Je nous sortirai de là, frangin.

Avant que Kaïba n'ait pu répondre quoi que ce soit, la porte se rouvrit sur Pégasus et une étincelle d'appréhension traversa les yeux de son frère. Le créateur du jeu laissa échapper un petit rire en voyant Seto se crisper légèrement. Makuba se rassit sur sa chaise et sortit ses affaires pour travailler à coté de son frère. Il n'avait même pas besoin d'essayer pour savoir que Seto ne dirait plus un mot en présence de Pégasus.

La journée passa lentement, mais Makuba fut soulagé de constater que Pégasus n'utilisait pas le bracelet électrique qu'il avait mis à Seto. Celui-ci exécutait machinalement tous ses ordres, son regard éteint restant en permanence rivé au sol lorsqu'il était face au créateur du jeu, encaissant sans aucune réaction les piques et remarques humiliantes qu'il lui lançait. Vers 18 heures, Pégasus fit signer à Seto plusieurs documents avant de rappeler ses gardes :

- Ramenez ces deux là dans leurs chambres.

Au moment où l'un des gardes le saisissait par l'épaule, Makuba se retourna vers Pégasus.

- Attends ! Je peux rester avec Seto cette nuit ?

Pégasus fronça les sourcils en entendant la demande de Makuba et, avant qu'il n'ait répondu quoi que ce soit, le cadet des Kaïba reprit :

- Quoi ? Tu l'as dis toi-même, Seto n'a plus la moindre envie de tenter quelque chose, et moi non plus. Je te donnerais pas de raison de le torturer encore. Je veux juste… Rester avec lui. C'est tout.

Le créateur du jeu sembla étudier ce que Makuba venait de dire avant de déclarer :

- Soit. Seto, j'ose espérer que tu sais ce qui t'attend si tu essayes de faire quoi que ce soit qui pourrait me mécontenter ?

Kaïba répondit d'un simple hochement de tête.

- Bien. Emmenez-les tous les deux dans la chambre de l'ainé.

Ils se laissèrent entraîner par les gardes. Makuba remarqua que Seto portait toujours autour des pieds les menottes que Pégasus lui avait fait mettre trois semaines auparavant. Ses chevilles étaient devenues rouges, écorchées par endroit, probablement à cause du frottement répété du métal trop serré contre sa peau. Son frère semblait s'être habitué à marcher malgré les chaînes et n'eut pas de mal à les suivre jusque dans sa chambre. Une fois tous les deux dans la pièce, Makuba s'attendit à ce que les gardes sortent mais deux d'entre eux poussèrent Seto sur son lit avant de lui attacher un poignet aux barreaux avec une deuxième paire de menottes. Ils ressortirent en claquant la porte et Makuba rejoignit son frère sur son lit.

- Pourquoi ils t'attachent comme ça ? Tu peux à peine marcher, ils veulent que tu ailles où ?

- Ne t'inquiète pas pour ça, répondit Seto. Ce n'est pas gênant.

Makuba dévisagea son frère quelques secondes. Le Seto qu'il connaissait n'aurait jamais accepté d'être attaché aussi sévèrement et il aurait encore moins demandé à Makuba de l'accepter également. Il comprit rapidement. Seto savait que Pégasus épierait dans son esprit leur conversation dans les moindres détails et le punirait s'il disait quoi que ce soit qui ne lui convenait pas.

- Qu'est-ce qu'il t'a fait ? demanda Makuba.

- Quoi ? Tu sais ce qu'il m'a fait, il te l'a dit…

- Oui, mais pour te rendre comme ça ? Pour que tu aies peur de lui à ce point ?

Seto resta silencieux. La question de Makuba faisait rejaillir des souvenirs par flashs dans son esprit. Un placard minuscule dans lequel il avait été attaché, les yeux bandés, pendant plusieurs jours. Les décharges qui le secouaient régulièrement, des dizaines de fois par heure, probablement activées par les gardes qui surveillaient le placard, et qui l'empêchaient de s'endormir. La faim et la soif qui le tenaillaient. L'épuisement, la douleur et le sentiment d'impuissance dû à ses yeux bandés qui avaient failli le rendre fou. Les visites de plus en plus fréquentes des gardes pour le dresser. Le bruit d'un claquement de doigts qui résonnait à chaque fois juste avant que les décharges et les coups de pieds ne s'enchaînent violemment. Le ricanement satisfait de Pégasus lorsqu'il s'était recroquevillé de terreur en l'entendant claquer des doigts. Les ordres que le créateur du jeu lui donnait et qui lui faisaient échapper à quelques coups ou avoir un peu d'eau lorsqu'il obéissait. Les humiliations qui s'enchaînaient, ponctuées par des décharges de plus en plus violentes, jusqu'à ce qu'il accepte de les subir sans rechigner. La menace de Pégasus lorsqu'il l'avait finalement laissé sortir. Essaye de te rebeller ne serait-ce qu'une seule fois et on recommence tout depuis le début. Il ne voulait pas revivre ça.

Makuba comprit que Seto ne voudrait pas en dire plus et changea de sujet.

- Tiens, au fait. J'ai retrouvé ça l'autre jour dans ma chambre. Je me suis dis que ça te remonterait le moral.

Makuba sortit de sa poche quelques cartes de duel. Seto les reconnut rapidement, c'était les premières cartes qu'il avait jamais possédées, celles que Makuba lui avaient offertes quand ils étaient encore chez leur père adoptif. La dernière n'était pas une vraie carte, elle avait été dessinée par Makuba, des années auparavant. Seto esquissa un sourire.

- Le dragon blanc aux yeux bleus… C'était grâce à ce dessin que j'ai décidé de tout faire pour posséder un jour le vrai dragon blanc.

- Oui ! Et je t'avais dit qu'un jour, il viendrait nous chercher. Qu'il viendrait pulvériser tous ceux qui nous retenaient et qu'on s'envolerait tous les deux ensemble sur son dos.

Seto acquiesça d'un hochement de tête. Oui, il s'en souvenait. Il se souvenait de ce qu'il vivait chez leur père adoptif, il se souvenait des heures de travail interminables, des privations de sommeil, des reproches plus durs les uns que les autres… Le soir où Makuba avait réussi à lui faire passer ces cartes, il lui avait apporté plus que du réconfort, plus que la promesse de toujours être là pour lui… Il lui avait apporté de l'espoir. Avec un simple dessin, Makuba lui avait donné envie de croire que les choses allaient s'arranger, qu'il reprendrait un jour le contrôle de sa vie et qu'il deviendrait quelqu'un de suffisamment puissant pour pouvoir mépriser et écraser tous ceux qui voudraient les empêcher d'être heureux. Seto passa son bras libre autour des épaules de son frère et l'attira contre lui.

- Merci… murmura-t-il.

Ils avaient passé plusieurs heures à discuter avant que Seto ne tombe de sommeil. Makuba, lui, ne s'était pas endormi. Il réfléchissait. Voir son frère craquer devant Pégasus l'avait convaincu qu'ils devaient se sortir de cette situation, le plus rapidement possible, avant que le créateur du jeu n'achève de briser ce qu'il restait de la volonté de Seto. Ils ne pourraient pas s'en sortir seuls, ils étaient bien trop surveillés. Au Royaume des Duellistes, il se souvenait que Yugi avait essayé de l'aider – peut-être qu'il accepterait de recommencer ? D'exiger que Pégasus s'en aille s'il remportait son duel contre lui ? Mais selon Seto, Yugi n'avait aucune chance de gagner, son jeu n'était pas assez puissant pour rivaliser avec Pégasus. La Kaïba Corp regorgeait de cartes rares et puissantes mais il n'aurait jamais la moindre chance de pouvoir y accéder. Et en supposant qu'il parvienne à lui trouver des cartes pour renforcer son jeu, il fallait encore qu'il arrive à le contacter, à communiquer avec l'extérieur alors qu'ils étaient enfermés à 60 étages au-dessus du sol sans le moindre appareil électronique qui ne soit pas surveillé. Il ne savait même pas où habitait Yugi, là encore il lui aurait au moins fallu accéder librement à un ordinateur pour trouver son adresse… A moins qu'il ne trouve quelqu'un d'autre qui accepterait de l'aider à contacter Yugi ? Mais qui ? Il n'aurait qu'une seule chance, s'il faisait confiance à quelqu'un qui le dénoncerait à Pégasus, il n'aurait plus jamais l'occasion de tenter quoi que ce soit d'autre… Makuba étouffa un grognement de frustration et de désespoir. Comment pouvaient-ils trouver de l'aide pour se sortir de là ? Il jeta un œil à son frère, toujours endormi, et se ressaisit. Il y passerait la nuit s'il le fallait, mais il trouverait. Il réussirait à les sauver tous les deux. A le sauver.

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Quelqu'un frappa à la porte et Makuba fut le seul à relever la tête vers Dorothy, la secrétaire qui passait chercher le courrier de Pégasus dans leur bureau. Le nez penché sur les papiers de son bureau, le créateur du jeu ne lui avait même pas accordé un regard. Discrètement, elle prit les papiers de la bannette et fit demi-tour pour ressortir. Pégasus n'avait toujours pas levé les yeux. Makuba aurait préféré qu'il ne soit pas là du tout mais il n'avait pas le choix, ça faisait déjà une semaine qu'il attendait une occasion comme celle-là. Discrètement, il prit une enveloppe cachée par un tas d'autres papiers sur son bureau et, glissant le bras sous la table, il l'expédia d'un geste rapide vers le centre de la pièce.

- Dorothy ? appela-t-il.

- Oui monsieur ?

- Vous avez laissé tomber ça, signala-t-il en désignant l'enveloppe au sol.

La secrétaire fronça les sourcils et la ramassa. Lisant ce qui était écrit dessus, une lueur de compréhension traversa son regard et elle se retourna vers Makuba en lui adressant un sourire.

- Oh, en effet, c'est à moi. Je vous remercie, monsieur Makuba.

- Pas de quoi.

Pégasus avait levé les yeux en entendant Makuba parler, mais s'était replongé dans ses dossiers dès que la secrétaire avait confirmé que l'enveloppe était à elle. Elle ressortit et Makuba rajouta en pensée : Merci à vous.

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- C'était bien ça… murmura Yugi. Pégasus retient bien Kaïba et Makuba…

La nouvelle avait été publiée dans les journaux quelques jours avant.

- Qu'est-ce que tu veux que ça nous fasse ? demanda Joey.

- Je ne peux pas m'empêcher de penser… C'est à cause de moi. Si je n'avais pas gagné ce duel, Kaïba aurait pu affronter Pégasus… Il n'aurait pas été obligé de se rendre pour protéger son frère.

- Tu n'avais pas le choix, Yugi, murmura Téa. Il retenait ton grand-père, tu ne pouvais pas te permettre de perdre.

- Et si tu avais perdu, t'aider aurait bien été le dernier souci de Kaïba, fit remarquer Joey. A force de se comporter comme un crétin supérieur à tout le monde, il a fini par tomber sur plus fort que lui. Il ne mérite rien d'autre !

Yugi baissa les yeux sur l'article de journal relatant l'humiliation de Kaïba devant son conseil d'administration. Lentement, il hocha la tête de droite à gauche.

- Non, Joey. Personne ne mérite ça.

Joey allait répondre lorsque la porte du magasin de jeux s'ouvrit sur un facteur.

- J'ai un courrier pour Yugi Muto.

- C'est moi.

Le facteur lui tendit l'enveloppe en souriant :

- Je ne sais pas à combien ils s'y sont mis pour l'écrire !

Yugi regarda l'enveloppe. En effet, son nom avait été écrit par une écriture enfantine mais le reste de l'adresse avait été complété par une autre écriture, plus adulte et féminine. Il ouvrit l'enveloppe. Il remarqua qu'elle contenait plusieurs choses mais sortit en premier une feuille de papier qu'ils lurent ensemble.

- Aide-nous, lut Téa. Et c'est tout ? Rien d'autre, aucune signature ?

- Si, Téa, répondit Yugi. C'est signé.

Il avait sorti le reste du contenu de l'enveloppe et tenait dans ses mains trois cartes du dragon blanc aux yeux bleus.


En espérant que ce premier chapitre vous ait plu, malgré mes personnages un peu OOC, je le reconnais... N'hésitez pas à me laisser vos impressions dans une review !