Tout autour d'eux frémissait le monde. Dans ce bar bondé en ce samedi soir, l'ambiance battait son plein. Un jeune homme aux yeux écarlates scrutait les environs de cette dense atmosphère, jusqu'à repérer un autre du même âge à peu près, dans un habit de barman. Des lunettes de soleil sur nez bien qu'ils soient en intérieur ; une veste sur les épaules bien que la chaleur soit étouffante ; un air renfrogné bien que l'air soit à la fête.

Il dévisagea longuement cette personne à l'air nonchalant, presque négligé, jusqu'à ce qu'elle le fixe à son tour, de ce que l'on pouvait interpréter de son regard camouflé dans la pénombre du lieu. Pourtant, il n'avait pas détaché son regard, jusqu'à ce qu'il tourne la tête pour appeler le barman, lui dise quelques mots indiscernables dans le bruit ambiant et que celui-ci s'approche alors de lui un martini à la main. Il avait alors observé le verre puis avait fixé celui qui lui avait offert dans les yeux tout en le buvant, par provocation.

Toute la soirée durant, ils s'étaient regardés en chien de faillance, comme n'osant pas s'approcher, engager la discussion. Le brun aux yeux carmin en avait eu marre. Il s'était levé, et l'alcool aidant, avait implicitement invité le blond sur la piste de danse d'un long regard appuyé agrémenté d'une main, effleurant volontairement ses hanches, puis glissant vers l'intérieur de ses cuisses. L'autres avait semblé gêné, mais lui aussi bien trop alcoolisé pour se rendre compte de tout ce qu'il faisait, l'avait rejoint.

Il avait passé ses bras derrière le cou du brun, et s'était presque collé à lui. Ils s'étaient frôlés, le brun avait fait en sorte que leurs entrejambes aussi. Les distances s'étaient réduites mais ça n'était pas allé plus loin qu'à l'effleurement de leurs lèvres. Le regard plongé l'un dans l'autre, ils avaient perdu le reste du monde de vue, mais une main posée sur ses fesses avait remémoré au brun où ils se trouvaient.

Il avait alors rapproché ses lèvres de l'oreille de son partenaire d'un soir pour lui chuchoter un « pas ici » plein de sens. Il savait que l'un comme l'autre ne pourraient - voudraient - pas se retenir une fois le tout commencé. Il avait alors attiré le blond dans son sillage et ils avaient bientôt rejoint un bâtiment proche du bar. Le blond s'était infiltré dans l'habitation puis l'avait saisi par derrière, lui apposant un suçon dans le cou. Il désirait voir - admirer - les déformations de ce visage si beau, si simple, si attirant sous ses coups.

Glissant ses doigts sous ses vêtements, une grimace s'était formée sur le visage de l'autre ; des lèvres avaient été sauvagement mordues ; une plainte faite entendre. Aucun n'avait été fait de cette opposition vaine. Un tee-shirt, suivi d'une chemise, puis de deux pantalons avait volé à travers la pièce. Contre le mur, sans aucune douceur, le brun s'était fait prendre. Un cri de douleur avait résonné. Une morsure. Nouvelle stridulation. La fierté d'en était mêlée. Des larmes avaient refusé de couler.

Mais le sang faisait fi de la fierté, et enfin libéré, s'était déversé le long de ses jambes. Des ongles avaient cherché à griffer. Mais une poigne vigoureuse avait saisi son poignet. Il avait alors cherché à donner des coups de pieds. Le poignet avait craqué. Un hurlement avait suivi. Les yeux révulsés, l'air profondément choqué, il avait laissé l'autre faire, ne souhaitant plus souffrir. Mais rien n'y avait fait. Son poignet le lançait, il était déchiré. Des dents s'étaient plantées dans son dos. De douleur, il s'était tendu, comprimant l'autre, mâchoire serrée. Il avait suivi l'ambiance, se libérant de tout désir.

Il avait alors été lâchement abandonné. L'autre repartant comme il était venu, le laissant en sang, sans rien, nu comme un ver, l'esprit et le corps poignardé, sali, traumatisé. Aux portes de la folie, il avait sombré dans l'inconscient. Mais face à celui-ci, il avait préféré se noyer dans la folie.