CHAP I.

La mission semblait plutôt simple de prime abord: extrader un forgeron d'Avalon, le ramener en sécurité au Sanctuaire.
Certes, il possédait un artisanat très spécifique, à l'image de celui pratiqué par les Jamiriens, mais delà à envoyer un chevalier d'or, il ne fallait pas pousser tout de même!

Une unité de bronzes et d'argents aurait amplement suffi, avait-il alors pensé.

Malgré tout, cette mission de "grande" importance, confiée par le Grand Pope lui-même, piquait sa curiosité.
Il s'en doutait bien: les raisons qui poussaient ce dernier à profiter d'un conflit entre Avalon et Poséidon lui paraissaient assez claires. Les jamiriens étaient pour ainsi dire éteints, leur nombre avait chuté de plusieurs centaines à trois exactement.
Perdre ces forgerons serait un coup dur, sans nulles doutes, pour leur déesse.

Aiola secoua la tête, à trop réfléchir, il se détournait de sa mission.
Il n'avait pas eu de description de sa cible, juste un "tu le reconnaîtras" lancé par un Grand Pope évasif...
Le reconnaître, le reconnaître, il en avait de bonnes le vieux! Déjà, se faufiler au milieu d'une guerre entre deux camps était délicat… ce n'était pas vraiment le moment de se retrouver au milieu de tout ce bazar: ils n'étaient pas prêts à remettre le couvert. Pas encore.

Lorsqu'il arriva sur les Terres d'Avalon, après avoir dissimulé sa présence, il put constater l'étendue des dégâts: malgré une lutte acharnée, les avaloniens étaient clairement dépassés. C'était un véritable massacre.
Il ne fallait pas être un génie pour s'en rendre compte: la terre était gorgée de sang, et un silence lugubre, à peine troublé par les échos des derniers combats encore en cours, avait gagné les bois. Même les corbeaux se taisaient.
Aiola soupira: il n'avait plus de temps à perdre, il fallait retrouver le dit forgeron. C'est ainsi que lui et ses quelques hommes commencèrent à enquêter auprès des villageois du premier village dans lequel ils firent étape. Choqués, misérables, le regard hagard, ces pauvres hères ne seraient pas vraiment d'une grande aide. Fort heureusement, le dit forgeron jouissait d'une certaine réputation : il était d'un âge relativement jeune, portait des tatouages le long de son corps et était réputé pour son impulsivité ainsi que sa manière de combattre à deux armes.

C'était tout. Les informations restaient maigres malgré tout, et il sembla aux athéniens que la tâche de révélerait plus ardue que prévu.

Trois jours à patauger dans les marais bretons avait entamé le moral de ses troupes, mais le lion d'or n'était pas genre d'homme à s'avouer vaincu si vite. Ce fut un parfait hasard qui leur donna une piste plus tangible: un petit groupe de rescapés, crasseux et sonnés, venait d'arriver dans le village où ils séjournaient depuis une journée. Ils venaient directement de la zone de conflit principale: la capitale.

Les interroger était finalement superflu, car bientôt un groupe de forma autour d'eux, les prêchant de les informer de la situation. Il suffisait aux athéniens de se joindre à la foule et d'écouter.

Les forces de Poséidon avaient réussi à créer une percée dans la partie centrale du sanctuaire avalonien. On déplorait déjà la perte de nombreux chevaliers, mais surtout de plusieurs chevaliers de la table ronde. Ils étaient tant submergés, que les forgerons sacrés avaient dû se joindre aux combats. Le jeune génie sur qui reposait beaucoup d'espoirs avait refusé de fuir, et avait couvert la fuite des civils. On racontait qu'il avait un cosmos plutôt puissant qui lui avait permis d'extrader le petit groupe en dehors des tours d'Avalon.

Avalon se trouvait à quelques lieues de là, et, Aiola n'en douta pas une seconde, sa cible devait avoir un cosmos différent des autres, cela faciliterait grandement les choses.

Sa troupe se mis en route sur l'heure.

C'était un champs de ruines fumantes que découvrirent les athéniens en arrivant à Avalon. Le haut château qui surplombait la ville continuait de lutter vaillamment, mais ses murs d'ordinaire si blancs avaient pris des teintes rouges et brunes ça et là. Les rues portaient encore les échos de combats qui continuaient à sévir un peu partout. Les chevaliers de la déesse de la sagesse grecque bénéficiaient de la confusion ambiante, se fondant dans les brouillards poussiéreux, passant de décombres en décombres. D'après les derniers survivants, le forgeron devait se trouver aux abords du château, on l'avait aperçu dans la grande cours. Leur destination était donc toute trouvée.

La cours devait être un endroit magnifique quelques semaines auparavant. Faite de granit blanc, elle était de forme circulaire, entourée de bâtiments aux pierres ciselées avec luxe de détails. La lumière dansait sur les dalles claires, illuminant les motifs colorés des mosaïques qui l'en ornaient. L'odeur âcre du sang tira le chevalier d'or de sa contemplation : l'endroit ne sentait plus que mort et désarroi.

"Athéna, faites que nous le retrouvions vivant!" Pensa le jeune homme en s'engouffrant par une porte, celle qui était estampillée d'une enclume.

Le spectacle qui se tenait là n'avait rien à envier à celui du dehors: des corps mélangés d'avaloniens et de marinas, du sang, de la tripaille, mélangés à la boue, la crasse, la sueur. L'odeur les prit à la gorge un court instant, leurs yeux devaient s'habituer à la faible luminosité de l'endroit.

Boong ! Le son sourd du métal qui s'entrechoquait leur parvint.

Un râle de mourrant, puis un coup donné avec le tranchant d'une arme.

Au milieu de la pièce de tenait un personnage menu, il brandissait dans une main un marteau de forgeron et dans l'autre une épée à la lame si pure, qu'il sembla à Aiola qu'elle brillait d'elle même, et ce, malgré la pénombre du lieu. Cette drôle apparition était torse nu, une bande de cuir protégeait le haut de son buste, sa peau recouverte sur toute sa partie gauche de tatouages était sale et humide, et la lumière chaude du foyer qui se trouvait derrière lui donnait l'impression que les dessins de sa peau prenaient vie à chaque coup qu'il portait. Il devait avoir les cheveux longs, car ceux ci étaient tirés en arrière, retenus par un chignon négligé, alors que le crâne d'un bélier mort depuis belles lurettes trônait sur sa tête. Un ornement?

Lorsqu'il donna un violent coup de cornes à un des sbires du dieu des mers, Aiola comprit qu'il servait aussi en combat.

Le longs des cornes complexes et ciselées du crâne, des breloques, visiblement anciennes, tintaient à chaque mouvement du forgeron. Enfin, il portait une moitié de tabard et des jambières en fer noir, protégeant ainsi le bas de son corps.

"Donne nous les reliques gamin!" Cria un sbire en se jetant sur le flanc gauche de ce dernier.

L'angle mort du forgeron, une des rares ouvertures qu'il avait négligé, pensa le chevalier d'or en fronçant les sourcils. Il n'eut, cependant, pas le temps de réagir. Le gamin encaissa le coup, alors qu'une traînée rouge pouasseuse commença à serpenter le long de ses côtés. La violence du coup l'obligea à mettre un genoux à terre mais l'instant d'après, alors que le sbire croyait la partie gagnée, le forgeron avait disparu pour réapparaître derrière lui et lui enfoncer son marteau dans le crâne.

Il y eut un craquement sordide, puis le corps tomba.

Il n'était pas mauvais, et avait un contrôle de son cosmos excellent. Aiola n'eu pas le loisir de pousser sa réflexion plus avant, le forgeron les pointait de son épée en se mettant en garde.

Les choses tournaient mal, vraiment! Elle avait perdu le contact avec les autres combattants du château, et elle était la dernière debout dans la forge. Jusqu'à présent, elle avait réussi à ralentir les hordes de sbires qui déferlaient sur eux, mais elle doutait de sa capacité à tenir encore longtemps.

Elle avait fait face à un ou deux marinas plus expérimentés, utilisant leur cosmos de manière plus poussée pour attaquer et, si elle avait réussi à s'en défaire, elle n'en était pas sortie totalement indemne.

Avec les derniers hommes qu'elle avait mis à terre, elle pensait bénéficier d'un court répit pour souffler et se reposer. La fatigue lui coupait les jambes et elle ne sentait déjà plus ses bras. L'arrivée de ce nouveau groupe dans sa forge était un réel coup du sort. Non seulement ils maîtrisaient tous leur cosmos, mais leur chef semblait d'une toute autre trempe. Il dégageait quelque chose de sauvage, de féroce, de dangereux. Elle sentit un frisson parcourir l'échine, elle savait qu'elle n'aurait aucune chance de victoire.

Malgré tout, elle s'était mise en garde et étudiait la situation, leurs attitudes.

Ils ne paraissaient pas belliqueux, pour le moment.

"Calme! Nous ne sommes pas des ennemis!" Tenta le chef, un jeune homme brun aux yeux brillants. Il fit un geste de paix en s'avançant d'un pas. Le forgeron recula, rajusta sa prise sur son épée.

"Halte!" Cria-t-elle dans un français impérieux.

Une voix féminine? En voilà une drôle de surprise ! S'il s'était attendu à cela! Ceci dit, cela ne réglait en rien son problème : elle semblait ne pas parler grec…

"Pourquoi ne pas avoir envoyé Camus…" se lamenta alors le lion d'or avant de reprendre tranquillement, ou du moins, le plus tranquillement qu'il pouvait:

" Du calme! Nous ne sommes pas des ennemis. Nous venons de la part d'Athéna !"

La jeune fille se figea, et il put comprendre, à ses yeux graves, qu'elle réfléchissait.

"Des athéniens ?" Finit-elle par prononcer avec un fort accent. " Que voulez vous? Je vous préviens, je ne me laisserai pas faire!"

Combative la gamine! Malgré tout, il n'avait pas le temps de son côté et il fallait absolument quitter les lieux au plus vite… avant qu'on ne les repère.

"Je suis désolé, le temps manque." Finir par dire doucement Aiola alors que, à la vitesse de l'éclair, il se déplaçait vers elle et l'assommait.

Il récupéra le corps qui tombait dans ses bras. Il prit quelques secondes pour détailler un peu plus avant le visage de ce drôle de personnage.

*Une jamirienne?" Finit-il par dire quelque peu coi avant de revenir à la priorité du moment, à savoir fuir.