J'aime me rendre à la bibliothèque du palais du Pope le soir. Et j'aime aussi m'y rendre à pieds, pour saluer mes collègues. Mon voisin Taureau est fort aimable, j'aime lui parler en soirée, dans la moiteur des chaleurs grecques. Je lui adresse un au revoir puis je monte les marches, entre son temple et le tien. J'espère te trouver et pouvoir te parler quelques minutes. Arrivé sur le parvis de ta Maison, je ne t'y trouve pas et c'est inhabituel. Je te cherche, je t'appelle, et je reste figé.
Ce soir-là, je l'ai vu.
Le pauvre être me regardant d'un air perdu, les cheveux gris en désordre, les yeux rougeâtres. Et surtout, le sang. Celui qui dégoulinait sur tes avant-bras et tes vêtements. Celui de tes poignets meurtris. Je m'approche de toi pour t'aider, mais soudain tu changes d'expression, un mauvais sourire étire tes lèvres. C'est l'expression de la folie que tu as toujours gardée e toi. Je connais Arès, cet autre toi. Je ne le crains pas. Je ne le crains plus.
C'est alors que tu m'empoignes avec violence, tu me plaques contre la colonne derrière moi. Tu m'embrasses violemment. Puis tu me frappes. Je n'essaie même pas de me débattre. Quand Arès domine ta conscience, tu m'enchaînes à toi. Tu tentes de me faire tien de toutes les manières possibles. J'arrive à accéder à tes poignets pour soigner ta chair meurtrie, mais tu me fais passer une soirée et une nuit brutales. J'encaisse tout. Car, ne dit-on pas que l'amour est la plus belle des douleurs ? C'est une chose à laquelle je veux encore croire. Car si je subis la violence du deuxième toi, c'est par amour. Et je souhaite encore croire que demain sera un autre jour. Que demain tu auras retrouvé tes esprits. Et si tu ne te souviens plus de ce que tu m'as fait, ce n'est rien, je ne te le rappelerais pas. Car je souhaite te voir heureux, même si c'est entre deux crises de folie. Une nouvelle nuit de supplices que tu inscris en moi.
Déesse, si il m'est permis de faire une prière, elle est pour lui. Je demande pardon aux Dieux pour lui.
Et quand j'ouvris les yeux le lendemain, contre toi, tu me regardais de tes yeux redevenus émeraude. Tes cheveux maintenant azurés caressaient mon visage. Et je ne voyais rien de beau dans ton magnifique regard; juste de la tristesse et un peu de mélancolie. Tu lèves ta main pour me toucher. Je me crispe instinctivement, attendant un coup. Mais il ne vient pas. Et tu comprends ce que tu a fait, quand je lève sur toi un regard apeuré. Tu comprends que tu as ed nouveau marqué ma chair, que tu m'as fait souffrir. Des larmes perlent sur tes joues, et tu t'excuses mille fois. Je prends ton visage dans mes mains et les essuie, ne crains plus la torture. Je ne crains pas Arès, qui est l'autre toi. Il y a bien longtemps que je suis habitué.
Ne pleure pas, Saga. Ta dégénerescence n'est que temporaire. Cela s'arrangera, demain est un autre jour. Crois au lendemain. Ne te préoccupe pas de mes cris et de mes larmes. Taris les tiens.
Ne pleure pas, Saga. Ne pleure pas ma souffrance alors que la tienne est cent fois, mille fois plus grande et lourde à porter. Si cela peut t'aider à garder la raison, alors je veux bien continuer à souffrir. L'amour est le plus beau supplice.
Ne pleure pas, Saga. Je ne crains plus Arès. Je sais que tout ira bien. Je sais que je t'aime. Alors garde espoir, dis-toi que l'avenir sera radieux. Mon corps ne sent plus la douleur, c'est une de mes vieilles amies. Exorcise tes peurs, tes doutes, ta folie. Mais n'oublie jamais, au grand jamais, que pour toi je continuerais à endurer. Sers-toi de moi. Et reste toujours Saga, celui que je connais.
Oui, je continuerais à demander pardon pour toi. Et demain sera un autre jour.
Fardeaux lourds à porter,
Le bourreau, la victime.
Amour déchiré
Espoir infime.
Le Bélier et le jumeau maudit
Se soutiennent toujours
Dans cette espèce de maladie
Qui tente d'emporter leur amour.
Halam prie,
Castor se débat.
Il leur faut exorciser cette folie.
L'aide céleste ne vient pas.
Athéna, je t'en prie,
Entends les paroles d'Halam.
Castor sombre dans la maladie
Aide-moi à purger son âme.
Qu'il en soit ainsi, Bélier,
J'accepte de soigner vos maux.
Son état devrait s'améliorer.
Je sauverai les Gémeaux.
Ô Déesse, je vous remercie
D'avoir entendu mes prières.
Dans votre bonté infinie,
Vous le sauvez de sa folie meurtrière.
