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Ce petit OS m'est venu en repensant à cette petite phrase que prononce Darcy juste après son entrainement d'escrime dans la version de la BBC : « Je dois vaincre cela ! » Des mots très forts pour un homme de pouvoir, non ?
Le texte en gras correspond aux répliques des personnages dans la série.
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Il ne pouvait tout simplement pas l'oublier. Même le sommeil ne lui était d'aucun réconfort. Chaque soir, il tardait de plus en plus à venir, et chaque soir il venait accompagner de souvenirs bons et moins bons qui ne lui étaient d'aucune utilité pour espérer oublier Elisabeth Bennet un jour ! Alors il s'occupait, il s'affairait de mille et une manières pour ne plus y penser. Mais même à cet instant, où il croisait le fer avec son maître d'armes, il ne pouvait cesser de penser à elle et à tout ce qu'il avait perdu. Il mettait toute son énergie dans ses attaques et ses parades mais une question l'obstinait : William Darcy était-il damné ? Condamné à souffrir mille morts pour avoir osé poser son regard sur cette jeune femme ? Pour avoir osé lui ouvrir son cœur ?
Son adversaire attaqua, le poussant à faire deux pas en arrière avant de revenir à la charge…
Elle l'avait refusé. Pire que cela, elle l'avait violemment rejeté, allant jusqu'à dire que fusse-t-il le dernier homme sur terre, elle ne voudrait pas de lui pour époux. Encore aujourd'hui, ses mots lui lacéraient le cœur. Des semaines après ce funeste jour, il lui semblait encore entendre sa voix. Oh, comme il lui était difficile de faire bonne figure devant ses pairs, de garder pour lui son orgueil piétiné, de continuer de vivre avec un cœur ravagé. Elle l'en croyait dépourvu ! Sans émotion, sans justice et sans honneur. Elle serait sans doute amusée de le voir souffrir ainsi. Non, non, elle ne le serait pas bien sûr. Il devait lui rendre justice, elle serait peinée de le savoir ainsi. Son cœur ne pourrait rester insensible à sa douleur mais cela ne changerait en rien l'opinion qu'elle s'était faite de lui. Elle le détestait. Aucun autre mot ne traduisait mieux tout ce qu'elle avait exprimé ce soir-là, en y mettant pourtant toute la retenue dont elle avait été capable dans l'instant. Elle le détestait pour avoir contrant son favori à une situation précaire mais surtout pour avoir brisé le cœur de sa sœur ainée : Jane Bennet.
Touché! Il n'était pas concentré…
Il se devait de prendre en compte les propos de Miss Elisabeth aujourd'hui. Si Jane Bennet était réellement éprise de son ami, Charles Bingley, c'est qu'elle-même était semblable à lui. Leurs caractères réservés se traduisaient simplement de façons différentes au vu de leur position respective dans la société. Il était un homme de haute naissance, propriétaire aux nombreuses responsabilités tandis qu'elle n'était qu'une jeune femme sans fortune qui dans un monde de convenances se devait de tenir son rang, faire un bon mariage et tout cela en évitant toute attitude qui pourrait nuire à sa réputation ou à celle de sa famille. Ils pouvaient tout deux être l'objet de convoitises de personnes mal attentionnées, lui pour ses biens, elle pour sa beauté, sa candeur et parfois de jalousies pour exactement les même raisons. Ils devaient tous deux se montrer prudents en toute chose et surtout en amour. Pourquoi ne l'avait-il pas compris ? Pourquoi ne l'avait-il pas vu ?! Il avait prévu de parler à Charles ouvertement de toute cette histoire. Il espérait que son ami serait assez bon pour lui pardonner mais surtout qu'il ne serait pas trop tard pour l'un et l'autre. S'il devait y avoir une union entre Charles et Jane Bennet, il serait peut-être amené à revoir Miss Elisabeth de temps à autre ou tout du moins à entendre parler d'elle. Charles serait son beau-frère, il aurait avec elle une intimité que lui ne connaîtrait jamais et qu'il ne pourrait que lui envier. Cette perspective raviva le feu de son cœur. S'il pouvait tout recommencer. S'il pouvait lui être présenté à nouveau au cours de ce bal à Meryton ! Il y danserait avec elle au lieu de prendre soin de rester à distance des mères de famille et de leurs jeunes progénitures. Il converserait avec elle, au lieu de prêter une oreille, même distraite, aux médisances de Miss Bingley sur le manque de tenu de cette société. Oui, il ferait les choses différemment. Il savait qu'il était trop tard pour la gagner mais peut-être pouvait-il encore faire amende honorable en apportant quelques changements à son caractère. Son cousin, le colonel Fitzwilliam, le lui avait déjà fait remarquer à diverses reprises, sa timidité n'excusait en rien sa froide réserve. Il admirait beaucoup son cousin et son ami en cela. Eux aussi avaient un rang à tenir, et des précautions à prendre dans leurs relations, ce qui ne les empêchaient pas de converser naturellement avec des étrangers. Il aurait aimé avoir ce talent : «Lui demanderons nous pourquoi ? Pourquoi un homme intelligent et qui a une grande habitude du monde n'aurait pas les qualités nécessaires pour se rendre agréable auprès des étrangers ? ». Miss Elisabeth Bennet, sa voix lui revenait encore. Oui, ce n'était que de sa faute, et lui seul pouvait y remédier. Il ferait un effort, pour lui-même, pour son bonheur futur, pour que peut-être, elle en entende parler et qu'elle sache qu'elle avait changé sa vie, qu'il n'était pas si intransigeant, qu'il pouvait se remettre en question.
Son maitre d'armes tenta une approche par la droite qu'il contra…
Se remettre en question… Wickham avait su jouer de ce trait de caractère. Il savait que même en sa présence, il ne parlerait jamais ouvertement de ses affaires privées. Il avait gagné Miss Elisabeth Bennet par sa bonhomie et ses manières, il l'avait persuadée d'un manque de justice à son égard. Wickham, dont il avait pourtant été si proche à une époque se donnait bien du mal pour le faire souffrir. S'attaquant à sa jeune sœur et maintenant en participant à la défiance de Miss Elisabeth à son égard. Et pourtant, il était certain que ce dernier ne se doutait pas un instant des sentiments qu'il nourrissait pour elle. S'il l'avait su, aller savoir ce qu'il aurait pu imaginer d'autre, ce qu'il aurait pu entreprendre ! Il était au moins heureux d'avoir pu lui remettre une lettre d'explication. Elle connaissait maintenant le véritable visage de son favori et prendrait garde de ne plus s'approcher de lui. Mais le croyait-elle assez pour cela ou penserait-elle qu'il cherchait à l'éloigner d'un homme dont il voulait la ruine ? Après tout il n'avait aucune certitude, peut-être n'avait-elle jamais lu sa lettre, peut-être n'aurait-il pas dû l'écrire. Mais il en avait ressenti le besoin avec tant de force. Ce qui était fait, était fait. Il allait devoir vivre avec et faire de son mieux pour aller de l'avant.
Son bras s'élança et il fit parade.
- Touché, jolie feinte ! C'est très bon Monsieur. Cela suffira-t-il ?
Il manquait de souffle, de concentration. Même s'il ne lui disait pas, son maître d'armes avait dû s'en rendre compte.
- Cela suffit, merci Bents.
- Voulez-vous revenir demain, Monsieur. A dix heures ?
- Non, demain j'ai des affaires à régler dans le nord. Je reviendrais demain en huit.
Oui, il devait rentrer à Pemberley. Il devait voir son régisseur et se préparer à avouer à Charles toute son implication pour éloigner Miss Jane Bennet de lui.
- Très bien Monsieur. Je vous souhaite une bonne journée.
- Merci Bent, bonne journée.
Et puis, il n'était pas le premier homme à avoir le cœur brisé ! Il ne pouvait pas se laisser abattre de la sorte.
- Je dois vaincre cela. Je le dois !
Il était parti tôt ce matin et galopait maintenant sur les terres de Pemberley.
Il n'était heureux qu'ici, il n'aspirait à vivre qu'ici. Il avait voyagé et vu la beauté du monde mais rien n'égalait pour lui le domaine de Pemberley. Ses étendus de forêts, ses lacs, ses collines, le calme et la plénitude qui s'en dégageait. Ici, il pouvait être lui-même. Personne ne lui reprochait d'être réservé, distant ou taciturne. Tous avaient appris à l'apprécier et connaissaient son dévouement pour chaque homme, femme ou enfant des terres dont il était l'héritier et l'intendant. Son seul regret était de n'avoir pas pu y recevoir Elisabeth Bennet. Il aurait aimé connaitre son avis sur la propriété et ses environs. Il savait qu'elle ne chercherait pas à lui plaire et que son regard serait le plus objectif possible. Malgré lui, il l'avait plusieurs fois imaginé faisant de longues promenades à travers la lande et revenant au domaine, le souffle court et les joues rougies d'avoir tant marché. Il l'avait imaginé dénouant sa cape et la remettant ainsi que son chapeau à l'un des domestique qu'elle n'aurait pas manqué de gratifier d'un sourire et d'un mot gentil. Il avait imaginé l'observer en silence pendant qu'elle viendrait à lui pour lui demander si sa journée s'était bien passée et lui conter ce qu'elle avait pu observer de la campagne. Il s'était vu dinant avec elle dans la petite salle à manger, rédigeant du courrier dans son bureau pendant que, par la porte laissée entrouverte, les airs qu'elle jouerait au piano se laisseraient porter jusqu'à lui. Il se l'était imaginé donnant ses directives à toute la maisonnée, prenant Georgiana sous son aile et se permettant même de le reprendre de temps à autre, une fois éloignés des oreilles indiscrètes. Oui, il avait imaginé tant de choses et il aurait été prêt à enduré n'importe quel discours calomnieux concernant son manque de fortune et de position s'il avait pu, en contrepartie, passer chacune de ses journées auprès d'elle.
Il avait déjà entendu cet adage qui disait qu'on ne prenait conscience de la valeur des choses que lorsque l'on ne les avait plus et ces mots résonnaient très fort en lui. Il l'avait perdu avant même de l'avoir eu. Et ce n'était pas un destin tragique ou la pression de la bonne société qui en était responsable, non, tout était de sa faute à lui.
Plus il se rapprochait de la propriété et plus ses souvenirs d'un futur qui n'existerait pas lui devenaient insoutenables. En apercevant la grande bâtisse au loin, il décida qu'il ne pouvait rentrer dans cet état au risque d'inquiéter ses gens et particulièrement sa femme de charge, Mme Reynolds. Elle veillait sur lui comme un fils et verrai à la minute que quelque chose n'allait pas. Il fit un léger détour et abandonna son cheval au bord d'un des nombreux points d'eau du domaine. Il avait besoin de se rafraichir au propre comme au figuré. Il se déshabilla et plongea pour redevenir, ne serait-ce que quelques minutes, maitre de lui-même. Il sortit de l'eau quelques instant plus tard et récupéra ses affaires, son cheval et se mit en marche vers sa demeure. Le cheval fut conduit aux écuries et lui-même ne se trouvait plus qu'à quelques mètres de chez lui quand il se retrouva nez à nez avec celle qu'il croyait ne plus jamais revoir : Miss Elisabeth Bennet. L'étonnement était grand de son côté à elle aussi mais elle au assez d'empire sur elle-même pour se reprendre rapidement et parler la première.
- Monsieur Darcy !
Il lui fallut tout son courage pour ne pas perdre ses moyens et être capable d'ouvrir la bouche. Elle était apparue devant lui si subitement, qu'il n'était pas certain de ne pas être en train de rêver.
- Miss Bennet ? Oh euh…
- Je ne m'attendais pas du tout à vous voir, Monsieur. On nous avait dit que toute la famille était absente sinon nous n'aurions jamais…
- Je suis rentré un jour plus tôt. Elle ne devait pas s'en vouloir le moins du monde d'être là. Il l'avait imaginé si souvent dans ses jardins. Mais il oubliait ses bonnes manières ! Oh, excusez-moi, vos parents sont en bonne santé ?
- Oui. Ils se portent bien, je vous remercie.
- J'en suis heureux. Depuis combien de temps, êtes-vous dans la région ?
- Depuis deux jours, Monsieur.
Deux jours déjà qu'il aurait pu la voir ! Que de temps perdu à ruminer alors qu'elle était dans le comté.
- Et où loger vous ?
- A l'hôtel de Lambton.
- Ah oui. Quant à moi, je viens d'arriver. Comme si elle ne l'avait pas constaté par elle-même. N'avait-il donc rien de plus intelligent à dire ? Et vos parents sont en bonne santé ? Toutes… vos … sœurs ? Il avait déjà posé cette question ! Fitzwilliam reprend toi !
- Oui ! Tout le monde est en excellente santé, merci.
Il ne pouvait rester devant elle dans cette tenue et en même temps, il ne voulait pas la quitter. Si Richards était à l'étage, il ne lui faudrait pas plus de cinq minutes pour être présentable. Il l'a regarda une dernière fois comme pour s'assurer qu'il ne rêvait pas et s'inclina pour prendre congé.
- Bien. Excusez-moi.
Il s'éloigna d'un pas rapide et cru apercevoir sur sa droite un couple qu'il ne connaissait pas. Surement des amis ou de proches parents qui accompagnaient la jeune femme durant son séjour. Il trouva Richards à l'étage et il put l'aider à se changer rapidement. Il avait mis quelques minutes de plus mais Mme Reynolds l'avait assuré que ses visiteurs n'étaient pas encore sur le point de partir puisqu'ils venaient tout juste de demander à visiter les jardins quand il était arrivé.
Une fois à l'extérieur, il aperçut un cabriolet et Miss Bennet qui s'en approchait à grand pas. Elle ne comptait donc pas rester et poursuivre sa visite ? C'était tout à fait compréhensible, eElle ne devait pas se croire la bienvenue à Pemberley. Il l'arrêta et la rassura sur ce point, faisant connaissance avec son oncle et sa tante et se proposant de les accompagner dans leur visite. Il était exalté par sa présence près de lui. Il revivait et même le soleil lui semblait plus brillant que quelques minutes auparavant. Elle avait ce pouvoir sur lui, le pouvoir de lui faire ressentir les choses d'une manière inédite. Ses souvenirs ne lui avaient pas rendu justice, elle était si belle. Bien qu'un peu mal à l'aise, ils discutèrent ensemble tout en visitant les jardins et c'est avec soulagement qu'il constata qu'ils étaient capable d'échanger sans fausse note malgré la façon dont s'était terminée leur dernière entrevue.
La visite des jardins se termina bien trop tôt à son goût mais il avait obtenu l'accord de Miss Bennet pour lui présenter sa sœur. Cela lui tenait à cœur depuis si longtemps et peut-être que l'occasion ne se représenterait plus. C'est le cœur apaisé qu'il l'a regarda s'éloigner. Leurs regards s'accrochèrent et il se surprit à espérer. Mais non, elle ne l'aimait pas comme lui l'aimait mais constater qu'il ne subsistait nul colère en elle qui ne soit dirigée vers lui, était un grand soulagement. Demain, il lui présenterait sa sœur et qui sait, peut-être pourraient-ils devenir amis ?
Merci de m'avoir lu J
