Le moteur de l'Impala aurait dû me rassurer. Sauf qu'au contraire, il ne fit qu'accentuer un peu plus ma douleur. Mon corps se mouvait, suivait chaque mouvement brut de la voiture. Ma tête contre le carreau froid, je m'interdisais de les regarder. Dean alluma la radio : Heat of the Moment - Asia. Je m'empressai de l'éteindre. Le paysage magnifique de Houston me manquait, c'était certain. Mais je n'ai pas compris leur soudaine décision de me ramener la bas. Et avec toutes mes affaires. Comme ci tout était fini. Tout est éphémère. Nous sommes éphémères. Dean arrêta la voiture sur le bord de la route et se tourna vers son frère, derrière nous. Un regard échangé qui en disait long sur mon avenir. Ils étaient tellement complices. Et même moi, leur meilleure amie, je n'arrivais toujours pas à déceler quoi que ce soit dans leurs regards, même après tant d'années d'amitié pour pas dire dix ans.
- Tu as confiance en nous? me demanda Sam, d'un seul coup.
- Il serait bête qu'après tant d'années... je commençais, essayant de détendre l'atmosphère, comme j'en avais l'habitude. Mais les deux frères avaient l'air vraiment sérieux. - Bien sûr.
Je baissais les yeux. J'étais peut-être une bonne chasseuse, mais pas autant que ces deux là. Ce qu'ils faisaient était bon pour moi. Que je le veuille ou non, d'ailleurs.
- Alors, tu vas retirer tous tes bijoux que tu portes sur toi et tu ne vas plus en porter du tout... jusqu'à nouvel ordre.
Je restais sans voix. Des bijoux? Eh bien, à part peut-être une bague à chaque main, je n'avais rien d'autre. J'hésitais ; elles étaient des cadeaux de Dean et de Sam, eux-mêmes.
- Oui, même ces bagues là, avait répondu Dean à mon interrogation muette.
Comment allais-je faire, seule et sans aucun souvenirs d'eux ? Ce n'était pas envisageable.
- Quand je dis " nouvel ordre ", c'est quelques jours... Il détourna le regard.
Bon sang ! Ils étaient en chasse alors qu'ils me renvoyaient chez moi ! Les délinquants...
- Pourquoi? Vous n'voulez plus chasser avec moi? Je commençais à m'emporter, je le savais. Je n'aimais pas du tout ça. Dean pris la parole
.- Ce n'est pas ça du tout, Jamie. Du tout, tu te trompes. C'est simplement que... cette chasse n'est pas la tienne. Et disons... Que cette fois, c'est toi le gibier.
Il pouvait sourire tant qu'il voulait ; j'étais ailleurs. J'étais le gibier et ils osaient me laisser seule, tout de même? Je ne comprenais rien. C'est pourquoi je décidais de sortir de la voiture, comprenant quelques secondes après que les deux m'avaient imitée. J'ouvris le coffre, cherchais le colt. Aucune trace.
- Il n'est pas ici. Tant pis, je m'emparais d'un autre fusil, plus gros, mais au calibre plus petit. Au loin, une chouette hulotte sur une branche. Je la vise, et lui transperce le cœur dans un bruit sourd.
- Bordel, je sais me défendre ! Ce n'est pas la première fois qu'on est l'gibier, Dean !
Il était la, planté, les mains dans les poches. Il me regardait. Je m'avançais vers lui.
- Vous ne pouvez pas m'laisser seule... Puis, me tournant vers Sam.
- Mais, merde ! Dis quelque chose, Sammy !
Ce dernier laissa une volute de buée sortir de sa bouche, avant de passer un bras autour de mes épaules.
- Dean... Elle a raison. Elle sera en sécurité avec nous. Ca ne sert à rien de l'éloigner...
- Si, le coupa son aîné. Plus loin elle est, mieux j'me sentirais.
Un coup d'massue en pleine face aurait fait le même effet. Je m'agrippais a la chemise de Sam, me serrant le plus possible contre lui. Non, je ne voulais pas partir, et je ne partirais pas. Cette vie en motel et adrénaline était la mienne. Je devais, tout comme eux, terminer le travail commencé par ma mère.
- Sam, fait quelque chose. Je t'en pris... Sam.
Il me serrait contre lui, je voyais bien que la passion était partagée : il ne voulait absolument pas que je parte.
- Il est trop tard de toute façon pour continuer quoi que se soit ce soir. Cherchons un motel.
Une fois installé au motel du coin, j'étais à la fenêtre quand Dean passait un coup de téléphone au dehors, adossé à sa voiture, le regard rivé vers ma fenêtre. J'étais devenue la chieuse de service, à ses yeux. Le temps que je détourne les yeux, il n'était plus dehors. La main de Sam sur mon épaule me fit sursauter. Il m'attira contre lui.
- C'n'était pas mon idée, tu sais. Je voulais tout, sauf que tu partes. J'étais même près à partir avec toi.
Et il déposa un baiser sur mon front, alors que Dean entrait dans notre chambre. Il resta la, sur le seuil, à nous regarder comme si nous venions de mettre un bordel monstre dans la chambre. Était-ce un crime que de se consoler? Après tout, je ne lui appartenais pas. J'étais aussi, en quelques sortes, à Sam. Autant sa meilleure amie que la sienne. Dean cligna des yeux plusieurs fois, puis montrant la porte derrière lui, déclara qu'elle allait bientôt arriver.
- Qui donc? Demandais-je en me redressant.
Dean se gratta le derrière de la tête.
- Disons que.. Pour faire simple, nous allons continuer la chasse, en te protégeant aussi en même temps. Et vu que Sam sait faire se genre de chose, je me suis trouvé quelqu'un qui va pouvoir m'aider à chasser le méchant démon qui te cours après. Et j'ai fais court.
Il sourit, essayant de détendre l'atmosphère. Il fallait s'y attendre, j'en étais sure.
- Dean, tu étais avec qui au téléphone tout à l'heure?
- Cette personne justement.
- Ne me prend pas pour une débile, bon sang ! Qui était-ce?
Mais il n'eut le temps de rien, puisqu'une tête blonde que je connais bien passa dans l'entrebâillement. Elle fit un signe de la main, l'air très heureux. Trop heureuse.
- Bonjour tout le monde ! Salut, Jamie.
Ma cousine, Joana, aussi appelé Jo, était la, trop belle pour être vraie. Je me sentais ignoble à côté d'elle. Elle était parfaite, et pourtant nous étions identiques. Mais elle avait une certaine prestance que je n'avais pas. Une coolitude inégalée. Je me levais.
- T'as gagné Dean. Je m'en vais.
