-Allez Alex ! geignit Iris. T'es le seul qui a pas répondu à la question... C'est pas compliqué pourtant, non ? Allez, dis-nous quelle à été ta première déception amoureuse !

-Ma première déception amoureuse ? s'étonna le jeune garçon. Je ne nommerai pas ça une déception... Juste une frustration, avait-il murmurré plus pour lui même que pour répondre à la question que sa camarade de classe avait posé.

Oui... C'était cela, une frustration. Mais, à quand cela remontait-il, déjà ? Un rapide calcul lui fut nécessaire... Sept années s'étaient écoulées depuis... Oui, sept années, pendant lesquelles le souvenir fugace de son premier amour venait le hanter, et ce, de plus en plus souvent. A cette brève pensée lui revint en mémoire cette ignoble journée -celle qu'il considérait comme la pire de sa vie depuis lors- qui lui avait gaché ces sept précieuses années... S'abandonnant à ce souvenir, ses yeux se perdirent dans le vague et la conversation de ses amis ne fut bientôt plus qu'un faible bourdonnement.

C'était un jour ensoleillé, où peu de nuages montraient le bout de leur nez. Il n'avait pas plu depuis quelques semaines, ce qui était assez rare en temps de mousson. La chaleur, presque caniculaire, insuportait le petit garçon que j'étais alors. Je m'amusais dans le lagon, derrière le cottage de mes grand-parents, avec qui je vivais, espérant que la fraicheur de l'eau me ferait oublier mes épaules rouges pivoines qui me lançaient à chaque mouvement.

-Je t'avais pourtant dit de mettre de la crème solaire ! s'était exlamé Mamy, désespérée par mon manque d'attention.

-Mais, c'est pas de ma faute ! Je ne trouvais pas le tube... Et Papy m'a dit qu'un homme, un vrai, pouvait s'en passer. Que c'était juste pour les fillettes !

A ces mots, Mamy avait soupiré, mais je ne me souviens plus ce qu'elle à ensuite marmoné, un sourire triste plaqué sur sa bouche.

On était le 17 juillet. Et, ce jour-là, mes parents et mon frère venaient me chercher pour les vacances. Je ne l'aimais pas... Mon frère. Pour tout dire, je le détestais, et j'étais exessivement jaloux de lui. Lui, qui pouvait vivre tous les jours avec Papa et Maman. Lui, qui pouvait avoir tout ce qu'il désirait, mais qui se refermait sur lui-même, tel une moule avariée. Lui, qui passait sa vie sur les diverses consoles de jeu que mes parents lui achetaient, dans l'espoir qu'il devienne un peu plus sociable... Ce qui avait échoué, visiblement. Lui, qui encore et toujours, parvenait à gâcher le bonheur éphémère que je parvenais à me créer, les rares fois où je le voyais.

Rien que le fait de penser que nous étions pareil me rendait malade. Et je lui faisait également comprendre mon ressentiment. Pour me venger de son attitude stoïque, j'adoptais une attitude... Qui me siestait à ravir, je dois dire ! Mais, de toutes les manières, s'il ne voulait pas que je fasse tout pour qu'il sombre dans les profondeur de ma colère, il n'avait qu'à pas me mettre tout le temps hors de moi. Mon excuse était de taille... C'est lui qui avait commencé, d'abord !

Mais, je n'avais aucune envie de le laisser me gâcher ma dernière journée ici, chez Papy et Mamy. Car, mes parents venaient de décider qu'il serait peut-être bon pour lui que je sois à ses côtés. Quelle blague ! Inutile de dire que je préférais mille fois ma vie à la campagne, chez mes grand-parents qui s'occupaient beaucoup de moi, à une vie urbaine, dans une grande ville où je serai cloîtré entre quatre murs d'un grand loft au dernier étage d'un immeuble de haute stature, situé dans un quartier huppé. De plus, le voir tout les jours ne m'enchantait pas plus que ça. Et je crois que c'était cette raison qui faisait pencher la balance du côté de ma vie avec Papy et Mamy.

Après le diner, Mamy était montée dans ma chambre, afin de terminer mes valises. Lorsque j'avais voulu l'aider, elle avait accepté en souriant. Mais, elle avait déchanté très vite : enchaînant gaffe sur gaffe, je la génais plus que je ne l'aidais ! Et, c'est sans se séparer de son habituel sourire qu'elle me lança, en me poussant vers la porte : "Allez, file ! Je ne veux plus te voir avant ce soir. Va dire au revoir à tes amis... Il est fort probable que tu ne les reverras plus jamais..."

Je me souviens que cette simple pensée m'avait horrifié. J'ai donc été faire bien gentillement la tournée des Adieux. Vers dix-sept heures, il ne me restait plus qu'une dernière personne à aller voir... La seule que je ne voulais quitter pour rien au monde... Celle que je regrette un peu encore aujourd'hui, sept années après. Mais, j'avais pris mon courage à deux mains : je m'étais rendu devant sa porte d'entrée et avait sonné, la tête baissée, vérifiant que mes lacés n'étaient pas défaits.

Mais... malheureusement, j'appris bien vite que Cédylia n'était pas chez elle. j'étais sans doute un peu -bon d'accord, beaucoup- déçu de ne pouvoir lui dire au revoir. J'étais tellement déprimé que je ne savais que faire. Je ne sais plus exactement ce qui m'avait poussé à me rendre au parc de jeu mais, aujourd'hui, si l'on me donnait la possibilité de choisir, j'aurai préféré ne jamais y aller. Et ainsi garder ma confiance aveugle en cette petite fille dont je m'étais amouraché. Mais, hélas, on ne refait pas son passé.

Donc, en arrivant dans le parc, j'avais le souffle court mais, lorsque mon regard se posa sur une petite silhouette aux cheveux chatains, mon coeur s'était mit à galoper, à tel point que je croyais que j'allais imploser. Ainsi, elle était là, ma précieuse Cédylia.

Voulant à tout prix lui parler, je m'étais approché. Mais, très vite, mon entrain s'était envolé. En effet, à quelques pas, à peine, de là, mon adorable frère parlait avec la fille de mes rêves. Non pas que cela était un drame en soit : elle avait bien le droit de parler à qui elle voulait, mais, c'était mon frère ! Elle m'avait déjà moi... Alors, pourquoi se tournait-elle vers lui ?

Pour répondre à mes interrogations, je m'étais glissé derrière le tobogan en bois, lequel se trouvait juste à côté des balançoires où étaient assis Cédylia et Armin.

-Tu sais Armin, je ne pense pas qu'Alexy te détestes vraiment. Peut-être a-t-il juste besoin de temps, avant de pouvoir te considérer comme son frère. Il faut dire que vous ne vous êtes jamais vraiment parlés...

J'avais sursauté, surpris d'être le sujet de conversation. Malgré tout, je ne pu m'empêcher d'appréhender la réponse de mon jumeau.

-C'est pas comme si j'avais envie de lui parler... maugréa ce dernier. Il n'm'intéresse pas, avec sa littérature, et ses vêtements colorés... Il m'donne la migraine à chaque fois que je le vois !

-Oui. mais, comme ça, on ne risque pas de le perdre ! s'exclama la petite fille, qui éclatait de rire, suivit par Armin.

Je m'étais senti si seul à cet instant... Ils se moquaient ouvertement de moi ! J'étais bien trop abasourdi pour entreprendre de leur

répondre et mes jambes ne voulaient plus bouger : j'étais donc obligé de rester jusqu'à ce qu'ils décident de quitter les lieux... Ou du moins jusqu'à ce que j'aie recouvré mes esprits.

Après quelques minutes de silence, Armin avait lancé, d'un ton peu avenant.

-J'me posais une question, depuis la dernière fois. Comment tu fais pour supporter Alexy ? Il est trop collant !

-Oui... Des fois, je me le demande aussi, tu sais ? En fait, c'est pas que je l'aime bien, mais il te ressemble... voyant que son interlocuteur se raidissait, la petite se reprit. Enfin, juste pour la tête, vous avez le même visage !

-...Pfff... Arrête de raconter des sottises !

-Mais c'est vrai ! Je pense que c'est d'ailleurs l'unique raison qui me pousse à lui addresser la parole... Il est tellement fade, comparé à toi... Et, en plus, grace à lui, je peux savoir quand tu viens !

Armin et Cédylia avaient éclaté de rire une seconde fois. Voyant qu'ils ne se calmeraient pas dans l'instant, j'en avais profité pour détaler,le rouge aux joeus et les larmes aux yeux. Quand Papy et Mamy m'avaient vu dans l'état lamentable où j'étais rentré, ils s'étaient précipités vers moi, Mamy m'étreignant très fort, murmurrant que tout allait bien se passer, et Papy, fidèle à lui même chantant pendant quelques instant "Alex est une fillette !". Cette chanson, qui avait pour but me faire rire, à eu plutôt l'effet inverse... Mes sanglots redoublèrent et c'est un Papy anxieu et une Mamy soulagée que j'ai quitté en fin de journée...

Revenant lentement au présent, je perçu la fin d'une phrase d'Iris, qui me laissa perplexe.

-...demain, je pense.

-Tu crois que ça va être notre classe qui a été choisie ? s'enquit Sébastien, le voisin de table d'Iris.

Je ne comprend rien du tout de ce qu'ils disent... J'aurai jamais dû me laisser dériver comme ça ! A bout de patience, et tuant mon dernier neurone encore en vie, je m'exclamais :

-Mais... De quoi parlez-vous ? Qu'est-ce qui se passe demain ? Dans notre classe, en plus ? Et dire que je ne suis même pas au courrant...

Personne ne cilla, ni même me répondit. J'allais continuer à poser des questions inutiles, quand Viollette me dit :

-Il faudrait vraiment que tu apprennes à te concentrer sur nos conversation, Alexy, ça pourrait t'aider un peu. On parlait de la nouvelle élève qui commence demain, normallement.

Je suis choqué, sérieusement. Je ne pensais pas que des personnes civilisées venaient étudier à Sweet Amoris... Pour moi, il faut être complètement timbré pour avoir envie de venir habiter près d'ici... Mais, il y a visiblement, dans le monde, des personnes aux moeurs très étranges... Comme la future-nouvelle, qui viennent emménager ici par pu plaisir... Enfin, je dis ça, mais je n'en sais rien. Voilà, une excuse de plus pour parler à la nouvelle, demain : il fallait que je confirme mes suppositions !

La journée passa à une vitesse fulgurante, et il fut bientpot l'heure de rentrer. Lorsque je passais le portail, quelqu'un m'apostropha :

-Hé, toi là, avec tes cheveux bleus ! Viens ici !

Je me suis tourné dans la direction d'où provenait la voix et je me suis stoppé, net, provoquant le mécontentement des quelques personnes qui étaient derrière moi.

A quelques pas de là se trouvait une personne que je tentais veinement d'oublier depuis un bon nombre d'années. Et oui, c'est le grand retour de Cédylia... mais, qu'est-ce que je vais faire ?