Comme chaque été, les couples Robbins et Torres s'étaient réunis dans leur propriété des Hamptons. Ils l'avaient acquise ensemble il y a plus de trente ans alors que leur amitié semblait destinée à prendre fin avec le déménagement des Robbins. Leurs filles cadettes, Arizona Robbins et Callie Torres, inséparables, n'étaient alors âgées que de six ans et ils n'imaginaient pas les priver de se voir définitivement aussi avaient-ils pris la décision d'acquérir cette demeure qui était devenue leur lieu de villégiatures à l'occasion des vacances d'été ou de festivités telles que les anniversaires, Thanksgiving ou encore les fêtes de Noël. Cependant, il y a près de quatre ans, ces habitudes avaient été bouleversées par la rupture de leurs filles qui restaient encore leur principal sujet de conversation alors qu'ils déjeunaient sur la terrasse.

- Arizona se plaît toujours autant à Philadelphie ?, questionna Carlos Torres en passant le saladier à Barbara Robbins.

- Elle nous en donne l'impression en tout cas. Lauren ne va pas tarder à la rejoindre alors elle est plutôt ravie. Elle a toujours détesté les relations à distance.

- En ce moment elle travaille sur un projet qui lui tient à cœur. Elle tente de mettre en place un programme d'échange avec l'Afrique afin de faire bénéficier gratuitement de soins aux enfants africains dont elle s'est occupé, ajouta Daniel Robbins.

Cette information intéressa fortement Carlos qui réfléchissait depuis plusieurs mois au moyen de rapprocher sa fille de son ancienne compagne. Depuis plus de trois ans, les deux jeunes femmes ne s'étaient pas revues, ni même adressé la parole et leurs dissensions avaient déteints sur leur frère et sœur ainés, Timothy Robbins et Aria Torres, qui refusaient de se voir également, chacun rejetant sur la sœur de l'autre la responsabilité de cette situation. Ce projet était ainsi une bénédiction pour Carlos, encore fallait-il qu'il intervienne de la seule manière qu'il connaissait.

- Cela doit coûter beaucoup d'argent, non ?

- Enormément !, confirma Daniel. C'est pour cela que son chef hésite même s'il ne doute pas de l'utilité du projet.

Lucia Torres qui connaissait parfaitement son mari devina que cette question n'était pas innocente.

- Carlos, qu'est-ce que tu as encore en tête ?

- Si je faisais un don au Grey Sloan Memorial, ils pourraient mettre en place ce programme là-bas et cela inciterait peut-être Arizona à revenir à Seattle.

Les trois adultes échangèrent des regards mitigés en comprenant le stratagème entrepris par Carlos. Ils étaient partagés entre le désir de reformer la famille qu'ils étaient auparavant et celui de tenir la promesse qu'ils avaient faite aux deux jeunes femmes.

- On avait promis aux filles de ne jamais intervenir dans leur relation malgré notre amitié, lui rappela Barbara.

- Cela va bientôt faire quatre ans qu'elles ne se sont pas vues alors qu'elles ont pratiquement grandi ensemble. C'est insensé ! On aurait dû se réunir pour fêter leurs anniversaires aujourd'hui et au lieu de ça, on en est réduit à parler de leur soit disant bonheur respectif alors qu'on sait très bien au fond de nous qu'elles ne peuvent pas être heureuses aussi éloignées l'une de l'autre. Je veux qu'on redevienne une vraie famille. Nos week-ends ici n'ont plus de sens sans la présence des enfants !

Carlos ne leur donna pas l'occasion de tenter de le dissuader et se leva afin d'aller s'isoler dans le bureau. Résolu, il contacta Owen Hunt, le chef de la chirurgie du Grey Sloan Memorial et obtint un rendez-vous avec lui la semaine suivante. Dans le salon qu'il traversa pour rejoindre la terrasse trônait sur la cheminée une photo qui datait de ce jour si particulier qui avait vu naître l'amitié entre les deux familles.

Flash-Back

Assise confortablement dans un fauteuil d'une maternité de Miami, Lucia Torres donnait son biberon à sa fille lorsque la porte s'ouvrit. Le personnel médical entra en la saluant, prit le temps de prendre des nouvelles d'elle ainsi que de son bébé puis lui présenta une jeune femme qui allait désormais partager sa chambre. Ils l'installèrent près de son lit puis les laissèrent faire connaissance.

- J'espère que vous n'êtes pas trop déçue de devoir partager votre chambre, plaisanta Barbara Robbins.

- Non, répondit Lucia en riant légèrement. Je commençais à m'ennuyer seule dans cette grande chambre. Ma fille n'est pas encore très bavarde. Elle préfère manger et dormir, surtout manger à vrai dire.

Elles rirent.

- Elle s'appelle comment ?, lui demanda Barbara en souriant.

- Calliope, elle est née il y a deux jours. C'est ma deuxième, lui précisa la jeune hispanique. Et vous ?

- Elle s'appelle Arizona et elle a à peine quelques heures, lui répondit-elle en contemplant brièvement sa fille qui dormait profondément contre elle. C'est mon deuxième enfant également. J'ai déjà un fils âgé de deux ans, Timothy. Il ne devrait pas tarder à arriver, il était impatient de découvrir sa petite sœur d'après ce que m'a dit mon mari.

Leur conversation se prolongea jusqu'à ce que des coups soient frappés à la porte. Un petit blondinet, suivi de son père, fit alors son entrée et se précipita vers sa mère pour faire la connaissance de sa petite sœur. Une heure plus tard, ce fut au tour de Carlos et d'Aria Torres, âgée de quatre ans, de rendre visite à leurs proches. Une atmosphère chaleureuse s'installa dès les premières minutes entre les deux familles qui ne s'isolèrent pas mais préfèrent au contraire discuter tous ensemble. Aria entraîna Timothy dans un jeu, Carlos et Daniel évoquèrent ensemble leurs carrières respectives, quant aux deux jeunes femmes, elles n'avaient d'yeux que pour leurs petites filles qui ne quittaient pas leurs bras. Ce rapprochement entre les deux familles prit fin lorsque Lucia quitta la maternité deux jours plus tard. Avant de partir, elle avait tenu à prendre en photo les deux petites filles pour garder un souvenir de ce séjour agréable. Elle ignorait alors que l'avenir leur réservait bien des surprises.

Fin Flash-Back

Les jours qui précédèrent l'entretien, Carlos Torres se procura les documents nécessaires à la présentation du projet d'Arizona grâce à Daniel. Le dossier solidement constitué, il s'envola pour Seattle et rencontra Owen Hunt auprès de qui il s'engagea à faire un don important au Grey Sloan Memorial si en contrepartie, Owen acceptait de créer un poste pour Arizona Robbins et lui permettait de mettre en place son programme. Cette offre séduit immédiatement le jeune chef qui lui promit de lui donner suite.

Au même moment, Callie Torres entra dans la garderie où sa fille crayonnait une feuille. Elle venait de recevoir une grande nouvelle et depuis la mort de son meilleur ami, Mark Sloan, la solitude la guettait. Malgré son jeune âge, la petite fille endossait désormais le rôle de confidente privilégiée de sa mère même si leur conversation était encore limitée. Elle sourit à l'une des auxiliaires puis s'accroupit près de sa fille.

- Coucou mon bébé !

Sofia lui accorda un sourire de bienvenue mais reporta très vite son attention sur son dessin afin de l'achever avant de le lui tendre.

- Pour Mama !

- C'est pour Mama ?

- Oui !

Callie la remercia en la complimentant sur la beauté de son œuvre et la laissa lui expliquer ce qu'il représentait dans son imagination avant de la prendre dans ses bras afin de s'asseoir avec elle sur un pouf. Elle l'installa sur ses genoux et partagea avec elle la joie qui l'animait depuis qu'elle avait appris sa promotion.

- Ce vieux dinosaure de Docteur Chang a enfin pris sa retraite, Mama est le chef de son service maintenant !, s'enthousiasma Callie qui venait tout juste d'être nommée chef du service de chirurgie orthopédique. Après, quand je serai un vieux dinosaure, ça sera toi qui prendras ma place. Tu construiras des bras, des jambes, tu en découperas aussi, tu en remettras en place ce qui te fera du bien lorsque tu seras énervée…

Callie se rendit compte de ce qu'elle venait de dire et se reprit.

- Non oublie cette partie, t'es encore trop jeune.

Sofia rit lorsque sa mère lui chatouilla le ventre. Ce moment de complicité fut interrompue par l'entrée de Bailey qui annonça à la jeune chirurgienne que son père se trouvait dans l'établissement. Cette venue surprise ne présageait rien de bon aux yeux de Callie qui se mit aussitôt à sa recherche. Lorsqu'elle le vit sortir du bureau du Chef et échanger une poignée de main avec lui, ses craintes redoublèrent.

- Qu'est-ce que tu fais ici ?, lui demanda-t-elle sans prendre le temps de le saluer.

- Calliope, moi aussi je suis heureux de te voir, ironisa-t-il mais sa fille n'avait pas le cœur à la plaisanterie.

- Réponds à ma question !

- Je suis simplement venu passer un accord avec le Chef Hunt.

- Quel accord ?

- Arizona cherche actuellement à financer la mise en place d'un programme avec l'Afrique. J'ai simplement offert une aide financière au Grey Sloan Memorial pour qu'elle puisse réintégrer cet hôpital et mener à bien son projet.

Callie dévisagea son père, n'en revenant pas qu'il ait osé prendre une telle initiative sans la consulter.

- Tu rigoles j'espère ! Arizona est au courant de tes projets ?

- Pas encore mais ça ne saurait tarder.

- Comment as-tu pu faire ça ?, lui reprocha-t-elle vivement. Tu nous avais promis de ne jamais te mêler de nos vies !

- Je cherche simplement à vous aider. Vous avez besoin de parler toutes les deux et aucune de vous ne fera le premier pas alors je le fais pour vous.

- Tout ne s'achète pas contrairement à ce que tu penses ! Tu ne pourras jamais effacer ce qu'il s'est passé avec quelques billets !

Blessée, Callie secoua la tête alors que sa colère actuelle se confondait avec celle que venait de raviver son père en évoquant le prénom de son ancienne compagne. Les nombreux regards tournés vers elle l'incitèrent à mettre fin à cette discussion au risque de se donner davantage en spectacle. Elle ne prit pas la peine de dire au revoir à son père et se réfugia dans une salle de garde où elle tenta de canaliser sa colère. L'évocation de son ex restait douloureuse. Depuis près de quatre ans, elles n'avaient plus aucun contact. Seuls leurs parents s'obstinaient à glisser des nouvelles de l'une à l'autre lors de conversations anodines. C'est ainsi qu'elle avait appris qu'Arizona avait refait sa vie avec une jeune femme en Afrique et qu'elle travaillait à présent à l'hôpital pour enfants de Philadelphie. Cette nouvelle l'avait détruite un peu plus et avait nourri davantage sa colère. Elle l'avait également aidée à tourner la page à son tour, du moins elle le croyait.