Auteures : Earwen & Ellana
Disclaimer : Comme d'habitude : merci J.K. Rowling !
Résumé : Amour, haine, joie, désespoir, incompréhension, toutes ces choses que l'on couche sur papier mais qu'on a jamais la force ni de détruire ni d'envoyer. Petit recueil de lettres non envoyées entre frères et soeurs.
Personnage : Regulus
Le 30 janvier 1970
Mon cher Sirius,
Je t'écris pour ton anniversaire. C'est Mère qui m'a dit de le faire. Elle a dit qu'en tant que petit frère, je me devais de t'offrir quelque chose. Alors j'ai bien réfléchi parce que Mère me dit toujours d'écouter le précepteur et le précepteur dit qu'il faut que je réfléchisse plus et mieux. Donc j'ai bien réfléchi et j'ai décidé de t'écrire une lettre, c'est bien une lettre, non ? Et puis ça fait sérieux, c'est bien.
D'abord j'ai pensé à t'offrir des confiseries, tu sais celles qui sont posées tout en haut de l'étagère dans la cuisine de tante Druella. Mais Mère a dit que c'était vulgaire et trop cher. Et un Black n'est pas vulgaire et ne dépense pas la fortune familiale dans des choses inutiles. Alors ce qu'on aime, c'est inutile ?
Alors je me suis dit que je n'avais pas réfléchi assez bien et assez longtemps. Alors j'ai réfléchi encore. Et comme je veux être un vrai Black et que je veux vraiment t'offrir un cadeau j'y ai pensé pendant tout le repas. Et du coup j'ai mal répondu à une question de Mère. Elle voulait savoir ce que j'avais appris ce matin avec le précepteur. Alors je lui ai répété ce qu'il avait dit : « Ce que l'on énonce bien s'énonce clairement, et les mots sont aisément.* » J'ai été privé de dessert parce que je n'avais pas bien écouté. Mère a dit que comme d'habitude j'avais la tête ailleurs. Mais moi je n'ai pas la tête ailleurs, j'ai les pensées ailleurs.
Dans ma chambre, j'ai continué à réfléchir. J'ai pensé à un chien mais je ne sais pas où ça se trouve, un livre, mais je ne savais pas sur quoi, une baguette, je trouvais ça vraiment bien, mais il aurait fallu que tu sois avec moi, une robe de sorcier, mais tu en as déjà beaucoup, de la nourriture pour hibou, mais tu n'as pas de hibou. J'ai montré cette liste à Mère et elle a dit que c'était commun et que je n'arriverais jamais à rien comme ça et que je devrais prendre exemple sur toi. Elle a raison et j'aimerais beaucoup être comme toi. J'essaie très fort, tu sais, mais ce n'est pas facile. Mais quand je serai grand, j'y arriverai, tu verras.
Alors du coup, je ne savais plus quoi faire et puis j'ai pensé à Père. Lui, quand il veut faire plaisir aux gens, il leur écrit des lettres, alors j'ai écrit une lettre, pour te faire plaisir.
Donc voilà, je me suis lancé, et la lettre est finie maintenant. Mais je n'ai pas envie de te la donner devant les autres, alors je vais la mettre dans mon tiroir, celui qui ferme à clé, et comme ça je te la donnerai plus tard. Oui, on va faire comme ça.
Bon anniversaire Sirius !
Ton petit frère,
Regulus.
oOo
Le 30 janvier 1971
Mon cher grand frère,
Bon anniversaire !
Comment vas-tu ? A la maison rien n'a changé. Père est très pris par ses affaires, je ne le vois pas beaucoup. Tu dois manquer à Mère car dès que je lui parle de toi, elle change de sujet.
Hier, Mme Lestrange est venue prendre le thé. Mère et elle ont beaucoup parlé. Mme Lestrange porte toujours son horrible manteau de fourrure que tu n'aimais pas. Elle est restée longtemps et j'étais vraiment soulagé lorsqu'elle est repartie : je déteste sa voix. Elle n'a pas arrêté de vanter les mérites de son fils, Rabastan, qui est, selon elle, un «Serpentard dans l'âme ». A ces mots, Mère a dévié la conversation. Je crois qu'elle est un peu déçue que tu sois à Gryffondor. On ne m'a pas demandé mon avis mais je crois que je m'en fiche que tu ne sois pas à Serpentard. Godric Gryffondor était un grand sorcier, j'ai fait des recherches, c'était le plus grand duelliste de son temps, et toi, tu seras toujours mon grand frère, n'est-ce pas ?
Je passe de plus en plus de temps avec notre précepteur et Mère me félicite pour mes progrès comme elle le faisait avec toi. Elle dit que je ferai honneur à la famille. Cela me fait plaisir j'ai l'impression d'être comme toi. Cependant, je ne sais pas si c'était ton cas, mais depuis que tu es parti, je m'ennuie ferme à la maison. Le matin, Kreattur me réveille à sept heures et demie. J'ai une heure pour me préparer sans faire de bruit, avant mes leçons matinales. J'aime bien quand c'est de l'Histoire. Ensuite, j'ai un temps libre jusqu'à midi et demi où je dois me présenter dans la salle à manger. La plupart du temps, je lis, ou si Mère me le permet, je vais prendre l'air. Les repas sont encore plus tristes depuis que tu n'es plus là. Père semble toujours préoccupé, et comme Mère m'adresse peu la parole, je parle peu. Quand Père se lève, je peux rejoindre mon précepteur. A l'heure du thé, j'accompagne Mère dans ses visites de nos relations ou je l'assiste quand elle reçoit, comme c'était le cas hier. Mère tient à ce que je sois présent et irréprochable. Je termine la soirée dans ma chambre à lire, car Mère m'a confisqué le jeu de Bataille explosive que tu m'avais donné. C'est un peu monotone et chaque matin en me levant, j'ai l'impression d'avoir déjà vécu la journée qui s'annonce. Mais je ne t'apprends rien.
J'ai hâte d'entrer à Poudlard, il paraît que l'on y fait des choses passionnantes. J'aimerais tant savoir comment c'est réellement, mais à Noël tu ne m'en as pas beaucoup parlé, tu ne m'as pas beaucoup parlé du tout d'ailleurs. C'est pour ça que je me demande si cette lettre te fera vraiment plaisir. Je ne vais peut-être pas te l'envoyer tout de suite et je n'ose pas demander le hibou à Mère.
En tout cas j'espère que ça se passe bien à Poudlard. Je suis sûr que tu t'es fait des amis formidables. J'aimerais bien avoir de tes nouvelles...
Ton frère, Regulus.
oOo
Le 30 janvier 1972
Cher Sirius,
Je t'écris à l'occasion de ton anniversaire car, bien que je t'ai enfin rejoint à Poudlard, nous ne nous sommes pas beaucoup parlés. Je me fais peut-être des idées, mais parfois j'ai l'impression que tu m'évites. J'ai enfin découvert tes amis, vous avez l'air de vous entendre très bien mais ils ne semblent pas apprécier beaucoup les Serpentards.
La vie à Poudlard est fantastique ! Je comprends maintenant pourquoi tu préfères être ici plutôt qu'à la maison. Il se passe sans cesse quelque chose et on apprend enfin à se servir de nos baguettes. Dire que dans le train j'avais tellement peur de ne pas être à la hauteur. J'étais terrifié à l'idée de faire le moindre faux pas.
D'ailleurs, j'aurais aimé que tu viennes me voir parce que je me sentais très seul et que je ne savais pas ce que je voulais. Je t'ai guetté tout le trajet mais tu n'es pas venu. Les conseils de Mère me sont alors revenus à l'esprit : «Ta place est à Serpentard, mon fils, ainsi tu feras honneur à ta famille. » Un instant j'ai cru qu'elle s'était trompée de fils. J'étais tellement fier qu'elle me dise cela à moi, à moi seul. Alors j'ai su que j'irai à Serpentard. Mais lorsque le Choixpeau l'a annoncé haut et fort, je n'ai pas osé regarder vers la table des Gryffondors, et de ma démarche la plus hautaine, je me suis dirigé vers la table des Serpents. Peut-être que si j'avais eu le cran de croiser ton regard, tu serais venu me voir ensuite, mais au fond, je sais maintenant que tu ne serais pas venu, c'était déjà trop tard. Tu avais fait ton choix mais tu refusais le mien. Je ne pensais pas qu'une maison avait tant d'importance. Enfin je ne sais pas, je me fais peut-être des idées. Mais c'est bien le problème, je ne sais pas, et tu ne me dis rien ! Tu me laisses seul, et sans toi je ne prendrai pas la bonne décision. Si tu pouvais me parler, ou simplement me regarder, je crois que je me sentirais moins coupable. J'ai l'impression d'avoir fait quelque chose d'irréparable, de t'avoir trahi, déshonoré, mais je ne sais pas quoi. C'est comme si tu avais honte de moi. Mais honte de quoi ?
Je ne veux pourtant pas que tu penses que je te reproche quoi que ce soit, je voulais juste te souhaiter un bon anniversaire !
Regulus.
oOo
Le 30 janvier 1976
Salut,
Tu te souviens de moi ? Tu sais Regulus, ton frère ! Je suis désolé de t'importuner, vraiment. Mais comme tous les ans je vais t'écrire une putain de lettre pour ton anniversaire, lettre que de toute façon je n'enverrai pas. D'abord parce que je n'ai pas le courage de le faire, ensuite parce que tu trouverais ça pitoyable, ou tu t'en ficherais royalement. A la maison tout a changé comme tu as pu le constater, eh oui cher Sirius nos rôles ont été inversés. Maintenant JE suis le préféré de Mère et TU es pris pour un bon à rien, et comme tu t'en fiches royalementi, JE suis toujours perdant. Mais je me dis que ça doit te toucher quand même, et comme j'ai renoncé à tous les autres moyens pour te prouver mon existence, celui-ci ne me semble pas si mal. Tu as toujours tes fidèles amis, je le vois bien, et tu m'évites toujours comme la peste. C'est parce que je suis à Serpentard c'est ça ? Moi je ne t'ai jamais jugé sur tes opinions, Sirius. Quoiqu'il se soit passé j'ai toujours cru en toi. Mais apparemment tu as tellement honte de moi que tu renies jusqu'à mon existence. « Regulus ? Non...ce n'est pas mon frère » as-tu dit. Oui, j'ai tout entendu, TOUT. Je me suis répété cette satané phrase jusqu'à en devenir malade, jusqu'à ce que je ne devienne plus que l'ombre de moi-même, l'ombre d'un frère perdu. Mais tout ça n'a plus d'importance maintenant, j'ai décidé de devenir exactement ce que tu reniais, histoire de te rendre la tâche encore plus facile qu'elle ne semble déjà l'être. Alors voilà, je te « trahis » à Mère, et tout est comme tu as toujours voulu que ce soit : toi le héros trahi et moi le salaud de traître. Mais merde Sirius, tu m'as rayé si vite de ta vie ! Quand as-tu décidé que je n'en valais plus la peine ? Et quand nous étions enfants, et que nous jouions dans le jardin de Tante Druella, je t'inspirais déjà si peu à l'époque ? Qu'est-ce qu'il s'est passé, Sirius, pour que je sois si insignifiant à tes yeux ?
Oublie ça, je veux dire en admettant que tu y aies pensé !
Regulus Black
oOo
Le 30 janvier 1979
Mon frère,
Ceci est ma dernière lettre, c'est la dernière fois que je te souhaite un bon anniversaire !
Dans quelques jours ou quelques semaines, je serais mangemort. J'aurais presque envie de t'envoyer cette lettre, juste pour voir la tête que tu ferais. Mais je sais bien que tu n'en aurais rien à faire, et ça m'est égal de toute façon.
Dans quelques jours, je prendrais ma première grande décision.
Dans quelques semaines, je n'aurais plus à décider sur mes opinions.
J'aurais enfin quelque chose auquel me raccrocher, je ne me torturai plus l'esprit, cherchant en vain ce qui est bien ou mal. Car au fond peu importe du moment que l'on fait ses propres choix. Et étrangement, ça nous rapprochera, nous aurons un combat en commun, l'un contre l'autre, chacun dans son camp et pas de jaloux, chacun ses idéaux.
Voilà, c'est dit. Adieux.
Regulus Arcturus Black.
oOo
Le 15 décembre 1979
Sirius,
Comment commencer ? Comment s'adresser à quelqu'un qu'on connaît tant et pourtant si peu ? J'aimerais te souhaiter un joyeux anniversaire mais ce n'est même pas le jour. Comment justifier cette lettre ? Peut-être qu'au fond j'aimerais que ce soit un testament, une dernière volonté. Cette fois, ce n'est pas pour te faire plaisir, ni pour avoir de tes nouvelles, pas non plus pour essayer de comprendre, encore moins pour cracher ma colère, peut-être juste un adieu, un véritable, un venant du fond du cœur, un dont je n'aurais pas honte.
Comment vas-tu ? Quelle vie mènes-tu ? As-tu trouvé la raison qui, chaque matin, te pousse à te lever ? Je le pense ou en tout cas je l'espère sincèrement car tu le mérites. Mais c'est une fois de plus une preuve de mon égoïsme, car en disant cela je pense à moi. Savoir que malgré nos parents, malgré nos cousines, et malgré moi, tu as su tracer ta propre voie, m'ôte un poids. Je n'emporterai pas dans la tombe le remords d'avoir gâché ta vie.
Si je t'ai trahi c'était pour que Mère soit fière de moi, qu'elle me remarque ou plutôt non, pour que TU me remarques. Je me suis rapproché d'elle, lui ai rapporté tous tes exploits, tes prouesses, toutes ces choses que j'admirais chez toi. A chaque punition, j'espérais que tu cèdes, que tu tombes de ton piédestal, et ainsi me devienne moins inaccessible. Au fond de moi j'espérais que tu me cries dessus, hurlant que je n'étais qu'un absurde imbécile, un idiot arriéré. Que tu me gifles, m'insultes, me blesses si tu veux, tout sauf cette froide indifférence qui me transperçait. Je ne cherche pas à excuser ma conduite, ni même à ce que tu me pardonnes, je tente juste d'alléger ma conscience. Tout cela est passé, j'ai enfin compris qu'on pouvait fait ses propres choix et qu'on en est le seul responsable. Si j'ai pris les mauvaises décisions, ce n'est pas à cause de toi, comme je l'ai cru si longtemps, ni même à cause de notre éducation, mais bien à cause de moi et de mon acharnement à attendre que tu agisses pour moi. Au fil du temps j'ai pris goût à la passivité, rien avoir à décider, rien avoir à faire, juste se laisser faire, comme dans un tourbillon, une illusion de la vie si confortable.
Je sais que j'ai fait de mauvais choix et contribuer à détruire des vies, mais désormais je les assume et, de toutes les forces qu'il me reste, je vais me racheter. Je mourrais probablement avant d'atteindre mon but mais je me battrai jusqu'à mon dernier souffle. Ce que je m'apprête à faire, je ne le fais pas pour toi mais bien pour moi. Et si cela t'est utile, il y aura au moins un acte dans ma vie dont je pourrais être fier.
Sois heureux Sirius.
R.A.B
(1) inspiré de la citation de Nicolas Boileau : Ce que l'on conçoit bien s'énonce clairement, et les mots pour le dire arrivent aisément.
A suivre : une lettre que Sirius adresse à Regulus par-delà la mort.
