Défi n°45 du Poney Fringant : "Pourquoi ?"
Étrangement, l'ambiance était différente. Et ce, même s'ils avaient quitté la Comté il y a quelques heures à peine. Le vent, les bruits, les couleurs mêmes semblaient avoir changé d'une certaine façon. Le pouvoir des elfes sans doute.
Il est étonnant de se rendre compte qu'après avoir bravé tant de dangers et parcouru tant de chemin dans des territoires sombres et terrifiants, la peur ne disparaît jamais vraiment. Certes, ces collines n'étaient pas pour ainsi dire inhospitalières, loin de là, mais Sam n'était pas rassuré. Une fois retrouvés, le calme et la tranquillité de la Comté étaient devenus encore plus chers à son cœur, et la moindre nuance lui était désormais insupportable.
« Arrêtons-nous ici, Monsieur Frodon. Nous avons déjà bien avancé aujourd'hui. »
Sans répondre, Frodon descendit de son poney, posa son sac sur le sol, puis trouva une pierre assez à son goût et s'assit.
« Nous n'allons pas bien vite, » dit-il. « Nous aurions peut-être dû continuer un peu ce soir. Tu es déjà fatigué ? »
« Pardon, Monsieur Frodon. Mais il me semble plus prudent de camper tant que nous sommes à une distance raisonnable des habitations étrangères. »
Frodon sourit et leva les yeux au ciel.
« Tu te tracasses trop, mon cher Sam. »
Sam sortit son nécessaire et s'empressa d'allumer le feu.
La nuit était claire et la collation copieuse, mais les deux compagnons n'échangèrent que peu de mots ce soir-là. Il y avait une certaine de gêne que Frodon ne s'expliquait pas. Comme pour briser la glace, Sam sortit une pomme de son sac pour la tendre à Ernest, son poney. Celui-ci se précipita alors sur le fruit et l'avala goulûment.
« Quel glouton celui-là, » dit Sam avec un sourire en coin.
Le regard des deux amis se croisèrent et Frodon ne put alors contenir son fou-rire, contaminant Sam au passage.
Il ne restait bientôt plus que des braises, et tandis que le poney de Frodon se reposait, Ernest donnait des petits coups de nez à Sam pour avoir une seconde pomme. Sam, lui, se caressait nerveusement les mains, le regard plongé dans ce qu'il restait de feu. Frodon se releva légèrement et s'appuya sur son coude.
« Qu'y a-t-il, Sam ? »
« Monsieur Frodon, vous savez... »
« Oui ? »
« Il y a une chose... Enfin... »
Frodon s'amusait de voir son compagnon embarrassé : Sam était toujours un peu comme ça quand ils discutaient. Il y avait toujours une sorte de distance, de politesse que Frodon ne comprenait pas. « Après tout ce qu'on a vécu ensemble ! » se disait-il. Mais loin de se sentir insulté, cela le faisait rire intérieurement.
« Monsieur Frodon, il y a une chose que je dois vous demander... »
« Et bien demande-moi, Sam. Hé ! Pourquoi un ton si sérieux ? »
« Nous... nous n'avons jamais parlé... » Sam prit une grande inspiration. « Nous n'avons jamais parlé de ce qu'il s'est passé dans la Montagne du Destin ce jour-là. Enfin, je... »
Le visage de Frodon se ferma subitement. Et alors qu'il manipulait nerveusement son petit bijou blanc, il jeta un regard sérieux à Sam. Ce genre de regard que Sam n'avait plus vu depuis bien longtemps.
« Je ne te dirai qu'un seule chose, Sam. » Et serrant fort le bijou dans sa main : « Là où je suis, il n'y a pas de pourquoi. »
