La rencontre de ma vie

POV Albus

J'avais onze ans. C'était le jour de ma rentrée à Poudlard. Je quittais mes parents et ma petite sœur pour la première fois, et à vrai dire, j'étais très anxieux. J'appréhendais beaucoup la cérémonie de la répartition. « Et s'ils me disaient 'sortez d'ici, Albus Potter ! vous êtes ridicule !' ? et s'ils m'avouaient que je n'avais pas ma place à Poudlard et qu'il fallait que je reparte, que c'était une erreur ? » Voilà ce que je me disais en entrant dans ce train rouge flamboyant qui crachait des panaches de fumée. Derrière moi, Rose, ma cousine. Elle était jolie, avec ses boucles d'un roux éclatant qui retombaient sur son adorable visage, masquant à moitié ses yeux bleus et les taches de rousseurs qui parsemaient son nez fin. Son teint pâle la rendait encore plus belle. Je me disais que si j'entrais à Poudlard à ses côtés, je me sentirai tout petit, parce qu'on ne verrai qu'elle. Quand j'y pense, c'est étrange que je ne sois pas tombé amoureux d'elle. Mais bon, pour me justifier, encore aujourd'hui je me dis que c'était juste parce que c'était ma cousine, ça me semblait évident, un peu comme si c'était ma sœur.

On marchait le long du couloir, regardant à droite et à gauche pour se trouver un compartiment de libre où on pourrait s'installer tranquillement. Mais ils étaient tous remplis par des élèves bruyants et agités qui m'effrayaient, à hurler de rire et parler fort comme ça. Je me sentais horriblement mal à l'aise, et pas du tout à ma place. Et c'est là qu'on l'a vu. Il était dans le dernier compartiment au fond du couloir, seul, avec un gros livre ouvert sur ses genoux. Il avait un visage fin, des yeux d'un bleu presque gris et des beaux cheveux blonds. J'ai cru au début que c'était un ange. Quand il nous entendit ouvrir la porte du compartiment, il leva le regard vers nous et quand il croisa le mien, j'ai cru voir un instant ses yeux étinceler, comme du métal en fusion.

- Je m'appelle Scorpius.

Il avait lança ça d'une voix calme et légèrement froide, comme si notre présence l'importunait. Il nous a toisé de haut en bas, s'arrêtant un instant sur les cheveux de Rose. Il a rapidement plissé les yeux et il a sursauté, comme s'il avait compris quelque chose. Il avait alors l'air de regretter de nous avoir adresser la parole. J'ai ouvert la bouche maladroitement pour lui répondre, fasciné par ses yeux brillants, envoûté par ses lèvres roses, hypnotisé par sa voix douce.

- Je suis Albus. Albus Severus Potter. Et voici ma cousine, Rose Weas…

- Je connais son nom de famille.

Il m'avait interrompu brusquement. Offusqué, je suis rentré, traînant Rose par la main, et j'ai fermé la porte derrière nous.

- Et comment le sais-tu ? ais-je lancé, insolent.

Alors, il m'a de nouveau fixé intensément, puis il a haussé les épaules.

- C'est une rouquine, répondit-il simplement en replongeant dans son ouvrage.

- Je suppose donc que tu es un Malfoy, ais-je aussitôt répliqué. Ca se sent dans ta façon de parler. Le dégoût dans ta voix.

Il a aussitôt levé les yeux vers moi. J'ai compris qu'on avait reçu l'éducation de nos parents à la perfection, et que ces éducations étaient… parfaitement opposées. Mon père m'avait raconté l'histoire. Enfin, l'Histoire. Son histoire à lui. Parce que mon père, c'est Harry Potter. Quand j'étais petit, tous les soirs, il me prenait sur ses genoux et me racontait de fabuleuses épopées qui parlaient de trolls des montagnes, de serpent géant, de loups-garou… Chaque soir, il m'en racontait un peu plus. Et à la fin, j'ai fini par tout connaître dans les moindres détails. J'ai aussi appris l'immense importance qu'avaient mon oncle et ma tante dans cette histoire. Et, bien évidemment, j'ai aussi appris l'histoire des Malfoy. Comment le père de ce Scorpius avait haït le mien, et comment mon père le lui rendait bien. Comment Lucius Malfoy, grand-père de Scorpius, était devenu un Mangemort et fut emprisonné à Azkaban, où il y mourut. Tout. Il m'avait tout raconté. Et, à ce moment là, quand nos regards se sont à nouveau croisé, j'ai réalisé que son père à lui avait aussi dû tout lui raconter. Mais dans une version tout à fait différente.

Il s'apprêtait à répliquer quand Rose parla avant lui, et pour la première fois.

- On peut s'asseoir ?

Il ne répondit pas mais baissa les yeux et reprit sa lecture pour de bon, nous ignorant, décidé. On a prit ça pour un oui, et on s'est tranquillement installés. On a commencé à parler, Rose et moi. Pendant des heures, comme s'il n'était pas là. A un moment, le chariot à friandises est passé. C'était le seul moment où il a levé les yeux de son bouquin depuis longtemps. Il a sortit une quantité impressionnantes de Gallions de sa poche, et il a payé. Il avait prit pleins de Chocogrenouilles, et ça m'a fait sourire. Parce que moi aussi, j'adorait ça. Mais pour ne pas trop lui montrer, j'ai pris un peu de tout, surtout des Suçacides pour Rose parce qu'elle en est folle. J'étais tout content de sortir mon argent, moi aussi, pour bien lui montrer que j'en avais. Rose, quand la dame lui a demandé si elle voulait quelque chose, elle a rougit en baissant les yeux. J'ai aussitôt proposé de payer à sa place, ça me paraissait évident. A un moment, on parlait des quatre maisons de Poudlard.

- Je veux aller à Gryffondor ! s'exclamait Rose joyeusement, suçotant un Suçacide. Comme nos parents ! C'est la maison des courageux, alors c'est évident, c'est la meilleur de l'école !

Ca aussi, ça m'a fait sourire. De nous deux, Rose était largement celle qui ressemblait le plus à mes parents, et aux siens. Tous les quatre étaient courageux, extravertis, souriants… Alors que moi, c'était étrange… Je me sentais comme… différent. Voilà, c'est le mot. Je restais souvent seul dans ma chambre des heures à lire des bouquins compliqués sur toutes sortes de potions ou sortilèges – je voulais être le meilleur, une fois entré à l'école. Bien sûr, je jouais et je rigolais avec mon frère, ma sœur et mes cousins, mais moins qu'eux. D'ailleurs, mon frère, maintenant, c'est un horrible crétin. Il est égoïste, il s'amuse à me faire peur, il me traite comme un moins que rien, il me ridiculise, il m'énerve sans arrêt et il ne me défend jamais. Et ma sœur… Elle est trop petite pour comprendre ou faire ce que je fais. Alors, je vis seul. Enfin, avec les autres mais, isolé. Loin, dans mon monde. Ma seule véritable amie, c'est elle. Rose. Depuis toujours. Je peux tout lui dire, elle comprend et elle écoute sans rien dire. Elle est très gentille avec moi, et elle est incroyablement intelligente, elle comprend tout. Papa dit souvent en rigolant qu'elle a hérité ça de tante Hermione, et que si elle ne va pas à Gryffondor, c'est inévitable qu'elle foncera directement à Serdaigle.

- Oui, mais Serdaigle, c'est bien aussi, non ? ais-je suggéré, souriant toujours. C'est pour ceux qui aiment apprendre et savoir, les gens intelligents. Comme toi.

- Ben oui mais non ! a répliqué Rose en secouant la tête. Je préfèrerai aller à Gryffondor. Pour perpétuer l'honneur des Potter et des Weasley. Et des Granger. Ouais ! ajouta-t-elle en se tournant brusquement vers Scorpius qui sursauta en levant les yeux vers elle. Je suis de sang mêlé ! Ca te dérange ? Hein ? Tu va faire quoi si je te touche ? Appeler ton papa ?

Scorpius prit un air choqué et décida de l'ignorer avec dignité. Rose pouffa de rire et se tourna à nouveau vers moi.

- Donc, je disais. Oui, bon, Serdaigle au pire. Enfin non, ce serai Poufsouffle au pire. Parce que Serpentard, jamais ! Maison de traîtres ! Sale réputation. Tous les mages noirs sont passé par là.

- Arrête tes préjugés, Rosie ! ais-je répliqué en tortillant une de ses mèches bouclées qui se balançait devant ses yeux au même rythme qu'elle secouait la tête. Ca n'est pas forcément la maison du diable !

- Judas ! s'est-elle écrié en s'éloignant de moi, l'air mi-amusée, mi-choquée. Comment peux-tu sous-entendre que ça ne te dérangerai pas d'y aller ?

- Je n'ai jamais dit ça, mais…

- C'est ridicule ce que tu dis, coupa Scorpius d'une voix glaciale.

On s'est retourné tous les deux vers lui. Il regardait Rose avec dédain.

- Ce n'est pas parce que les mages noirs y sont allées que Serpentard n'a porté que mages noires. C'est un préjugé tout à fait stupide. Il a raison, ajouta-t-il en me désignant d'un signe de tête.

Rose parut offusquée et se renfrogna. Je me suis tourné vers Scorpius, qui me regardait fixement.

- C'est comme les préjugés sur les familles, ajouta Scorpius. Les Potter et les Weasley sont des gentils héros sans le moindre défaut, les Malfoy sont des « méchants » invivables et obligatoirement désagréables…

- Je n'ai jamais dit ça, me suis-je défendu.

- Alors pourquoi tu ne m'a pas adressé la parole gentiment depuis que tu es rentré dans ce compartiment ? répliqua Scorpius en penchant la tête sur le côté.

Et pour la première fois, on s'est sourit. Un sourire franc, sincère. Et on a commencé à parler, sous le regard outré de Rose.

- Alors, tu espère être à Serpentard, je suppose ? lançais-je.

- Oh, ce n'est pas très important. Serdaigle me conviendrait bien aussi. Mais je ne pense pas en tout cas être à Gryffondor et, sans me vanter, Poufsouffle n'est pas assez bien pour moi.

- Ah, je vois, quand tu parlais des préjugés, tu ne parlais pas du fait que les Malfoy sont d'affreux vantard ? ais-je dit en élargissant mon sourire.

Et il a éclaté de rire. Ca m'a fait comme des fourmillements bizarres dans le cœur, d'entendre son rire. Je me suis sentit comme un imbécile heureux, et ça a dû se voir, parce que Rose me regardai comme si j'étais un horrible traître. Je l'ai ignoré et j'ai fixé mon attention sur Scorpius, qui continuait de parler de Poudlard.

- J'espère être dans l'équipe de Quidditch. Je me suis entraîné depuis que je suis tout petit avec mon père. Il était attrapeur à Serpentard.

- Mon père à moi était attrapeur à Gryffondor. Mais je crois qu'ils étaient dans la même année, non ? ais-je lancé d'un ton innocent, comme si j'ignorait toute l'histoire.

Il parut gêné.

- Oui, et… je crois, sans te mentir, que d'après ce que m'a raconté mon père, ils n'étaient pas les meilleurs amis du monde.

- C'est amusant. Tu imagines la tête qu'ils feraient s'ils nous voyaient discuter comme ça ?

- Je crois que c'est préférable de ne pas imaginer, répondit-il en éclatant une nouvelle fois de rire.

On a parlé, parlé sans arrêt. Sans voir le temps passer. Peu à peu, Rose se détendait et elle a commencé à parler avec nous, souriant, rigolant avec lui. Ca nous a surpris quand James a déboulé dans le compartiment et lancé :

- Ah, je te cherchais, Albus ! Tu te dépêche de mettre ta robe de sorcier ? On arrive dans deux minutes ! Salut, Rose ! Et… OH !

Il sursauta en voyant Scorpius, puis le dévisagea avec dégoût.

- Un Malfoy ? cracha mon frère, outré. Tu parle avec un Malfoy ?

Il me lança un regard accusateur et indigné.

- Pourquoi tu lui parle ? Tu sais ce que dirai notre père s'il te voyait parler avec lui ? Et toi, tu le laisse faire ? s'offusqua-t-il en se tournant brusquement vers Rose, qui sursauta.

- Ben en fait…, balbutia-t-elle. Je me suis dit… Il a pas l'air méchant, donc…

James secoua la tête, faisant bouger ses longs cheveux d'un noir de jais qui lui retombaient sur les épaules. Ca m'a fait penser que mon père disait souvent en rigolant que James était le portrait craché de mon grand-père. C'est d'ailleurs pour ça qu'il s'appelle comme lui. Et il paraît qu'il ressemble beaucoup à Sirius Black, aussi. C'était le parrain de mon père, mais il est mort, je l'ai pas connu. Quand il en parle, mon père a un sourire triste et les yeux qui se voilent, et ça me fait mal pour lui. Mon père dit aussi que eux deux, c'étaient des têtes brûlées terribles. Comme James.

- C'est des manipulateur, répliqua James. Des vicieux qui te sourient par devant et te poignardent dans le dos. C'est une famille abjecte et répugnante, d'horrible réputation, et tous, tous terriblement intelligents et cruels. Et le pire, c'est qu'ils t'ensorcèlent en te faisant croire qu'ils font parti des gentils…

- Ca n'a rien avoir ! m'écriais-je en me levant brusquement pour me mettre face à lui, debout devant Scorpius.

Je fus moi-même surpris de m'entendre le défendre. Je le connaissais à peine mais je devinais déjà, inexplicablement, quelque chose de fort, de puissant entre nous.

- C'est stupide, ce n'est qu'une réputation ! Il n'est pas comme eux, James ! Tu pourrais me croire au moins pour une fois ?

Il haussa les sourcils, glacial. Et c'est là que j'ai réalisé.

Je lui avais tenu tête pour la première fois de ma vie.

- Tu viendra chialer à mes pieds, un jour, me suppliant de te pardonner et répétant que j'avais raison ! a lancé James d'un ton horriblement sec. Tu peux pas comprendre. Pas encore. Tu t'en rendras compte bien assez vite. T'es qu'un gamin…

Il tendit la main, la posa sur mon front et me poussa brutalement. Je retombais sur la banquette à côté de Rose qui poussa un petit cri de surprise. Scorpius, lui, regardait la scène sans un mot, le visage neutre, l'expression impénétrable. James se tourna vers lui pour lui adresser un dernier regard débordant de haine et de dégoût, puis sortit en claquant violemment la porte du compartiment.

- C'est amusant, hein ? lança Scorpius d'une voix sans timbre en se tournant vers moi. Il me déteste déjà alors qu'on ne se connaît même pas… Peut-être qu'il a raison. Ca te répulse d'être avec moi ? Ca te brûle les yeux de me regarder ? Ca te fait mal à la langue, de me parler ? Tu peux le dire, tu sais. Ca ne me vexerait pas. Je commence à m'habituer…

- Mais… Je… QUOI ?! m'exclamais-je, outré. Jamais ! J'aime beaucoup discuter avec toi ! Mais comment ça « t'habituer » ?

- Ca court les rues, les gens comme ton frère. Bourrés de préjugés, pensant que je suis comme mon père, et comme mon grand-père avant lui. Un pur Malfoy. Je porte ce nom comme un fardeau, comme une horrible affiche placardée sur moi. Les gens bien me regardent bizarrement et m'évitent. Je porte le nom des Malfoy, et la réputation qui va avec. Tu ne sais pas ce que c'est, toi… Toi, un Potter, le fils du plus grand héros de toute l'histoire des sorciers, plus grand encore qu'Albus Dumbledore. Tu vois ? Tu porte même son prénom, à ce type-là. T'es rangé directement dans le camp des gentils et moi, dès ma naissance, on ma étiqueté et balancé dans l'autre camp. Mais ils sont tous fous. Le bien et le mal n'existent pas. Pas comme ça…

Je ne savais pas quoi dire. Sa déclaration m'avait bouleversé, et laissé sans voix. J'aurais voulu le rassurer, j'aurais aimé lui dire que je m'en foutais, moi, que je l'aimais bien, que je voulais rester avec lui et en faire un ami, mon meilleur ami… J'en avais pas la force. Alors j'ai baissé les yeux et j'ai juste dit :

- Je ne suis pas comme eux.

Rose a hoché la tête pour m'approuver, et on s'est changé tous les trois en silence. Quand on est descendus du train, j'ai d'abord pensé à rejoindre mon frère, puis je me suis rendu compte que ma seule envie en ce moment même était de rester avec Rose et Scorpius. Alors j'ai oublié James et je suis resté avec eux. Un homme gigantesque avec une barbe épaisse et sombre parsemée de blanc m'a salué en souriant chaleureusement. J'ai d'abord eu peur, puis je me suis souvenu que mon père m'avait parlé. J'ai esquissé un sourire timide et il a lancé : « Les premières années, par ici ! » Alors on l'a suivit. On a pris une barque, tous les trois, poussant des exclamations d'émerveillement quand on a aperçu l'endroit qui allait accueillir les plus belles années de toute mon existence. Poudlard.

La sensation de douceur et de bien-être que je ressentis en franchissant les portes de ce château… Ce sentiment indescriptible d'être chez soi, de se sentir bien, à l'aise, heureux… Comme un gamin enfoncé dans un fauteuil confortable et moelleux, une tasse de chocolat chaud à la main, une épaisse couverture sur le corps, un livre étalé sur les genoux, la neige qui tombe dehors et le feu dans la cheminée. C'est un peu étrange comme description, mais c'est je crois celle qui convient le mieux. Je me sentais incroyablement bien, et c'est tout.

- Wouaouh ! je me suis exclamé en passant doucement ma main sur la rampe de marbre d'un gigantesque escalier. Tu as vu ça ? C'est dingue ! Regarde la taille de ce truc ! Et regarde-le bouger ! On dirait qu'il a une âme !

- Non mais je rêve, là ! s'est-il esclaffé en me voyant m'émerveiller devant la magie du château. Je croyais que tu avais été élevé par des sorciers ? C'est un escalier qui bouge qui t'envoûte à ce point ?

Et là, pour une raison inexplicable qui m'a troublé, je fus pris d'une envie soudaine de lui répondre brutalement : « Y a pas que cet escalier d'envoûtant, ce soir… » Mais je ne dis rien. Je me demandais juste d'où pouvaient me venir de telles pensées, si stupides et incohérentes. Ce ne fut rien, rien du tout pour moi à cet instant, juste un moment d'égarement. Tout simplement. Mais dès lors, tout s'était bousculé dans mon cœur et, sans que je m'en rende compte – du moins, sur le coup –, mes entrailles se tortillaient comme des milliers de papillons lorsqu'il me sourit comme jamais personne ne m'avait sourit.

- Je vous prie de vous taire. La cérémonie de la Répartition va bientôt commencer.

Comme tous les autres autour de nous, on a sursauté et on s'est retourné. Une femme assez vieille nous toisait d'un regard froid, ses cheveux gris remontés en un chignon serré, des lunettes posées sur son nez droit, un air sévère placardé sur le visage. C'était elle qui avait parlé.

- Je vais vous demander de m'attendre ici quelques instants et de patienter en silence. Ce ne sera pas long.

Puis elle s'éloigna dans le Hall, ses chaussures résonnant dans un bruit régulier sur le marbre du sol, tandis qu'elle marchait vers une immense porte de bois à l'autre bout de la pièce. Elle entra et referma aussitôt la porte, sans ajouter un mot.

- Elle a l'air sympa, fis-je remarquer avec ironie.

- Oui, c'est incroyable l'aura de douceur et de simplicité qui émane de cette femme à l'allure si détendue ! renchérit Scorpius en soupirant, fixant la porte d'où cette vieille avait disparu. C'est qui, à ton avis ?

Je réfléchis quelques instants, puis la réponse me vit à l'esprit, soudain.

- Attends voir… Mon père m'en a parlé, je crois. Il m'a dit qu'il y aurait une vieille dame qui nous accueillerai, à l'allure un peu sévère (« Un peu ?! » s'est il exclamé en riant). C'est la directrice de Poudlard.

- Ah, ouais, carrément ! C'est cool… Mais elle est pas un peu vieille ?

- D'après mon père, l'ancien directeur était beaucoup, beaucoup plus vieux que ça et il a enseigné jusqu'à sa mort.

- Au fait, ça me fait penser… Tu va être assez connu, ici, non ? Je sais pas, disons que ton père, c'est juste le plus grand sorcier de toute l'histoire, rien que ça. Tu crois pas ?

- Être populaire, ça ne m'intéresse pas. Ca m'inquiète, même. Je sais que mon frère est déjà très remarqué dans Poudlard depuis son entré ici, il y a deux ans, et il adore ça. Mais toi, ton père aussi est connu, non ? Enfin, pas pour de très bonnes raisons…

Ses lèvres se tordent en une grimace. Je me sens stupide.

- Excuse-moi, je n'ai pas voulu dire ça…

- Non, mais non, laisse, t'as raison, parfaitement raison. Je sais ce qu'il a fait, je sais qui il était, et tout ce que je veux, c'est que les gens sachent que je ne suis pas et que je ne serai jamais… comme lui.

- Moi, j'ai parfaitement confiance en ça. En toi. Je sais très bien que tu ne sera jamais comme ton père.

Il m'a sourit gentiment et a brusquement tendu la main.

- Merci. Tu veux… tu veux qu'on soit amis ?

Je me suis mordu la lèvre. J'étais tellement content qu'il me demande ça si spontanément… A peine arrivé, déjà un ami, et en plus, il avait l'air si adorable… Sans savoir que, malgré moi, je répétais une version étrange d'une scène qui s'était déroulée ici même environ 26 ans plus tôt, je levais ma main pour serrer la sienne. Le contact avec lui me fit frissonner, et je souris également.

- Evidemment. Pour toujours.

- Pour toujours, a-t-il répété en élargissant son sourire.

C'est à ce moment là que la directrice est réapparue.

- La Répartition va maintenant commencer, annonça-t-elle. Bienvenue à Poudlard…

Elle a ouvert grand la porte et on a failli tous s'étouffer d'émerveillement et de joie. On était pour ainsi dire le cul par terre, scotché sur place par tout ça. C'était tellement incroyable, je me souviens, la première fois que j'ai découvert tout ça… La Grande Salle, le plafond magique, les tables des quatre maison et la table des Professeurs au fond, les bougies qui flottaient dans les airs et l'immense ciel de velours étoilé au-dessus de nos têtes… Je n'oublierai jamais ça. Ce moment est resté et restera gravé à jamais en moi comme un de mes plus beaux souvenirs.

- Veuillez vous avancer jusqu'à la table des Professeurs, je vous prie ! lança la directrice d'un ton autoritaire et sans réplique.

C'est là que je me suis rendu compte des centaines de pair d'yeux qui étaient fixées sur nous. Les quatre tables des maisons étaient bondés d'élèves, de douze à dix-sept ans, qui nous observaient avec intérêt et curiosité. Je déglutis avec difficulté et je me sentis rougir. Je détestais qu'on me regarde. Je suivis les autres docilement et m'arrêtais devant la table des Professeurs, où étaient posés juste devant un petit tabouret de bois et un vieux chapeau tout rapiécé. La vieille directrice nous laissa en plan et partit s'asseoir au centre de la table des Professeurs, sur une sorte de trône en or. Aussitôt, une femme qui devait avoir à peu près l'âge de ma mère se leva de la table où venait de s'installer la directrice et vint se placer devant nous, juste à côté du tabouret, un parchemin à la main. Elle avait des cheveux châtains et de beaux yeux bruns qui nous toisaient, un par un. Des taches de rousseurs parsemaient son nez fin, et elle arborait un petit sourire aimable et qu'elle devait sûrement vouloir rassurant. Malgré son air légèrement supérieur, elle était très belle et avait l'air sympathique.

- Bonjour et bienvenue à Poudlard, les enfants ! lança-t-elle d'un ton joyeux, sa voix sucrée résonnant dans la Grande Salle. Je suis le professeur Brown, je vous enseignerais la métamorphose. Quand je citerai votre nom, vous viendrez vous asseoir sur ce tabouret, et je poserai le Choixpeau sur votre tête. Il annoncera alors, à vous et à toute l'école, sa décision, qui sera le nom de la maison qui sera vôtre durant toute votre scolarité à l'école.

Elle déplia le parchemin qu'elle tenait, s'éclaircit la voix d'un toussotement et commencèrent alors les deux minutes les plus longues de toute ma vie.

- Anderson, Andrea ! appela-t-elle.

Une fille aux longs cheveux blond ondulés s'avança lentement, tremblante, vers le tabouret. Elle s'assit dessus et attendit, les paupières étroitement fermées, le verdict. Je vis une fente sur le chapeau s'ouvrir comme une bouche.

- Gryffondor ! aboya-t-il.

La salle éclata en applaudissement. Rougissante mais souriante, la fille se leva et courut rejoindre sa maison.

- Anderson, Valentin !

Un roux aux mêmes yeux chocolat que la fille blonde se dirigea avec un petit sourire vers le tabouret, sur lequel il s'assit sans hésitation.

- Serpentard ! clama le Choixpeau.

Ravi, il se leva et alla s'asseoir parmi les verts et argents qui l'acclamaient plus fort que les autres.

- Je croyais que les personnes de même famille allaient forcément dans les mêmes maisons, glissais-je à Scorpius sans masquer mon étonnement en pensant aux Weasley.

- Pas forcément, répondit-il en haussant les épaules. Il y a parfois des exceptions.

- Artus, Richard !

Un blond à lunettes s'avança d'une démarche pataude vers le tabouret, sur lequel il se dandina sans arrêt. Lorsqu'il eut le Choixpeau sur la tête, il se stoppa net et écarquilla les yeux.

- Poufsouffle ! brailla le Choixpeau aussitôt.

Il se leva et reprit sa démarche de soûlard vers la table des Poufsouffle. La cérémonie continua, encore et encore. Parmi eux, Ashton Crypsland fut envoyé à Gryffondor, puis Betty Enerson alla à Serdaigle. Elle fut suivie quelques noms plus tard par les jumeaux Ilorson, Jennifer et Josh. Kurt Loran alla à Poufsouffle, suivit de Stan Luron. Quand Bastien Madlyn fut envoyé à Serpentard, Scorpius commença à trembler. Albus lui tapota maladroitement l'épaule, mais il était lui aussi parcourut de frissonnement. Il enfonça alors ses mains dans les poches de son jean et fixa ses chaussures, les yeux fermés, attendant le nom qui allait suivre…

- Malfoy, Scorpius !

Le silence se fit dans la Grande Salle quand le nom résonna. Le nom maudit… qui était parfaitement connu de tous, puisqu'il avait eu sa place dans l'histoire de la guerre. La famille de traîtres. Scorpius déglutit et fendit le petit groupe de première année. Il s'avança vers le tabouret et s'assis dessus. Albus fixa intensément son nouvel ami et, brusquement, lorsque le Choixpeau se posa sur les cheveux blonds de Scorpius, il l'entendit murmurer comme si c'était sur sa tête à lui qu'il était posé.

- Eh bien, dis-moi, tu es un cas très spécial, toi ! susurrait le chapeau rapiécé avec délectation. Jamais vu un Malfoy avec le cœur aussi pur et, crois-moi, j'en ai vu passer. Tu me paraît si innocent, c'est très étrange… J'hésite.

Albus entendit alors résonner dans sa tête la voix de Scorpius.

- Pas à Serpentard, je vous en supplie ! Pas à Serpentard, je ne veux pas être comme eux, pas comme mon père, je ne veux pas, pas là-bas, pitié, ayez pitié… Je vous en supplie, tout mais pas Serpentard…

- Ne crains rien, mon garçon. Serpentard ne te mérite pas. Tu es bien trop courageux et pas assez sournois pour aller là-bas. Je te verrais plutôt à Serdaigle ou…

- Ou quoi ?

- Cela me paraît évident. Oh, oui, tu as parfaitement toutes les capacités pour y aller. Pourquoi ne pas t'y envoyer ?

- M'envoyer où ? eho ! m'envoyer où ? mais répondez !

- A la maison qui te conviendrais le mieux. A la maison des téméraires, des obstinés, de ceux qui ne lâchent pas une idée quand ils l'ont en tête. La maison de la force et du courage.

- Oh, non… Vous voulez dire…

- Oui, tu as compris. C'est là que tu dois y aller. C'est le chemin de la grandeur, toutes tes qualités sont celles que cette maison requiert. Tu es né pour y aller, c'est ton destin. On ne refuse pas ton destin…

- Mais je ne peux pas aller à…

- Gryffondor ! s'écria le Choixpeau.

Scorpius, tétanisé sur place, mit quelques instants à se remettre. Puis il se leva lentement et, l'air un peu perdu, marcha vers la maison des rouge et or. Pas un applaudissement. Des murmures courants comme des rumeurs parmi les élèves, interloqués par le choix du chapeau. J'ai fixé le regard de Scorpius, partageant son ahurissement. Je ne l'ai pas lâché du regard lorsqu'il s'assit entre Cryplsand, un garçon aux cheveux châtains et qui m'a légèrement rappelé James dans son air un peu supérieur et charmeur, et une fille blonde aux yeux clairs qui semblait être en deuxième année et qui lui adressa un sourire compatissant.

- Nanvenim, Eloïse !

Je sursautais. J'avais complètement oublié qu'on était encore beaucoup à ne pas avoir été appelé, au moins la moitié. Je tentais en vain de me reconcentrer sur la liste de nom et j'entendis à peine le chapeau tout rapiécé s'écrier « Poufsouffle ». Tout ce que je sais, c'est que bien des noms plus tard, j'entendis résonner le mien. Et là, ce fut un silence bien plus lourd et plus pesant que celui de Scorpius, suivit aussitôt de murmures enjoués. On m'adorait avant de me connaître. Je trouvais cela encore plus écœurant que le fait qu'ils haïssaient Scorpius avant de le connaître lui. Je présume qu'ils se disaient tous que j'allait foncer à Gryffondor comme ma famille, tout comme ils croyaient que Scorpius allait aller à Serpentard. Je passait à mon tour devant les quelques personnes qui restaient et m'avançait vers le tabouret. Je crus voir le Choixpeau sourire en me voyant, un instant à peine avant que Brown ne le pose sur ma tête.

- Ah ! me murmura-t-il. Tu es aussi étrange que le petit Malfoy. Vous êtes très différents, tous les deux… Dotés d'une intelligence extraordinaire et de capacités admirables… Alors, où vais-je te mettre ?… Hum…

- A Gryffondor ! grinçais-je entre mes dents, les yeux fermés, priant de toutes mes forces. A Gryffondor, avec Scorpius, s'il vous plaît… Pas à Serpentard, envoyez-moi là-bas, avec lui, avec James…

- Tu sais, c'est amusant. Ton ami Scorpius ne désirait qu'une chose, c'était de ne pas aller à Serpentard. Et tu sais quoi ? Les capacités voulues par Serpentard sont principalement la sournoiserie et l'intelligence. Cela ne veux pas dire qu'il n'y a pas de courageux ni de battants à Serpentard, tu es bien d'accord ?

Je ne répondis pas. J'avais trop peur que ma réponse influence son choix. Je me taisais, tout simplement. J'attendais. J'appréhendais…

- Je sais déjà où je vais te mettre. J'espère juste que tu ne m'en voudras pas trop, mais comme je l'ai dit pour Scorpius Malfoy, tu n'as pas le choix. C'est ton destin…

- Mais…, balbutiais-je. Mais mon père m'a dit que j'avais le choix. Lui, il vous a demandé de ne pas aller à Serpentard et vous l'avez exaucé ! Alors…

- On a toujours le choix, mon garçon. Toujours. Inconsciemment, au plus profond de ton cœur, ton désir est ma décision. Ton choix est le mien. Tu le sais. Tu le comprendras un jour. Serpentard n'est pas une maison aussi terrible qu'on le dit. Tout le monde la rejette, la dénigre, mais c'est… C'est parce qu'elle est simplement comme toi. Différente.

J'ouvris brusquement les yeux. Je sentis mon cœur se serrer et la nausée me prendre violemment à la gorge lorsque je l'entendis clamer, comme au ralenti, le mot qui allait bouleverser ma vie.

- Serpentard !

Je tournais aussitôt mon regard vers Scorpius. Il me fixait, surpris, ses yeux gris grands ouverts. L'étincelle qui me rappelait le métal en fusion passa dans ses yeux et mon cœur rata un battement. J'aurais voulu m'excuser sans paroles, simplement par le regard, lui dire que j'étais désolé de le laisser seul parmi ces gens hostiles, lui faire comprendre que j'avais essayé, mais je n'y parvint pas. Je me sentais si seul, moi aussi…