Bonjour tout le monde!
Hésitation, hésitation, hésitation... Ce début de fiction date de Février et est sûrement très... bizarre. En fait, je ne pensais pas le poster du tout mais j'ai fait lire ce texte à deux amies qui m'ont en-cou-ragée! (même si c'était de manière plus ou moins tempérée) Donc personnellement, je ne sais pas quoi en penser et vous demande votre avis pour que je me situe un peu.
Si quelques uns sont amateurs de musique (je sais qu'il y en a - hin hin, j'en fais parti moi aussi! BIENVENUS!), je conseille de lire sur le morceau Anthem d'Emancipator. J'attends vos avis!
DISCLAIMER: OP ne m'appartient pas. S'il m'appartenait, la moitié des personnages seraient déjà en couple. Et ce serait pas forcément joli à voir...
Ambiance!
Sanji est assis sur le toit de sa camionnette, les jambes ballantes.
Il guette les mouvements du fleuve, quelques mètres plus bas. Il est là depuis un petit moment déjà, la cigarette au bec et le cou bien enroulé dans une longue écharpe de laine. L'air est froid, glacial. C'est un air d'hiver, hors du temps, qui fouette les visages et gèle les doigts, fait pleurer les yeux et couler les nez. Même le blond n'y échappe pas.
Il souffle une énième bouffée de cigarette, les yeux levés vers le ciel. A la place d'une pluie bienfaitrice, ce sont des flocons de neige luisants qui tombent des cieux et s'écrasent sur le toit et sur le capot. Encore une chance que sa vieille amie soit bien isolée sinon il crèverait de froid en y trouvant refuge, plus tard.
Et puis, ce qui l'occupe depuis une bonne demi-heure, c'est la silhouette fluette d'un gars penché par-dessus la rambarde du pont un pont plus loin, un grand pont en fer solitaire sous la chute de neige, sans aucune présence humaine si ce n'est ce gars. Malgré la distance, Sanji devine aisément la grande taille, les cheveux noirs mi- longs, l'attitude masculine. Le blond saurait reconnaître une jeune femme à des kilomètres, alors dissocier les deux…
L'inconnu du pont a l'air indécis. Il va et vient, s'agite tout seul, semble se passer une main sur le front… Tous les signes de l'incertitude. Quelles sont les raisons de son hésitation ? Compte-t-il sauter ? En tous cas, il ne sait plus quoi faire. S'il avait auparavant fixé des plans, il n'arrive pas à prendre une décision maintenant. Il bouge, encore. Son pied part et heurte les barreaux de fer qui le séparent du vide il hurle. Le cri résonne quelques instants dans l'atmosphère puis s'éteint lentement après avoir consciencieusement écorché les oreilles du fumeur. Peut-être qu'il devrait faire quelque chose.
Ou peut-être pas. Il est tranquille à sa place. Il observe, il patiente, il réfléchit tout en passant inaperçu. C'est une façon intéressante de voir les choses sans que personne ne l'aperçoive. Lui a aperçu le brun, l'autre ne semble pas avoir noté sa présence. Ça change.
Soudain, un mouvement plus vif attire son attention : le jeune inconnu s'est retourné et fonce comme un taureau vers la rambarde, se préparant sans doute au grand saut. Il vole presque.
« Et merde… » songe Sanji en réalisant qu'il est trop tard, mille fois trop tard pour réagir.
Il bondit à terre pour se donner bonne conscience, tout en sachant parfaitement qu'il ne reste que quelques secondes… Et l'autre s'arrête. Il se stoppe net en plein milieu de l'édifice, bloqué. Il pousse de nouveau un hurlement.
Mais quel con… Il va finir par attirer du monde… On est au calme là !
Cette fois le blond ne cherche plus à attendre. Il rentre dans la camionnette, la démarre – ça ira plus vite – et, les sourcils froncés, progresse lentement sur le sol gelé.
Eh bah mon vieux… Repasse le permis ! Tu disais quoi déjà ? Que ça irait plus vite ?!
Remarque, s'il n'avance pas, il a au moins détourné l'attention de « Mr-le-fleuve-m'attire ». Son visage au-loin est tourné dans sa direction et il reste immobile, planté au beau milieu de la route.
La camionnette gagne du terrain. Elle avance. Sûrement.
Et l'autre de ne pas bouger, les épaules relâchées, les jambes raides, le dos rond. L'attitude type de celui qui n'a aucune idée de ce qui se déroule sous ses yeux, l'attitude de quelqu'un de perdu, physiquement comme mentalement.
Et qu'est-ce que tu vas faire quand tu seras en face de lui, gros malin ? Qu'est-ce qu'il en a à fiche de toi ?!
De toute façon maintenant, il est trop tard. Il n'est plus qu'à cent mètres de l'inconnu…
Il s'arrête à dix mètres.
Lorsqu'il ouvre la portière, une terrible rafale de vent glacial vient le cueillir sur place il se retrouve plié en deux par un éternuement monstrueux, comme un idiot qui a oublié de se couvrir. Charmante entrée en matière.
Et en plus – champion du monde ! – il entreprend un magnifique vol plané dans les airs pour montrer à quel point il est fort en acrobaties. Le cirque n'attend que lui !
Et, comble du comble, il ne sait plus où il a fourré sa cigarette.
Face contre terre – ou en l'occurrence contre neige – le blond tente péniblement de trouver un point d'accroche, une zone stable à laquelle il pourrait s'appuyer. Il la trouve, se relève péniblement. Résultat des bleus oui, une hémorragie, non.
« Hum… Salut… » Lance-t-il à tout hasard, soudainement un peu gêné.
En même temps, il vient de s'écraser comme un pantin disloqué devant un inconnu.
Le jeune homme est beaucoup plus jeune qu'il ne l'aurait pensé. Au lieu d'une trentaine d'années bien comptées, il ne doit pas avoir soufflé guère plus que de dix-huit bougies. Âge équivalent au sien, quoi. Par contre, sa taille n'était pas un effet de l'imagination fertile du blond. Ce gars mesure un bon mètre quatre-vingts. Et, chose très importante, il a un air peu amène au visage.
« Tu veux quoi ? » crache l'autre, définitivement irrité par sa présence.
Il a dû comprendre que Sanji était là depuis le départ, à bonne distance. Il ne semble pas très heureux de cette découverte. En même temps, il a un peu la tête de celui qui rêvait vraiment de plonger tête baissée dans l'eau glacée en contrebas. Et… comment dire ? Les chances de survie là-dedans ne doivent pas être très élevées…
Il n'y a plus aucun danger.
Alors Sanji improvise.
« Je passais par là… Un hasard… C'est toujours désert par ici, à cette heure-ci ? »
Et hop ! – manière très élégante de glisser qu'il n'est pas originaire de la ville. L'autre s'en fiche mais peut-être que ça le calmera…
Bingo.
C'était une colère sans fondements, de courte durée. L'épuisement, sans doute le brun traîne sous les yeux de grosses poches bleuâtres, entre l'ecchymose et les cernes et dont Sanji ne saurait déterminer la nature avec certitude.
Ni la cause d'ailleurs.
« Les gens ne préfèrent pas sortir l'hiver » soupire-t-il en fermant doucement les paupières. « Il fait trop froid pour eux. »
Ce dernier adjectif a été prononcé avec une certaine intonation, Sanji en est certain. Cependant, il choisit de ne pas s'attarder sur le phénomène et de fouiller plutôt dans la poche de son blouson pour dénicher son paquet de cigarettes.
Il en coince une entre ses lèvres et plisse des yeux pour l'allumer rapidement.
Lorsqu'il relève le menton, il aperçoit la lueur fascinée dans les yeux de son interlocuteur. Il fixe le briquet comme un trésor incommensurable, un gamin qui vient de trouver un nouveau jouet. Ce genre de regard donne généralement des frissons.
Ça ne loupe pas.
Et soudain, sans qu'il ne sache précisément pourquoi il fait ça, Sanji demande :
« Tu le veux ? »
L'hésitation se lit dans ses mêmes yeux troublés. L'iris est si noir qu'elle se confond avec la pupille, créant deux trous sans fonds qui hypnotisent le fumeur, la main ouverte devant lui sur le briquet.
Et puis les doigts nus de l'indécis se referment sur l'objet.
« Merci. »
Avant que Sanji n'ait pu ajouter quoi que ce soit, l'autre fait volte-face puis se met à courir comme un dératé, faisant fi de la neige qui tombe encore plus fort et du léger brouillard qui semble se former.
Sanji, éberlué, reste comme deux ronds de flanc.
Il se reprend finalement. Au moins, monsieur n'a pas sauté.
Ça t'aurait fait une belle jambe, tiens.
Il n'a plus de briquet non plus. Quel abruti. Retour à l'ancienne mode il va devoir se servir d'allumettes pour allumer ses cigarettes. Tu parles d'une chance.
Allez, rentre. Plus personne n'a besoin de toi ici.
C'est à se demander si quelqu'un a jamais eu besoin de lui où que ce soit.
Le lendemain, Sanji se réveille aux aurores.
Il est allongé contre le siège avant, les pieds posés sur le tableau de bord. Il a enfilé une bonne vieille doudoune bien chaude qui pue la fumée et le renfermé mais qui gratte. Et quand ça gratte, c'est très désagréable.
Le blond soupire en s'étirant. Une dure journée commence, comme chaque jour au lever du soleil. Soleil absent à ce jour. Entant donnés les nuages sombres qui bouchent le ciel, il ne risque pas de pointer le bout de son nez à quelle heure que ce soit dans la journée.
Lève-toi mon vieux, c'est maintenant ou jamais.
Le blond se redresse difficilement, courbant le dos à cause de l'exiguïté de l'habitacle. Il passe à l'arrière, où l'attend son chez-soi constitué de quelques couvertures, de vieux posters à moitié déchirés et surtout, surtout d'un coin cuisine.
Son coin cuisine.
Il marmonne devant le triste spectacle du désert nutritionnel de son frigo. Merde. Depuis combien de temps n'a-t-il pas fait un tour dans un supermarché ? Une décennie, c'est impossible autrement ! Comment se peut-il que ce qui est censé être la caverne d'Ali-Baba pour tout cuisinier qui se respecte soit aussi vide que son ventre ?! C'est inacceptable !
Le jeune cuisinier se remet debout. Il est tôt, certes, mais remplir le frigidaire n'attend pas. Surtout pas dans un cas aussi dramatique.
Sanji se débarrasse de sa doudoune pour enfiler une polaire et un imperméable – pour parer la sensation de la neige fondue sur sa peau. Bonnet, écharpe et gants plus tard (les gants sont des éléments essentiels si ses mains venaient à être blessées, ce serait une véritable catastrophe dont il ne se remettrait jamais), il est prêt à sortir.
Dehors, la couche de neige a encore augmenté. Si peu de gens osaient sortir de chez eux la veille, cette journée ne sera pas propice à leurs activités extérieures. Mais ce ne sont pas quelques flocons qui vont arrêter un cuisinier au frigo en détresse.
Le blond pose un pied dans la neige…
… et s'enfonce dans deux mètres de froid qui oppresse ses mollets de toute part. La poisse. Son jean est foutu pour la journée.
Pestant contre l'hiver, l'air glacé et l'humidité, Sanji se fraye un chemin vers le pare-brise qu'il dégivre prestement. Comment va-t-il faire pour se déplacer dans ce panorama apocalyptique ? Sûrement pas avec la camionnette. Mais la laisser seule… Sanji ne croit pas que quelqu'un soit assez stupide pour tenter de la voler – déjà qu'il s'agit d'une vieille machine, mais aussi parce-que se déplacer dans cette situation est irréalisable. Totalement irréalisable.
Cependant, l'abandonner ainsi…
Bon, de toute façon, il n'a pas le choix. Frigo en détresse, on se dépêche.
Revenant à l'intérieur, le blond s'empare de son paquet de cigarettes, de quelques allumettes et d'un certain nombre de sacs de course potentiellement – réellement – utiles. Au boulot.
Sanji est quelqu'un qui anticipe. Il déniche deux antiques raquettes dans un coin « fourre-tout » où se trouvent des palmes, un manteau prévu pour des températures extrêmes, un parapluie que le vieux schnock a trafiqué et renforcé pour les cas exceptionnels…
Le vieux schnock.
Non. Ne pas y penser.
Cigarette au bec, équipement paré, sacs en main, il saisit ses clefs et verrouille son tacot.
Cheminer dans la neige est ardu, Sanji l'apprend à ses dépens. Et pas question de fumer, il s'intoxique tout seul, suffoque. Il tousse. Cette saloperie le tuera un jour. Peut-être. Sans doute. Sûrement.
Oh, et puis zut.
Le blond s'évertue à penser à de bonnes choses. Les rayons du soleil en été, par exemple. Leur caresse. Le bruit de la pluie sur les toits, tellement plus agréable que celui, indétectable, de la neige au même endroit. La neige qui étouffe tout.
Il n'entend pas ses pas dans la masse blanche. C'est effrayant de ne pas s'entendre marcher. Tout autour de lui est silencieux pas un pépiement d'oiseau, pas un bruissement du vent contre les branches des arbres, pas un claquement de porte dans le lointain. On croirait à une ville fantôme.
Sanji ne croise pas un habitant dans la rue. Tout est désert. Tout est calme.
Il. N'y. A. Personne.
Est-ce que le supermarché sera ouvert ? Pas sûr. Incertain même. Très incertain. Si aucun habitant ne s'est décidé à sortir – même aussi tôt – prendre l'air frais, les chances que quelqu'un ait songé à prendre son service au supermarché sont minimes. Avancer aussi difficilement est définitivement stupide et insensé.
Mais Sanji s'évertue quand même à continuer, parce-que de toutes manières il n'a pas grand-chose d'autre à faire de sa matinée et à cause de son ventre qui crie famine.
Néanmoins, lorsqu'il aperçoit un banc, le blond décide de s'y arrêter quelques instants. Il randonne depuis un moment, une petite pause ne lui ferait pas de mal. Le banc est givré, glissant, mais toujours accueillant.
Malheureusement, à peine s'est-il installé que le vent se lève.
Un vent terrible, un vent plein de bourrasques, un vent ouragan. Le cuisinier renifle, enfouit son nez, son visage entier dans son écharpe pour se réchauffer. Il se recroqueville le plus possible pour attendre que ça passe. Il n'y a plus que ça à faire.
Il patiente. Patiente. Patiente. Il sait parfaitement bien que s'endormir dans de telles conditions serait fatal. Pourtant, le léger brouillard qui envahit son cerveau et qui alourdit ses paupières lui conseille de se laisser aller, de piquer une petite sieste pour reprendre des forces. Il ne parviendra nulle part sinon. Et puis il rêve de repas chaud, de bons petits mets soigneusement concoctés par ses soins qu'il ferait déguster à une jolie et adorable jeune femme.
Jolie et adorable. Rousse, de préférence. Elle aurait les cheveux attachés en un chignon élégant d'où s'échapperaient quelques mèches fines et gracieuses. Féminine. Un léger parfum proviendrait de sa peau, délicieux pour les papilles. Quand elle sourirait, ses dents blanches et égales se dévoileraient telles un champ de perles bien aligné. Et quand elle mangerait ce qu'il a préparé, son sourire s'agrandirait, ses yeux pétilleraient et elle l'embra- …
« EH ! EH, REVEILLE-TOI BON SANG ! TU VAS CREVER MON GARS ! »
Sanji sursaute violemment son rêve se brise en plein vol. Il fronce les sourcils, sent la colère enfler en lui, se retourne pour hurler sur le grossier individu qui l'a interrompu dans son fantasme…
Et se retrouve nez-à-nez avec l'inconnu du pont.
Review?
