Prologue

Deux femmes pour un seul univers.

Elles se connaissent, se sont rencontrées des milliers de fois et partagent les mêmes amis. Pourtant, au fond, elles ne sont que des connaissances. Une trop timide pour se lier et une trop agitée pour prendre le temps de saisir une amitié au vol. La première n'a rien vécu dans sa douce prison de cristal et s'est contentée d'observer les nuages défilés, laissant l'action au creux des mains des autres. Comble de l'ironie, sa chandelle de vie à peine entamée, elle fait déjà face à la pire des fatalités : La mort. Elle, si discrète, n'a qu'une envie : Hurler au monde sa rage de vivre. La deuxième s'est brûlée les ailes dès son enfance. Tel un papillon attiré par une douloureuse lumière, expérimentant et vivant jusqu'à se consumer, elle ignore les moindres risques et ne souhaite qu'une chose : Mettre fin à ses douleurs intérieures par n'importe quel moyen quitte à s'éteindre avec elles.

Deux lumières qui vacillent, qui chutent et qui n'espèrent plus. Affronter le destin ? Pourquoi faire ? Autant se battre contre des chimères. L'héroïsme se contemple plus facilement qu'il ne se tente. Non, la véritable tentation est de tout laisser tomber pour le meilleur et pour le pire

« Je suis désolée de vous annoncer cela. »

Non, c'est impossible. Pourquoi moi ? Il doit y avoir une erreur. Qu'on recommence les tests…les échantillons de sang ont dû être mélangés.

« Je…je…combien de temps ? »

Il me reste tant à vivre…tant à accomplir. Je ne veux pas que tout se termine ainsi.

« Rien n'est encore perdu. On peut essayer la chimiothérapie et nous vous ferons des transfusions pour augmenter vos plaquettes et vos globules rouges. »

De vains espoirs. Je le lis dans vos yeux. Vous me savez condamnée, mais l'espoir est la seule chose que vous avez à m'offrir. Pourquoi éterniser mon agonie ?

« Me..Merci docteure. »

Même si je sais que cette bataille n'a pas de possibilité heureuse pour moi.

« Je t'en prie, appelle-moi Shizune. Tu sais, je pourrais te dire que ce n'est que mon travail de soigner la population, mais je pense que tu mérites réellement de survivre à tout ça. Tu es une fille bien. »

Tiens, on passe au tutoiement. C'est ironique à quel point la maladie rapproche. Une fille bien ? Oui, c'est tout ce que je suis. Rien d'autre ne peut me décrire, car personne ne souhaite savoir qui je suis sauf lui…Ma docteure me regarde tristement. Je m'oblige à lui sourire, mais mes yeux se voilent de larmes.

« Allons, ne pleure pas. Sois forte, tout ira bien. »

Mensonges ! Mensonges ! Rien ne va plus. Mon futur s'écroule et disparait. Depuis toute petite, on me demande d'être forte. Laissez-moi m'affaisser pour une fois. Non, c'est impossible…Je me lève et salue Shizune d'un son étouffé. J'ordonne à mes jambes de s'activer, de me porter loin de tout ça. Je dois oublier ces murs blancs et ce bureau de la mort. Je ne veux pas m'éteindre maintenant.

« Au revoir Hinata. On se revoit dans quelques jours. »

Je ne veux pas mourir.

« Tu comptes rester encore longtemps ici ? »

Sur Terre ? Non, plus très longtemps. Pourquoi ne viens-tu pas douce délivrance ? Pourquoi ai-je si peur de m'abandonner enfin à la mort ?

« Juste un petit peu…Laisse-moi juste le temps de… »

Rassembler mes souvenirs. De me rappeler à quel point j'étais heureuse avec Lui. Il est si inaccessible maintenant. Même si je tends la main, jamais il ne pourra l'attraper.

« Je m'inquiètes. Ce n'est pas bon pour toi de rester ici. Ça te fait souffrir, je le vois dans tes yeux. »

Rester ici ? Dans ce cimetière ou sur Terre ? Rester dans ce corps qui respire et dont le cœur pompe à chaque jour du sang oxygéné dans mon cerveau ce qui m'oblige à penser ; à être. Oui, cela me fait souffrir. Appuyée contre Sa tombe, je me meurs. Partir le rejoindre…Non, je ne peux pas t'abandonner.

« Je suis là hein si tu as besoin de moi ! On pourrait ce faire un « souper ramens » ce soir. Qu'en dis-tu ? »

Je souris même si je sais que tu comprends toute la fausseté de mon geste, mais c'est devenu un jeu entre nous de nous mentir pour nous faire croire que tout est resté pareil depuis Sa mort. Au bout du compte, peut-être que cette illusion me sera mortelle…peut-être est-ce que je l'espère même ?

« Pourquoi pas ? J'amène le saké. »

Qu'est-ce que je ferais sans toi ? Tu as pris le rôle du plus confiant des deux, mais je sais que tu souffres. Que puis-je y faire ? Je n'arrive pas à accepter ma propre réalité et ne pense qu'à plonger.

« Saku…je pense qu'on va laisser faire pour le saké. Je trouve que tu en bois un peu trop ces temps-ci. »

L'oubli par la boisson est la seule chose qui me rapproche assez du trépas pour que je puisse Le toucher du bout des doigts. Pourrais-tu accepter cela ? J'hoche la tête et te suis sans me retourner vers cette inscription inscrit sur le marbre de sa stèle et que je connais par cœur :

« Sasuke Uchiwa. Affronter son passé est une preuve de courage et de volonté. À jamais dans nos cœurs. »

Je ne veux plus vivre.

Deux étoiles filantes dans le ciel qui ne peuvent qu'entrer en collision. Et si la vie ne débutait véritablement qu'à ce moment là…

Et que la mort les rapprochait.