Journal d'un aspirant psychopathe

(A ceux qu'auraient pas deviné..journal de Tom Jedusor)

30 août 1943

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Non, ce journal ne commencera pas par un habituel et pathétique cher journal, tout simplement parce que si certaines personnes ne sont pas assez saines d'esprit pour se rendre compte qu'un journal ne sera jamais rien d'autre que des feuilles empilées les unes sur les autres et reliées entre elles, tant pis pour elles, ce n'est pas mon cas... Non, je n'écrirais pas cher journal, parce qu'au final, je ne m'adresse qu'à moi seul, et que je ne connais aucune personne, qu'elle soit ou non de chaire et de sang, qui mériterait seulement que je m'adresse à elle en commençant par ce stupide adjectif. Après tout, à quoi bon écrire et s'adresser à quelque chose de totalement inanimé, autant s'adresser à un arbre... Et encore, un arbre, c'est vivant. Non, je n'écris certainement pas pour confier mes pensées à qui que ce soit d'autre qu'à moi-même, et certainement pas à un journal au demeurant hideux achetée dans une tout aussi hideuse boutique moldue.

Un journal, c'est fait pour confier à quelque chose ce qu'on ne peut ou veut confier à personne, dans ce cas, si ce journal ne me sert pas à me confier, il serait tout aussi possible que je le jette dans la poubelle la plus proche. Ils iraient d'ailleurs de paire, tous les deux, ne serait-ce que par leurs aspects pitoyables. Pourtant j'écris, j'écris peut-être parce que j'ai la présence d'esprit de ne pas parler à moi-même et qu'il n'y a personne à proximité (et j'ai un doute qu'il y en ai plus ailleurs) à qui je compte faire subir ce deblatérage de pensées inutiles qui, une fois qu'elles auront recouvert ce carnet d'encre me donneront aux moins le loisir de les oublier... Certes, ce genre de déblatérage pourrait assommer quiconque sans recours à aucune arme que ce soit... En un sens, ce serait pratique, mais aussi inutile soit ce déblatérage, il n'en reste pas moins le mien, inconcevable que je le partage avec qui que ce soit. Je ne pense pas que j'irais relire les pages que j'aurais écrit auparavant, se tourner sans arrêt vers l'arrière, ça n'a pas grand intérêt il faut dire, ceux qui se retournent sans cesse sont ceux qui croient qu'ils pourront changer quelque chose à ce qui est inaliénable... Bien sûr, on peut penser que regarder en arrière peut permettre de mieux se propulser vers l'avant... ça dépend sans doute, cela demande une sélection, je suppose... Moi, je préfère regarder vers l'avant.

Un journal, ça sert à raconter ses souvenirs. Mais qu'en aurais-je à faire, de me rappeler ce que j'ai bien pu faire dans la journée, ce qu'on a bien pu me dire, ce que j'ai bien pu manger.. Même si j'avais envie de me rappeler la journée que j'ai vécu, ça ne rimerait à rien.. Ici, il ne se passe jamais rien, on entend seulement les braillements de tous ces gamins qui ne savent pas se taire, et ici, on vient rarement me déranger, je suis ce qu'on pourrait appeler la bête curieuse de l'orphelinat... J'intrigue, je fais peur... Si tel n'était pas le cas, je crois que je ne me sentirais même pas exister, il n'y a que la crainte des autres pour donner un semblant d'intérêt à la monotonie de ce quotidien... Il ne s'agit que de deux mois, c'est vrai, mais ces deux moi paraissent bien plus longs que les dix mois qui les succèdent. Au moins, durant les dix mois suivants, les jours peuvent se suivre sans se ressembler. Je hais cet orphelinat. Depuis ma naissance, et durant onze ans je n'avais jamais connu que ces mêmes décors, ces mêmes personnes, ces mêmes têtes qui espéraient toujours adopter un charmant bambin... J'ai attendu en me disant que quelqu'un m'arracherait à cet endroit ignoble... Et en effet...Entre temps, j'ai découvert d'autres décors, et si je m'apprête à les rejoindre très bientôt, le temps m'apparaît d'une longueur abominable.

A mon retour à l'orphelinat, pas grand chose n'avait changé, tout le monde m'observait toujours comme si j'étais une bête curieuse, pas autant cependant que la fois où Stubbs est entré dans la salle à manger en couinant comme un gamin, d'accord, il avait seulement dix ans, mais justement, il avait dix ans (âge où normalement, si on est interpellé comme un gamin, on a normalement gagné en maturité). Son lapin était mort! Un lapin! On a pas idée d'aller verser des larmes pour un rongeur hideux, l'affection en elle-même était une chose d'une évidente inutilité, mais se prendre d'affection pour une boule de poils aux oreilles dressées- et laid avec ça... Pathétique... Pendu, qu'ils l'ont retrouvé... Comique, quand on songe que la veille il m'avait menacé de m'étrangler avec une corde si je ne lui rendais pas son harmonica tout en agitant son mangeur de salades sous mon nez comme s'il espérait qu'il aurait la présence d'esprit de me dévorer les narines. Bien sûr, c'était pas non plus comme s'il aurait été vraiment capable de faire quoi que ce soit ou s'il en avait le courage, enfin... C'était bien loin maintenant, et depuis mon entrée à Poudlard, chaque retour à l'orphelinat était un peu différent, plus personne ne cherchait à m'adresser la parole... Sans doute craignaient-ils que je fasse sortir le lapin ensanglanté de Stubbs d'un chapeau pointu... Comme si je n'avais sérieusement que ça à faire...Enfin tant mieux, que ces moldus imbéciles aillent faire offrande de leur salive à quelqu'un d'autre...

Il n'y a que Mrs Cole pour avoir voulu continuer à s'interesser à ... mon cas, comme elle dirait, elle avait beau savoir à présent de quelle j'étais atteint, puisque je crois bien que pour elle, être un sorcier est synonyme d'avoir la peste (ce qui me renforce dans mon opinion, non seulement les moldus sont ignares mais également d'une naïveté inégalable). Il s'agit d'ailleurs d'un illogisme total, elle est bien heureuse de se débarrasser de moi à la fin de chaque été, si je n'était pas ce malade à un stade avancé qu'elle croit que je suis, elle aurait à me supporter bien plus encore. Enfin, peut-être l'orphelinat est-il d'un ennui encore plus mortel sans ce sentiment de crainte qui paraît presque respirable dans chaque pièce où je m'aventure plus de cinq minutes. Elle a continué de faire défiler devant moi ces espèces de... d'ignorants qui se font appeler docteurs qui croient comprendre et n'arrivent à rien. D'ailleurs, comment pourraient-ils seulement comprendre quoi que ce soit, Mrs Cole est sans aucun doute la dernière à vouloir qu'on sache qu'elle héberge un énergumène dans mon genre et qui plus est potentiellement dangereux dans son orphelinat. C'est l'un d'entre eux qui a conseillé à Mrs Cole de me faire tenir un journal, j'ignore en quoi gribouiller sur un carnet pourrait me guérir de la que semble être ma différence, mais ça m'est égal... Elle m'a traîné de force dans les rues de Londres à la recherche du premier (et moins cher) carnet, finalement, on a trouvé ce semblant de journal à la couverture noir sur Vauxhall road.

Je ne sais pas pourquoi je me suis plié à une idée qui n'a pas été de mon initiative, peut-être parce que ce qu'ils voulaient que je fasse de ce journal était plus idiot que ce que je suis en train d'en faire. Dans un sens, ça se rapproche, dans un autre, ça n'a aucun rapport, je n'écris pas pour... comment disent-ils encore? -Évacuer un caractère trop fantaisiste (Car, comme dit précédemment, la vielle n'a pas eu à coeur de leur expliquer qui j'étais vraiment... et ces n'ont jamais vu la couleur d'une beuglante). Il semble seulement qu'un journal aussi inintéressant que passif peut apparemment se montrer plus réceptif que tout le monde, ils ne comprennent rien, il n'est pas question de folie ou d'excès d'imagination. Je peux faire des choses qui les dépasse, je suis capable de plus que n'importe lequel d'entre eux, et pas seulement en ne parlant que de ceux de l'orphelinat, et ça leur fait peur... Peut-être pensent-ils que passer mes nerfs sur du papier me permettra d'adopter auprès des gens de l'orphelinat un comportement des plus sociables... Stupides...

D'un côté, ce journal a été une chance, en règle générale, on ne me laisse jamais quitter l'orphelinat (des fois que je serais contagieux, sait-on jamais, hein!), d'ailleurs, je ne sais pas pourquoi elle m'a forcé à la suivre dans les rues de Londres, c'est pas non plus qu'elle devait avoir peur de se perdre, malgré mes doutes quand à sa capacité intellectuelle, je suppose qu'elle aurait été capable d'aller de l'orphelinat à la librairie, de la librairie à l'orphelinat... Sans se perdre. Elle n'avait pas non plus à craindre de se faire bombarder en pleine rue, il y avait un moment que les bombardements avaient cessés en Angleterre, on suit la guerre de loin, on l'essuie de près... Elle ne voulait sans doute pas risquer la vie de ces pauvres têtes d'anges qui auraient alors été livrées à ma merci sans surveillance... Qu'est-ce que j'en a faire, moi, de ces chérubins... Enfin, pour une fois, la vielle avait eu une bonne idée, idée qui me permit de me rendre sur le chemin de traverse... Bien évidemment, Mrs Cole avait été tout sauf d'accord... Du moins, elle ne l'aurait sans doute pas été si je lui avais demandé son avis.

Après tout, il fallait bien que je m'achète mes affaires scolaires... Enfin, ce n'était pas vraiment pour ça que j'avais voulu me rendre là-bas, je cherchais plutôt... des réponses... Le couronnement de cinq années de recherches, de recherches sur mes origines... J'ai rapidement compris ce qu'impliquait le fait que je parlais aux serpents, le fourchelangue, tu sais?
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... Je crains que les effets habituels du journal intime sur les esprits aient atteint le mien... Je viens de tutoyer un journal débile... Et moldu, de surcroît... Il ne manquerait plus que je lui souhaite bonne nuit avant d'aller me coucher... Oublions! J'ai juste voulu m'armer d'une certitude afin d'entamer la prochaine année en beauté (ce qui n'implique pas du tout l'idée de faire pâlir de jalousie ce crétin d'Atterberry lorsqu'il verra mon insigne de préfet... De toute manière, loin de moi l'idée de me prendre à un jeu aussi puéril (note de l'auteur : huum!)). Je savais que cette chambre des secrets existait, la question était de savoir où elle se trouvait, comment s'y rendre, j'avais également une idée de la créature qui s'y trouvait, mais il fallait que je sois certain. Certitudes faites, en effet, l'année s'averera sans doute encore plus intéressante que ne l'on été les années précédentes.

Je ne m'inquiète pas en ce qui concerne un quelconque éveil des soupçons, Dippet a la lucidité d'une huître qu'on aurait évidé, et l'un des seuls susceptibles de me soupçonner a perdu sa crédibilité depuis bien longtemps à force de me soupçonner à tort et à travers sans le moindre prétexte. J'ignore comment il a acquit cette capacité à m'agacer, heureusement qu'il s'agisse d'un impotent fini... Quoique s'il ne l'était pas, il serait au moins à la hauteur de mon agacement. Le seul soucis serait peut-être Dumbledore... Mais son stupide aveuglement affectif le rendrait encore capable de continuer à chercher un bon fond au calmar géant et de lui offrir un canard en plastique jaune pour le distraire... Je suppose qu'il serait du genre à dire qu'un coeur de pierre ne peut pas exister, là dessus, il n'a pas tort, comment le sang pourrait-il affluer dans un organe vital communément appelé coeur s'il était en granit? Enfin...

Voilà, peut-être une raison constructive de tenir ce journal (non pas que je ne l'avais pas trouvé auparavant, mais il serait préférable que je le précise... Quoique non, c'est totalement inutile, mais tout autant au final que ce que j'ai écrit auparavant), en cette année qui s'annonce particulière... Du moins, un peu différente, tenir un journal pourra me permettre de répertorier la progression de mon... projet. Une sorte de journal de bord. Certes, un journal de bord reste un journal, mais puisqu'il s'agit d'un journal... Mettre ce carnet à ma disposition est peut-être, certainement même, la seule chose un tant soit peu utile que Mrs Cole fera jamais pour moi. Et encore, je ne suis pas certain qu'il y ait une quelconque utilité à faire ce que je suis en train de faire.

Inquiétant... J'ai déjà noirci trois pages de ce journal en racontant toutes sortes de choses somme toute inintéressantes. Je ne sais toujours pas si ce que je fais sert à quelque chose, d'ailleurs, en un sens oui, mais au final, je n'en suis pas certain. Je déteste ne pas savoir si ce que je fais a un sens ou non. Finalement, je crois qu'un journal, ça fixe les pensées qui vous viennent instantanément, autrement dit, ça ne sert à rien, à moins que l'on ne se retrouve cloîtré dans une chambre avec une chaise en bois et une vieille armoire pour compagnie, avec pour seule distraction celle de se fixer des projets qu'au final on est les seuls à comprendre. Non pas vraiment que j'ai besoin de compagnie, au contraire, la compagnie a plutôt tendance à être ce genre de boulets que certains s'attachent volontairement à la cheville. Seulement, je pourrais observer tout simplement le plafond en me complaisant à ne rien faire... Ou je peux écrire... J'ai écrit, voilà tout...

Je ne dirais pas l'habituel aurevoir que l'on est sensé écrire lorsqu'on cesse de déverser de l'encre sur un journal intime... Ai-je besoin de préciser pourquoi?