La lune éclaire les alentours de sa lueur blafarde. Les remous impatients de l'eau semblent vouloir dire quelque chose que je ne parviens pas à comprendre, comme s'ils me pressaient d'agir. Mais j'en suis incapable, la haine que j'éprouve a l'égare de ce que je suis devenue me paralyse.
Je perçois sa respiration lente et régulière, tout mon corps est en alerte, guettant ses mouvements et mémorisant le moindre de ses gestes comme s'il s'agissait de la plus précieuse des reliques.
Je cale mon souffle sur le siens, comme si par ce moyens nous pouvions ne faire plus qu'un. Je voudrais tellement pouvoir entendre ses pensées, les lui dicter, m'infiltrer dans son esprit pour n'être plus que son unique raison de vivre.
Que j'aimerais être différente, ne plus risquer sa vie par ma faiblesse, pouvoir refréner ce besoin constant de me trouver prés de lui, pour m'en éloigner et le laisser vivre sa vie, sans moi.
Mais je suis là à l'épier, c'est mal et je le sais. Il me croit loin, mais dans ma fuite je lui ai abandonné mon cœur, et la plaie béante dans ma poitrine, muée en une lancinante douleur, ne m'a pas laissée le choix : j'ai dû revenir.
Le regret ne m'aidera en rien à obtenir l'absolution, car je suis responsable, bien plus que le pire des démons. J'ai provoqué ce carnage aussi sûrement que si je l'avais choisi, je me suis jetée dans ses bras tout en sachant pertinemment que ses chance d'en réchapper étaient infimes. Je suis un monstre. Mais lui aussi, peut-être est-ce pour cela qu'il s'en ai sorti. J'ignore ce que je dois faire, sans doute devrais-je revoir ma décision. Mais ce choix, n'en est pas véritablement un, car jamais je ne me pardonnerais d'avoir sacrifié sa vie au nom d'un amour qui n'aurai jamais dû exister.
Il m'a repérée depuis longtemps, j'en suis certaine. Je me suis trahie à l'instant même ou j'ai émergé de l'eau pour me cacher sous ce ponton, mais je n'ai pas le réel désir de me dissimuler a lui, c'est pourquoi je ne suis pas partie. Il ne m'a a aucun moment fait savoir qu'il avait conscience de ma présence, il attend sans doutes que je me manifeste, que je lui explique les raisons de ma fuite, s'il ne les a pas déjà comprises. Il ne fera pas le premier pas, moi non plus. Il y a bien trop de non-dits entre nous pour pouvoir les surmonter sereinement. Et c'est ce qui me terrifie, aller vers lui pour le perdre ensuite.
J'aperçois entre les lattes de bois se silhouette se déplacer, il s'apprête à partir. Je réagis instinctivement et me place derrière lui. De l'extrémité du ponton je peux voir son visage se tourner vers moi, son expression de soulagement mêlée de joie exprimant la crainte qu'il avait eu de me voir me dérober a cet indispensable face-à-face. Je l'observe avec appréhension, son regard est fixé sur moi, intense et troublant, je ne sais quoi dire, les mots me manquent tant cet instant est magique. Toutes sortes d'émotions bouillonnent en moi, les tumultes de mon cœur me font chanceler, je frémis d'impatience a l'idée de le retrouver.
Je glisse vers lui, longeant la passerelle, il s'approche de moi à grands pas, je pose mes mains sur les planches de bois pour me hisser hors de l'eau, c'est alors qu'il se saisi de moi, me soulève comme si je ne pesais rien, et me serre aussi fort que sa force de lycanthrope le lui permet. Enroulant ma queue autour de ses jambes, je m'abandonne à lui.
