Bonjour à vous nain, hobbit, elfe ou humain que vous êtes !
Nous voilà parties sur les sentiers de la Terre du Milieu, perdues dans un monde très complexe ! Pour ceux qui ne nous connaissent pas nous sommes deux à écrire, Cloclo-sorcière-mégalo écrit les chapitres pairs du point de vue Neaffa et P'tite-Yume les impairs du point de vue d'Ethéol.
ATTENTION : tous les puristes du monde de tolkien, maniaques des détails seront probablement très critiques et déçus. Nous n'avons pas voulu écrire de la même manière que Tolkien les dialogues bien qu'ils restent d'un niveau assez soutenu, de plus nous nous sommes appropriées le monde et ne l'avons pas copiés consciencieusement. Ce n'est qu'une esquisse avec un coup de sang moderne. Voilà, vous êtes prévenus :)
Bonne lecture pour ceux qui sont tentés par l'aventure !
Chapitre 1
Le vent se lève à l'ouest. Balayant la plaine avec douceur, faisant se balancer l'herbe folle comme une mer sauvage. Les nuages filent au sud vers les montagnes bleues de l'Arthedain. Que l'on discerne à peine de la Comté verdoyante sous ce ciel d'été chaud et lourd. Une odeur d'herbe à pipe embaume l'air de cette fin d'après-midi où les Hobbits se retrouvent après une journée de moisson, sous les ombres des grands arbres à tirer des ronds de fumée aussi large que leur tour de taille. Le soleil dore le sommet des douces collines refermant les maisons troglodytes aux portes rondes comme les visages des petites créatures qui y vivent dans une paix enfantine.
Murmure piaffe, me rappelant à l'ordre. Je le talonne et il reprend sa paisible marche vers le village niché entre deux collines, au bord de la rivière Brandevin. Sa cadence berce mes pensées, me ramène sur mes terres, celles des hommes du Rohan. Autrement dire le bout du monde. Mon frère m'y en a chassé, m'a interdit de poser un pied sur la trouée du Rohan, honte que j'étais d'abandonner les miens pour chevaucher la terre du milieu alors que les cicatrices de la dernière guerre de l'anneau rougissent encore le monde. Un lâche. Un égoïste a-t-il dit. Mon frère a vingt-six ans, il est l'aîné et le chef de la famille depuis la mort de notre père il y a deux ans. Et contrairement à nos parents, il méprise mon goût pour les chemins sinueux et les nuits à la belle étoile. J'ai appris de maman il y a quelques mois qu'il avait épousé une fille de Rohirrim, Mallia.
« De retour parmi nous Silmaril ? »
Je tourne la tête à ce prénom, mon nom des routes. Un nom bâtard né d'un mélange entre l'elfique et la langue des Hobbits. Celui qui ère. Peu de gens connaissent mon véritable nom. Ethéol fils d'Eneth.
« On n'échappe pas à l'odeur de l'herbe de Longoulet ! m'exclamé-je. Tu fumes tellement que depuis les terres d'Arnor j'ai pu suivre ta trace !»
Olian éclate de rire, je me fends d'un sourire et descend de cheval pour donner l'accolade au Hobbit roux et frisé. Il tient l'auberge de ce petit village du pays de Touque depuis des décennies, l'établissement se transmet de père en fils depuis cinq génération affirme-t-il.
« Comment va Boppin ?
Ronde comme un tonneau ! s'esclaffe-t-il, avant l'hiver il y aura une nouvelle bouche à nourrir sous mon toit ! Un beau garçon ! Fort et brailleur comme mon ancien !
Que tu espères ! Les trois précédents c'était la même rengaine et aujourd'hui tu vis entouré de filles ! »
Il grommelle, porte sa pipe à sa bouche avant d'ouvrir la porte ronde. L'auberge est presque vide, les Hobbits n'aiment pas voyager et peu de gens s'intéressent à ces petites créatures à l'humeur gourmande et pacifiste.
« Oh j'y pense ! fait-il en ouvrant un tiroir, j'ai reçu une lettre pour toi hier, c'est de l'elfique. »
Je m'empare du papier où se détache une écriture fine et gracieuse. C'est bien Neaffa, ou Effa pour les intimes. Enfin juste pour moi puisque les elfes se refusent à estropier les prénoms. Eux et leurs raideurs congéniales… A se demandé comme ma demi-elfe de meilleure amie fait pour supporter leur détachement blasé et frigide. A se demandé aussi comment elle peut se pâmer pour le plus coincé et arrogant d'entre eux, Azar épée dans le cul.
« Alors quelle nouvelle de ta dulcinée, suggère Olian avec un roulement des sourcils. »
Je lève les yeux au ciel, les Hobbits… Et continue à dévaler les lignes serrées d'Effa. Lorsque j'arrive au point final, je relève la tête.
« Une pinte Olian de ta meilleure bière ! Pas de ce jus de chaussettes qui tu sers au Toucs !
On fête quoi ? demande-t-il.
Parce que tu as besoin d'une raison pour boire maintenant ? »
Demain, en route pour Fondcombe.
OoOo
La Comté le matin sent les coquelicots et la terre humide. Les Hobbits dorment encore, repus d'un repas lourd. L'aube luit à peine à l'horizon, je rabats mon capuchon sur mes cheveux châtains. La route est offerte, ses courbes ensorcelantes et séductrices disparaissant dans la brume du matin. Murmure tire sur les rennes, je souris. Le message muet passe. J'effleure ses flans et il file au galop. Mon cœur bat au rythme de sa course. Comme lorsque je cavalais dans l'Ouest Emnet, à crue sur les chevaux de mon père. Le vent qui fouette le visage, la force bestiale de l'animale entre les mollets et le corps qui ne fait plus qu'un avec le cheval. Et la plaine à perte de vue, la plaine aride et fière du Rohan. La plaine pour seule horizon.
Je me souviens des premiers jours loin d'Edoras, la liberté chevillée au ventre. Le vent rugissant à mes oreilles. Je suis allé voir les ruines d'Isengard en premier, voir de mes yeux la tour brisée où s'enroulent les fleurs sauvages. Les Ents endormis au plus profond des forets. J'ai tendu les oreilles pour les entendre parler mais seuls les elfes en sont capables. Le spectacle majestueux en a gardé une part de mystère envoutant. Et depuis c'est de beauté en beauté que je chevauche, me faisant aspirer par cette terre vieille comme les Valars qui chuchote ses secrets aux vents de l'Ouest. Pourtant rien ne vaut la plaine à perte de vue du Rohan, indomptée et farouche. La maison familiale, les yeux gris de mon père refermés à tout jamais, les cheveux bruns de ma mère qui s'échappent de leur chignon, les boutades de mon frère avant qu'il ne me pose l'ultimatum. Murmure file aussi vite que le vent. Droit à l'est et Fondcombe.
Neaffa y vit depuis quarante ans avec son père Orawin, sa mère, humaine, est morte il y a des années d'une maladie que toute la science des elfes n'a pas su guérir. C'était bien avant que je ne la rencontre. Mais on discerne dans ses traits fins des rondeurs et des mimiques toutes humaines qui la rende si différente des autres. Ses oreilles ne sont pas aussi pointues que celles de son père et même si ses cheveux d'argents et ses yeux bien trop déstabilisant sont tout elfique, sa petite taille et sa démarche trahissent ses origines. Sa mère était une femme du Gondor, une guérisseuse qui a vu passé ses hivers plus vite que ceux de sa fille. Des fois je me demande si Effa dans quelques millénaires ne m'oubliera pas. Les hommes si fragiles, comme dit le seigneur Elrond.
C'est pour ça que la route est inhérente. Que la route éternelle est la seule que les hommes peuvent chevaucher et que les paysages sont les seuls gains d'une immortalité qui leur échappe.
Murmure tire plus fort sur les rennes, la Comté s'éloigne dans mon dos.
OoOo
Après une nuit à l'auberge du poney fringant, je sillonne la route qui longe le mont Venteux. Les trois nuits suivantes sont à la belle étoile, le firmament scintille dans sa robe noire. Je songe à toutes les histoires qu'Effa sait sur elles, les contes que chantent les elfes sur elles. Il faut dire qu'elle passe son temps le nez dans les livres de son père à rêver aux premiers âges de la terre du milieu quand elle n'est pas à faire la fête – autant que fête se peut chez les elfes ! – où la danse gracieuse se mêle aux chants harmonieux. A coup sûr elle sera dans une farandole de célébrations, il faut dire qu'ils fêtent la création du monde cette année. Dans quelques nuits les elfes transcenderont leurs talents et feront vibrer les forets de la terre du milieu.
Murmure avance lentement, sa crinière noire balayée pas une petite brise. Je lève les yeux, les bois commencent après le dernier pont. Délicat et blanc. Marquant les terres comme celles des maitres de la beauté. Même Murmure se fait silence. Nous entrons dans la forêt, longeons les grands arbres à l'odeur étouffante. Il fait frais et clair. Le soleil perce les branches et vient caresser mes joues mangées par une barbe de quelques jours.
Le temps semble s'être suspendu. Pas une brise, ni un bruit. Seul les pas de Murmure sur la mousse mouillée de la rosée de ce matin.
« Quel mortel ose marcher sur Rivendell ? »
Un sourire moqueur se tord sur mes lèvres, j'abaisse mon capuchon pour dévoiler mon visage.
« Comme si tu m'avais déjà pas reconnu depuis deux lieux Azar, ta vision déclinerait-elle ? »
Il me décoche un regard froid et hautain, descendant de la branche où il est perché pour retombé sur le sol en silence. Ces Elfes… Toujours aussi coincés. Quoi que celui-ci gagne facilement la palme du plus gros bloc de glace de l'Eriador.
« Que veux-tu Silmaril ?
- Rien qui ne te concerne, rétorqué-je, et j'ai tout droit de chevaucher ces terres tu le sais aussi bien que moi. A moins que ta mémoire soit aussi défaillante que ton sens de l'humour, auquel cas c'est fort regrettable.»
Il a une moue méprisante et agacé. Je lève les yeux au ciel.
« Je suis venue voir Neaffa. »
A ce mot, il a un frémissement. J'arque un sourcil suspicieux. Quoi ? Elle lui a bondit dessus pour l'embrasser comme je le lui avais conseillé ? Si oui j'ai loupé l'occasion de voir la virginité toute prude d'Azar bousculée par ma meilleure amie. Je rate toujours les meilleurs moments ! Il hoche la tête et me tourne le dos, ouvrant le chemin que je connais pas cœur. Je flatte l'encolure de Murmure qui lève le museau. Reconnaissant l'odeur imperceptible de la demeure d'Orawin. La forêt s'éclaircie peut à peut pour dévoiler en contrebas la rivière et au loin les domaines des elfes du Rivendell. Un apaisement me prend comme à chaque fois que je vois ce paysage figé, paisible et posé pour l'éternité.
« Avance plus vite Silmaril, siffle Azar.
- Pourquoi tu as toute l'éternité il me semble non ? »
J'éclate de rire à mon propre jeu de mot, il me décoche un regard dur. Azar a toujours été très méprisant envers les mortels. Tourné vers le passé et le prestige de son peuple, il me déteste d'autant plus que j'ai selon lui abandonné les miens. C'est pour cela qu'il m'appelle Silmaril, le nom bâtard d'un perdu à la croisée des chemins quand ici on sait qui je suis et quel est mon nom.
Je respire l'air frais, la maison d'Orawin toute en arabesque et en fenêtres sans vitre se dresse devant moi. Je souris, je suis enfin arrivé.
OoOo
« Bienvenue à Rivendell Ethéol fils d'Eneth.
- Seigneur Orawin, je souris en inclinant légèrement le buste, je suis désolée de me présenter à vous dans cet état mais je viens juste de descendre de cheval.
- J'ai fait préparer votre chambre, hoche-t-il la tête. Je crois bien que l'eau est encore chaude.
- Vous m'excuserez donc… »
Il sourit et je tourne les talons pour arpenter les couloirs en pierre claire. Le porche est ouvert sur la rivière qui clapote paresseusement entre les troncs des vieux arbres. Les monuments rivalisent de délicatesse et de beauté, je me sens comme toujours sale, balourd et petit en ces lieux immortels. Grossier. Je lâche un rire pour moi, pour un peu on dirait qu'Azar m'a soufflé ces pensées.
« Ethéol ! »
Je n'ai pas le temps de me retourner qu'aussitôt elle m'agrippe par derrière. Un nez fin vient percer ma tignasse. Elle apporte avec elle une odeur de vieux papier et d'encre.
« Salut Effa, je souris en croisant ses yeux d'un bleu profond.
- Alors tu as eu ma lettre ? Tu restes longtemps ? Les fêtes n'ont pas encore commencé, tu arrives juste à temps, s'enflamme-t-elle. Tu as faim ? Quand j'ai vu Murmure à l'étable j'ai…
- Quel accueil ! je la coupe, ça rattrape la crispation d'Azar !
- Oh…, elle rougit, tu as vu Azar. »
Je lève mes yeux gris au ciel. Avant de replacer affectueusement une de ses boucles argentées. Plus petite que la moyenne, elle a pourtant une énergie presque enfantine qui dissimule bien ses quarante ans d'elfe. Elle en affiche à peine vingt en apparence, tandis que moi-même j'ai fêté mon vingt et unième anniversaire au printemps dernier. Son visage rond et ses boucles longues qui atteignent ses reins sont l'héritage de sa mère. Elle n'a peut être pas le sang aussi pure que les autres habitent du Rivendell mais elle est indéniablement très belle. Et ce petit éclat de différence est ce qui fait tout son charme. Elle me lance un sourire, et je ne peux qu'y répondre.
« Alors ! s'exclame-t-elle en passant son bras autour du mien, je veux tout savoir ! Comment sont les collines d'Evendim ? Et le lac Nunuial est-il vraiment peuplé de poissons argentés ? As-tu vu des fées ? C'était leur territoire avant tu sais !
- Laisse moi me laver et manger, ai pitié de moi, je fais mine de gémir.
- Arrête un peu, lève-t-elle les yeux, tu m'as promis de tout me raconter !
- En effet, je lui lance un regard malicieux, et je t'ai même rapporté quelque chose.
- Qu'est-ce que c'est, s'exclame-t-elle avec impatience.
- Ah ah…
- T'es pas drôle, fait-elle en une moue.
- Arrête tête de troll, je la taquine en passant un bras autour de ses épaules.
- Tête de troll toi-même !
- Et dire que c'est toi l'aînée dans l'histoire, j'éclate de rire.
- Change pas de sujet, me rappelle-t-elle en ouvrant la porte. J'te connais ! »
Pendant que je cherche dans mes sacoches le fameux cadeau, elle s'allonge sur le grand lit, perdant rêveusement son regard dans le plafond finement sculpté. Je lui tends enfin le paquet cabossé, elle le prend avec sérieux. Je souris, amusé de sa mine respectueuse typiquement elfique. Tandis qu'elle déchire le papier, je retire ma veste et mes bottes avant de glisser derrière le paravent en bois d'hêtre pour plonger dans l'eau tiède. Je pousse un gémissement satisfait. Parfait.
« Etheol… »
Sa petite voix clair et chantante brise le silence reposant. Les yeux clos, un demi-sourire sur les lèvres je lui réponds.
« Ça te plait alors ? Un homme là-bas fabrique les livres les plus solides, j'ai tout de suite pensé à toi.
- Il n'y a que des pages blanches, fait-elle remarquer.
- Comme toujours ta perspicacité d'elfe me laisse béat d'admiration, je raille gentiment, évidemment qu'il est vide c'est le but.
- Ah bon ? je l'entend faire bouger le papier.
- Oui, avec tout ce que tu as lu comme aventures, il est temps d'écrire les tiennes tu ne crois pas ? »
Elle se tait. Probablement à rêvasser sur des pages blanches. Typiquement Neaffa.
« Eh, Effa ?
- Oui ?
- Je te parle peut être pas de grandes aventures à la Frodon Saquet mais les tiennes à ton échelle méritent tout aussi bien d'être racontées.
- Je pourrais écrire les tiennes, propose-t-elle, je garde toutes tes lettres. »
Je souris, stupidement satisfait de savoir que quelques bouts de papiers froissés ait tant de valeur parce qu'ils sont de moi. De savoir que j'ai encore de l'importance et une place où revenir, où je serais accueilli à bras ouvert. Je soupire de contentement et laisse l'eau caresser ma peau. En arrière fond, Effa me raconte comment elle a réussi à demander à Azar une danse lors des fêtes. S'extasiant d'avance de la grâce avec laquelle il va la faire danser et de sa peur de ne pas relever son niveau.
« T'inquiète pas Effa, je la rassure, tu seras superbe.
- Tu crois ? marmonne-t-elle avec incertitude.
- Bien sûr. »
Évidemment. Comme toujours. Pour toujours.
Les reviews sont toujours appréciées ;)
PS : Silmaril est un clin d'oeil à ceux qui ont lu le Silmarillon de Tolkien ! Il ne signifie nullement ce qu'Ethéol explique
