Bien que j'aime beaucoup Puella Magi Madoka Magika, je n'avais encore jamais écrit dur cette série. C'est donc chose faite et j'espère que cet OS vous plaira.
J'ai toujours beaucoup aimé Homura (y compris dans Rébellion). C'est un personnage à la fois antagoniste et une héroïne. Comment ne peut-on pas aimer cette personne, qui n'agit que par amour, bien que les erreurs qu'elle fasse en font une héroïne tragique, piégée par les fils du destin.
J'aimerais donc vous proposer un petit écrit, en l'honneur d'Akemi Homura.
Disclaimer : Puella Magi Madoka Magika est dessiné par Hanokage.
Prisonnières
C'est la fille de mon rêve.
Je n'ai aucun doute là-dessus, je reconnais parfaitement la finesse de ses traits, ainsi que ses longs cheveux corbeau. Bien que je l'identifie clairement, je ne comprends pas pourquoi j'ai rêvé d'elle cette nuit. Je ne connais pas cette personne, j'ignore son identité et je ne l'ai jamais vue, bien qu'au fond de moi, j'ai l'étrange impression d'avoir déjà vécu ce moment et pas seulement dans mes songes.
Akemi Homura se tenait droite devant ses camarades. Sa démarche était raide, méthodique, comme s'il s'agissait davantage d'une machine que d'un être humain. Elle se présenta sèchement, se contentant de décliner son identité, sans rien ajouter. Froide et distante, son regard lilas se posa brièvement sur moi, Kaname Madoka.
Notre nouvelle camarade ressemble à une énigme auréolée de mystère. Je dois bien avouer qu'elle me fait presque peur. Je n'ai jamais vu un tel regard de toute ma vie. Quand je croise ces orbes fixes et obsédants, je ne vois pas seulement de l'indifférence. Je vois une personne seule, détachée de tout, qui ne semble même plus vouloir vivre. J'ai l'impression que passée sa détermination, il n'a plus rien. C'est comme si j'observais une coquille vide, une parodie d'être humain.
Homura avança calmement, ses chaussures claquant sur le sol, avec un rythme martial amplifiant l'impression de raideur qu'elle dégageait. S'installant au fond de la salle, elle sortit ses affaires avec une totale indifférence, avant de laisser l'enseignante, dont le nom lui échappa totalement, reprendre son cours. Durant le reste de l'heure, je sentis qu'elle m'épiait. Grâce à un reflet sur une des vitres, je pus discerner qu'elle n'avait pas pu s'empêcher de constamment garder un œil sur moi.
Je me demande bien pourquoi elle me regarde sans cesse. J'ai bien senti son regard me scruter attentivement depuis qu'elle est arrivée. Elle n'a pas arrêté de m'observer, sans briser ce contact une seule seconde. Je me demande bien pourquoi.
Une fois cette longue heure de cours terminée, l'énigmatique nouvelle se dirigea calmement vers moi.
Je la voyais approcher inévitablement et mon esprit fourmillais de mille pensées. Je ne savais pas quoi lui dire en premier lieu. Devais-je aborder sa dérangeante tendance inquisitrice ? Est-ce que cela ne paraîtrait pas trop vulgaire pour débuter une discussion formelle ?
- Kaname Madoka, m'appelle t-elle de son ton monocorde, dénué de toute chaleur. Tu es l'infirmière déléguée, n'est-ce pas ? ajoute t-elle comme si elle connaissait la réponse. Pourrais-tu m'emmener à l'infirmerie ?
C'est le cas, j'occupe volontiers cette fonction, mais je me demande comment fait-elle pour le savoir, elle qui n'a pas adressé la parole à une seule personne depuis son arrivée dans cette classe. Je suppose qu'elle a du être informée d'avance par Saotome-sensei, c'est la seule explication possible.
- Je voulais te, euh, bafouillais-je timidement en me dissimulant derrière mes cheveux roses. Je …
Ma maudite timidité reprend le dessus. Frustrée de ne pas recevoir de réponse, comme si je n'étais pas digne, je cesse de parler. De toute façon, ma seconde tentative est tout aussi infructueuse, puisque Homura reste totalement impassible.
Elle ressemble à un cadavre. Ses yeux ne brillent pas, sa voix est désespérément atone. J'ai l'impression de parler à une machine, qui ignore tout sentiment, comme si elle avait décidé de les effacer.
Finalement Homura cesse d'avancer. Au milieu de la passerelle de verre qui reliait les deux ailes de notre collège, elle décide d'avoir sa première confrontation sérieuse avec moi.
- Kaname Madoka, appelle froidement Homura, faisant claquer mon nom avec sa langue, comme le ferait un fouet. J'ai un service à te demander.
- Bien … bien sur, balbutiais-je avec un sourire lumineux et naïf, ravie de pouvoir aider quelqu'un. Que veux-tu que je fasse pour toi ?
- J'ai pris du retard, déclare la mystérieuse nouvelle. Pourrais-tu m'aider ce soir, après les cours ?
Alors, c'est donc ça. Elle est gênée de ne pas avoir le même niveau que nous. Elle doit cacher son dégoût de sa propre ignorance et sa crainte d'être moquée. Peut-être que si je l'aide, elle sera moins refermée.
- Bien sûr ! m'exclamais-je. Je serais ravie de t'aider. Il y a toujours des salles libres.
- Non, tranche Homura. Pas ici. Je préfèrerais que nous étudions chez moi.
Curieux. En général, on n'invite pas chez soi une personne que l'on a rencontrée à peine une heure plus tôt. Il y a quelque chose d'étrange avec elle.
- Si tu veux, répondis-je en rougissant, surprise de percer aussi vite l'armure qu'elle semblait s'être forgée. Je t'attendrais tout à l'heure avec mes amies, je suis sûre que tu les apprécieras.
Homura n'aimait pas le tour que prenait la conversation. Si elle n'avait pas revécu cette situation des dizaines de fois, elle aurait froncé les sourcils.
- Je ne veux pas d'autres personnes, objecte la nouvelle. Je ne veux pas que d'autres me voient.
C'était de plus en plus suspect à mes yeux. Pourquoi ne voudrait-elle pas être vue ? Elle a …
A ce moment, mes yeux roses s'écarquillèrent. Il y a quelques jours, j'avais brièvement lues un dossier traînant distraitement dans le bureau de l'infirmière et les notes en questions me revinrent brusquement en mémoire.
Homura a passé l'année précédente à l'hôpital, à cause d'une maladie cardiaque. Peut être qu'elle ne veut pas exposer sa faiblesse et qu'elle craint d'être vue pour ce qu'elle est réellement. Elle a probablement du passer des heures, des semaines, voire des mois dans une chambre blanche, à supporter des regards larmoyants de tristesse et de pitié. Sans doute qu'elle ne veut pas revivre ça et qu'elle préfère avouer ses faiblesses au moins de monde possible.
Mais alors, pourquoi moi ?
Pourquoi s'est-elle rapprochée de moi en particulier ? Je n'ai rien de spécial.
Le soir même, alors que les derniers élèves quittaient l'établissement le plus moderne de Mitakihara, Homura resta calmement avec moi.
- Je n'habite pas très loin, murmure la nouvelle en m'adressant un regard glacé. Suis-moi.
J'obéis timidement, n'osant pas la contredire. Sa voix semblait avoir un pouvoir spécial, puisque je n'arrivais pas à refuser ses demandes – qui ressemblaient à des ordres – bien que j'objectais souvent avant de voir mes arguments être balayés.
Homura a beau être impassible et distante, il y a quelque chose d'attirant en elle. Il y a du pouvoir en elle, sa voix, sa personnalité et son charisme invitent à la suivre et à lui obéir. J'ai le sentiment d'être face à un être qui n'est pas totalement humain.
Homura ne vivait pas loin, bien que le lieu qu'elle présentait comme sa maison soit une demeure modeste, située dans un quartier plutôt défavorisé. Cela n'avait pas grand chose en commun avec les beaux quartiers pavillonnaires que je fréquentais avec Sayaka.
La brune entra, déverrouillant la porte, avant de déposer son cartable sur le meuble occupant l'entrée du corridor.
- Veux-tu du thé ? propose calmement l'adolescente, qui dispose immédiatement deux tasses sur une table basse, comme si elle préfigurait ma réponse.
- Oui, merci, répondis-je poliment mais distraitement, occupée à observer les murs pâles, sur lesquels plusieurs cadres représentaient Homura, en compagnie de personnes qui devaient sans doute être ses parents.
- Le thé est prêt, appelle calmement la brune, me forçant à rompre ma petite exploration.
Je me détourne de l'analyse des nombreux tableaux, prenant place à la table que mon amie avait dressée soigneusement et en un temps record.
- Je te remercie, la complimentais-je après avoir laissé une gorgée de l'infusion s'insinuer dans mes entrailles, réchauffant légèrement mes muscles. Ton thé est excellent. Pour les devoirs, si tu veux, on peut commencer par réviser les mathématiques.
Homura ne dit rien, ne répondant pas à ma proposition. Elle ne fait rien, ne m'accordant pas le moindre sourire.
Elle reste de marbre, même lorsque je commence à être prise de vertiges, avant de m'effondrer sur le guéridon.
La brune reste impassible, alors qu'elle soulève mon corps inconscient pour le porter sur son épaule. Je dois bien admettre que je suis assez lourde, bien que mon poids soit raisonnable pour quelqu'un de mon âge en bonne santé, mais Homura ne se plaignit pas de devoir faire des efforts. Elle a certes beaucoup de choses à faire, mais elle a beaucoup de temps devant elle.
Elle a tout le temps du monde.
Je me sens lourde. Je suis perdue dans l'obscurité, seule, aucun son ne me parvient. Je ne sais pas ce qui se passe, je ne peux ni crier, ni ouvrir les yeux. C'est comme si j'étais enfouie dans du coton pelucheux, mais que malgré tous mes efforts, toute ma volonté, je ne pouvais pas me libérer.
J'ai … peur. Les ténèbres me dévorent, je veux sortir d'ici. Je sens que quelque chose me retiens ici, je veux partir !
Homura dispose d'une base d'opérations souterraine loin de chez elle, là où elle peut tranquillement amasser armes et munitions, afin de se préparer à affronter la plus puissante des sorcières, la terrifiante Walpurgisnacht.
Dans cette cachette aux murs décrépis, la brune traverse les couloirs dont le béton reflétait les lueurs froides et agressives émanant des néons. A une extrémité de l'une des allées de béton, une porte blindée s'ouvre sur une chambre forte vide. Sous l'une des dalles du sol, une trappe dissimulait une échelle, que Homura descend avec précaution.
La brune entre dans une pièce, totalement différente du reste du bunker. Les murs ont été repeints avec soin, le sol est couvert d'un parquet ciré et les lumières tamisées donnent une belle ambiance intime. L'un des coins de la salle s'ouvre sur une belle salle de bain carrelée, mais le meuble le plus impressionnant est sans doute le grand lit aux draps roses, sur lequel repose une jeune adolescente aux cheveux pâles.
Homura s'approche du lit, fixant d'une façon obsédante la jeune fille endormie, comme si elle ne se lasserait jamais d'observer le visage mignon et empli d'innocence de Madoka.
Mes paupières sont de plomb. J'ai l'impression que mon corps est trop lourd, qu'un voile s'est posé sur moi, doux mais écrasant en même temps. Malgré la douceur de mon repos, je me fais violence et je me force à ouvrir les paupières. La pénombre m'entoure, mais j'arrive à voir une tâche violacée à travers le rideau de mes cils. Un fin rayon de lumière me réveille et j'ouvre lentement les yeux.
Je suis dans un grand lit moelleux, dans une belle chambre. Le mobilier est de bon goût, comme s'il avait été choisi par une personne connaissant parfaitement mes goûts.
Le ridicule de ma déclaration me fait sourire. Je suis probablement chez Akemi-san, alors comment pourrait-elle savoir ce que j'aime ? Je ne la connais que depuis ce matin.
La porte s'ouvre, laissant voir Homura dont les longs cheveux s'agitent au rythme de ses pas.
- Tu es réveillée, Madoka, constate t-elle sur un ton poli. J'espère que la chambre te plait.
- Oui, grimaçais-je en balayant ma frange de doux cheveux pastels. Où suis-je et quelle heure est-il ? Je dois rentrer chez-moi et …
Homura claque la porte soudainement, me faisant sursauter et m'interrompant dans mon flot de questions angoissées.
- Tu es en sécurité dans une de mes cachettes, répond ma camarade avec un air soulagé, comme si un lourd poids venait de quitter ses épaules. Tu n'as plus à te soucier de tout le reste. Tu vas rester ici, avec moi, répète t-elle avec un regard brillant, dévoré par une obsession qui se lit dans le ton sirupeux de sa voix. Tu seras en sécurité.
- Tu crois que tu vas me retenir ici ? explosais-je, outrée par le culot dont avait fait preuve cette fille.
Je hurle, hausse le ton envers celle qui m'a piégée et droguée. J'ai parfaitement compris qu'il y avait quelque chose de louche avec elle. Je ne me laisserais pas faire, je vais me battre s'il le faut.
Déterminée à lutter pour ma liberté, je décide de faire ce que je n'ai jamais osé accomplir. Je cours vers Homura, les poings serrés, les muscles tendus, prêts à être fléchis pour frapper celle qui m'avait enlevée et enfermée dans cette chambre.
Au moment précis ou mon poing s'apprête à entrer en contact avec son diaphragme, elle s'évanouit pour reparaître sur ma droite.
Je ne l'ai même pas vu bouger ! Elle s'est déplacé tellement vite, que je ne peux pas la contrer !
Je freine ma course avec mon pied gauche, mais ma lancée est trop importante pour que je puisse toucher Homura.
Avec un de ses stupéfiants réflexes, elle saisit mon bras droit et me plaque au sol, tordant mon membre au point de m'arracher quelques gémissements pathétiques, puisque je la sens capable de me déboîter l'épaule, si elle force davantage.
- Reste calme, Madoka, ordonne t-elle de sa voix froide comme l'acier, parfaitement assortie à la sueur glacée qui coule dans mon dos et à la peur qui s'insinue dans mon corps.
D'un coup, elle me relève et me repousse sur le lit. La force et la violence qu'elle avait mis dans ses gestes sont presque inhumains, mais elle ne semble pas fatiguée. Son visage est toujours aussi désespérément impassible. Son uniforme est toujours immaculé, pas une goutte de sueur ne dénature ses traits, comme si l'on avait plâtré un masque peint sur une machine, pour la camoufler.
- Reste-ici, ordonne t-elle de nouveau. Tu seras en sécurité.
- Mais je veux rentrer chez-moi ! criais-je au bord des larmes. Je me fiche d'être en sécurité, je veux revoir ma famille !
Sans un mot, elle referme la porte. Je l'entends distinctement verrouiller la serrure, tandis que le métal étouffe le son de ses pas qui s'éloignent.
- Homura ! hurlais-je en martelant la porte. Laisse-moi sortir !
Je hurle, crie, tempête, m'époumone contre elle, frappant la porte à de multiples reprises. Je ne cesse pas d'exiger qu'elle me libère, qu'elle me rende mon droit le plus précieux, ponctuant chacune de mes exigences d'une nouvelle insulte, mobilisant un vocabulaire fleuri que je n'imaginais pas posséder et que je n'aurait jamais osé prononcer en présence de ma mère.
Ma mère.
Je ne suis pas rentrée, elle doit être terrifiée, inquiète pour moi. Telle que je l'imagine, elle doit se faire un sang d'encre avec papa et Tatsuya.
- Homura ! appelais-je de nouveau, à m'en déchirer la voix. Libère-moi, je t'en prie.
Cette fois-ci, ma peur et mon angoisse ont pris le dessus sur ma rage. J'en suis réduite à la supplier, à l'implorer pour qu'elle accède à ma demande.
Mon visage se couvre de larmes et de morve, à mesure que je gémis, griffant cette porte au point de m'arracher plusieurs ongles et de laisser de fines traces rouges sur le métal dont la peinture s'écaille sous mes assauts.
La voix rauque et enrouée, à force d'avoir tant crié, je me perds en vaines suppliques et finit par m'effondrer sur le sol, épuisée.
Lorsque je me réveille, je me rends compte que je suis couchée sur le lit. J'observe mes habits, qui se composent désormais d'un élégant chemisier et d'une jupe. Je me sens fraîche, comme si on m'avait lavée et changée.
Mon visage devient subitement rouge, alors que je prends conscience qu'elle a du me manipuler durant mon inconscience, violant toute pudeur et s'introduisant dans ce qu'il y a de plus intime pour moi.
En colère, je me redresse brusquement, rejetant la fine couverture qui me tenait chaud.
Sur ma gauche, je vois un plateau posé sur le petit meuble. Il y a un bol, avec des tartines beurrées et préparées. C'est mon repas préféré, celui que je prends habituellement au petit déjeuner. Comment a t-elle su ?
Mes questions restent sans réponses. Seul le silence de ma prison dorée me répond.
Prudente, j'observe le repas. La première pensée venant à mon esprit est qu'il est peut être empoisonné, mais mon estomac ne semble pas du même avis. Mon instinct de survie est rapidement ébranlé par d'autres réflexions.
Si Homura avait voulu me tuer, elle aurait pu s'y prendre d'une autre façon. Si elle voulait m'empoisonner, elle ne se serait pas donné autant de mal pour aménager cette chambre.
Rapidement, J'engloutis les toasts, savourant le goût des pains subtilement grillés et beurrés. J'observe bien la vaisselle, mais je ne vois pas le moindre couteau. Homura n'a pas laissé d'arme à ma portée.
Je passe le reste de ma journée à m'ennuyer. Une fois passée la surprise de découvrir une garde robe bien fournie, je me recouche et observe les petits défauts du plafond.
Après quelques minutes, je n'en peux plus. Je me relève et observe avec attention la pièce, espérant trouver un défaut qui m'aurait échappé au premier coup d'œil. La chambre et la salle d'eau attenante n'ont pas de fenêtre et ma prison ne m'offre qu'une seule issue, il s'agit de la porte verrouillée. Il y a bien une bouche d'aération sous le lit, mais elle est fermement soudée et je n'entends que le son des pâles de ventilateurs, comme s'ils avaient été placés pour renouveler l'air, mais également pour couvrir mes cris.
Au moins, Homura est absente. Cela me laisse un peu de temps pour trouver de quoi m'évader.
C'est une obsession qui ne cesse de croître. Fuir, me débarrasser d'elle, revoir ma famille et tout oublier.
Lorsque je regarde le miroir de la salle de bain, je croise mon reflet qui me terrifie. J'ai tant pleuré, que mes yeux sont veinés de fins ruisseaux cramoisis qui semblent se fondre dans mes iris roses.
Cette contemplation me dégoûte. Je ressemble à celle qui est à deux doigts de tout perdre, presque comme si j'étais un zombie désespéré et obnubilé par une idée fixe.
Je me gifle, chassant ces pensées. A force de me rabaisser, je ne fais que le jeu de mon ravisseur, qui espère me voir sombrer dans un désespoir fait de soumission et de dénigrement.
Je sens ma rage gonfler une fois de plus en moi. Je hais Homura, pour tout ce qu'elle me fait, pour m'emprisonner, pour m'abandonner ici, pour me priver de ma famille.
Je frappe mon reflet de toutes mes forces, prête à détruire cette fille au regard vide qui a failli abandonner.
A l'impact, je sens la douleur irradier dans mes doigts, tandis qu'une fissure brise la surface de verre. Un léger tesson s'écaille, me donnant une idée pour créer une arme improvisée.
Je frappe de nouveau, écrasant inlassablement mon poing sur la vitre. A force de taper, ma chair n'est plus qu'un amas sanglant entourant mes os meurtris, mais je parviens à récupérer un tesson de verre acéré, suffisamment large pour ne pas se briser au premier coup, tout en étant assez long pour blesser grièvement Homura lorsque je la frapperais.
Je me dégoûte à cette pensée. Je planifie sérieusement de la tuer, d'enfoncer une lame de verre dans sa carotide, voire de lui ouvrir la gorge. Moi qui ai toujours été élevée dans le respect de la vie humaine, je planifie soigneusement un crime.
Mais mon esprit me souffle tant d'impures pensées en ce moment. Tant de paroles venimeuses pour me justifier, pour excuser mon acte. C'est elle qui a commencé, qui m'a emprisonnée, qui veut me voler ma vie sans aucune raison. Je ne lui ai rien fait, j'ai le droit d'être libre et en sécurité.
J'ouvre le robinet de la douche, laissant le clapotis de l'eau couvrir le son de mes pas sur le parquet.
Je me cale contre le mur, attendant avec fébrilité le retour de celle qui m'emprisonne dans cette cave. Dès que Homura rentrera, j'espère qu'elle sera distraite par le bruit de l'eau. C'est mon unique chance, puisque je sais que ce serait inutile de fuir par la porte. Vu ses réflexes, elle me rattraperait en quelques instants. Ma seule chance, c'est qu'elle soit distraite et que je la tue par surprise.
Le temps passe, interminable, avec une lenteur qui frise l'indécence. Je sens les battements réguliers de mon cœur qui tambourine contre ma poitrine, tandis qu'un rythme de métronome s'ébat dans mes oreilles. Mes mains moites d'angoisse teintent le tesson de sueur, tandis que j'essuie désespérément mes doigts poisseux pour ne pas que ma prise ne glisse.
L'attente est presque insupportable. Je trépigne presque d'impatience à l'idée que Homura arrive enfin, pour que je puisse me libérer. Un sentiment nauséeux me gagne, alors que je me dégoûte d'avoir de telles pensées. Suis-je devenue impie au point d'avoir hâte de tuer, d'arracher une vie, pour me libérer de cette prison ?
Est-ce ceci que l'on nomme la banalité du mal ? Cette facilité à commettre des erreurs, tout en se convainquant de la justesse de ces actes ? Ai-je commencé à déraper sur cette pente abrupte, cette voie incertaine qui m'arrachera lentement des lambeaux de mon humanité ?
Si je tue Homura, je serais libérée d'elle. Mais, est-ce qu'elle ne me hantera pas pour le reste de mes jours ? Est-ce que je ne vais pas finir par devenir ce que tout le monde craint et déteste ?
Ils me regarderont avec pitié, avec dégoût.
Je tremble, je serre mes mains, laissant le tesson fendre ma peau, laissant un filet de sang suinter sur mon arme.
J'aurais du sang sur les mains, je deviendrais exactement le genre de monstre que tout le monde déteste.
Une lourde trappe résonne dans le lointain.
Je me raidis, observant le mur avec de grand yeux écarquillés, reprenant mon calme.
Les pas de ma tortionnaire résonnent, comme un comte à rebours, avant qu'elle ne vienne faire je ne sais quoi de moi.
Elle soulève la barre qui bloque la porte et les clés s'enfoncent dans la serrure, la faisant grincer.
La porte s'ouvre lentement, comme si elle faisait durer le suspense, jouant avec mes nerfs.
- Madoka-chan, appelle t-elle de sa voix calme mais charmeuse, presque séductrice. Où-donc te caches-tu ?
Son premier pas résonne contre le bois, alors qu'elle s'avance lentement vers le lit.
Je retiens ma respiration, mes jambes flageolent, mais un sursaut d'adrénaline gagne mon corps.
D'un coup, je me jette sur Homura. Le son du déplacement est caché par celui de la douche, mais elle parvient à me voir venir.
Elle a de bons réflexes, mais avec mon élan, je la plaque au sol. Ma fureur est telle, que je pousse mon poignard de fortune dans ses chairs. L'extrémité affûtée frôle sa gorge et une petite perle écarlate émerge de sa peau d'ivoire.
Ses mains sont crispées autour de mon poignet, ses ongles arrachent des lambeaux de chair, tandis qu'elle lutte désespérément. De mon coté, je continue de pousser, enfonçant un demi centimètre de plus dans sa peau, raclant le cartilage.
Les yeux lilas d'Homura sont écarquillés à l'extrême, réduisant ses prunelles à des améthystes noyées dans de la neige. Elle est terrifiée, je lis dans son regard sa peur de mourir, ainsi que son incrédulité. Je peux presque voir le reflet de mes propres prunelles, perverties par la haine, alors que je n'aspire qu'à perforer ses chairs.
Homura gémit, repoussant la mort de toutes ses forces. Elle révèle ses faiblesses, dévoile la crainte que nous partageons tous, au point que je sente quelque chose s'assombrir en elle.
Dans un geste de désespoir, elle me frappe de ses genoux noueux. Malgré les coups, je tiens bon, réussissant à gagner un nouveau millimètre et à lui faire pousser de nouveaux glapissements terrifiés.
La brune réussit à louvoyer, comme un serpent. Courbant sa taille, elle ramène ses deux jambes sous moi et rue comme un animal sauvage. L'impact est effroyable, elle envoie ses deux chaussures dans mon ventre, brisant mes abdominaux et faisant craquer mes os.
La douleur est abominable, alors que je sens mon corps être éjecté. Je perds le contrôle de mes sens, mes doigts ne répondent plus, ma vue se trouble et un grésillement envahit ma tête. La seule chose que je sais, c'est que j'agonise.
Je ne peux plus respirer ! Mes poumons me brûlent ! J'ai beau me forcer à avaler de l'air, mes poumons ne se gonflent plus ! Mon diaphragme ne m'obéit plus ! Je … je ne peux plus … ma gorge me serre … je ne …
Alors, je sens un voile rouge tomber sur moi. Peut-être que c'est cela que l'on appelle mourir.
La douleur s'estompe, je sombre dans le néant et j'ai l'impression que ma conscience se fane, avant de se fermer à jamais.
Finalement, ce n'est pas si désagréable.
La douleur revient.
Moins sauvage et moins pure qu'avant, mais elle est toujours là.
A regret, je quitte la pénombre bleutée pour me retrouver dans le monde des vivants. Autour de moi, je reconnais rapidement le plafond de ma cellule.
Les lampes dansent, tandis que j'aperçois Homura me scruter.
Son regard est toujours le même, fixe et obsédant. Je frissonne devant ce visage impassible, envahi par un désir monomaniaque.
Je veux reculer, je veux fuir, même pour mettre un mètre de distance entre nous deux, mais mes membres ne bougent pas.
Je relève la tête et je découvre que mes jambes et mes bras sont enchaînés au lit, rendant toute fuite impossible.
- Madoka-chan, tu n'aurais pas du essayer de faire ça, souffle t-elle en s'approchant. Tu as été mauvaise, alors que tout ce que je veux, c'est que tu sois en sécurité.
Elle avance, ce monstre dépourvu de compassion avance, ouvrant son visage à une seule expression. Je vois une folie pure, visqueuse, telle une masse putréfiée grouillant derrière ce visage impavide. Son expression habituelle, semblable à un cadavre, m'aurait moins terrifiée.
- Mais je te pardonne, ajoute t-elle avec culot, comme si j'étais la méchante dans l'histoire. Je me suis assurée que tu ne tentes plus rien de ce genre, tu m'en vois désolée.
Elle avance, portant un plateau, me présentant un repas chaud et fumant. Les plats semblent très appétissants, l'odeur des nouilles et de la sauce au soja réussissent à me faire saliver et je ne peux qu'être admirative devant la minutie placée dans la préparation de ce qui constitue mon plat favori.
Comment peut-elle savoir mes goûts ?
Je m'étais déjà posée la question, me demandant comment peut-elle avoir connaissance de mes préférences, alors que je ne l'ai rencontrée qu'une fois et que je n'ai jamais mentionné mon repas préféré.
M'aurait-elle épiée ? M'aurait-elle suivi durant des semaines, avant de me séquestrer ?
Tandis que ces hypothèses tournent dans mon esprit, Homura pose délicatement le plateau, avant de prendre le premier bol et de plonger une paire de baguettes dans la soupe dorée.
Par pure attitude de défi, je reste bouche fermée, serrant la mâchoire pour ne pas lui laisser le plaisir de me contrôler.
- Tu comptes jouer à l'enfant encore longtemps, Madoka-chan ? questionne t-elle avec une expression moqueuse sur son visage. Tu finiras par abandonner avant moi. Je pourrais te nourrir de force si je le désirais, mais cela ne serait guère plaisant.
Ma dignité est déjà en lambeaux, mes espoirs s'assombrissent et mon estomac me ramène à la raison. Un filet de salive glisse dans ma gorge, tentateur.
Ma fatigue et la faim prendront finalement le dessus, je ferais mieux de tout faire pour que mes conditions de détention soient aussi bonnes que possibles.
J'abdique, je laisse Homura me donner la becquée, comme une mère le ferait avec un bébé. Avec une grande douceur et une immense patience, elle fait glisser les nouilles dans ma bouche, me fait goûter les grains de riz cuits à la vapeur et me laisse boire dès que je le demande.
Me nourrir lui demande beaucoup de temps, mais ma geôlière ne semble pas ennuyée par moi. Au contraire, elle semble profiter de chaque moment, comme si ma présence est l'unique chose nécessaire pour elle.
Comme si … j'étais le monde pour elle.
Alors, serait-ce la raison pour laquelle elle me retient ici, contre ma volonté ?
Serait-elle obsédée par moi ?
Elle ne cesse de parler de ma sécurité, à un point tel que je commence à me demander si elle ne serait pas au courant d'une menace contre moi.
Cela peut sembler ridicule, j'ai toujours été de celles qui évitent les ennuis et même ma mère me présente comme une gentille fille, mais quelque chose me trouble.
Je repense à ce rêve, ces souvenirs brumeux dans lesquels je la vois, combattant vaillamment contre un ennemi invisible. Elle semble forte et déterminée, vidant ses chargeurs contre d'étranges silhouettes d'ombre, au milieu de ruines familières.
Pourtant, lorsque je la vois, à l'instant ou je croise ses prunelles d'améthyste, j'ai la désagréable vision d'un cadavre. Son regard est plein de volonté, mais je me rends compte qu'il s'agit d'une façade, qu'elle semble morte à l'intérieur. Comme si toute sa volonté ne tenait qu'à un fil et qu'elle était en permanence au bord de la rupture qui menait au désespoir et à la folie.
Je me perds dans mes pensées, songeant à ce rêve et mon état n'échappe pas à Homura. Elle cesse de me nourrir, me regardant avec une expression visiblement soucieuse, extrêmement concernée par mon absence temporaire.
- Dis-moi si quelque chose ne va pas, Madoka-chan, siffle t-elle avec une réelle inquiétude. Même si tu en doutes, je me préoccupe de ton bien-être. Bien que ta sécurité est ma priorité absolue.
Je ne sais pas quoi dire. Si je refuse de parler ou si je parle de quelque chose de bénin, elle saura que je mens. Mais je ne peux pas lui dire la vérité. J'ai l'impression que cela serait dangereux pour moi.
- C'est difficile à dire, commençais-je en bégayant, afin de donner le change. Je, j'ai besoin de me soulager.
Son regard ne change pas d'un iota, mais elle semble compréhensive.
- Je vois. Je ne peux pas te détacher, tu risquerais de t'enfuir.
Mes sourcils se froncent. Mon plan était bien trop simple et mal conçu. Cependant, elle ne peut ignorer ce problème et cela pourrait m'offrir une chance de plus pour retenter de m'évader.
- Je vais cependant faire le nécessaire, m'assure t-elle.
Sur ce, elle retire ma jupe.
D'un seul coup, le sang afflue à mon visage et je ne peux retenir un cri. Par pudeur, je serre les cuisses, mais les chaînes liées à mes chevilles se rappellent bien vite à mon souvenir.
- Qu'est-ce que tu fais ? hurlais-je en me débattant, alors qu'elle fait glisser ses doigts froids sur ma taille et saisit délicatement l'élastique de ma petite culotte, avant de retirer mes sous-vêtements.
- Je règle ce problème, sourit Homura en levant ma culotte rayée avec un geste presque fétichiste, avant de s'éloigner en la tenant, comme s'il s'agissait d'un trésor.
Lorsqu'elle revient, elle tient un étrange linge immaculé.
- J'ai trouvé comment résoudre le problème de tes besoins, ajoute t-elle en déployant sa solution.
Devant mes yeux écarquillés, elle déploie ce qui ressemble à une couche, comme celles que portent les bébés.
- Non, suppliais-je. S'il te plait ! Je ne suis pas un enfant !
Homura ne semble pas se soucier de mon ultime sursaut de fierté. Elle entoure ma taille de cette couche, enveloppant ma taille et mon pubis.
J'ai honte. Je suis réduite à devoir me comporter comme un nourrisson incapable de se contrôler. Je pensais que je ne pouvais pas tomber plus bas, mais je me trompais. Cette nouvelle humiliation me terrifie, parce que je suis incapable de comprendre jusqu'où l'esprit pervers de Homura peut me plonger.
- Il est temps de dormir, chuchote t-elle à mon oreille. Si tu te sens seule, je peux rester avec toi.
- Va t-en, crachais-je avec rage. Je ne veux pas te voir.
Homura hausse les épaules et me quitte sans lutter. J'aurais bien considéré ça comme une victoire, mais je sais au fond de moi qu'elle ne fait que reculer et que tôt ou tard, je craquerais et ma crainte de la solitude me poussera à l'implorer de rester. Les humains sont des êtres sociaux et mon besoin d'être entourée surpassera ma haine pour Homura.
Mes yeux se ferment bien vite et je sombre alors dans un sommeil agité. Plusieurs fois, mes chaînes m'empêchent de me retourner dans les draps, comme j'aime beaucoup le faire. Mais ce qui me réveille finalement, c'est la mélodieuse voix de celle qui m'a enlevée.
Comme chaque matin, Homura vient pour m'apporter un déjeuner, avant de partir pour l'école, afin de donner le change et ne pas attirer davantage l'attention sur elle.
Cependant, aujourd'hui, elle est forcée de me nourrir, mais aussi de me laver et de me changer.
Je n'ai pas pu me retenir, mais cela ne la dérange pas. Elle me nettoie avec calme et douceur, chacun de ses gestes semble empli de respect, comme si j'étais tout pour elle.
Même si elle est dévouée, elle me retient ici. Je ne vais pas me laisser manipuler, devenir une victime consentante juste pour conserver son contact.
Dès qu'elle finit de me vêtir d'une belle petite robe, elle brosse doucement mes cheveux de rose, les attachant avec de fins rubans rouges.
Puis, elle saisit mes joues entre ses mains moites et ne peut s'empêcher de poser ses lèvres sur les miennes.
Je ne m'y attends pas du tout. C'était un baiser très simple et très sobre, pas du tout poussé, mais c'était tout de même un baiser.
C'est mon premier.
J'ai toujours espéré que mon premier baiser me serait offert par un gentil garçon, dans un parc éclairé par la douce lueur crépusculaire sous le coucher du soleil.
Hélas, je me suis fourvoyée.
Elle vient de me voler mon premier baiser.
- Je te hais, murmurais-je au bord des larmes, ne me souciant même plus de paraître pitoyable.
Homura gèle sur place. Son corps se tend comme un ressort comprimé et son regard s'assombrit brutalement. La jeune fille maladive ne montre rien, mais sa mâchoire serrée indique qu'elle vient d'être profondément blessée par mes mots emplis de sincérité.
- Qu'as-tu dit ? demande t-elle d'une voix froide, mais dans laquelle on percevait le désespoir.
- Je te hais ! hurlais-je en faisant cliqueter mes chaînes, enchaînant une litanie d'injures que je n'aurais jamais cru connaître. Je veux que tu crèves !
Homura ne dit rien.
Elle regarde sa main droite, sur laquelle figurait cet étrange gemme violette, dont l'éclat pourpre s'est brusquement terni, voire assombri.
- Je vois, déclare t-elle calmement en baissant légèrement les yeux. Je reviendrais quand tu seras dans de meilleurs dispositions.
Sans un autre mot, Homura m'abandonne dans la cellule. Elle sort sans m'adresser le moindre regard, claquant la porte plus brutalement que d'habitude.
Alors, je me retrouve seule de nouveau, prisonnière avec les ombres pour unique compagnie.
Il n'y a qu'une seule chose que je pouvais faire.
Je commence à pleurer, ultime moyen pour moi d'évacuer mes sentiments et ma douleur. Ici, je n'ai plus rien. Plus de fierté, plus de liberté, plus d'espoir. Rien que la solitude et des larmes pour me vautrer pitoyablement dans ma douleur.
- Bonjour, Kaname Madoka, déclare une nouvelle voix plus aiguë.
Immédiatement, je cesse de pleurer, essayant de savoir si l'on venait de m'appeler ou si c'était un tour de mon esprit qui sombrait dans la folie.
- Il y a quelqu'un ? bégayais-je en priant pour que ce ne soit pas un rêve.
- Oui, murmura une petite voix, émergeant du conduit de ventilation.
Lentement, la grille située sous le lit s'ouvre, laissant apparaître l'être le plus curieux que j'ai pu voir. Il ressemble à un petit félin blanc, avec un museau de lapin, mais ses oreilles triangulaires laissaient émerger un autre appendice étrange.
L'animal agite sa queue touffue, avant de me fixer de ses grands yeux rouges.
- Tu ne rêves pas, déclare t-il sans ouvrir la bouche. Je peux t'aider à réaliser un vœu, n'importe lequel, à condition que tu passes un contrat avec moi. En échange, tu deviendras une Puella Magi et consacreras ta vie à traquer les sorcières, des monstres qui répandent le désespoir et la haine en ce monde.
C'est incroyable. Une bestiole jamais vue, me propose de devenir une magicienne et m'offre de réaliser un vœu. J'imagine bien que le contrecoup doit être terrible, qu'il n'agit pas par altruisme, mais ma situation n'est pas brillante.
- Je peux faire le vœu que je désire ? demandais-je un peu trop rapidement, tandis qu'un espoir fou naît dans mon cœur.
- Absolument, déclare l'animal qui se présente sous le nom de Kyubey. Mais en retour, il y a un prix a payer. Cependant, ça ne devrait pas être trop difficile pour toi. Tu disposes d'un potentiel immense, bien supérieur à celui de toute autre Puella Magi que j'ai pu rencontrer.
Si j'accepte, je me condamne à une vie de combats. Cependant, si je refuse, je resterais à croupir dans cette prison.
- Tu ne pourrais pas juste prévenir quelqu'un que je suis ici ? demandais-je en tentant de le convaincre.
Kyubey refusa d'un geste simple. Pour lui, il n'y avait que le contrat qui comptait. Si on veut quelque chose, il faut le payer. Maintenant, il me reste à déterminer si cela vaut bien la peine de me battre.
Enfin, je sais que je n'ai pas d'autre alternative et lui aussi en est conscient. Si je devais lutter, je serais au moins libre de ses mouvements et je pourrais de nouveau embrasser mes parents.
C'est tellement tentant. J'ai la désagréable impression de faire un pacte avec le diable, de damner mon âme, mais cette solution est tellement facile, tellement rapide.
J'ai choisi. Je vais accepter ce pacte avec Kyubey. Maintenant, je n'ai plus qu'a formuler mon vœu.
- Très bien, déclarais-je d'un ton solennel. Je vais devenir une Puella Magi. En échange, je veux devenir la plus puissante de toutes, assez pour pouvoir briser mes chaînes, pour être libre et surtout pour vaincre Akemi Homura.
Sur ces mots, je scelle mon destin.
Kyubey se penche doucement vers moi et sa patte entre en contact avec mon cœur. Une aveuglante lueur blanche jaillit de ma poitrine, se transformant en un magnifique bijou en forme de larme, enchâssée dans un écrin d'or.
Devant moi, la splendide gemme redescend doucement, s'attachant autour d'un fin ruban rose noué autour de mon cou.
- Elimine les sorcières, demanda Kyubey. Récupère les graines qu'elles libèrent pour régénérer ta puissance et une fois que tu auras épuisé leur potentiel, je les détruirais.
J'ai l'impression d'avoir basculé dans une autre réalité. Ma vie, si tranquille et si ordonnée, avait déjà été bousculée par Homura. Mais maintenant, je devais la consacrer à la lutte contre des ennemis dont je ne connais rien.
Dans le désespoir, on est facilement prêt à employer les moyens les plus drastiques, les plus dangereux, pour résoudre un problème. Bien sûr, j'aurais pu refuser et chercher un moyen de convaincre Homura, mais combien de temps cela aurait-il pris ?
Non, j'ai fait le bon choix. Je n'avais pas d'autre alternative.
Si je dois me battre pour le reste de mes jours, alors je ne gâcherais pas cette chance.
Mais en ce moment, je n'ai pas envie de réfléchir à mon destin et à tout ce que cette décision implique. Je veux juste rentrer chez moi, me jeter dans les bras de mes parents et leur dire à quel point je les aime et qu'ils m'ont atrocement manqué.
Je dois sortir d'ici. Je dois écraser Akemi Homura.
Mes nouveaux pouvoirs brûlent dans mes veines, n'attendant qu'une chose.
Ma magie explose, projetant des vagues brûlantes qui brisent mes chaînes. Inconsciemment, j'ai l'impression que mon cerveau sait déjà tout ce que je dois savoir.
Instinctivement, je laisse ma magie m'entourer en un cocon chaud, dont la lueur rose m'apaise.
Je me lève, quittant enfin le lit dans lequel j'étais maintenue prisonnière. Ma tenue ressemble à celle d'une star de la chanson, avec une robe rose et une belle paire de bottines qui feraient que même Sayaka ne pourrait s'empêcher de hurler kawaii.
Sur mon épaule, un carquois empli de flèches d'or semble attendre que je m'en serve, tandis qu'à ma taille, j'arbore une longue épée.
Dégainant l'arme de son fourreau, je ne peux m'empêcher d'admirer le tranchant de métal violacé, tandis que le centre de l'arme est verni de jade, ponctué de roses blanches.
La lame brille entre mes doigts gantés, dégageant un orbe bleuté que je jette machinalement vers la porte de la cellule.
A la seconde ou le projectile frappe le métal, un éclat circulaire vaporise non seulement la porte, mais également le béton, laissant l'empreinte d'une sphère parfaite.
Je m'élance à toute vitesse dans les escaliers, soulevant la trappe et le tapis la dissimulant, avant de me retrouver dans un salon immaculé. Il s'agit d'une pièce faiblement meublée, dans laquelle de nombreux ordinateurs et des dispositifs absolument inconnus ronronnent doucement. Ici, rien ne semble normal, comme si j'étais dans l'antre d'une créature étrange, futuriste, dont la place n'était pas dans ce monde.
Je me dirige vers la sortie, déterminée à goûter enfin à l'air de la liberté, lorsque la porte d'entrée s'ouvre, révélant Homura.
A cet instant, lorsque nos regards se croisent, lorsqu'elle observe le médaillon que je porte autour du cou, elle écarquille les yeux.
Je peux sans peine distinguer la terreur abjecte qui la saisit, tandis que mes paupières se plissent et qu'un rictus haineux se dessine sur mon visage.
Je n'ai jamais autant haï quelqu'un de ma vie. Je n'ai jamais souhaité la mort de personne, mais là, c'est différent. Je suppose qu'il faut un début à tout.
- Non ! s'exclame t-elle, montrant le même désespoir que celui que j'ai vécu. C'est pas possible ! hurle t-elle avec un regard effaré, presque brisé. C'est pas possible !
- Mais si, murmurais-je avec un ton vénéneux que je ne pensais pas pouvoir employer. Ca ne sert à rien de pleurer, crachais-je avec haine. Tu as essayé de me retenir, tu vas payer.
Sans prévenir, je lève ma lame, projetant une vague d'orbes rouges comme du sang. Les centaines de gouttelettes cramoisies balayent tout sur leur passage.
Je hurle, comme une démente, jouissant des explosions qui fracassent les murs et les écrans, forçant Homura à courir sans cesse.
Je sens la magie en moi, déversant un sentiment grisant dans mes veines, enveloppant mon âme d'un insatiable désir de tout anéantir, d'écraser chaque chose qui sera entre moi et mon objectif.
Et le pire, c'est que j'ai beau me dire que mes parents ne m'approuveraient pas, je ne peux pas m'en passer. C'est une drogue tellement addictive, un plaisir si immense, que je ne peux pas imaginer y renoncer.
Mon arme chante, fend les airs et les meubles, siffle une marche vers la mort, comme un cri désespéré pour se repaître du sang de mon ennemie.
Depuis le début, Homura ne fait qu'esquiver et fuir. Cette créature pathétique semble si faible par rapport à moi, que c'en est inquiétant. J'en ai assez de la voir se terrer et j'aimerais bien qu'elle attaque enfin.
Le monstre en moi semble voir ses vœux exaucés. Ma tortionnaire dégaine une arme, un magnifique pistolet au canon long, avant de vider le chargeur en ma direction.
J'esquive instinctivement, ressentant mon environnement au point que j'arrive à discerner l'onde de choc autour des balles.
La sensation en moi s'amplifie. Tout me paraît de plus en plus clair, bien qu'un voile gris passe devant mes yeux. Mon addiction ne semple plus connaître de limites, tandis que mon katana pourpre libère des faisceaux de lumière de jade, privant Homura de tout abri.
Mon ennemie ne semble pas être dérangée de ce fait. Elle dégaine ses fusils d'assaut, vide les multiples chargeurs dans sa Kalachnikov, bien que je poursuive ma danse avec elle.
Je danse, j'esquive, je vole. Ce jeu m'amuse, je pourrais continuer durant des heures, jouissant du frisson qui fait frémir ma peau pâle, jusqu'à ce qu'un petit signal sonore derrière moi ne m'interpelle.
L'éclat m'aveugle.
Un flash blanc éblouissant jaillit sur moi, brûlant mes rétines.
Je grimace, posant mes mains sur mes yeux, avant d'être frappée par une vague de chaleur, accompagnée d'une explosion qui me jette à terre et qui me déchire les tympans.
Jamais je n'ai ressentie la puissance d'une flamme à ce niveau. J'ai déjà fait de douloureuses rencontres avec de l'eau trop chaude dans ma salle de bain, mais ce brasier ardent prouve à quel point j'ai sous-estimée cette souffrance.
Je peux sentir ma peau se consumer, mes chairs se noircir sous cette vague qui s'estompe aussi vite qu'elle est apparue, ne me laissant qu'avec ma douleur.
Les larmes aux yeux, je redresse péniblement le visage vers Homura. Mes lèvres déchirées sont sèches, ma gorge me brûle, mais je dois lui parler.
- Je n'avais jamais détesté quelqu'un comme toi, avant, crachais-je en posant une main sur mon sternum douloureux. Je … je ne vais pas renoncer.
Levant péniblement ma main droite, je fais un geste vers ma lame qui gît au sol, de l'autre coté de la salle ravagée, hors de ma portée.
A ma grande surprise, mon lien avec cette arme est bien plus profond que je l'escomptais. C'est comme si un fil d'ombre nous liait, comme un pacte survivant au-delà de toute distance.
D'un seul coup, mon katana se soulève et se plante à toute vitesse dans le dos de Homura.
L'acier pénètre la chair, s'enfonce comme dans du beurre. La lame se fiche profondément en elle, traversant le rein droit pour ressortir près de son nombril.
Homura meugle de douleur avant de s'effondrer au sol. D'un geste de la main, j'attire mon épée vers moi, découpant davantage le corps de mon ennemie. Je ne la laisserais pas s'en tirer.
D'un coup d'œil, je vois ma gemme s'obscurcir. Selon Kyubey, une gemme totalement corrompue signifiait la mort. Alors, si mon destin est scellé, je vais emporter cette garce avec moi dans ma tombe.
- On se reverra en enfer, bégayais-je entre deux borborygmes.
Homura gémit, sentant son sang se déverser sur le sol couvert de cendres. Son regard se ternit, mais elle fait un ultime geste vers son bras gauche, caressant son bouclier.
Puis, je sombre dans les ténèbres.
Un flot de bile âcre se déverse dans la bassine qui se trouve au pied de son lit.
Le teint pâle, les pupilles dilatées et la peau moite de sueur glacée, la jeune malade ne peut s'empêcher de trembler en laissant couler un filet de salive gluante.
Hésitante, Akemi Homura essuya sa bouche d'un revers de manche, avant d'observer le petit réveil situé à côté du vase contenant des tulipes jaunes.
Rejetant ses lunettes à la monture écarlate, la jeune fille replie ses jambes contre son ventre, avant de se recroqueviller sur elle-même.
Elle ne pleure pas.
Cela faisait longtemps qu'elle s'était coupée de toutes ses émotions, les enfermant très loin en elle-même, refusant de montrer l'étendue de l'amour absolu qu'elle éprouvait.
- Madoka, murmure t-elle en observant le calendrier. Je suis déjà en enfer.
