"All that matters to me is the work"
Fandom : Sherlock (BBC)
Pairing : Sherlock Holmes/DI G. Lestrade
NdA:
- Arthur Conan Doyle n'a jamais précisé le prénom de Lestrade, on sait juste que son initiale est G. J'ai décidé de l'appeler Gregory, mais ça pourrait être un autre prénom.
- J'espère avoir réussi à rester à peu près IC, mais ce n'était pas forcément évident avec un personnage comme Sherlock... en tout cas pour moi. J'ai déjà tendance à me demander si la moindre action ou parole de sa part est justifiée quand je regarde la série, alors écrire sur lui représentait vraiment un challenge...
- Encore une petite chose et j'arrête de vous embêter : dans la série de Moffat et Gatiss, Lestrade a été affublé d'une alliance (ah, les viles…). J'avoue avoir simplement supprimé ce détail… Mais avouez que si vous êtes là, cette omission vous arrange ! :P
PARTIE I
Sherlock avait passé une bonne partie de la soirée allongé sur le sofa, jouant de temps à autre quelques notes de violon. Oh, bien sûr, il n'était pas en train de se reposer. Ce genre de mot ne faisait pas partie du vocabulaire de Sherlock Holmes. Même dans cet état apparent de quasi-léthargie, les idées fusaient à plus de cent à l'heure dans son cerveau supérieurement développé.
Mme Hudson était passée le voir vers vingt heures. Elle avait l'habitude de lui préparer un en-cas, car bien que se défendant d'être une gouvernante pour le détective, elle ne pouvait pas le laisser mourir de faim. Sherlock avait en effet une fâcheuse tendance à oublier toute notion d'appétit quand personne n'était là pour le lui rappeler. Mais était-ce sa faute si l'ingestion d'aliments était incompatible avec son travail de réflexion?
Car ce soir, Sherlock était seul. En fin d'après-midi, John était revenu de son travail pour prendre une douche et se changer, avant de repartir pour emmener Sarah au restaurant. Le médecin avait d'ailleurs trouvé son colocataire dans la salle de bain, et Watson s'était dit une seconde qu'il aurait préféré le surprendre sous la douche plutôt que d'assister au spectacle qui s'était offert à lui en ouvrant la porte. Holmes, délesté de sa veste et manches de chemise retroussées, était tranquillement assis sur le rebord de la baignoire, un chronomètre à la main. De l'autre, il faisait pression pour maintenir ce qu'il avait de toute évidence immergé. Intrigué, John s'était avancé sans que Sherlock ne daigne lui signifier qu'il avait remarqué sa présence. Là, malgré son passé de militaire, sa qualité de médecin, et surtout le fait de s'être résigné à partager un appartement avec un type à moitié dérangé, il n'avait pu retenir un cri d'horreur. Cri qui avait au moins conduit Sherlock à lever les yeux vers lui, une petite moue perplexe accompagnant son froncement de sourcil.
Au moins, cette réaction ne surprit pas John. Car enfin, comment Sherlock Holmes pouvait-il comprendre qu'on soit choqué de trouver un cadavre dans sa baignoire? Il se donna tout de même la peine de lui apporter une once d'explication, de son sempiternel ton détaché:
« - J'observe la vitesse à laquelle un corps commence à montrer les tout premiers signes d'un séjour dans l'eau. Ne t'en fais pas, ce brave homme avait fait don de son corps à la science. Je l'ai récupéré grâce à Molly. »
Molly. Parfois Watson se demandait ce qui avait pu arriver à cette fille pour qu'elle s'accroche à un type qui ne daignait lui adresser qu'un ou deux sourires uniquement pour continuer à faire joujou à la morgue. Il se passa une main sur le visage et leva les yeux au ciel.
« - Sherlock...
- Mmh? »
L'intéressé était déjà reparti dans sa contemplation du corps inerte. John préférait quant à lui poursuivre sa découverte du plafond. S'il était malheureusement habitué à voir des cadavres, il y avait des lieux et des circonstances pour ça. Et cela n'incluait en aucun cas sa salle de bain, peu importe le niveau de curiosité scientifico-morbide de son colocataire.
« - Ce serait trop te demander de ne pas voir toutes tes... expériences envahir l'appartement? Déjà que la cuisine te sert de laboratoire!
- Si tu n'étais pas si pressé de retrouver Sarah tu n'aurais eu aucune raison de te plaindre. Tu vois ce petit gonflement sous la pommette? Ça veut dire que j'ai terminé. »
Sur ce, il bondit sur ses pieds et vida la baignoire. Watson était resté une seconde interloqué.
« - Mais, qu'est-ce qui te fait dire que...
- Tu as un rencard? Tu es rentré vingt minutes plus tôt que d'habitude alors que rien ne te pressait ici -ni moi ni Mme Hudson, qui à cette heure fait ses courses hebdomadaires, n'avions besoin de toi. Tu es venu directement ici alors que la première chose que tu fais après le boulot c'est de t'installer au salon pour grignoter ou boire quelque chose. Et pourquoi la salle de bain d'ailleurs? Tu prends ta douche le matin. Tu te prépares donc à sortir et si tu y accordes un minimum de soin c'est que tu vas sortir en galante compagnie.
- Ça va, ça va, l'interrompit le médecin en levant les bras, vaincu. Je peux avoir la salle de bain maintenant? »
Sherlock eut un petit sourire.
« - Bien sûr, mais avant pourrais-tu m'aider à remettre ce corps dans son sac et à le déposer dans le congélateur du rez-de-chaussée? »
Devant les yeux écarquillés de son vis-à-vis, il crut bon d'ajouter avec un haussement d'épaule:
« - Mme Hudson ne l'utilise pas! »
John avait finalement obtempéré en veillant à ne pas trop s'attarder sur les autres « articles » entreposés au congélateur. Surtout, ne pas y penser pendant le dîner...
Et il était parti après son passage (en conséquence écourté) à la salle de bain. Le « ne m'attends pas » lancé à Holmes en disait long sur les espoirs qu'il fondait sur cette soirée.
Le détective n'avait aucune affaire sur laquelle plancher et pas d'autre expérience pour s'occuper. Il ne comprenait décidément pas le besoin qu'éprouvaient ses congénères de consacrer du temps à des marivaudages. Même en admettant que quelques échanges de fluides puissent constituer une nécessité physiologique, l'excitation intellectuelle lui apparaissait comme infiniment plus intéressante. Et puis comme toujours, les gens perdaient du temps avec leurs hypocrites courtisaneries. Pourquoi ne pas aller à l'essentiel si c'était là tout l'intérêt de ce cérémonial plus ou moins intime? En supposant qu'il y avait réellement un intérêt. Sherlock fut forcé de reconnaître en lui-même qu'il n'en avait pas la certitude. À l'adolescence, il n'avait pas eu trop de mal à trouver une fille prête à expérimenter la chose avec lui. Si toute la période d'approche l'avait foncièrement ennuyé, ce qui suivit l'acte fut pire encore. Toutes ces interrogations sentimentales d'une futilité sans nom, et les tentatives d'officialisation de... Mais de quoi d'abord? Il avait eu tôt fait d'en déduire que le sexe opposé ne lui causerait que des ennuis et s'était dégoté un jeune homme pour mener à bien son expérience. Mais le résultat était aussi peu concluant: toujours les mêmes préoccupations fleur bleue et cette même coutume de tourner autour du pot. Ennuyeux. Vain. Il ne lui restait plus qu'à retourner choyer ses cellules grises, qui elles lui procureraient toujours satisfaction.
Il s'en était tenu à ces deux tentatives, noyé dans le travail. Il n'avait toujours pas de temps à perdre mais réalisait qu'il ignorait encore s'il y avait un quelconque enseignement à tirer d'une relation. Physique, évidemment. Hors de question de s'encombrer du reste. Mais pour en avoir le cœur net, il lui aurait fallu un sujet peu concerné par toutes ces pérégrinations et, plus difficile encore, capable de saisir ses priorités. Une personne vivant elle-même pour son travail (dans la limite du commun des mortels) mais, en bon individu ordinaire, ayant certains besoins le rendant enclin à répondre à quelques sollicitations.
Sherlock eut alors le sourire caractéristique qui l'illuminait lorsqu'il résolvait une énigme. Il posa son violon et se saisit de son portable.
