A/N : Oui oui, je sais : j'ai beaucoup parlé de ce projet et vous n'avez rien vu venir… Mais si, j'étais en train d'y travailler dessus, je voulais juste pour la première fois de ma vie écrire une histoire longue en entier pour la relire avant de la publier.

Tetelle a été ma fidèle compagne de voyage pendant toute la rédaction et m'a servi de bêta pour toute cette fic. Un grand merci à elle, parce que sans elle, je ne serai jamais arrivée aussi loin. Les erreurs qui restent sont les miennes.

Je vais updater cette fic un samedi sur deux. Il y a juste pour le lancement où vous aurez les deux prologues en même temps. Comme toujours, les reviews me font plaisir et j'y réponds !


Prologue I : La fin d'un monde...

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« Anna ! »

Kratos priait pour que sa voix résonne au-dessus du bruit de combats. Il n'avait pas le luxe de la chercher du regard : une vingtaine de Désians se pressaient autour de lui et ceux qui tombaient sous ses coups étaient aussitôt remplacés par d'autres. La dernière fois qu'il l'avait vu, elle était encore avec Lloyd près de Noïshe. Les soldats devaient avoir reçus des ordres pour les séparer. Ses mouvements accélèrent encore pendant qu'il essayait d'avancer vers l'endroit où il croyait se souvenir que le reste de sa famille tentait de se défendre contre les troupes de Kvar.

« Kratos ! »

Le cri lui donna l'énergie du désespoir – il taillada son chemin à travers les ennemis en direction de la voix d'Anna. Des Désians tombèrent encore et encore, et soudain, il n'y eut plus personne en travers de son chemin. Il se figea.

Sa famille était acculée contre le ravin.

Anna le regardait, une excuse muette dans les yeux, son épée et son poignard à terre, une lame sous la gorge. À quelques pas d'elle, Noïshe gémissait faiblement, et Kvar était là, tenant Lloyd par l'épaule. Les joues de son fils étaient humides de larmes, il reniflait régulièrement et ses jambes tremblaient.

« Lâche ton épée, exigea le cardinal d'une voix froide. Sinon, il tombe. »

Kratos hésita une seconde, cherchant un détail qui aurait pu faire tourner la situation en sa faveur. Les yeux de Kvar se plissèrent et sa main se resserra sur l'épaule du garçon de trois ans pour le faire reculer d'un pas. Lloyd laissa échappé un sanglot quand son pied fit rouler un caillou dans le vide.

Flamberge toucha le sol avec un bruit mat. Kvar eut un sourire satisfait.

« Immobilisez-le, ordonna-t-il. »

Ses hommes de main s'exécutèrent. Kratos sentit qu'on lui passait des menottes aux poignets et serra les dents. Anna se mordait des lèvres : elle savait que la situation était désespérée. Le chef Désian eut un sourire cruel, conscient qu'il les tenait en son pouvoir.

« Bien... Maintenant, nous allons pouvoir passer aux choses sérieuses. Récupérez mon exsphère ! »

Un soldat voulut saisir la main droite d'Anna qui résista de son mieux jusqu'à ce qu'il lui torde le bras.

« Monseigneur ?, appela-t-il après un instant de surprise. Elle a un serti-clef... »

Kvar lança un regard venimeux en direction de Kratos :

« Quel dommage... J'aurais tant aimé voir le visage de ce traître se décomposer pendant que sa chère et tendre se transformerait en monstre... »

Sa contrariété ne dura pas, emporté par la satisfaction de savoir qu'il avait enfin gagné.

« L'important, reprit-il, c'est que mon projet Angélus soit toujours fonctionnel. Tant que j'ai l'exsphère, Yggdrasil m'accordera la place que je mérite ! Quant au reste... il n'est pas dit que justice ne sera pas faite. »

Son regard se posa sur Lloyd.

« Sais-tu, mon petit, que tes parents sont de vilains voleurs ?, lui demanda-t-il d'une voix doucereuse. Et tous les voleurs doivent être punis...

-Menteur ! »

Du haut de ses trois ans, l'enfant avait crié et la terre avait tremblé. Kratos avait profité de la distraction de Kvar pour lancer Tombe sur les soldats qui entouraient Anna, permettant à la jeune femme de bondir hors de leurs mains. C'était un geste désespéré. Ils étaient toujours coincés sur la falaise, sans espoir de s'échapper. Mais Kratos était un soldat, et il avait une mission. Les yeux d'Anna étaient fichés dans les siens : ils n'avaient pas besoin de parler pour savoir quelle était la seule issue possible. Toute la colère de Kratos s'était glacée en désespoir devant la résolution qu'il y lisait.

D'un élan, Anna se jeta dans le vide. Le silence dura une éternité de souffrance hébétée. Kratos entendit un premier choc sourd et un cri de douleur, un deuxième, un troisième. Le visage de Kvar était barré d'un rictus de haine pendant qu'il regardait l'endroit où la jeune femme se tenait il y avait quelques secondes à peine, mais il se repris et se contenta de murmurer :

« Malencontreux. »

Kratos ferma les yeux, refusa de penser au visage d'Anna, au son de son corps contre la falaise. Il n'avait que quelques secondes pour profiter de la distraction de Kvar. Il amassa le Mana autour de lui.

« Jugement ! »

Il brisa ses menottes, se saisit de Flamberge pour éliminer les Désians qui lui barraient la route. Kvar avait disparu de son champ de vision pour ne pas devenir la victime des rayons qui balayaient le champ de bataille et Lloyd…

Kratos sentit son cœur s'arrêter

« Lloyd ?, appela-t-il. »

Il se précipita à l'extrémité du ravin, les tempes battantes.

« Papa... ? »

Il relâcha le souffle qu'il ne savait pas avoir retenu. Lloyd était là. Il avait réussi à se raccrocher à une branche, les jambes pendantes dans le vide, les yeux écarquillés de terreur.

« Lloyd, fit-il aussi calmement qu'il le put. Accroche-toi. J'arrive. Tout va bien se passer. »

Kratos invoqua ses ailes et se prépara à quitter le sol –

« Lame de tonnerre ! »

– et fut immobilisé par une déferlante d'électricité. Il retint le cri qui lui montait aux lèvres et se retourna. Kvar était là, un rictus cruel aux lèvres.

« Papa ! »

Le Séraphin ne réfléchit pas, refusa de considérer l'urgence dans la voix de son fils – s'il le faisait, il ne serait plus capable de se battre et cela les tuerait aussi sûrement qu'une chute – lança quelques boules de feu pour faire diversion et se précipita vers le ravin…

« PAPA ! »

… Et n'eut que le temps de voir la main de son fils lâcher la branche et Noïshe bondir pour tenter de le rattraper, saisir le bambin entre ses dents et lui éviter un choc contre les rochers de la falaise, et tomber, tomber, tomber…

Kratos ne sut rien faire pendant quelques secondes, assommé par la souffrance et la perte. Quand il se reprit, c'était déjà trop tard : les Désians étaient sur lui. Sa prise se raffermit sur son épée. Il devait en finir le plus vite possible. S'il y avait la moindre chance que sa famille soit encore en vie, chaque minute comptait.

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Le soleil se couchait quand Kratos put enfin atterrir en bas du ravin. Il se figea. La scène était écœurante. Les corps des Désians qui avaient chût pendant la bataille étaient éparpillés au sol. Les charognards s'étaient déjà repus de leurs chairs... Kratos distinguait des cadavres qui avaient été traînés sur plusieurs mètres. Seule son arrivée les avait fait fuir.

« Anna ?, appela-t-il le plus fort qu'il le put. »

Le silence n'était rompu que par le vent qui soufflait.

« Noïshe ?, recommença-t-il et il resta silencieux pour percevoir l'arrivée de son compagnon. »

Rien ne lui répondit. Kratos se sentit chanceler. Pourquoi maintenant ? Ils avaient enfin pu contacter le nain qui vivait à proximité d'Isélia qui leur avait fait un serti-clef, éloignant définitivement le spectre de la mort d'Anna... Pourquoi maintenant ?

«Lloyd ?, cria-t-il avec urgence.»

Ses oreilles sifflaient dans le silence. Il fit quelques pas devant lui sans rien voir, quand un éclat lumineux, fruit des derniers rayons de soleil, attira son attention. Il se rapprocha de la falaise. Là, accroché à une racine, pendait un médaillon qu'il connaissait trop bien.

« Oh, Anna, gémit-il. »

Ses jambes ne le portaient plus. Il s'affaissa à même le sol. Il aurait pu hurler. À quoi bon. Il aurait pu continuer ses recherches. À quoi bon. Le sang autour de lui. N'était-ce pas assez pour savoir que...

« C'est toi qui les as tués. »

Il ne se retourna pas tout de suite. Il connaissait trop bien la voix qui s'adressait à lui. Il se releva lentement pour faire face au chef du Cruxis qui le contemplait avec mépris.

« Si tu ne l'avais pas amenée avec toi pendant ta vaine rébellion, cette femme serait encore en vie. Tu sais pourtant ce qu'il en coûte de s'opposer à moi. »

Kratos ne baissa pas les yeux et ne répondit rien. Il n'en était pas capable. Ce qui était né en lui depuis sa rencontre avec Anna venait de mourir avec elle. L'apathie, sa vieille compagne depuis des millénaires, accompagnait le désespoir et la perte qui lui vrillait le cœur.

« Et que vas-tu faire de moi, maintenant ?, demanda-t-il d'une voix atone. M'emprisonner ? Me tuer ? »

Yggdrasil pinça les lèvres en constatant que son discours ne provoquait ni mépris, ni colère et fit un geste. Il reprit la forme de ses quatorze ans. Kratos songea avec distance qu'il ne l'avait pas vue depuis longtemps.

« Nous allons rentrer à Welgaïa, Kratos. Je ne t'en veux pas, tu sais... »

Les paroles de l'adolescent étaient lacées d'une fragilité qu'il n'avait pas entendue depuis des millénaires. Il se souvint brusquement de la dernière fois où Mithos avait laissé transparaître la même faiblesse :

« Pourquoi Kratos ? Pourquoi est-ce que ma sœur est morte ? Pourquoi pas l'un de nous – elle – elle – elle ne peut pas mourir comme ça, Kratos ! »

Il frissonna.

Depuis ce temps, rien n'avait changé. Mithos... avait encore besoin de lui... Mithos était encore l'enfant qu'il avait pris sous son aile...

Lloyd...

Anna...

Il ferma les yeux. Ils étaient morts. Morts, et ce qu'il avait vécu avec eux les avait suivis dans le néant.

Mithos était là. Il avait encore besoin de lui...