Cette fic est la première que j'ai écrite, mais je voulais attendre la sortie du tome 7 en français pour éviter les spoilers. Le début est un peu sombre…
Disclaimer : Tout est à JKR, puisque c'est la suite de son dernier chapitre.
Avertissement : Lemon à venir. Cette histoire est un slash HPDM, merci de passer votre chemin si vous n'aimez pas cela.
Le quai 9 ¾
Longtemps j'ai cru que j'y arriverais.
A oublier Poudlard.
Que ce serait simple, facile. Oublier sept ans de ma vie, sept ans de haine, sept ans de peur. Qu'il suffisait de ne plus en parler.
Et puis il y a quelques semaines, elle est arrivée…La lettre du Collège. Elle était adressée à mon fils, Skorpius, mais quand je l'ai prise en main, j'ai blêmi. Bien sûr, ce n'était pas une surprise, on l'attendait, mais j'avais laissé à sa mère le soin de le lui annoncer.
Je n'avais pas envie d'évoquer ce lieu, que je connaissais pourtant si bien. Je n'avais rien à raconter.
Quand j'ai tendu la lettre à Skorpius, il était si fier que j'ai souri. J'espère qu'il n'a pas vu mon trouble. Mon épouse l'a vu, et a baissé les yeux.
Malgré la déception de mon fils, je ne les ai pas accompagnés pour choisir les fournitures, çà ne m'intéressait pas, ce ne sont pas des affaires d'homme. J'avais autre chose à faire.
A leur retour, Skorpius a tout déballé devant moi, pour que j'apprécie la finesse et la richesse des étoffes, les vieux livres, les ingrédients improbables, sa baguette.
- T'as vu papa, comme elle est fine ? Elle est en noisetier. Et la tienne, elle est en quoi ?
Pendant un instant, je n'ai pas su quoi répondre…la mienne, laquelle ? J'ai brièvement pensé à mon ancienne baguette, celle que j'avais perdue, celle que tu m'avais arrachée ce fameux jour et ma gorge s'est nouée. Alors j'ai parlé de l'autre, la nouvelle.
- Elle est en sorbier. Skorpius, tu ne crois pas qu'il serait temps de ranger tout çà ?
Pendant tout le dîner, il a posé des questions sur l'école, à la fois inquiet et excité.
Heureusement sa mère lui a répondu. Elle se rappelait des lieux, des cours, des professeurs. Elle avait adoré Poudlard. Elle était plus jeune que moi, elle n'avait pas vécu les évènements de près.
Skorpius m'a regardé :
- Est-ce que j'irai à Serpentard, papa ? Comme toi ?
- Je ne sais pas…c'est possible, oui.
- Ce serait grave si j'étais dans une autre maison ? demanda-t-il dans un souffle.
- Mais non, Skorpius, pas du tout, a répondu mon épouse. Moi-même j'étais à Serdaigle, toutes les maisons sont honorables.
Il s'est tu, songeur. Parfois il me ressemble tellement que çà m'effraie. Intérieurement j'ai pensé que ce serait sans doute une bénédiction qu'il ne soit pas à Serpentard, là où la noble famille des Malefoy n'a pas laissé que des souvenirs glorieux. Mais comment lui expliquer cela ?
Je n'ai rien dit, je me suis levé rapidement et je suis parti dans la bibliothèque. Je me suis réfugié dans une traduction ancienne.
J'ai encore essayé d'oublier. D'oublier Poudlard.
Mais j'étais entouré de portraits familiaux et de trophées rappelant cette Ecole. Le vert et l'or, partout. La glorieuse lignée Malefoy, au sang si pur. Préfets en chef de père en fils.
En fait je pense que j'ai été le premier à ne pas afficher mes trophées, mon enseigne de 6ème année. Avoir été Préfet en chef à Serpentard, ce n'est pas quelque chose dont on peut se vanter aujourd'hui.
Quand on a choisi le mauvais camp, on n'a rien à exhiber.
Je passe tous les jours devant ces symboles, en évitant soigneusement de les regarder. Une amnésie totale et volontaire. Totale ?
Bien sûr le sujet était tabou chez moi. Depuis la chute de Voldemort, personne n'y avait plus fait allusion, sauf pour préparer la défense de mon père, j'imagine, mais çà ne se faisait jamais en ma présence. On ne parlait pas de cette infamie devant moi. Ma mère avait juste sombré dans une mélancolie persistante.
Never explain, never complain.
Et quand il a été emprisonné, on a fait comme s'il était parti en voyage, longtemps. Ou comme s'il était malade, à l'hôpital. Une maladie honteuse, pour le moins.
Ce silence m'arrangeait bien, à l'époque. Qu'est ce qu'on aurait pu se dire à ce sujet, mes parents et moi, d'ailleurs ? Reconnaître qu'on s'était trompés ? Cà aurait été désavouer des siècles de certitudes, détruire les fondements de notre famille : la pureté du sang. Le mépris des moldus. Le respect des traditions.
Alors on s'est terrés chez nous, on a reçu de moins en moins de visites, mais de toute façon ma mère était devenue incapable de tenir son rôle de maîtresse de maison. Trop fragile. Il y avait toujours des pièges au détour des conversations. Des soupçons. Des reproches.
Alors on s'est tus. Et j'ai commencé mon journal intime. Comme je ne pouvais pas parler à ma mère, comme je n'avais plus de père, plus d'amis à qui parler, j'ai écrit.
Des pages et des pages pour exorciser le mal, mais sans jamais le raconter directement. Trop infamant. Juste tourner autour, inlassablement, à en perdre la raison.
Puis je me suis senti mieux, petit à petit.
Je me suis marié, j'ai eu un fils, un Malefoy, sans conteste. Blond et pâle. Une épouse dévouée. Une vie normale, en somme. J'allais bien, jusqu'à ce jour-là, sur le quai.
Mais ce soir les souvenirs me reviennent en masse et me prennent à la gorge. Pourquoi la fin de l'histoire modifie-t-elle toute l'histoire ? Je n'ai plus que des souvenirs douloureux. Tout ce qui m'avait paru agréable, drôle, sur le moment, me revient aujourd'hui comme les éléments annonciateurs d'une farce hideuse, cruelle. Tout est souffrance. Mes amis disparus. Ces batailles stupides entre Maisons. Les valeurs discréditées. Les anciens souvenirs glorieux devenus honteux.
Heureusement j'avais tout oublié, tout enfoui. J'avais réussi à vivre 19 ans comme s'il ne s'était rien passé ces 7 années là. Des années blanches.
Blanches comme ma peau, blanches comme mes nuits.
Tout juste peut-être des maux de tête, de la fatigue, des saignements de nez intempestifs, parfois. Mais heureusement j'avais de très bonnes potions, contre çà. Et je me suis souvent évadé grâce à elles. Tout ce qui me restait de mon professeur préféré, c'était çà.
Les potions, ou comment s'échapper- mon professeur préféré, qui était aussi mon parrain, mais qui était mort pour en sauver un autre- m'avait au moins appris cela : l'art des potions. Mon échappatoire.
Echapper à la vie. A l'envie de rien. Pour m'aider à passer encore une autre journée, en priant pour qu'il ne ressurgisse rien. L'oubli total.
J'ai vécu une espèce de vie parallèle, comme un songe, perdu dans mes traductions anciennes. Les runes ne me mentaient pas, ne me jugeaient pas. Elles étaient toujours là, fidèles, éternelles, rassurantes. Mes piliers.
Elles parlaient d'une époque qui n'avait pas encore été bouleversée. Je crois que mes traductions sont appréciées par les experts, utilisées dans les écoles de magie, mais je n'ai jamais voulu quitter ce manoir pour en recueillir les fruits. Tout se passait par correspondance. Je me sentais bien, dans ce manoir, entouré des visages de mes ancêtres. Protégé.
De toute façon, j'étais fatigué, tout le temps. A quoi bon courir les honneurs ? Je n'ai la prétention de rien, désormais.
Je sais maintenant que j'avais simplement fui tout risque, toute occasion de croiser un ancien ami, ou pire, un ancien ennemi. Mais j'allais bien.
Tout juste ce froid, tout le temps, en moi.
oooOOOOoooOOOOooooOOOOooooOOOOoooOOOO
Et puis il y a eu ce fameux matin, sur le quai 9 ¾. Nous nous tenions un peu à l'écart des autres groupes de parents. Skorpius était pâle, raide. Il agrippait la main de sa mère.
Et dans la fumée du train, je vous ai vus. Je t'ai vu, toi, Harry, avec Ginny et tes enfants. J'ai vu tes fameux amis te rejoindre, les Weasley et leurs enfants. Charmant spectacle.
Vous aviez l'air si heureux de vous revoir. Vous vous êtes embrassés, les enfants couraient en riant, et vous plaisantiez entre vous. Comment peut-on être si joyeux sur un quai de gare ? A un moment vous vous êtes retournés vers nous et mon cœur s'est serré.
Je vous ai salués brièvement, en esquissant un geste de la tête.
Heureusement je n'ai pas montré mon trouble, ma honte. Je les ai soigneusement cachés, comme je sais si bien cacher mes sentiments. Never explain, never complain. L'apparence, c'est tout ce qui reste à ma famille.
J'ai regardé mon fils s'éloigner, seul, et j'ai prié pour l'avenir lui soit clément. Que le fils n'endosse pas les erreurs du père, même si, au bout du compte, je m'en étais plutôt bien sorti.
Ses cheveux blonds voletaient dans la vapeur du train, et je me suis revu à sa place, à l'époque. J'étais bien entouré, ma famille était riche et respectée. A l'époque.
Quand le train s'est éloigné, je t'ai regardé repartir avec Ginny et votre petite fille. Je n'arrivais pas à oublier comment tu t'étais penché vers ton plus jeune fils, comment tu l'avais rassuré, la tendresse de ton expression.
J'aimais mon fils plus que tout mais je ne le lui montrais pas souvent. Je t'enviais, une fois de plus. Bien sûr vous incarniez la famille idéale, la tendresse d'un foyer, et Ginny était resplendissante.
Vous êtes montés dans une voiture moldue, et vous êtes partis.
J'ai replacé mon écharpe en cachemire blanche autour de mon cou. Ma femme et moi avons transplané jusqu'au manoir Malefoy, plus sombre et immense que jamais.
Nos pas qui résonnaient dans l'entrée accentuaient encore la sensation de solitude, de vide après le départ de notre fils.
Ce soir-là nous avons dîné en silence.
Parfois je repense à ces brefs instants sur le quai.
Tu n'as pas tellement changé, ton regard est resté perçant, tes traits se sont affermis. Tu as l'air tellement …vivant.
A suivre….
Merci de m'avoir lue, et merci d'avance pour une petite review…
