Le monde selon Godric
Personnages : Godric Gryffondor, OCs
Genre : Aventure, romance
Résumé : Peut-on se nommer Godric Gryffondor et être le sorcier le plus obtus que la terre ait jamais porté ?... Elle dirait oui sans une hésitation.
Disclaimer : Godric Gryffondor n'est pas encore à moi, et mon fichu avocat prétend que JKR ne me le cèdera jamais. N'empêche, quasiment tous les autres personnages sortent de ma petite imagination à moi, na ! Même l'univers moyennâgeux, et toc !
Voici le début d'une nouvelle fiction longue. Le titre est inspiré du livre Le monde selon Garp de John Irving (bien que l'histoire n'ait absolument rien à voir).
J'ai encore craqué dans ma passion pour le moyen-âge, les histoires de chevalier et tout et tout. Je suis une faible fille, mea culpa. Mais honnêtement, qui peut résister à Godric Gryffondor ?
Après moult péripéties, genre révisions, examens, méchants stages et tout le tralala, j'ai pu finir ce chapitre qu'il faut plutôt considérer comme un prologue, vu qu'il se passe dix ans avant le début réel de l'histoire. Il me permet juste de mettre en place quelques éléments essentiels à l'histoire. Juste...
Un grand merci à Sunday Vanille et à Owlie Wood pour leur beta !
Bonne lecture !
Chapitre 1 : Nous sommes différents, mon fils
Dans la cour du château, la jeune servante se mordit la lèvre nerveusement en constatant le changement soudain dans les traits de l'enfant blond, dont le sourire immense avait disparu avec une rapidité saisissante.
- Encore des leçons ? soupira Godric du haut de ses huit années, regardant de façon insistante la domestique, comme s'il avait bon espoir qu'elle lui annonce que ce n'était qu'une blague à l'humour douteux.
Effie fut gênée de cette réaction qu'elle jugeait excessive, s'étant attendue à ce que le garçon acquiesce et la suive sans faire d'histoires. On le demandait seulement pour une leçon avec son nouveau précepteur, y avait-il vraiment de quoi faire un drame ?
Quelques badauds les lorgnèrent, amusés de cette scène qui semblait leur être habituelle, tandis que les garnements qui jouaient quelques minutes auparavant avec le jeune Godric, s'éloignaient l'air goguenard, s'amuser en d'autres endroits où aucun adulte ne viendrait les troubler.
- Ces leçons sont d'un ennui ! bougonna-t-il. Même que l'on n'y apprend rien d'intéressant.
Désemparée, la servante se vit mal expliquer l'intérêt de ces cours, ne sachant elle-même ni lire ni écrire.
- Messire Godric, il le faut bien, allégua-t-elle. Votre mère compte que vous appreniez beaucoup de ce nouveau maître.
Alors que l'enfant persistait à adopter une moue boudeuse et des yeux implorants, la domestique songea que ce qui lui avait semblé une tâche simple et banale, pouvait se révéler plus compliqué que prévu. Peut-être était-ce la raison du rictus étrange qu'avait arboré l'intendante lorsqu'elle lui avait assigné cette mission. Il est vrai qu'incorporée toute récemment au service du seigneur Gryffondor, Effie n'avait pas eu encore le loisir de prêter l'oreille à tous les commérages de la gent domestique. Et à cet instant, savoir que le fils unique du seigneur n'était pas exactement le genre même de l'enfant studieux et facile que dans son ignorance elle avait imaginé, l'aurait grandement aidé.
- Ma mère ? Elle ne m'en a rien dit, affirma Godric avec défiance.
- Elle n'en a sûrement pas eu le temps, rétorqua doucement Effie. Vous devez bien savoir combien votre mère est occupée et votre obstination ne lui fera sans doute aucun plaisir.
Il la scruta longuement cherchant une trace de mensonge sur le visage de la servante, mensonge qu'il ne trouva pas. Alors il haussa les épaules et lâcha avec un petit sourire :
- Si cela peut faire plaisir à Mère, allons-y.
Effie, rassurée, se félicita intérieurement d'avoir su toucher la corde sensible chez le jeune seigneur. Laissant Godric marcher devant elle, elle le suivit à travers la cour, puis ils passèrent une petite porte qui au moyen d'un escalier étroit, les mena à l'intérieur du château. Un instant, elle s'amusa du pas fier et sûr de lui de celui qui n'était encore qu'un enfant. Il connaissait le chemin, bien entendu. Ce n'était pas la première fois qu'on lui organisait des leçons, Godric Gryffondor n'en était pas à son premier précepteur. Et Effie ne voulait pas imaginer ce que l'enfant à l'air sage et innocent pouvait bien faire subir à ses maîtres pour qu'ils se succèdent de la sorte.
Ils montèrent ensemble encore quelques escaliers et traversèrent des couloirs, auxquels les tapisseries et les torchères appendues au mur donnaient un aspect autrement plus impressionnant que ceux étroits et sombres du bâtiment réservé aux domestiques dans lequel Effie était restée confinée jusque-là. Et inévitablement, elle ne pouvait s'empêcher de poser un œil sur toutes ces fresques qui sous la lumière flatteuse des torches, se munissaient de nouvelles couleurs, d'une nouvelle vie…
Laissant là ses rêveries et rehaussant le regard, la servante s'aperçut avec inquiétude que son jeune maître l'avait bien vite distancée et elle dut accélérer le pas pour se remettre à sa portée. C'était à se demander qui des deux menait l'autre.
Ainsi, ils s'arrêtèrent devant une des nombreuses portes. Voyant que Godric s'apprêtait à entrer sans plus de cérémonie, Effie s'empressa de le retenir puis elle frappa distinctement trois coups. Un marmonnement indistinct lui parvint à travers le bois épais. Elle entrouvrit alors avec méfiance et jeta un œil dans la pièce.
Il était vrai que pour un lieu d'étude, ce n'était guère engageant. Il paraissait y avoir ici des centaines d'ouvrages rassemblés sur des étagères qui envahissaient la pièce. Et les deux fenêtres ne paraissaient être là que pour révéler la poussière environnante, si l'on en croyait les rais de lumière qui jouaient nonchalamment au fil de la salle.
Hésitant à entrer, Effie tendit le cou et put apercevoir dans un coin sombre, semblant feuilleter un ouvrage, le dit précepteur en robe de bure.
- Excusez-moi, mon père, entama-t-elle. Je vous amène votre élève.
A ces mots, elle sentit Godric la pousser légèrement pour se faufiler à son tour dans la bibliothèque. Il eut un frémissement lorsque le maître s'avança.
Le moine, d'un tour de taille tout aussi impressionnant que sa barbe grisonnante, s'approcha pour mieux scruter son élève.
- Mon cher enfant, il était temps, fit le religieux. Cela fait déjà un moment que je patiente.
Godric ne répondit rien, se contentant d'observer attentivement son nouveau professeur.
Empreint d'une autorité calme, le religieux toisa un instant le jeune Gryffondor, avant que son regard ne tombe sur la servante dont la place n'était plus ici.
- Vous pouvez partir. Je m'occupe de lui, affirma-t-il d'un ton posé.
Effie pensa un instant le contredire, mais son hésitation eut le mérite de lui éclaircir les idées. Baissant avec humilité la tête, elle referma derrière elle la lourde porte.
§§
Lorsque l'on avait quémandé ses services, le père Warren s'était étonné de cette requête. L'enseignement des enfants nobles n'était pas dans ses habitudes. Se contentant d'étudier les domaines qui lui plaisaient et de transmettre son savoir à de placides novices, l'enfant qui le dévisageait sans aucune gêne le déconcertait.
- Messire Godric, je suis le père Warren. On m'a chargé de votre instruction.
L'enfant resta obstinément silencieux.
- Allez donc vous asseoir, continua posément le religieux en indiquant une lourde table disposée à côté des fenêtres.
Godric se balança d'un pied sur l'autre, refusant de lâcher du regard le père de plus en plus curieux de l'attitude de son nouvel élève. Puis de façon soudaine, l'enfant alla s'asseoir là où le moine le lui avait indiqué.
S'ensuivit une heure de cours où le prêtre enseigna avec patience quelques notions d'histoire de la très noble Angleterre à un enfant qui lui, ne sembla vite plus à ce qu'il faisait, son esprit paraissant encore jouer dans la cour qu'il observait par la fenêtre sous le regard désapprobateur du moine.
- Messire Godric, pourriez-vous nous faire le plaisir de redescendre sur Terre ? gronda-t-il exaspéré, ayant la très nette impression d'avoir dû sermonner l'enfant un nombre trop élevé de fois en si peu de temps.
L'enfant redirigea brusquement son regard vers le livre poussiéreux qui relatait le règne du roi Edred, le sujet même de la leçon du jour.
Il paraissait évident que l'histoire de ce roi, ayant régné il y avait de cela cinquante ans, n'intéressait pas le moins du monde le jeune Gryffondor. Pourtant, son histoire était réellement passionnante, du moins tel était l'avis du père Warren. Ce roi en lui-même avait brillé par son absence au pouvoir. Ainsi le royaume avait été dirigé d'une main de fer par son conseiller qui acquit du fait une renommée dans toute la contrée avant de disparaître dans des circonstances non-élucidées. Mais cela, Godric ne pouvait que l'ignorer, s'étant laissé bercer par le ton monocorde de son enseignant, qui relatait avec si peu de passion les évènements extraordinaires qui secouaient l'Angleterre.
- J'ose espérer que vous avez retenu quoique ce soit du roi Edred. Ou avez-vous seulement rêvassé ? bougonna le père Warren.
Godric parut embêté pendant que le moine attendait une réponse.
- J'aime l'Histoire, commença Godric. Mais honnêtement, ce n'en sont pas les plus passionnants épisodes que vous m'ayez racontés là.
- L'Histoire, c'est pourtant cela, rétorqua le père Warren en fronçant les sourcils. a n'a pas pour but de passionner les garçons de votre âge. C'est seulement ce qu'il s'est passé.
- Mais pourtant il s'est passé des choses bien plus intéressantes, s'obstina Godric.
- Evidemment, si vous accordez quelque foi aux histoires que l'on peut vous conter au coin du feu… sourit le maître en caressant distraitement sa barbe grisonnante.
Godric ne fut pas enchanté de l'ironie qui perçait dans les propos de son précepteur.
- Et même si ce n'était pas la vérité, reprit Godric. C'est autre chose que tout ce que vous avez relaté jusque-là. Qui se soucie de ce roi Ebred ?
- Edred, c'est le roi Edred, rectifia le moine perdant peu à peu sa patience. Ce sont les faits, l'histoire est l'étude des faits qui se sont déroulés par le passé. Et jeune homme, vous feriez mieux de bien écouter, vous en seriez plus sage.
- Si tout le monde respectait le noble code des chevaliers, on n'en serait pas là tout de même. Cela nous éviterait tout ce chapelet de trahisons qui jonchent votre Histoire, rétorqua Godric n'appréciant pas qu'on le sermonne de la sorte.
- Parce que vous trouvez peut-être que vos chevaliers se comportent de façon noble ? ironisa le père Warren. A tuer pour un oui ou pour un non, à se défier en combat singulier au moindre désaccord, à se baffrer et s'enivrer lors de festins, à toujours ne vouloir que plus de terres ?
Godric ouvrit de grands yeux à ces paroles et vit littéralement rouge.
- Et qu'y connaissez-vous, vous qui restez enfermé dans votre abbaye ? Vous ne connaissez rien de la vraie vie, opposa-t-il avec vigueur. Les chevaliers, eux, poursuivent une noble cause, que vous, plongé dans vos livres, vous ne pourrez jamais percevoir.
Pris de colère face à l'impudent qui osait ainsi le remettre en cause pour des inepties, le père Warren déglutit bruyamment et tenta de se reprendre. Il sortit de sa manche un mouchoir en toile et se le passa sur son visage rougi.
- Ça suffit, grinça-t-il entre ses dents. Nous sommes ici pour étudier et non pour raconter quelques balivernes. Si vous n'arrivez pas à vous concentrer, vous allez recopier l'histoire du roi Edred, ainsi cela rentrera peut-être plus facilement dans votre esprit borné.
Il lui tendit l'épais livre et Godric compta avec effroi les dix pages qui parlaient de ce roi obscur dont il n'avait cure.
- Je vais y passer la journée, gémit-t-il dérouté. Vous n'avez pas le droit de faire ça.
- Ce n'est qu'un peu d'écriture, ricana doucement le prêtre.
L'enfant se renfrogna et croisa les bras.
- Ce n'est pas juste ! Je n'ai rien dit de mal, clama-t-il d'une voix claire.
- Personne n'a demandé votre avis. Vous allez faire ce que je vous dis.
Le père Warren poussa autoritairement un parchemin et l'encrier contenant la plume devant son élève.
Voyant que l'enfant se complaisait à se penser dans son bon droit, il lui tendit la plume comptant bien contraindre le garçon à exécuter sa punition.
Le regard noir de Godric vint intercepter la grande plume noire. Et dans un sursaut, le père Warren lâcha l'objet sous la douleur que lui causa ce contact. Ayant atterri sur le dallage en pierre, la plume brûlait de flammes d'une couleur mauve des plus païennes qui se réverbéra sur les murs en pierre de la salle, autant que dans les prunelles de l'homme de religion.
Celui-ci poussa un cri. Puis, reculant à pas rapides, il farfouilla le col de sa robe pour en sortir une croix en bois qu'il tritura nerveusement avant de trébucher et de tomber à la renverse contre un pan de la bibliothèque. Il ne perdit pas connaissance et l'objet diabolique continua à s'enflammer de façon perverse sous ses yeux écarquillés. Tout comme l'enfant hérétique persistait à porter le masque de l'innocence sous les traits d'un garçon à la bouche grande ouverte par l'ébahissement…
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Effie baissa les yeux comme une enfant prise en faute. Affronter le regard glacial de l'intendante… elle n'était pas si hardie ! Recevoir des injonctions sèches et injustifiées – du moins selon l'avis de la servante - suffisait.
Il ne fallait pas chercher à comprendre les ordres qui nous sont donnés, était ce que lui avait répété maintes et maintes fois la mère d'Effie. Et tous les jours de sa vie, la servante savait s'en souvenir et garder en elle les protestations et les questions qui parfois menaçaient de monter jusqu'à ses lèvres.
On ne gagnait que des ennuis à oser répondre. Et cela, le monde entier était suffisamment capable de le rappeler à Effie.
Ainsi, lorsque Madame l'intendante guindée dans sa robe trop étroite la réprimanda, la servante garda les lèvres closes.
- Ma pauvre Effie, seras-tu capable un jour d'accomplir une tâche correctement ? De ma vie, je n'ai jamais vu une servante aussi maladroite, gronda l'intendante en levant les yeux au ciel avec dédain.
Tandis que des cuisiniers qui s'affairaient autour de vastes récipients en étain et d'épais morceaux de viande dégoulinant sur le feu, observaient sans le moindre tact la scène, la servante hocha la tête, approuvant sa supérieure quoi qu'elle en pensât réellement.
- Ce n'était pourtant pas si compliqué, il me semble, fit l'intendante poursuivant sur un ton excédé et clairement méprisant. Emmener le fils de notre seigneur à sa leçon puis l'attendre sagement devant la porte de la bibliothèque est à la portée d'un enfant tout de même.
Soit, mais jamais Effie n'avait entendu le moindre mot concernant le fait d'attendre comme une idiote devant une porte. Et vraiment, elle n'en comprenait pas l'intérêt. Il y avait des tâches qui l'attendaient encore, et si les chaudrons n'étaient pas astiqués d'ici le soir, il était fort à parier que les réprimandes viendraient de là, cette fois-ci.
- Ne reste pas là à regarder le sol de la sorte ! Si jamais dame Clarence apprend que ses ordres n'ont pas été respectés, c'est moi qui prendrai ombrage de vos sottises. Presse-toi donc !
Il n'en fallut guère plus pour que la servante ne s'incline encore davantage avant de s'en retourner précipitamment et de pousser la porte des cuisines, pestant intérieurement contre les ordres d'où qu'ils puissent venir.
A peine la porte refermée, Effie se lança d'un pas hargneux à travers le couloir sombre. Mais la voix de crécelle de l'intendante retentit encore une fois.
- Et s'il y avait un quelconque problème, veille à prévenir dame Clarence. Elle se trouve dans ses appartements.
Un quelconque souci ? Il s'agissait juste d'une leçon. Voilà encore un de ses jeunes nobles pour qui sa mère faisait preuve d'une angoisse exagérée. Ce n'était pas avec ce vieux prêtre que le jeune Godric pouvait risquer quoique ce soit. Tout cela était bien au-delà de la compréhension de la servante. Mais comme le lui avait si bien fait comprendre l'intendante, son rôle n'était pas de comprendre mais d'obéir aveuglément.
Ainsi, après avoir maugréé en silence tout son soul, Effie se retrouva devant la porte de la salle d'étude et s'assit juste devant, pestant à nouveau en songeant comme elle devait paraître ridicule à jouer les gardes d'enfant de la sorte.
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Effie s'était peut-être assoupie, tout du moins, elle avait permis à ses yeux de se fermer et à sa tête de reposer contre le mur glacial. Et elle aurait aimé profiter de cet instant pour prendre un tant soit peu de repos.
Ses illusions et sa quiétude ensommeillée furent brisées par un cri qui perça le silence avec une horreur qui glaça le sang de la domestique.
Elle pensa un furtif moment à ouvrir la porte de la bibliothèque. Mais la peur l'en dissuada très vite. Elle avait ordre de prévenir dame Clarence et c'était bien tout ce qu'elle ferait. Ce cri inhumain ne lui donnait que l'envie de fuir le plus loin possible. Elle prit ses jambes à son cou et courut le plus vite qu'elle put jusqu'à l'étage au-dessus, dans la tour ouest où se trouvaient les appartements de dame Clarence, la mère de Godric. Reprenant son souffle devant la porte en bois finement ouvragée, Effie frappa trois coups secs, avant de se rendre compte qu'elle ne savait pas ce qu'elle pourrait dire au juste à la gente dame qui se présenterait à elle. Qu'elle avait entendu un cri effrayant qui peut-être provenait de ses rêves ? C'était absurde. Maintenant que l'effroi la quittait, elle s'en rendait compte.
Cependant, lorsqu'une dame aux longs cheveux blonds ouvrit, elle n'eut rien à dire. Il sembla que dame Clarence n'avait pas besoin d'en savoir plus que ce que le souffle encore court d'Effie pouvait lui révéler.
- Mon fils ? questionna simplement dame Gryffondor.
Effie hocha brièvement la tête et ce fut suffisant pour que dame Clarence se précipite jusque dans les escaliers, laissant derrière elle la servante déconcertée qui, après un moment d'hébétude, s'empressa de la suivre, ne voyant devant elle qu'une robe imposante se faufiler dans les couloirs.
Lorsque la domestique arriva devant la salle d'étude, la porte était déjà ouverte. Risquant un œil, ce qu'elle y vit la stupéfia. Pétrifiée d'horreur, ses yeux ne pouvaient qu'aller du prêtre qui gisait à terre à la fine baguette de bois que tenait la noble dame, de l'expression ahurie de l'enfant au visage troublé de la mère.
Les yeux de Godric tournés vers elle, Effie sentit son cœur s'emballer, priant pour que tout ceci ne soit qu'un rêve. Ne pouvant bouger, elle assista malade de peur à l'enfant qui la montra du doigt, puis à la mère qui dirigea la baguette démoniaque vers elle.
Il y eut un mot. Oubliettes…
Puis il y eut le vide.
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S'il avait compris ? A la mine perplexe de Godric, à ses regards pleins d'ignorance et de muettes interrogations, on pouvait présumer que non.
Il fit quelques pas pour rattraper le pas rapide de dame Clarence et sembla un instant vouloir éveiller à nouveau son attention. Il y avait en lui une angoisse, une sensation étrange qu'il ne connaissait pas jusque là. Et du haut de ses huit ans, la seule chose qu'il pouvait espérer était l'étreinte rassurante d'une mère. C'était si curieux qu'il puisse désirer une pareille chose, lui qui habituellement par fierté, refusait ces démonstrations d'affection qui le ramenaient injustement à son statut d'enfant.
Cependant, en cet instant, il n'était qu'un petit enfant. Et il ne comprenait pas.
N'osant élever la voix par peur d'être fautif, il se rembrunit, baissa la tête et suivit sa mère sans encore espérer un geste ou un mot qui aurait pu lui prouver son innocence.
Il pensa tout d'abord qu'elle le mènerait à son père et cette pensée le fit frémir. Messire Gryffondor était connu pour sa noblesse d'âme tout autant que pour son intransigeance. Si son fils avait fauté, la punition serait à la hauteur de sa condition. Godric l'avait déjà expérimenté. Et si ça ne pouvait l'empêcher de faire mille bêtises propres à son âge, la colère de son père restait à éviter. Alors il tâchait de ne jamais se faire prendre, jeu auquel il excellait. Mais pas cette fois…
Alors lorsqu'il comprit qu'elle le menait vers ses appartements, il est aisé d'imaginer le soulagement que ressentit le jeune prince.
§§
Cela devait se produire un jour ou l'autre. Clarence Gryffondor le savait.
Elle regardait son fils, perché sur un fauteuil, balançant nonchalamment ses jambes dans le vide, tandis qu'il scrutait les flacons qui jonchaient la table de toilette juste à ses côtés.
Son regard pétillant de curiosité rendit dame Clarence songeuse. Il restait un enfant enfermé dans son monde de jeux innocents. Et l'évènement ne semblait pas l'avoir réellement perturbé. Il ne pouvait savoir ce que tout cela signifiait.
Et pourtant elle devait bien le lui dire.
- Godric… commença-t-elle en s'asseyant sur le fauteuil lui faisant face.
L'enfant retira précipitamment sa main du flacon en verre dont les effluves rappelaient cette douce odeur qui imprégnait la douce chevelure de sa mère. Le flacon vacilla un instant.
- Je t'en prie, ne touche pas à mes onguents, défendit-elle. Tu sais que j'y tiens beaucoup.
Combien de fois le lui avait-elle dit ? Autant de fois qu'il le fallait pour détourner ce garnement de ces précieux objets. Et Clarence était persuadée qu'elle le lui répèterait sûrement un bon millier de fois encore. A dire vrai, elle espérait que cela ne changerait jamais.
- Ce qu'il s'est passé avec le père Warren… commença-t-elle.
Deux petites mains se resserrèrent sur les bras du fauteuil.
- Je ne voulais pas… affirma Godric avec force, comme s'il était prêt à défendre chèrement son innocence.
Dame Clarence secoua doucement la tête.
- Bien sûr que tu ne le voulais pas vraiment…
Godric se détendit indéniablement. Et dame Clarence lui adressa un sourire gêné.
- Mais c'est bien toi qui as enflammé cette plume. Tu étais en colère, n'est-ce pas ?
- Je ne voulais pas faire ça, s'obstina à voix basse l'enfant. Il voulait m'obliger à recopier cette leçon. Je ne voulais pas le faire.
Clarence hocha la tête. La colère. Elle tenta un instant de se rappeler comment elle-même avait montré les premiers signes de magie, mais les souvenirs étaient trop lointains.
- Il faudra apprendre à te contrôler, Godric, sermonna-t-elle avec douceur.
Le jeune seigneur passa distraitement une main dans ses cheveux blonds.
- Mais ça ne peut pas être moi qui aie provoqué ça ? demanda-t-il en fronçant les sourcils. La plume s'est enflammée sans raison et… ce n'était pas réellement du feu… Ce n'était pas naturel.
- C'était de la magie, énonça dame Clarence.
Les yeux de Godric s'écarquillèrent pendant un moment, avant que son visage ne s'éclaire d'un sourire goguenard.
- Comme dans les histoires ? Comme pour les enchanteurs et les magiciens ? lança-t-il et le ton espiègle de sa voix recelait plus de la moquerie qu'un véritable questionnement.
- Tu ne me crois pas, conclut simplement sa mère.
- Je ne suis pas assez stupide pour prendre pour argent comptant tout ce que les troubadours peuvent narrer. J'ai huit ans maintenant, j'ai passé l'âge d'y croire, expliqua-t-il en haussant les épaules.
Dame Clarence retint un sourire attendri en voyant l'air soudainement sérieux de sa progéniture. Cet enfant qui se voulait déjà un homme…
- Je ne te raconte pas des histoires, Godric. C'était de la magie. Comment peux-tu l'expliquer autrement ? Un tel phénomène ne se voit pas tous les jours.
Godric fit la moue, déstabilisé dans ses certitudes et fixa de grands yeux sur sa mère.
- Je ne peux pas faire de la magie… bafouilla-t-il.
- Si tu le peux, affirma-t-elle en croisant sagement ses mains sur l'étoffe bleue de sa robe. Qui d'autre que toi l'aurait fait ? Pas le père Warren, au vu de sa réaction.
- Mais…
- Godric, tu es un sorcier, tu l'as prouvé. Et crois-moi, ce n'est pas surprenant.
Dame Clarence sortit de la manche de sa robe la fine baguette en bois qu'elle y avait précipitamment caché en sortant de la bibliothèque, et lui tendit.
- Tu es mon fils, Godric. Et nous sommes tous les deux des sorciers, il n'y a rien de plus normal.
L'enfant saisit avec une précaution inhabituelle la baguette magique. Il frémit lorsqu'une sensation indéfinissable le parcourut.
- Normal… souffla-t-il.
- Oui, normal, répéta la mère souriant seule de l'étrangeté de cette affirmation. Nous ne sommes pas les seuls, mais nous sommes peu nombreux et il vaut mieux que tout cela reste secret. Tu comprends ?
Le jeune Gryffondor fronça les sourcils.
- Pourtant les histoires sont emplies de magiciens, contesta-t-il.
- Tu as dit toi-même que tu n'y croyais pas. Personne n'y croit. Ce ne sont que des histoires destinées à amuser les enfants. Et personne ne peut sérieusement penser qu'il y a un fond de vérité dans ces légendes.
Godric hocha la tête, montrant qu'il comprenait.
- Il faudra que tu ne le dises à personne, fit dame Gryffondor prenant un air grave. Tu m'entends, Godric ? C'est important, tu ne peux le dire à personne.
- Pourquoi ? demanda-t-il avec aplomb.
Dame Clarence se carra plus confortablement dans son fauteuil, se donnant le temps de penser aux mots qu'elle pourrait employer pour mieux lui faire comprendre… ou pour retarder l'instant où il comprendrait que les détenteurs de magie n'étaient pas appréciés en ce monde et cela paraissait être un euphémisme.
- Souviens-toi de la réaction du père Warren.
- Il a eu peur, répondit l'enfant après un instant d'hésitation.
- Il a eu très peur, compléta dame Clarence. Nous avons un pouvoir qu'ils ne possèdent pas. De plus, ils ne comprennent pas ce qu'est la magie, alors ils en sont effrayés.
Son front se plissant sous la réflexion, le jeune Gryffondor finit par demander d'un ton candide :
- Pourquoi avoir peur de ce qu'on ne comprend pas ?
- Tu n'as jamais eu peur du noir, parce que tu ne savais pas ce que l'obscurité pouvait dissimuler ?
- Je n'ai peur de rien ! se défendit fièrement Godric, causant à sa mère un sourire.
- Tu comprendras peut-être un jour. Les personnes ont parfois des réactions incompréhensibles, il en va ainsi. Le fait est que le monde dans lequel nous vivons, a peur de nous. Et lorsque l'on a peur, on cherche à se défendre et à combattre ce qui nous effraie.
La bouche de Godric s'arrondit sous la compréhension.
- Ils cherchent à nous combattre ? murmura-t-il.
- Oui, mon enfant. Imagine la réaction qu'aurait pu avoir le père Warren si je n'étais pas intervenue…
- Mais il peut… enfin…
- Il n'a plus aucun souvenir de ce qu'il s'est passé, fit-elle en reprenant sa baguette d'entre les mains indélicates de son fils. Ne t'inquiète pas. La magie a ses avantages. Il nous faut juste être prudents.
Quelques étincelles bleues s'échappèrent du fin morceau de bois, tandis qu'elle essuyait l'objet magique à l'aide du pan de sa robe.
- Est-ce que Père est… questionna Godric.
- Ton père n'est pas un sorcier, mais il sait.
Godric sembla ne pas savoir déterminer s'il s'agissait d'une bonne ou d'une mauvaise chose. Alors il haussa les épaules et tourna de grands yeux bleus vers sa mère.
- Je veux tout savoir de la magie ! s'exclama-t-il.
Dame Clarence eut un sourire ravi. Réellement heureuse de voir un tel empressement, et à la fois soulagée d'avoir pu éviter d'esquisser les aspects les moins reluisants de la condition sorcière. Il saurait bien assez tôt.
Elle lui prit la main.
- Je t'apprendrai tout ce que je sais.
