PREMIER
Hermione se sentait déprimée. Elle ne rêvait que d'une chose : stopper toutes les souffrances de son corps et de son esprit, faire taire toutes les pensées qui se bousculaient dans sa tête depuis la fin de la guerre. Elle ne voulait plus de cette vie, cette dernière qui lui avait fait perdre tant d'êtres chers et qui, cruelle et sans pitié, la détruisait à mesure que le temps passait. Hermione se trouvait seule dans la salle commune, et fixait les braises qui restaient dans la cheminée. La pénombre autour d'elle ressemblait à la mort qu'elle voulait rejoindre. Assise en tailleur sur le canapé, la tête baissée, ses cheveux camouflant son visage, elle pleurait. Cela faisait maintenant 4 mois qu'elle avait repris les cours, tandis que Harry et Ron devenait des Aurors, 6 mois que la guerre était finie, que Voldemort n'était plus, et qu'on n'entendait plus parler des Mangemorts, 6 mois qu'Hermione essayait de se relever, sans pour autant y parvenir. Alors, sur un coup de tête, elle prit sa décision. Elle se leva, et sortit de la salle commune, sans prendre ni sa veste, ni sa baguette. Son pyjama, composé d'un tee-shirt manches courtes et d'un jogging fin, ne suffisait pas pour lui tenir chaud. Elle grelottait dans les couloirs, les yeux dans le vide, tandis que ses pieds la menait dans un endroit qu'elle connaissait bien. Quand elle prit conscience de l'endroit où elle se trouvait, elle était au pied des escaliers en colimaçon branlants. Elle escalada les marches rapidement, égratignant ses pieds nus sur les marches dures et irrégulières. Quand elle déboucha en haut des escaliers, elle fut secouée par de violentes rafales de vent. Hermione se trouvait en haut de la tour d'astronomie. Elle s'approcha de la rambarde et se pencha pour regarder en bas. Oui, la chute serait longue, mais au moins elle était sûre de ne pas survivre. C'était ce qu'elle voulait : mourir, rejoindre toutes les personnes qu'elle avait perdues, et surtout, quitter ce monde et toutes les souffrances qu'elle endurait chaque jour. Les yeux brillants de larmes, et complètement décidée, elle recula, pris une grande inspiration, et s'avança à nouveau. Sauf que cette fois, elle ne s'arrêta pas contre la rambarde. Elle l'enjamba et s'apprêta à sauter, pour enfin dire au revoir à tout le monde.
Il rentrait de Pré-au-Lard, après être allé chercher des ingrédients pour ses élèves, les sales cornichons décérébrés de première année ! Incapable de se servir de racine d'asphodèle sans détruire la totalité de la racine ! Il n'en pouvait plus de ces petits arrogants, pensant que tout était possible, qu'ils étaient capables de tout faire sans qu'on leur donne le moindre conseil, le moindre ordre. Pour la millième fois depuis la rentrée, il se demanda pourquoi il avait accepté de reprendre son poste quand Minerva McGonagall le lui avait proposé. Quel idiot il avait été ! Mais en même temps, qu'aurait-il pu bien faire d'autre ? La communauté sorcière avait peut-être été convaincue qu'il n'était pas un véritable Mangemort, ni un traitre, mais ce n'est pas pour autant que les gens l'acceptaient. Mais à quoi bon se lamenter, jamais il n'aurait supporté de devoir être constamment accompagné par n'importe qui, comme chaque célébrité du monde sorcier. Il préférait de loin être la chauve-souris des cachots et profiter de sa solitude et de sa tranquillité relative. Tout en remontant vivement le chemin enneigé qui menait aux portes de Poudlard, Severus eu un mauvais pressentiment. Quelque chose de louche était en train de se passer, il en était persuadé. Levant les yeux vers le château il aperçut, grâce à la lumière diffusée par la lune, une silhouette en haut de la tour d'Astronomie. Cette dernière avait les cheveux longs qui volaient au gré des violentes rafales de vent, habituelles en ce mois de décembre. Persuadé que c'était une élève, il fronça les sourcils. Qu'est-ce qu'une élève venait faire en haut de la tour d'Astronomie à une heure aussi avancée de la nuit et par un temps pareil, contournant ainsi plusieurs règles de l'école ? Puis, la silhouette recula et il ne vit plus personne. Il se dit que la jeune fille devait être partie se coucher, mais il garda quand même les yeux fixés sur le haut de la tour, tout en reprenant sa marche vers le château. Mais la silhouette réapparut, et cette fois, passa par-dessus la rambarde. Severus retint son souffle et écarquilla les yeux. Non, personne n'aurait l'idée de faire ça. Pourquoi d'ailleurs ? Tous les élèves de Poudlard étaient choyés et dorlotés par leurs parents, la Directrice, les professeurs, les elfes de maison, l'infirmière. Aucun d'eux n'avait à se plaindre. Alors pourquoi quelqu'un voudrait … se suicider ? Alors il vit la silhouette lâcher prise, et se précipiter dans le vide.
Hermione souffla un bon coup et, fermant les yeux, lâcha la rambarde et se pencha un peu plus en avant. Elle sentit la gravité emporter son corps vers le sol, des dizaines de mètres plus bas. Sans s'en rendre compte elle sourit, alors que des larmes coulaient de ses yeux hermétiquement fermés.
Sans vraiment réfléchir, Severus lâcha tout ce qui se trouvait dans ses mains et attrapa sa baguette. Tout en courant vers la tour d'Astronomie, il pointa sa baguette sur le corps qui se rapprochait dangereusement du sol et cria « Aresto Momentum », stoppant ainsi la chute de cette personne désespérément attirée par la mort. Sa baguette toujours pointée devant lui pour maintenir le corps en l'air, il couru jusqu'au bas de la tour d'Astronomie et finit de faire descendre le corps de la jeune fille. Il la déposa délicatement sur le sol, pestant intérieurement contre cette élève qui se croyait tellement désespérée qu'elle s'était sentie obligée d'essayer de mettre fin à ses jours. Les jeunes n'étaient que des égoïstes pensant que la vie est trop injuste et s'acharne sur eux. Il retourna le corps et ne put empêcher la surprise de venir envahir son visage.
Hermione s'était sentie tomber à une vitesse vertigineuse, puis tout s'était arrêté. Elle ne se sentait pas différente d'avant, et n'osait pas ouvrir les yeux. Alors c'était donc ça la mort ? Elle était déçue. Si rien ne changeait après notre mort, comment pourrions-nous avoir un peu de repos en ce monde ? Son cerveau pédalait tout seul, allant contre son envie de ne plus rien entendre de ses pensées. Mais soudain, elle sentit la neige froide entrer en contact avec son corps. Quoi ? La neige ? Elle était donc encore en vie ? Mais comment était-ce possible ? Ses larmes redoublèrent, cependant qu'elle restait immobile dans le neige, ne voulant pas croire à un nouveau malheur dans sa vie. Hermione entendit des pas faire crisser la neige non loin de là puis se stopper à ses côtés. Une onde magique l'enveloppa et elle sentit qu'on la retournait. Elle ne voulait toujours pas ouvrir les yeux. Elle ne voulait pas voir qui avait pensé bon de la sauver. Alors elle resta immobile.
Hermione Granger. Le corps devant lui était celui d'Hermione Granger. Par Merlin mais pourquoi tenter un acte aussi fou alors qu'elle et ses amis avaient remporté la guerre et qu'ils vivaient maintenant paisiblement ? Voyant que son élève ne bougeait pas, il s'agenouilla à ses côtés. Alors elle ouvrit les yeux. Il put voir dans ces yeux noisette de la tristesse, non, du désespoir, et une grande souffrance. Lui qui ne ressentait jamais rien éprouva aussitôt de la pitié pour cette jeune femme délaissée et triste. Il se rendit compte qu'elle n'était pas habillée pour sortir dans la neige et qu'elle grelottait de froid. Ses lèvres devenaient bleues à mesure que les secondes passaient. Il défit sa cape et, tout en soulevant son élève, l'enroula dans le vêtement. Pendant qu'il faisait cela, elle n'avait pas détourné les yeux de son visage. Sans un mot, il lança un Accio pour récupérer les affaires qu'il avait laissé tomber dans la précipitation, puis quand elles arrivèrent, les fit léviter derrière lui. Ensuite il passa une main dans le dos d'Hermione, l'autre sous ses genoux, et la souleva délicatement.
Quand elle ouvrit les yeux, elle retint un cri de surprise. Elle s'était attendue à n'importe qui, mais pas à son professeur de Potions. Elle gardait les yeux fixés sur lui tandis qu'il l'emmitouflait dans sa propre cape. Sa cape à lui. Quelle idée. Jamais elle n'aurait cru une telle chose possible. Le professeur Rogue capable de douceur. Non, elle devait rêver. Alors lorsqu'il la prit dans ses bras, elle pensa qu'elle était définitivement endormie et en train de rêver. Non, c'était impossible, et pourtant … Elle déposa sa tête contre le torse de Severus Rogue, fatiguée. Et en soupirant, elle se demanda où il comptait l'emmener. A l'infirmerie ? Non, surtout pas, il ne fallait pas que les autres soient au courant de quoi que ce soit !
« Professeur ? s'entendit-elle gémir
- Hmmm … ?
- Où m'emmenez-vous ?
- A votre avis ?
- Infirmerie ?
- En effet.
- Non. S'il-vous-plait. »
Severus Rogue s'arrêta en plein milieu du Grand Hall et baissa la tête vers son élève, un sourcil levé.
« Si vous m'emmenez à l'infirmerie, mes amis sauront ce que j'ai voulu faire.
- Et ?
- Ils n'ont pas besoin de s'inquiéter pour moi.
- De toute évidence si, sinon vous n'auriez pas tenté un acte aussi désespéré qu'égoïste.
- Ne jugez pas. Laissez-moi là.
- Bien sûr, je vais vous laisser seule ici pour que vous puissiez retourner dans la tour d'Astronomie. Me prenez-vous pour un imbécile Miss Granger ? Je vous mène à l'infirmerie et pas de négociations possibles.
- Dans ma salle commune alors ?
- J'ai dit pas de négociations. »
Ce qu'elle pouvait être têtue. Elle venait d'essayer de se suicider, et non, il fallait encore qu'elle pose ses conditions. Son état ne laissait aucun doute sur le fait qu'elle avait besoin d'aide. Severus monta donc jusqu'à l'infirmerie sans prêter attention aux faibles contestations de la jeune fille. Quand ils y entrèrent, il put constater qu'aucun élève ne s'y trouvait. Heureusement d'ailleurs, car jamais Granger ne lui aurait pardonné le fait d'être vue dans cet état par un élève. Quoi ? Le pardonner ? Mais qu'est-ce que ça aurait pu lui faire qu'elle lui en veuille ou pas ? Il la déposa sur le lit le plus proche, et tout en lui disant de ne pas bouger, se dirigea vers le fond de la salle pour aller chercher Mme Pomfresh, qui devait sûrement dormir profondément à cette heure-ci. Avant de rentrer dans le bureau de l'infirmière, il jeta un regard à la jeune fille, qui semblait déjà sombrer dans le sommeil. Severus entra dans le bureau puis se dirigea vers une autre porte, sur sa droite. Il toqua d'abord doucement, puis plus fort, car l'infirmière ne répondait pas. Au bout de quelques minutes, il vit la porte s'ouvrir sur une Mme Pomfresh totalement endormie.
« Dépêchez-vous, on a besoin de vous à côté.
- Severus ? Que faites-vous là ?
- J'ai trouvé Miss Granger qui avait tenté de mettre fin à ses jours en bas de la tour d'Astronomie.
- Vous avez trouvé … Quoi ?!
- Vous avez très bien compris. Elle va bien physiquement, même si je pense qu'elle est presque en hypothermie. Mais moralement, il va lui falloir quelque chose.
- J'arrive tout de suite. »
L'infirmière rentra dans ses appartements pour en sortir presque immédiatement, réveillée. Elle passa devant Severus Rogue et entra dans l'infirmerie. Mais elle se stoppa net après avoir passé la porte, puis se retourna vers le maître des Potions, incrédule.
« Où est-elle ?
- Dans le lit là … Par Merlin, où est-elle passée ?! »
Severus se précipita hors de l'infirmerie, persuadé que son élève allait réitérer sa bêtise.
Dès qu'il fut rentré dans le bureau de Mme Pomfresh, elle se dépêcha de se lever, et de sortir de l'infirmerie. Ce n'était pas parce qu'elle était fatiguée et chamboulée qu'elle ne pouvait pas réfléchir et bouger. Elle était Hermione Granger après tout. Alors elle était sortie de l'infirmerie et s'était dirigée à son rythme vers la salle commune de Gryffondor, se tenant aux murs, incapable de marcher droit. Sa tête semblait être sur le point d'exploser, sa gorge nouée par les larmes lui faisait mal, et ses yeux brûlaient. Elle se sentait trembler sous la cape pourtant épaisse de son professeur de potions. Finalement, peut-être aurait-elle dû rester à l'infirmerie … Après d'énormes efforts et de longues minutes, elle arriva enfin devant le tableau de la Grosse Dame, vide. Pourquoi tout le monde se liguait contre elle ? Totalement désespérée, seule et émotionnellement perdue, elle se laissa glisser le long d'un mur, et s'endormit en pleurant, blottie dans la cape de Severus Rogue.
Il couru jusqu'en haut de la tour d'Astronomie, inquiet. Oui, lui, Severus Rogue, était inquiet. Il n'avait jamais vu Hermione Granger dans un tel état, et c'était cela qui l'inquiétait. Ses yeux vides, ses larmes, son visage tiré par la tristesse, tout cela l'inquiétait. Arrivé à l'endroit où la jeune fille avait voulu mettre fin à ses jours, il put constater qu'elle ne s'y trouvait, à son grand soulagement, pas. Mais alors où pouvait-elle bien être ? De plus en plus inquiet, il redescendit en courant, puis s'arrêta pour réfléchir une minute. Elle lui avait demandé de ne pas l'amener à l'infirmerie. Qu'avait-elle dit d'autre ? De la laisser dans le Hall. Il avait refusé, ça lui avait paru logique. Ensuite, elle lui avait demandé d'aller la déposer dans sa salle commune, pour ne pas que ses amis se fassent du souci. Peut-être y était-elle allée ? Il l'espérait. Reprenant sa course, il se dirigea vers la salle commune des Gryffondor, sans vraiment faire attention à la route qu'il empruntait. Ses pieds le conduisait d'eux-mêmes où il voulait aller, tandis que son cerveau réfléchissait aux autres endroits dans lesquels Hermione aurait pu se rendre. Quand il vit le portrait de la Grosse Dame, il se stoppa net. Le tableau était vide, et devant une petite silhouette entourée d'une cape noire était recroquevillée et visiblement endormie. Severus s'avança silencieusement jusqu'à son élève, puis s'accroupit à côté d'elle. Ses genoux craquèrent et le bruit se répercuta dans l'immensité du château, faisant sursauter Hermione dont le sommeil était extrêmement léger. Elle leva vers lui un regard vitreux. Fronçant les sourcils, le maître des potions tendit la main et la posa sur le front de la jeune fille. Constatant qu'elle était brûlante de fièvre, il la reprit dans ses bras, et malgré ses protestations de plus en plus faibles et silencieuses, Severus emmena une nouvelle fois Hermione à l'infirmerie.
