Chapitre 1 Reconstruction
Ryo regardait l'Arcadia quitter la base de retrait lorsqu'il reçut un appel du vaisseau-cité. L'appel qu'il redoutait le plus au monde. Il appuya sur le commutateur, l'image de Nynna s'afficha alors sur l'écran géant des communications. Elle regarda son fiancé. Il était si pâle et si triste. Tout ceci ne présageait rien de bon.
- A te voir, on ne dirait pas que l'on a gagné, remarqua-t-elle, amère.
- Disons que la victoire nous a coûté cher, avoua-t-il.
- Les vaisseaux ? Espéra Nynna craignant d'apprendre une terrible nouvelle. Pas tous les équipages quand même ?
Ryo baissa la tête et piétina un peu la moquette. Il fallait pourtant qu'il l'annonce à sa future épouse.
- Ellie, révéla-t-il dans un souffle sans cesser de regarder le sol.
- Non, ce n'est pas..., protesta Nynna alors que ses larmes commençaient à couler. Pas elle ! Pas Ellie. Ce n'est pas possible !
- Je suis désolé, ma chérie, s'excusa Ryo réellement désolé par cette terrible nouvelle.
Nynna fondit en larmes. Elle n'arrivait pas à croire à la mort de sa meilleure amie. Tout cela ressemblait à un cauchemar. Elle entendit les jumeaux gazouiller et se tourna vers eux. Elle devait se ressaisir, se montrer forte, Ellie lui avait confié ses enfants, ce qu'elle avait de plus précieux. Elle essuya ses larmes.
- Et Harlock ?
- Je ne pense pas qu'il lui survivra. Il a perdu son fils et Ellie ne s'en sortira peut-être pas.
- Attends, tu m'as dis qu'elle était morte !
- C'est tout comme. Les médecins n'avaient plus d'espoir alors j'ai essayé d'utiliser sur elle des nanos programmées pour réparer les graves lésions internes mais je ne me berce pas d'illusions.
- Le vaisseau-cité sera bientôt là. Il faut que je la voie.
- C'est impossible, Harlock l'a emmenée.
- Parce qu'il espère la sauver ! Peut-être que les médecins étaient trop défaitistes et qu'il y a de l'espoir ! Souhaita Nynna.
Ryo leva la tête et regarda Nynna dans les yeux. Les illusions de la jeune femme s'envolèrent en voyant la tristesse de son futur époux. Elle attendit qu'il se décide enfin à exprimer sa pensée.
- Il est parti sans son équipage. Il est parti juste avec Ellie, indiqua-t-il.
- Il ne peut pas faire ça ! S'exclama Nynna en pleurant à nouveau en comprenant qu'Harlock avait décidé d'accompagner Ellie dans son dernier voyage. Il a des enfants ! Ses jumeaux ont besoin de lui ! Il faut le ramener !
- Je ne sais pas où il est parti mon amour, je suis désolé, s'excusa Ryo tristement
Nynna ne pouvait s'arrêter de pleurer et Ryo enrageait. La femme qu'il aimait souffrait et il ne pouvait même pas la prendre dans ses bras pour la soutenir.
- Il faut que tu sois forte Nynna. Pense aux petits. J'ai hâte de pouvoir te prendre dans mes bras.
- Je vais essayer. Je dois te laisser, tu as sûrement beaucoup de travail qui t'attends. Fais attention à toi et reposes toi un peu ta pâleur me fait peur mon amour, souhaita-t-elle en essuyant ses larmes.
La communication fut coupée et il alla se servir un verre d'alcool qu'il but d'un trait avant de s'en resservir un deuxième. Il visionna à nouveau le film du départ de l'Arcadia jusqu'à ce que celui-ci mette en route son bouclier de camouflage.
- Il faut que vous reveniez tous les deux ! Ordonna-t-il à haute voix en regardant l'Arcadia. Je vous interdits de mourir !
Il reçut un nouvel appel provenant cette fois-ci du Victoire et l'image de Yattaran apparut à l'écran
- Dis-moi Ryo, qu'est-ce qu'on fait pour la Terre ? Il faudrait commencer à l'inspecter pour retrouver les Mazones qui nous ont aidés et les mettre en sécurité, proposa-t-il.
- Le barrage ne suffit pas ? S'étonna Ryo.
- Tu avais dit que c'était une solution temporaire et cela fait quinze jours. Et il y a des centaines de vaisseaux qui se dirigent vers nous. Je ne peux pas leur tirer dessus !
- Ils seront près de la Terre dans combien de temps ?
Ces expéditions punitives depuis une quinzaine de jours se multipliaient. Auparavant le Victoire avait réussi à faire rentrer les revanchards chez eux en leur tirant quelques coups de semonces mais désormais le bluff ne fonctionnait plus et ce n'était plus qu'une question de temps avant que les Mazones encore présents sur Terre ne soient massacrés. Il fallait faire vite.
- Vingt-quatre heures au mieux.
- Tu vas faire survoler la Terre à basse altitude par le Liberté et le Victoire. Vous allez lancer un message codé avec le système réservé aux Mazones qui nous ont aidés et tu vas leur donner rendez-vous au nord de la capitale. Tu les emmèneras à bord des deux vaisseaux.
- C'est bien beau, mais il y en a combien ? S'inquiéta le premier lieutenant de l'Arcadia.
- Je ne sais pas, environ un millier je crois.
- On devrait y arriver s'il n'y a pas de resquilleur.
- Il me semblait que tu avais vu des centaines de vaisseaux décoller de la Terre après la bataille ? S'étonna Ryo.
- Oui mais il y avait combien de Mazones sur Terre à la base ? En plus tu m'as interdits de les descendre.
- Je sais. J'ai peut-être eu tort. Mais des centaines de vaisseaux cela ne fait pas beaucoup de monde.
- C'est suffisant pour refaire une armée et le temps n'a pas de prise sur les Mazones. Il faut retrouver Sylvidra pour se débarrasser définitivement du problème.
- Je sais. Ecoute, les Mazones jugés défaillants ont tous un symbole tatoué sur la peau. Il ne peut-être falsifié car l'encre est spéciale, on peut voir le tatouage briller dans le noir. Donc tout ce que tu as à faire...
- Contrôler les tatouages, pigé ! Le coupa Yattaran. Et pour les autres ?
La question était cruciale et cruelle. Ryo n'était pas un dictateur ni un monstre sanguinaire, il ne pouvait envisager d'ordonner la mise à mort des Mazones. Plus le temps passait plus Harlock lui manquait. Il aurait bien eu besoin de ses conseils pour les temps à venir.
- Laisse-les.
- Et je laisse les autres s'approcher ? Tu sais ce qu'ils vont faire ?
Ryo se laissa tomber sur le siège de son bureau et prit sa tête entre ses mains. Il ne pouvait pas les laisser se faire massacrer mais en même temps s'il les laissait partir et que les Mazones rejoignaient Sylvidra, il serait confronté à une nouvelle guerre tôt ou tard. Harlock avait laissé Sylvidra partir avec son peuple en espérant qu'elle accepterait sa défaite la première fois et cette décision lui avait coûté cher à lui et au reste de l'humanité.
- Ryo ? Insista Yattaran
- Que ferait Harlock ?
- Aucune idée.
- J'aurais vraiment besoin de lui maintenant ! Se désola Ryo.
- Ecoute je vais m'occuper des Mazones qui nous ont aidés et on avisera plus tard, ça te va ?
Ryo accepta et Yattaran coupa la communication. Il ordonna aux deux vaisseaux de descendre et fit enregistrer un message codé qu'il fit diffuser sur la planète en ondes courtes. Les deux vaisseaux se répartirent la tâche, chacun se chargeant d'un hémisphère.
Plusieurs heures plus tard, ils se retrouvèrent au-dessus de la capitale et Yattaran put voir que le message avait bien été entendu. Il fit scanner les lieux pour repérer d'éventuels pièges puis les deux vaisseaux se posèrent. Plusieurs soldats descendirent et commencèrent à faire embarquer les anciens esclaves de Sylvidra en vérifiant leur tatouage. Etrangement il n'y eut aucun resquilleur et ils partirent quatre heures plus tard.
Ce fut pendant l'ascension que Yattaran comprit pourquoi tout s'était passé calmement, un vaisseau de guerre sortit du sol en détruisant le palais de Sylvidra. Les Mazones avaient fait partir les civils mais les soldats étaient restés pour en découdre avec les rebelles et leur faire payer leur révolte. Les officiers artilleurs préparèrent les canons et la lutte commença. Même en évitant la plupart des tirs les boucliers étaient soumis à rude épreuve et les soldats de l'autre camp savaient se défendre. Yattaran fit scanner l'appareil ennemi et trouva un point faible.
- Concentrez les tirs à quarante-trois degrés bâbord ! Ordonna-t-il.
Le bouclier du vaisseau ennemi faiblit et reçut plusieurs coups qui détruisirent la salle des machines. Yattaran prit la décision d'en finir et acheva le vaisseau de plusieurs salves. L'appareil explosa envoyant aux quatre vents les matériaux qui le constituaient. Pendant toute l'opération Yattaran gardait un œil dans sa soute et fut surpris par le calme des Mazones esclaves. Ils n'avaient pas réagi, ils avaient sagement attendu la fin des combats. Ce calme était inquiétant et le lieutenant de l'Arcadia se demanda si ses gens pourraient survivre seuls. Ils semblaient vraiment beaucoup trop pacifiques et trop gentils. Ce qui en soit n'était pas un défaut mais dans un milieu hostile comme l'espace cela pourrait s'avérer dangereux pour eux. Il soupira en se grattant la tête et regarda les vaisseaux provenant de la population du Consortium révolté se ruer vers la Terre dans le but de massacrer des Mazones. Yattaran se doutait que cela finirait comme cela. Ce n'était qu'une question de temps avant que des pillards et des personnes en colère ne viennent se venger sur les Mazones survivantes. Il fut soulagé d'avoir pu récupérer toutes les Mazones pacifiques. Désormais, il avait un autre problème à régler. Il ne savait pas où les installer. Il ne pouvait les emmener sur aucune planète et une solution de fortune s'imposa à lui. Il indiqua la fréquence et les codes de l'îlot à l'officier des communications puis il ordonna de cacher l'îlot dans la ceinture d'astéroïdes qui se trouvait juste derrière Mars.
Les deux vaisseaux prirent la même direction, ils suivaient le signal de la balise de l'îlot. Arrivé à proximité, Yattaran entra les codes d'accès et les vaisseaux accostèrent sur les quais en bord de mer. Il autorisa les Mazones à descendre et les autorisa à s'installer sur la plage. Il verrouilla les installations ainsi que le laboratoire puis il prévint Ryo qui leur avait trouvé cet abri temporaire mais qu'il était temps de trouver une solution. Du haut de la tour du laboratoire, il les observa à travers la baie vitrée. Les Mazones hommes et femmes jouaient joyeusement dans l'eau et sur le sable sans se douter de la menace qui planait au-dessus de leurs têtes.
Alors que le Victoire et le Liberté quittaient l'orbite de la Terre, le calme était revenu dans la capitale déserte. Le laboratoire, vidé de ses scientifiques depuis longtemps, continuait de sauvegarder la vie de Mélina. Celle-ci depuis quelques jours bougeait dans son liquide protecteur comme un enfant dans le ventre de sa mère. Elle se sentait bien. Au chaud, elle pensait à Kurt et se dit qu'il fallait qu'elle se réveille pour le rejoindre pour qu'ils puissent faire leur fameuse croisière en amoureux.
Soudain une douleur lui tenailla le ventre. C'était comme des spasmes, comme si son corps avait besoin d'expulser quelque chose de toute urgence. Elle ouvrit les yeux et regarda. Elle voyait à travers un liquide ambré. Elle agita les bras ainsi que les jambes et se rendit compte que le tube dans lequel elle se trouvait était immense. La panique commença à la gagner et une nouvelle crise la fit se tenir le ventre qu'elle trouva rond, très rond, trop rond. Elle sentit sous ses doigts quelque chose à l'intérieur d'elle qui se manifestait. Elle devait sortir de là de toute urgence. Elle s'efforça de remonter à la surface et lorsqu'elle sentit le vent léger généré par la climatisation sur une de ses mains, elle comprit qu'elle était sauvée. Elle poussa une dernière fois sur ses jambes et se retrouva à la surface. Elle toucha ses lèvres et sentit sous la paume de sa main le tube qui l'aidait à respirer. Elle avait bien senti une gêne dans sa gorge. Il fallait qu'elle le retire de toute urgence. Elle retira le scotch qui le maintenait en place et commença à le retirer tout en toussant de toutes ses forces. Lorsque sa gorge fut enfin libérée, un cri de douleur brisa le silence des lieux et elle respira bruyamment pendant plusieurs minutes alors qu'une nouvelle contraction lui déchirait les entrailles. Elle se hissa péniblement hors du tube puis se glissa le long de celui-ci. Elle se laissa tomber lourdement sur le sol. Elle tint son ventre lorsqu'une nouvelle contraction se manifesta. Elle ne savait pas où elle était, ni depuis quand elle était là. Tout ce qu'elle savait c'était qu'elle allait accoucher d'un moment à l'autre.
- Au secours ! Hurla-t-elle à plein poumon. Aidez-moi !
Il n'y eut que l'écho pour lui répondre. Elle était seule. Elle essaya de se rappeler. Elle n'arrivait plus à se souvenir des événements récents et elle essaya de raviver ses souvenirs. Certains émergèrent dans le brouillard de sa mémoire malmenée par presque huit mois de coma. Elle se rappela qu'elle et Kurt essayaient depuis longtemps de faire un bébé puis elle se rappela du test de grossesse positif mais rien d'autre. Elle allait devoir mettre au monde cet enfant toute seule. Elle réfléchit quelques minutes puis une nouvelle contraction lui arracha un hurlement de douleur. Comment allait-elle savoir lorsqu'elle devrait pousser ? Elle ne savait pas si elle aurait la force mais elle devait se lever et trouver du matériel médical. Elle réussit à se mettre sur ses jambes et ce fut difficilement qu'elle quitta la salle pour circuler dans le couloir.
Elle avançait péniblement appuyée contre le mur. Elle arriva dans une salle et trouva un lit d'hôpital. Il lui fallait trouver un miroir assez grand. Elle en découvrit un dans les vestiaires. Elle le prit et l'amena dans la salle où se trouvait le lit. Elle releva le dossier du lit et se coucha péniblement dessus. Elle écarta les jambes au maximum et observa dans la glace l'écartement du col de l'utérus, essayant de le voir de le sentir un peu sous ses doigts. La panique la gagnait, il fallait qu'elle se calme très vite sans quoi elle risquait de perdre le bébé que Kurt lui avait donné. Elle respira profondément, tentant de calmer le rythme emballé de son cœur. Les contractions étaient de plus en plus fréquentes et elle se dit qu'elle n'avait plus le choix, il fallait qu'elle pousse en espérant que son col était suffisamment dilaté. Après une nouvelle contraction, elle poussa de toutes ses forces. Elle sentit son cœur s'emballer sous l'effort et fut contrainte de s'arrêter pour reprendre son souffle. Elle se remit à pousser en suivant le rythme des contractions. Grâce à la glace elle aperçut la tête de son bébé qui était entièrement sortie. Elle sourit en se disant qu'il fallait encore qu'elle fasse un petit effort et qu'elle pourrait prendre son fils dans ses bras. Une nouvelle contraction arriva et elle reprit ses efforts. Au dernier moment, alors qu'elle terminait de pousser, elle se pencha au maximum en avant et put saisir son enfant dans ses bras. Il pleura immédiatement et Mélina en fit autant mais pas pour les mêmes raisons. Elle était ivre de joie.
Son petit garçon était magnifique et elle le serra contre elle. Elle prit des ciseaux chirurgicaux qu'elle avait posés près d'elle. Elle coupa le cordon ombilical. Elle devait encore pousser pour se débarrasser du placenta et elle le fit en gardant son fils dans ses bras. Elle sentit une violente douleur au moment où celui-ci se décrochait et fut en larmes en voyant la masse sanguinolente enfin glisser sur le sol. La douleur se calma et elle reprit son souffle. Elle prit une serviette pour emmailloter son fils et elle attendit. Elle devait se reposer un peu. Elle ne ressentait pas le besoin de dormir mais elle une fatigue physique très importante était bel et bien présente. Elle respira profondément.
Elle se reposa quelques heures en regardant son fils serré contre elle, en admirant ses tout petits doigts et ses toutes petites oreilles et ses cheveux noirs. Elle était heureuse. L'enfant que lui avait donné Kurt Wilson était magnifique et en bonne santé. Une fois un peu remise de son accouchement, elle se releva et retourna dans les vestiaires pour y trouver des vêtements. Elle en trouva une armoire ouverte avec des vêtements d'hôpitaux à l'intérieur. Elle posa une petite couverture au sol et y allongea son fils. Elle s'habilla le plus rapidement possible puis elle reprit son enfant et sortit du laboratoire. Le soleil se couchait sur la capitale de Gaia sur Terre. Le ciel rougeoyant lui fit un peu mal aux yeux. Elle attendit que sa vue s'acclimate puis elle reconnut au loin des bâtiments qui portaient l'emblème de Gaia.
- Je suis sur Terre, comprit-elle abasourdie. Comment ai-je pu me retrouver ici ?
Elle avança et se retrouva près d'une route déserte qu'elle suivit ne sachant où cela la mènerait. Elle arriva au centre-ville de la capitale et vit les ruines du palais de la reine. Pendant son trajet elle avait remarqué les véhicules ainsi que les bâtiments quittés à la hâte, certains d'entre eux étaient complètement détruits comme la tour de commandement de la base militaire qui n'avait plus de dernier étage. Elle n'arrivait pas à comprendre ce qui avait bien pu se passer. Il n'y avait plus aucun habitant et la peur commençait à la gagner. Elle vit alors surgir de derrière un building un vaisseau qui se posa devant elle. Elle resta figée par la terreur en serrant son fils dans ses bras. La porte s'ouvrit et des hommes armés jaillirent des entrailles d'acier de l'appareil. Ils se précipitèrent vers elle et l'encerclèrent.
- Qui êtes-vous ? Hurla-t-elle. Qu'est-ce que vous me voulez ?
- Regardez ce que l'on a trouvé les gars, une Mazone ! Se réjouit un des hommes en riant grassement.
- Je ne suis pas une Mazone ! Se défendit Mélina
- Les Mazones blondes cela n'existe pas, raisonna un autre.
- Les cheveux ça se décolorent, indiqua une femme qui s'apprêtait à la rejoindre.
- Mais attendez, je la reconnais, révéla l'homme qui était à la droite de la journaliste. C'est Mélina Church la présentatrice de Trash TV.
- Tiens c'est vrai. Sans son maquillage et ses jolies fringues je ne l'avais pas reconnue, se moqua le premier homme. Vous êtes venue faire un reportage ?
- Oui, affirma-t-elle en se disant que c'était sa seule chance de s'en sortir.
- A qui il est, ce gosse ? L'interrogea la femme.
- C'est mon fils !
- Bizarre, on dirait qu'il vient juste d'être pondu ! Il n'est pas vieux celui-là ! Soutint l'homme en s'approchant.
L'homme regarda attentivement l'enfant puis son visage se durcit
- Il est vraiment à vous ? S'enquit-il soupçonneux.
- Oui ! Affirma Mélina avec fermeté.
- Regarde-le Tina ! On dirait un gosse Mazone.
- Mais qu'est-ce que vous racontez c'est mon fils ! S'indigna Mélina au bord des larmes.
La femme s'approcha. Elle regarda l'enfant puis Mélina. Elle observa la jeune femme attentivement puis ordonna aux hommes de la laisser seule avec la journaliste. Elle caressa la tête du nourrisson.
- Comment avez-vous accouché ? S'enquit-elle d'une voix douce.
- Pardon ?
- Il est évident que ce bébé n'a pas plus de quelques heures, de plus vous êtes très pâle et mal en point.
- J'ai accouché seule, révéla Mélina alors qu'une larme coulait sur sa joue.
- Vous avez eu une liaison avec un mâle Mazone ?
- Bien sûr que non !
- Alors qui est le père ?
- Je l'ai fait avec Kurt Wilson, avoua Mélina.
La femme regarda les hommes qui étaient retournés près du vaisseau.
- Vous ne saviez pas que Kurt Wilson était à moitié Mazone ? S'étonna la femme
- Mais qu'est-ce que vous racontez ? S'offusqua Mélina
Puis réalisant la situation
- Pourquoi dites-vous était ? L'interrogea-t-elle en pâlissant.
- Mais de quelle planète vous débarquez ? S'étonna Tina. Il est mort il y a huit mois maintenant !
Mélina pâlit brusquement puis s'évanouit. Tina dû attraper la maman et le bébé avant leur chute. Elle fit signe aux hommes de venir et ils emmenèrent la journaliste avec son enfant loin de la Terre.
Cela faisait maintenant trois mois que l'Arcadia avait quitté le Consortium pour une destination inconnue. Pour éviter une guerre civile, Ryo et plusieurs membres de la Résistance créèrent un gouvernement provisoire chargé de la politique pour remplacer le Consortium. Aussi étrange que cela pouvait paraître, il n'y eut pas vraiment de vraie purge. Beaucoup de personnes bien placées qui avaient bénéficiées des faveurs des politiciens corrompus disposaient d'autres appuis pour ne pas être soumis à la vindicte populaire.
Ryo, à contrecœur devint chef du gouvernement et le général Martin accepta de s'occuper de l'Armée. Par chance, le jeune informaticien disposait des conseils avisés des membres d'équipage de l'Arcadia qui connaissaient beaucoup de choses sur l'hypocrisie des gens et leur manque de reconnaissance.
Plusieurs groupes de pressions ne tardèrent pas à se former et Ryo dû faire face à une véritable coalition. Il y eut des élections pour créer une assemblée représentative des différentes planètes, chaque planète disposant d'un certain nombre de députés en fonction de sa population. La première planète à avoir fait pression fut Flora, pour ses dirigeantes il était hors de question que leur système de gouvernement change et que les hommes soient acceptés sur celle-ci. Ryo dû s'incliner car les représentantes de la planète disposaient du soutien d'un autre groupe de pression constitué d'une bonne partie des élus. Les aristocrates avaient réussis à se faire élire sur beaucoup de planètes et commençaient à remettre en place sur celles-ci un ancien système de gouvernement.
Ryo voyait cela d'un très mauvais œil. Non seulement le système politique mis en place était un retour en arrière mais de plus il savait de quelle manière ses gens avaient réussi à garder leur position et à s'enrichir. Pour être sûrs de ne pas être inquiétés par une éventuelle enquête après la chute du Consortium, ils s'étaient empressés de manipuler l'opinion publique pour se faire élire. Et ce fut ainsi que plusieurs planètes se transformèrent en duchés et comtés au service de sa très gracieuse majesté Von Kiel, descendant d'un des derniers princes allemands.
Pour Ryo, tout ceci lui était étranger. Il ne connaissait rien au système aristocratique et cela ne l'intéressait pas. Il regardait affligé la situation basculer en faveur de ce mouvement qui risquait de faire voler en éclat ce qui restait du système démocratique qu'il s'efforçait de mettre en place désespérément. Il en était réduit à présenter une requête à l'assemblée pour obtenir l'ouverture d'une enquête officielle pour traquer les criminels de guerre. La riposte ne se fit pas attendre et au moment où il allait s'asseoir à la place réservée au gouvernement au seuil de l'assemblée, le duc de Palas monta en tribune.
- Mes amis, cette enquête serait une perte d'argent et de temps. Elle entraînerait au sein même des planètes que nous représentons des luttes fratricides et des actes de délations gratuites qui risqueraient de jeter l'opprobre sur des gens innocents ! Nous devons aller de l'avant ! Le peuple s'est déjà exprimé ! En tuant les politiciens corrompus dans un premier temps, puis, dans un second temps, en nous élisant pour que notre peuple aille de l'avant ! A quoi bon organiser une chasse aux sorcières maintenant ? L'ancien système s'est écroulé et il ne risque pas d'être réinstallé !
- Il va être remplacé par pire si ça continue, pensa Ryo en regardant le duc gesticuler sur l'estrade.
Il observa l'assemblée et le duc recevait l'assentiment de beaucoup de membres. Tout était en train de partir en vrille et une nouvelle dictature ne tarderait pas à être mise en place. Il se massa les tempes de lassitude.
« Harlock au secours ! Je t'en supplie, reviens ! J'ai besoin de toi ! Implora-t-il en silence »
La réunion politique se termina et les représentants quittèrent l'assemblée, il ne resta dans la salle que Nynna, le général Martin et Ryo.
- Est-ce qu'il y a une chance pour que ce soit accepté ? Souhaita tristement Ryo.
- C'est très serré, il faudrait qu'Amos accepte et ce serait bon mais je ne pense pas que les représentants de cette planète le feront. Amos a toujours été neutre et je ne pense pas qu'ils vont vouloir se mouiller, avança le général Martin.
- Est ce que vous avez des nouvelles de l'Arcadia ? S'enquit Ryo.
- Ryo, l'Arcadia a disparu corps et bien. Harlock est sûrement mort. Cela fait trois mois qu'il est parti avec Eliza Zone, il est probablement mort avec elle.
- Peut-être pas. Il a ses jumeaux, supposa Nynna avec espoir.
- Avec tous les coups qu'il s'est pris vous croyez vraiment qu'il avait le cerveau en état de marche quand il est parti ? S'étonna le général.
- Je garde espoir, affirma Ryo.
- Eh bien tu as tort mon garçon ! Soutint le général. Tu te feras une raison tôt ou tard.
Le regard de Nynna et de Ryo se croisa.
- Ecoutez les tourtereaux, vous devriez arrêter de repousser la date de votre mariage en espérant que vos amis vont revenir. En plus tu n'as pas tout perdu tu as les membres de l'Arcadia avec toi ! S'enthousiasma le général.
- Pour combien de temps ? Si le système qui se met en place devient pire que le précédent, ils partiront et reprendront leur vie de pirates ! Et je ne leur donnerai pas tort ! Est-ce que vous avez des nouvelles des Illumidas ?
- J'ai trouvé des bases mais ils sont étrangement calmes comme si ils attendaient la suite des événements.
- Ils ne sont pas cons ! Ils attendent que tout cela tourne en guerre civile pour venir jouer les arbitres !
- Il y a de fortes chances oui ! Affirma le général en riant.
- Et Sylvidra ?
- Rien du tout. Je n'arrive pas à trouver son vaisseau. Je pense que quand les choses ont mal tourné elle a dû prendre le risque de se rendre dans une zone inconnue des hommes.
- Peut-être pas inconnu de tous les hommes, proposa Nynna, Ellie m'a bien fait comprendre qu'Harlock avait pas mal bourlingué et qu'il connaissait des coins totalement ignorés de l'humanité.
- Je vous ai conseillé d'arrêter d'espérer, reprocha le général. Je serai le premier à me réjouir de voir ce vieux pirate revenir mais vu ce que vous m'avez dit, je crois qu'il en a trop vu et qu'il est fichu !
Après cet entretien qui l'avait complètement démoralisé, Ryo retourna à son bureau. Cela ne faisait que trois mois qu'il gouvernait et il avait l'impression que cela faisait dix années. Il trouvait cela usant, pénible et d'un certain côté écœurant avec toutes les magouilles et coalitions qu'il devait affronter chaque jour. Il regarda pensivement le plan d'architecte qu'il avait accroché au mur. Il adorait son plan, il représentait son rêve, l'académie militaire dont il rêvait depuis deux ans, depuis le fameux retour de l'Arcadia. Il regarda son bureau et soupira en voyant la pile de dossiers qui l'attendait. Il alla s'asseoir et ouvrit le premier lorsque l'on frappa à sa porte. Il autorisa la personne à entrer et vit le chargé de communication des représentants d'Amos entrer. Les deux hommes se saluèrent et le représentant d'Amos s'assit en face de Ryo.
- Alors quelle est la décision d'Amos ? S'enquit Ryo fatigué.
- On ne peut pas pour l'instant vous accorder cette requête.
- Vous, vous dégonflez, comprit Ryo.
- C'est un truc trop gros à mettre en place mais on peut vous accorder une chose.
- Laquelle ?
- L'interdiction à toutes personnes de changer de nom pour que, quand plus tard vous ferez cette enquête, les criminels ne puissent disparaître.
- Vous savez, les faux papiers ça existe ? Se moqua Ryo
- Il suffit de ficher l'ADN de la population.
- Je n'aime pas cette idée. Il y a du ressentiment dans la population. Il y a des personnes qui sont de la famille des criminels en question mais qui eux n'ont rien fait et qui commencent à être mis au banc de la société. Cela va créer une vraie poudrière
- Sans compter les anciens esclaves de Sylvidra que vous soutenez ! Lui rappela durement le politicien.
- Ils sont innocents !
- Des Mazones restent des Mazones mon garçon. Tôt ou tard les gens finiront par savoir où vous les planquez et ils les tueront ! Affirma-t-il sèchement.
Après avoir décollé de la base de retrait, Harlock avait emmené Ellie dans la cabine où elle vivait avec ses jumeaux. Il l'installa dans le lit à baldaquin et plaça les couvertures au dessus d'elle. Il resta plusieurs heures près de la jeune femme.
L'Arcadia volait sans but précis et Toshiro mis en route le bouclier de camouflage pour qu'ils puissent voguer tranquillement dans la mer d'étoiles. Il attendait que son ami se décide à lui donner une destination. Harlock retira sa cape et la posa sur le fauteuil. Il retira son ceinturon, le posa sur celle ci en gardant son cosmodragoon qu'il posa sur la table de chevet qui lui était réservé depuis qu'Ellie s'était installée dans cette cabine. Il l'embrassa tendrement sur la joue puis il alla voir l'ordinateur.
Face à face les deux amis ne parlaient pas. Toshiro dont l'âme pleurait face à la souffrance de son ami se contentait de naviguer. Il le sentait, Harlock était à bout. Cette épreuve était trop rude pour lui. Il savait que dès que le dernier battement de coeur d'Ellie signifierait le dernier du capitaine de l'Arcadia. L'ancien vaisseau pirate deviendrait un tombeau que l'ordinateur se chargerait de faire échouer dans une mer d'une planète quelconque. Harlock sourit tristement. Un bref instant, il avait cru à un avenir meilleur auprès de celle qu'il aimait puis il avait été obligé de faire des choix cruels qu'il regrettait amèrement. Il ne pourrait jamais s'excuser de la souffrance qu'il avait occasionnée à celle qu'il aimait. La vie lui semblait d'une cruauté sans borne. Ses poings se serrèrent. Des êtres comme Aristote Zone semblaient toujours s'en sortir le sort semblait s'acharner sur les personnes honnêtes, douces et gentilles comme Ellie. Il devait choisir un but à leur voyage. Il se rappela de ce dont son fils lui avait parlé.
- On va à Néo Terra, dans la nébuleuse du sablier ! Ordonna-t-il d'un voix résignée.
- Cela fait un long voyage que je ne peux faire qu'au ralenti avec les moteurs qui sont endommagés.
- Peu importe. Quoiqu'il advienne vas à Néo Terra.
- Très bien.
Harlock retourna près d'Ellie. La nuit venant il avala difficilement quelques fruits puis il rejoignit la jeune femme. Il se coucha près d'elle et la prit dans ses bras.
Ellie ne s'était rendue compte de rien. Elle avait sombré dans le noir total. Un noir si profond et si effrayant qu'elle restait repliée sur elle-même depuis un temps indéfinissable. Elle pensait à ses jumeaux, à l'amour de sa vie qui était loin d'elle. Elle avait besoin de lui, elle voulait être près de lui. Sa chaleur et sa douceur lui manquaient si cruellement. Il fallait qu'il vienne la chercher pour l'emmener loin d'ici, pour qu'il lui montre la sortie. Elle entendait quelqu'un l'appeler mais elle ne connaissait pas cette voix. Elle se boucha les oreilles, elle ne répondrait que si c'était le capitaine de l'Arcadia qui l'appelait et personne d'autre.
Le temps s'écoulait lentement et Ellie comprit qu'Harlock ne viendrait peut-être pas. Il était peut-être perdu. Il fallait qu'elle le retrouve. Elle se leva et se mit à courir droit devant elle. Elle n'avait pas peur de se blesser si cela la ramenait auprès de l'homme qu'elle aimait. Elle vit au loin une lumière et se précipita vers elle. Elle s'aperçut qu'il s'agissait d'une porte entrebâillée qu'elle poussa avec violence. Celle-ci se fracassa contre le mur et elle eut mal aux yeux.
- Eh bien Eliza en voilà des manières ! Cria sa mère glaciale. Veuillez vous excuser de vous présenter de cette façon devant votre père !
Ellie regarda autour d'elle, elle reconnaissait cet endroit c'était le boudoir de sa mère. Elle reconnaissait les tentures luxueuses bleu turquoise et les divans moelleux. Elle se vit alors dans un miroir. Elle portait une élégante petite robe rose et ses chevaux bouclés mi longs étaient soigneusement coiffés en anglaises élégantes qui retombaient sur ses épaules de petite fille. Elle avait l'air d'avoir neuf ans tout au plus.
- Allons jeune fille excusez-vous ! Intima sa mère sèchement.
Elle regarda vers l'endroit d'où provenait cette voix et reconnu sa mère qui était jeune et belle. Elle vit ensuite Aristote Zone. Elle fit une révérence devant celui-ci.
- Je vous prie de m'excuser père.
- Voilà qui est mieux ! C'est de la mauvaise graine Aristote ! Cette petite ne me crée que des problèmes ! Si avoir une fille n'était pas obligatoire sur Flora vous pouvez me croire que je ne me serai jamais donné la peine de mettre au monde ce petit monstre ! Affirma sa mère méchamment.
Ellie baissa la tête contrite. Sa mère était en colère et lorsqu'elle était dans cet état, tout était bon pour humilier l'objet de sa vindicte.
- Vous verrez très cher, elle tombera amoureuse d'un mauvais garçon qui la fera souffrir. Un homme mauvais voilà ce qui attend cette petite idiote, de la graine de pirate ou de brigand qui ne vaudra pas la corde pour le pendre !
- C'est faux ! Cria Ellie de toutes ses forces. Hans est un homme formidable et unique ! Vous n'avez pas le droit de parler de lui comme ça !
Sa mère se leva et lui administra une gifle magistrale. Ellie se tint la joue alors que ses larmes se mirent à couler sur son visage.
Elle se rappelait de cette histoire. Cela remontait a tellement loin. Bien sûr à l'époque elle ne connaissait pas le capitaine de l'Arcadia. Elle ne se rappelait plus de ce qu'elle avait répondu mais sa répartie lui avait valu la même gifle. Elle s'enfuit par la porte qui menait à la chambre de sa mère puis elle sortit de la maison en passant par le couloir puis par l'escalier principal. Elle courut à travers les jardins à toutes jambes, elle voulait s'éloigner au plus vite de cette mère qui n' l'aimait pas et de ce père indifférent, manipulateur et criminel. Elle passa le petit portillon qui séparait la propriété du verger. Elle courut à perdre haleine, le traversant à toute vitesse. Elle savait que la maison de sa nourrice n'était plus très loin. Elle vit Nadia, la cadette avec qui elle faisait de grandes expéditions d'exploration en pays inconnu à travers la campagne de Flora. Elle entra en courant pour aller se réfugier dans les bras de sa nourrice qui préparait une tarte pour ses enfants. Sophie regarda la petite pleurer sur son tablier de cuisine en lui caressant la tête avec tendresse.
- Allons ma petite Ellie, qu'est-ce qui t'arrive ?
- Je veux rester avec toi, je ne veux plus retourner auprès de ma mère, sanglota-t-elle. De toute façon, elle ne m'aime pas, je ne suis qu'une obligation pour elle.
- Allons, ma chérie, si je pouvais le faire je n'hésiterai pas une seconde mais ce n'est pas faisable. Et puis n'oublie pas que l'on va bientôt aller sur Mars, là-bas tu retrouveras Jonathan.
- Tu crois que tonton Victor voudra bien me regarder les histoires de pirates.
- Celles sur le capitaine Harlock ? Proposa Sophie en souriant. Il ne se fera pas prier tu sais qu'il en raffole de la grande épopée de l'Arcadia et de son équipage ne connaissant pas la peur et bravant tous les dangers de l'univers.
- Oui, la légende d'Harlock ! Approuva Ellie en cessant de pleurer et en souriant à sa nourrice.
- Ce n'est qu'un mythe ma chérie, un beau rêve, une légende, ne l'oublie pas, rappela Sophie en essuyant les larmes d'Ellie avec tendresse.
- Je peux aller jouer avec Nadia ?
- Bien sûr. Mais n'allez pas près de la rivière, c'est dangereux ! Prévint Sophie en criant alors qu'Ellie ressortait en courant.
Elle regarda par la fenêtre. Elle sourit en voyant les deux fillettes courir joyeusement sur les chemins de terre brune. Ses souvenirs étaient si forts. Ses joies d'enfant auprès de sa nourrice et de sa fille Nadia avaient réussi à la faire tenir toutes ses années. Les deux amies coururent le long du chemin et arrivèrent près de l'embranchement qui menait vers la rivière. Ellie pris la direction de celle-ci et Nadia tenta de la rappeler à l'ordre.
- Ellie, maman a dit qu'on ne devait pas aller par là.
- Il fait si chaud Nadia, on pourrait un peu se rafraîchir en baignant juste nos pieds ! Insista Ellie.
Nadia céda et elles allèrent toutes les deux près de la rivière. Elles retirèrent leurs chaussures puis s'assirent sur la berge. Elles trempèrent leur pied dans l'eau fraîche. Ellie était bien dans cet endroit. Cette rivière était si belle. Elle n'était pas très large, mais préservée de la pollution, l'eau était très pure et elle pouvait sentir les poissons glisser près de ses pieds. Les petites restèrent jusqu'au soir et au moment de partir Ellie regarda en amont de la rivière. Elle vit un homme au loin sur la berge. Une grande silhouette toute de noir vêtu et son cœur ivre de joie lui disait de courir vers cet homme. C'était lui, elle l'avait enfin retrouvé, l'homme de sa vie. Elle se mit à courir dans l'herbe douce de la berge vers cet homme si grand et si élégant.
- Hans ! Cria-t-elle.
L'homme se retourna. Il était jeune, la trentaine. Il lui ressemblait comme deux gouttes d'eaux. Il portait les mêmes vêtements que le capitaine de l'Arcadia. Il n'avait pas de traces sur le visage et ses yeux étaient intacts mais c'était lui, elle en était sûre. Mark sourit à Ellie et lui tendit les bras où elle s'engouffra avec joie.
- Je savais que je te retrouverai Hans ! Pleura-t-elle de joie
- Je suis venu pour te ramener Ellie, annonça Mark.
Les larmes de la petite fille qu'il serrait dans ses bras ne cessaient de couler. Il devait trouver le moyen de la ramener vers le capitaine de l'Arcadia. Il la serra contre lui.
- Tout ce qu'il faut Ellie, c'est que tu te concentres et que tu cherches en toi-même ce qui compte le plus à tes yeux, murmura-t-il en la soulevant de terre.
Ellie savait ce qu'elle voulait, ce qu'elle avait toujours voulu.
- Je veux mes jumeaux, je veux Hans ! Affirma-t-elle.
Mark sourit tristement. Une lumière blanche aveuglante envahi l'horizon , elle engloba le paysage. Elle fit mal aux yeux d'Ellie qui les ferma par réflexe. Lorsqu'elle les rouvrit Mark avait disparu. Elle sourit tristement. Elle avait pris Mark pour son père et s'était jetée dans ses bras sans se poser la moindre question. Elle se trouvait dans une pièce entièrement blanche et elle vit en face d'elle Kurt Wilson qui lui souriait avec douceur. Ellie observa ses bras et se toucha la poitrine. Elle avait retrouvé sa taille adulte.
- C'est vous qui m'avez fait venir ici ?
- Oui. Je n'ai eu qu'à envoyer Mark pour vous récupérer et vous êtes directement allé dans ses bras en pensant que c'étaient ceux d'Harlock. Cela a dû lui faire de la peine mais je pense qu'il a compris à présent la force des sentiments qui vous unissent au capitaine de l'Arcadia. Personnellement j'ai pu les constater lorsque vous étiez prête à vous battre contre moi pour m'empêcher de monter à bord.
- Qu'est-ce que vous me voulez ?
- Que vous viviez. Je veux que vous retourniez auprès de l'homme que vous aimez.
- Je ne pense pas que ce sera possible, objecta-t-elle.
- Parce qu'il vous a trompé avec Sylvidra ? S'étonna-t-il en riant. Si vous saviez la vérité, vous seriez surprise.
- Je sais qu'il a fait cela pour récupérer son fils et même si j'étais un peu en colère au début je lui ai pardonné.
- Un peu en colère ? Se moqua Kurt en souriant en se rappelant de la soupe à la tomate agrémentée de piment.
- Que voulez-vous, j'ai eu un moment de faiblesse, reconnut Ellie.
- Vous voulez voir votre avenir ?
- Mon avenir ?
- Oui, entourée de ceux que vous aimez.
- Je vais avoir droit au rêve rose bonbon ? Plaisanta Ellie moqueuse.
- Seulement ce que vous désirez le plus au monde. Ce que vous méritez d'avoir.
Il tendit la main vers elle.
- Un peu de courage, Ellie, jusqu'à présent vous n'en n'avez jamais manqué.
Ellie prit cette main et un nouveau flash lumineux lui fit fermer les yeux. Elle avait l'impression de rêver. Elle semblait flotter au-dessus d'une petite rue coquette. Elle vit un véhicule s'arrêter devant une grande maison en pierres taillées. Devant il y avait un petit bout de jardin fleuri et une jolie boîte aux lettres blanches en forme de maison. Elle vit un véhicule assez long se garer devant la maison et elle se regarda y descendre. Son ventre était arrondi par la maternité et son visage irradiait de bonheur. L'homme descendit à son tour, c'était Hans mais il ne portait pas sa tenue de pirate. Il portait une tenue de style militaire noire. Un manteau élégant noir doublé de rouge lui descendait jusqu'aux genoux et soulignait sa taille élégante et il portait un sous pull noir. Il se tourna vers la future maman et lui sourit avec tendresse. Il ouvrit la porte arrière. Il détacha Frank et Marie de leur siège rehausseur. Ils semblaient avoir deux et demi. Il posa les petits sur le sol et ceux-ci se mirent à gambader vers la maison. Ellie s'approcha de Hans et lui prit la main. Ellie put voir des alliances à leur doigt.
- Comment la trouves-tu ? S'enquit Harlock en lui souriant avec tendresse.
- Elle est magnifique mon ange !
Les deux amoureux s'embrassèrent avec passion puis ils allèrent dans la maison.
Le noir se fit et l'histoire reprit deux mois plus tard. La maison était recouverte de guirlandes lumineuses et une fine couche de neige recouvrait le sol et les maisons. L'esprit d'Ellie flotta jusque dans la maison. Elle vit les cadeaux sous le sapin de Noël. Elle se tourna vers le canapé où elle trouva Hans et elle-même tendrement allongés, enlacés sur le canapé. La main de son amour caressait son ventre arrondi et ils s'embrassaient avec tendresse. Les larmes d'Ellie coulèrent. Elle tendit la main vers le visage radieux de l'homme qu'elle aimait. Elle voulait tant être auprès de lui. Son esprit fusionna avec la Ellie du futur et elle sentit la douce étreinte d'Harlock, le velouté de ses lèvres. Toute son âme désirait être auprès de lui. Elle fut arrachée des bras de son amant. Son âme s'envolait et s'éloignait de lui. Elle se débattit de toutes ses forces puis elle se recroquevilla sur elle-même. Elle ne cessait d'appeler l'homme qu'elle aimait et elle fondit dans l'éclatante lumière blanche. Elle revit défiler toute sa vie. De sa naissance à sa vie d'adulte, ses études, son travail pour Gaia, la découverte de l'Arcadia, le départ d'Harlock puis l'explosion qui l'avait fait tomber dans un profond sommeil.
Le moniteur chargé de capter son activité cérébrale s'emballa et Ellie ouvrit brusquement les yeux. Son rythme cardiaque augmenta lorsqu'elle reconnut le plafond de son lit baldaquin qui se trouvait dans la cabine où Harlock l'avait installé.
Pour Harlock cette attente était interminable. L'état d'Ellie n'empirait pas, il était stationnaire. Chaque jour il faisait les soins nécessaires à la jeune femme et scrutait la moindre évolution sur l'encéphalogramme. Il ne cessait de se reprocher de ne pas l'avoir emmenée à bord de l'Arcadia ce jour-là. Cela faisait deux mois qu'il sillonnait l'espace à présent. Il caressa la joue d'Ellie et lui sourit tristement. Il regarda son cosmodragoon pensivement. Il caressa la crosse puis se leva. Il quitta la cabine pour se rendre dans la sienne. Toshiro n'aimait pas ce calme. Harlock aurait dû se révolter contre ce coup du sort. Il n'était pas un homme passif, c'était un battant. Il acceptait la situation bien trop facilement et il ne mangeait presque plus. Il fallait qu'il laisse exploser sa rage et seulement à ce moment-là il arriverait à prendre une décision froidement. Il devait trouver le moyen de le faire exploser et la seule façon était de lui faire mal. Cette idée l'écœurait mais il devait le faire pour Harlock. Hans se servit un verre d'alcool puis il alla vers la grande baie vitrée.
- Les constantes d'Ellie n'ont pas évolué, signala Toshiro. Qu'est-ce que tu comptes faire ?
- Attendre.
- Tu te berces d'illusion, se moqua Yattaran, elle est perdue. Je vais finir par croire qu'une malédiction touche toutes les femmes à qui tu donnes ton cœur.
Harlock sous la colère, explosa le verre entre ses doigts puis il se figea le cœur meurtri.
- Franchement, si tu l'avais emmenée à bord de l'Arcadia au lieu de l'abandonner sur Terre on n'en serait pas là. Reprocha Toshiro
Le capitaine reçu cette remarque comme un coup de poignard en plein cœur.
- Je me demande ce que les Mazones ont bien pu lui faire subir pour qu'elle finisse dans cet état. Qu'est-ce que tu crois qu'ils lui ont fait ?
Harlock ne voulait pas penser à cela. Cette pensée était beaucoup trop douloureuse pour lui.
- Sylvidra après avoir découvert que tu l'avais grugée a dû envoyer ses soldats à sa recherche et leur a donné l'ordre de la massacrer
- Tais-toi ! Ordonna Harlock en s'effondrant sur la table basse. Il tremblait de rage. Il n'avait qu'une envie, faire payer à Sylvidra, la mort de son fils ainsi que l'agonie de la femme qu'il aimait.
- Je me demande comment ils ont fait pour lui abîmer la cage thoracique comme cela. Ils l'ont peut-être torturée. Ce qui est bête c'est que les médecins n'ont pas vérifié si les soldats s'étaient un peu amusés avec elle ...Insinua Toshiro la mort dans l'âme de devoir faire souffrir son ami comme cela."
Harlock saisit la bouteille d'alcool et la fracassa contre le mur avec rage. Sa colère et sa haine se manifestaient enfin au grand soulagement de Toshiro qui assistait à cela en pleurant. Harlock massacra les meubles, les verres. Ses poings finirent ensanglantés. A cause de la poussée d'adrénaline, il ne s'était pas aperçu qu'il s'était fracturé le poignet gauche en frappant violemment la table basse en chêne. Sa rage dura des heures puis épuisé, à bout de souffle il quitta sa cabine pour aller veiller le corps de son fils dans le hangar. Toshiro le regarda s'éloigner puis il veilla sur Ellie.
Celle-ci releva le masque à oxygène puis elle regarda ses bras. Elle avait deux intraveineuses et sentait une gêne au niveau de son intimité. Elle saisit le combiné qui permettait de contacter les secteurs clefs de l'Arcadia. Elle essaya la timonerie, les machines, la cabine d'Harlock mais n'obtint aucune réponse. Les perfusions la gênant, elle les retira et tamponna le sang qui s'échappa un peu avec le drap puis elle contacta l'ordinateur.
- Vous m'entendez Toshiro ?
- C'est toi Ellie ! Hurla de joie l'ordinateur qui n'arrivait pas à croire un tel miracle.
- Ben oui c'est moi. Où est Hans ?
- Dans le hangar...Je vais essayer de l'appeler...Bon sang il ne répond pas !
- Ce n'est pas grave, je vais le rejoindre.
- Tu crois que tu arriveras à marcher ?
- Avec du mal, mais ça devrait aller...Par contre, j'ai un petit problème, avoua-t-elle embarrassée. On m'a placé une sonde urinaire, vous savez comment on l'enlève. Je n'ai pas envie de me promener avec un sac d'urine sous le bras.
- Euh je vais me renseigner...Accepta Toshiro
Il envoya un robot médical équipé du matériel nécessaire puis il fit ses recherches sur le web. Il trouva la procédure puis expliqua celle-ci à Ellie. Etant profane en la matière l'opération prit beaucoup de temps à la jeune femme. Une fois l'encombrant objet enlevé, elle s'assit lentement sur le lit. La tête lui tournait un peu et elle respira profondément. Au bout de quelques minutes, elle se leva lentement et se dirigea doucement vers son armoire. Elle trouva une tenue de nuit élégante de couleur rouge qu'elle passa puis elle mit la robe de chambre assortie. Equipée de mules elle quitta sa cabine et descendit vers le hangar. Elle avança lentement et vit au loin la grande silhouette noire de son amour. Elle entra dans le hangar et remarqua qu'il était près d'un caisson réfrigérant. Elle avait l'impression d'assister à la même scène que lorsqu'elle l'avait aidé à surmonter la mort de Mimée.
- Hans ? Appela-t-elle.
Harlock en entendant son prénom regarda vers la porte et vit Ellie. Il ne pouvait croire à ce qu'il voyait. Il pensait qu'il était de train de rêver, Ellie était dans le coma. La jeune femme s'approcha.
Elle remarqua le regard hagard de l'homme qu'elle aimait alors qu'elle s'approchait de lui. Le capitaine la regarda plus attentivement. La démarche était hésitante et difficile mais c'était bien elle, c'était Ellie. Son cœur se mit à battre plus rapidement dans sa poitrine et il la serra contre lui dès qu'elle fut près de lui. Il plongea son visage dans les cheveux de la jeune femme et Ellie sentit les larmes d'Harlock couler sur sa peau. Elle se serra contre lui. Harlock saisit son visage en lui souriant. La tendresse et la joie inondaient son visage. Il l'embrassa fougueusement. Ce baiser fit perdre son souffle à Ellie qui dû faire comprendre à Harlock qu'il devait s'arrêter.
- J'ai cru que je t'avais perdu ma chérie, murmura-t-il en la serrant à nouveau contre lui.
- Je crois que je ne suis pas passée loin de la mort mon ange. Qu'est-ce que tu fais ici ?
Harlock s'éloigna d'elle et elle vit le corps de Mark dans le caisson. Elle toucha d'une main tremblante la paroi et ses larmes se mirent à couler.
- Qu'est-ce qu'il s'est passé ? S'enquit-elle en essayant de cacher ses pleurs.
- Les nanos de Ryo ont fonctionné mais Sylvidra avait piégé les siens pour qu'ils empoisonnent leur hôte à la moindre tentative pour le sauver.
- Oh, ce n'est pas vrai ! Se désola Ellie. Comment peut-on faire cela à son enfant ?
En se relevant elle vit le sang coagulé sur les gants de son amour. Elle toucha ses mains.
- Mon Dieu, mais qu'est-ce qui t'est arrivé ? S'inquiéta-t-elle.
- Ce n'est rien, ce ne sont que des égratignures, indiqua Harlock gêné qui retira sa main prestement.
- Il faut soigner cela. Viens avec moi.
Ellie commençait à quitter le hangar et Harlock la saisit par la taille pour l'aider à marcher. Ellie proposa d'aller dans la cabine d'Harlock mais celui-ci gêné proposa l'infirmerie. Ellie prépara une grande bassine remplie d'eau stérile et y fit tremper les mains de son ange. Le sang avait coagulé et elle ne voulait lui faire mal en enlevant les gants d'un coup sec. Une fois ceux-ci enlevés, elle put constater les dégâts. Les belles et grandes mains d'Harlock étaient couvertes de meurtrissures qu'elle soigna avec douceur puis elle lui mit un bandage. En s'occupant de la main gauche elle vit Harlock hésiter un peu et elle lui fit passer une radio. Le verdict de Toshiro fut sans appel, Harlock s'était cassé le poignet. Ellie lui plaça un gantelet rigide fermé grâce à des lanières. Son poignet allait devoir rester immobilisé pendant six semaines.
- Comment t'es-tu fais cela ? L'interrogea Ellie.
- Je ne me rappelle plus, éluda le capitaine en détournant le regard.
- Hans, tu penses vraiment que je vais croire cela ? L'interrogea-t-elle incrédule.
Elle n'obtint aucune autre réponse.
- Très bien. Est-ce que la bataille a été un succès ?
- Oui. Tu veux bien me dire comment tu as été blessée ?
- Je préférerai qu'on en parle plus tard. Je dois aller récupérer nos jumeaux. Est-ce que l'on peut retourner sur Amos ? Souhaita Ellie.
- Bien sûr. Tu devrais retourner te reposer Ellie, tu es très pâle.
- Ca va aller ne t'inquiète pas, affirma-t-elle en lui caressant la joue avec douceur.
Elle lui fit un sourire radieux. Ellie était heureuse, elle avait retrouvé son ange et elle espérait bien que son joli rêve deviendrait réalité.
Toshiro fit demi-tour avec plaisir et l'Arcadia repartit pour Amos.
